🌼 CHAPITRE 25 🌼
Si les miracles devaient exister, Joséphine Conquérant était en train d'en vivre un. Voilà que les différents problèmes qui la préoccupait jusqu'à présent, semblaient disparaître un à un comme si soudainement sa bonne étoile venait de s'éveiller.
Regardant par la fenêtre du bureau, Joséphine repensa aux trois derniers mois qui venaient de s'écouler. Sa rencontre avec le Duc, la mort de son père, son enlèvement par le Comte, sa rencontre avec la Duchesse, son opposition face à la Princesse. Elle avait rapidement réalisé qu'elle jouait avec et contre des gens ayant un pouvoir la dépassant de loin. Elle qui n'était que l'aînée d'une modeste famille bourgeoise n'avait jamais imaginé un jour se retrouver confronter à ce monde-là et pourtant, une part d'elle savait cela inévitable. Elle savait que pour avoir la vie qu'elle souhaitait avoir, elle allait devoir se battre, et ce, contre bien des choses. Contre bien des gens. Encore aujourd'hui, Joséphine savait qu'elle n'appartenait pas à ce monde-là, comme si sa place, de façon inexplicable, se trouvait ailleurs. Loin d'ici, par delà les océans qu'elle désirait tant chevaucher au moins une fois.
Replongeant une nouvelle fois dans les documents et les dossiers que lui avait donné Samuel, s'étant depuis retiré, Joséphine s'éprend de curiosité pour ce nouveau partenaire commercial dont elle ignorait tout si ce n'est le nom et le statut. Sortant les vieilles cartes marines de son père, elle se prit à chercher le Sultanat d'Omyr sur ces dernières, le découvrant alors non loin des côtes du Royaume. L'étendu terrestre semblait être aussi grande si ce n'est plus et de ce qu'elle savait de part ses études, le Sultanat et le Royaume entretenaient jusqu'à présent des relations cordiales. Ni alliées. Ni ennemies. Commerciales serait même peut-être le plus juste pour définir le lien unissant les deux nations. Commerciale. Voilà qui l'arrangeait bien. Elle qui semblait avoir perdu tout espoir d'un jour pouvoir sauver ce pour quoi son père avait si durement travaillé, venait de retrouver une lueur à laquelle se raccrocher.
A présent, tout ce qu'il lui restait à faire, c'était d'attendre patiemment que la délégation d'Omyr vienne afin de rencontrer l'homme ayant son avenir entre ses doigts.
Sortant du bureau, Joséphine marqua un arrêt à hauteur d'un ponton, regardant les différents navires dans la baie, laissant la brise marine soulever les quelques mèches de ses cheveux tandis qu'un sourire semble se dessiner progressivement sur son visage. Pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, mise face à cette scène, Joséphine se sentit libre. Un sentiment enivrant qu'elle pensait avoir oublié tant ce dernier lui avait manqué, mais elle savait que ce bref instant ne durerait pas et qu'il ne l'habiterait que tant qu'elle se tiendrait si près de l'eau. Cela avait toujours été ainsi. Du plus loin qu'elle puisse s'en souvenir, Joséphine voulait voyager. Partir. Tout quitter, mais sans rien abandonner. Peut-être venait-elle d'avoir l'opportunité grâce à son frère cadet. Grâce à Samuel qu'elle ne manquerait pas de remercier.
Les jours qui suivirent ne manquèrent pas de rappeler à la toute jeune Baronne ses responsabilités aussi bien anciennes que nouvelles. Thomas et Ambre reprirent leur éducation grâce à des tuteurs nouvellement rémunérés, Ninon devint bien malgré elle la gouvernante de la maison et elle qui avait demandé un siège au Comité de la Chambre du Commerce, s'aperçut qu'être une femme était quelque chose, mais être une cheffe d'entreprise était tout autre chose et chaque réunion ne fut qu'épuisement, défis et envie de frapper ses homologues masculins qui la regardèrent avec dédain.
Outre cela, une certaine promesse lui restait à tenir : Transmettre son titre de propriété au Duc de Varsox. Voilà déjà une semaine que Jonah était partit en quête de ce qu'il lui appartenait et son absence se faisait ressentir aussi bien dans les commérages, que dans les salons de thé et les soirées. Le fait que le jeune Duc, soit disant éprit de Joséphine, soit repartit, cela n'annonçait rien de bon pour la fin de la saison mondaine. Néanmoins, Joséphine elle-même très prise, n'eut guère le temps ni même le loisir de s'accorder un instant pour prêter une oreille attentive aux derniers commérages. Loin de là. Ces derniers semblaient lui glisser sur la peau. Pourtant, il n'y eut pas une nuit, où elle ne relisait pas secrètement le soir, la dernière lettre lui étant adressée.
La jeune femme, bien qu'elle éprouvait un semblant de culpabilité concernant la fin de leur relation, avait la conviction que sa route, finirait par recroiser celle du Duc. C'était pour elle, qu'une question de temps car ce dernier finissait toujours par réapparaître quand elle s'y attendait le moins.
Et actuellement, Joséphine s'y attends. Elle s'attend à le voir au détour des quais, des rues marchandes ou bien même du parc dans lequel ils se sont longuement promenés. Ses yeux, bien qu'elle le fasse inconsciemment, le cherche dans la foule et quand elle croit reconnaître sa silhouette, elle se surprends à dévisager furieusement un inconnu. Jonah n'est pas là et parfois, elle se surprends à se demander ce qu'il fait, s'il pense également à elle et si il partage cette certitude.
