🌼 CHAPITRE 23 🌼

Le jeune Duc revenu plus tard dans l'après-midi et découvrit non sans un soupir, une maison devenue silencieuse. Maximilien, fidèle à son poste et surtout à son ami, le suivit où que ce dernier se rendit. Il le suivit sans un mot, sans lui poser la moindre question et le regarda se jeter de tout son poids sur le canapé du salon. Son visage était marqué par des coups, probablement ceux de Lucien, mais outre les blessures externes, il voyait en son maître une autre marque pourtant parfaitement invisible. Rares furent les fois où Jonah affichait sciemment sa peine et les seules fois où il se l'autorisa furent pour l'anniversaire de la mort de son père et tout récemment...lorsque quelque chose le contrariait vis à vis de Joséphine Conquérant. La date de la mort du précédent Duc étant encore loin, il devina alors sans mal que la deuxième option était la plus probable car jusqu'il y a quelques heures encore, elle l'avait regardé avec les mêmes yeux désespérés.

- Monsieur ? demanda Maximilien

- Je sais déjà ce que tu vas me dire et je n'ai pas envie de l'entendre, répondit Jonah en s'affalant davantage

- Me payez-vous pour que je vous dise ce que vous aimez entendre ? Je crains que non.

- Très bien. Je t'écoute.

Bien qu'il pouvait parfaitement entendre la voix de Maximilien bourdonner tel un frelon, le Duc fut bien incapable d'écouter ce que lui disait son ami. Ses mots n'étaient qu'un écho lointain et rien de ce qui semblait lui être rapporté réussissait à capter son attention car Jonah n'avait cessé de repenser aux mots de Joséphine. Au plus profond de lui-même, il savait qu'elle avait eu raison de s'éloigner, tous deux avaient bien trop de choses à faire et à régler pour réussir à s'aimer dans cette guerre invisible que chacun menait de son côté. Cependant, il aurait aimé que les choses se passent différemment. Peut-être n'avait-il pas été suffisamment convainquant ou peut-être avait-elle raison sur le simple fait qu'il n'était pas temps de s'aimer pleinement. Cela lui faisait mal de l'admettre, mais devant un tel constat, un léger sourire naquit sur le bord de ses lèvres, à peine celui-ci fut-il perceptible.

«Évidemment. Elle