- Un vieux loup de mer comme moi a rarement vu un sourire aussi mélancolique ! fit remarquer une voix non loin de Joséphine
Sans même avoir besoin de détourner le regard, la jeune femme sourit en reconnaissant ledit propriétaire de cette voix et ce n'est que quand elle se retourna qu'elle constata avec étonnement un vieil homme assit sur un banc à quelques mètres d'elle.
- Ce déguisement réussit-il à tromper qui que ce soit ? relança Joséphine amusée en remarquant que le postiche servant de fausse barbe semblait donner du lest.
- Suffisamment pour que je sois ici et n'est-ce pas tout ce qui compte ? sourit l'inconnu déguisé à son tour tout en glissant un clin d'oeil à son égard.
Allant s'asseoir à ses côtés, Joséphine ne put s'empêcher de le détailler du regard. Il s'agissait effectivement d'un très bon trompe-oeil, mais quand on y regardait de plus près, plusieurs détails sonnaient étrangement faux.
- Que faites-vous ici, Votre Altesse ? demanda alors la jeune femme en arquant un sourcil curieux
- Que pourrais-je dire pour ma défense ? L'agréable compagnie me manquait ? Quoique je ne fus pas en manque ces derniers jours.
- Je doute être de bonne compagnie actuellement, je suis même plutôt occupée.
- Pas suffisamment à mon goût. Quelqu'un d'occuper a-t-il le temps de flâner ? lança-t-il, J'en doute fortement.
- Je ne pense pas que vous vous soyez donné tant de mal pour trouver un accoutrement aussi ridicule dans le seul but de vous moquer de moi.
- Voilà ce que j'aime tant chez vous, Joséphine, votre perspicacité. Vous lisez en moi comme dans un livre ! Hélas, quel dommage que je ne puisse vous faire profiter des mille et unes phrases que j'aurai à vous conter si je vous tenais auprès de moi.
- Si je ne vous connaissais pas, je pourrais dire, ma foi, que vous essayez de me séduire. Je ne savais pas que les Princes n'avaient que pour seule préoccupation dans une vie que de détourner les demoiselles du droit chemin.
- Touché coulé. En plein cœur, mima-t-il en tenant sa poitrine, mais suis-je n'importe quel Prince ? Je le pourrais, mais cela serait alors bien ennuyeux pour vous comme pour moi. En outre, j'aime beaucoup trop la frivolité pour l'abandonner !
- Pourquoi vous êtes-vous risqué à venir me trouver Lucien ? Que me voulez-vous ?
- Ne puis-je prendre quelques minutes de votre temps afin de savourer cet agréable moment ?
- Je crains que vous me fassiez perdre mon temps, justement. Je vous écoute.
- Quelle femme dure et froide vous êtes Joséphine, avoua-t-il tristement, Néanmoins, n'est-ce pas pour cela que vous êtes si charmante, si attirante et, si je puis me le permettre, si désirable ?
- Gardez donc vos désirs les plus fous dans un coin de votre esprit délabré, je vous en pris. Je ne tiens pas les connaître.
- Vous ne savez pas ce que vous ratez. Je pourrais faire de vous une Reine si vous le désiriez.
Une «reine» allons bon, voilà ce qu'il ne fallait pas entendre et tandis que Lucien s'amusa de ses propos, Joséphine soupira tout en adressant un regard perdu au ciel. Pourquoi fallait-il que son chemin recroise celui de cet homme alors qu'elle avait tant donné pour qu'il puisse jouir pleinement de toute sa liberté ? Que faisait-il ici ? En pleine centre-ville, à quelques kilomètres à peine du Palais alors que les membres même de la famille royale semblaient le rechercher ?
- J'ai deux cadeaux pour vous, Joséphine. Tout d'abord, celui-ci : Un lilas rose.
- Je ne suis pas d'un grand savoir sur les fleurs, mais un lilas rose ne symbolise-t-il pas une amitié que l'on aimerait voir perdurer sur le temps ?
A cette question, Lucien n'apporta aucune réponse. Il se contenta d'un franc sourire avant de farfouiller dans la poche de sa veste intérieure.
- Veuillez prendre également ceci, elle n'est pas de moi, j'aurai aimé cependant, mais d'un ami que nous avons en commun.
Une rose. Rouge.
Les roses rouges sont, dans le langage des fleurs, offertes pour exprimer de la manière la plus simple un "Je t'aime" et alors que Joséphine sourit en dévisageant la fleur se trouvant délicatement dans ses mains, un petit bout de papier semblait y être attaché autour. Adressant un regard interrogateur à Lucien, ce dernier fit mine de rien, allant jusqu'à détourner le regard, la laissant pleinement saisir le moment et le mot lui étant adressé. Il n'était pas long, seulement quelques mots et encore.
Seulement quelques mots et pourtant. Ces mots furent tout ce dont elle pouvait rêver.
« Un saule pleureur peut-il faire votre bonheur gente dame ? »
Curieuse, Joséphine émue par le geste, dévisagea Lucien qui lui souriait tendrement.
- J'ai ouïe dire que ce jour était une occasion toute particulière. Soyez prête pour vingt heures, une voiture vous attendra devant chez vous.
- Seriez-vous devenu messager Votre Altesse ?
- Sachez ma chère Baronne, que je suis un homme possédant bien des talents, mais s'il y a un domaine dans lequel je sais me démarquer, c'est dans le fait de faire le bonheur de ces dames ! Je ne suis, à vos yeux, probablement qu'un homme à femmes, un coureur de jupons, c'est hélas bien vrai, mais les femmes je les aimes quand elles sont heureuses. Alors, Baronne, soyez heureuse !
Se levant brusquement du banc en mimant la démarche d'un homme âgé, Lucien marqua une halte.
- N'oubliez pas, vingt heures et veillez à mettre votre plus belle robe !
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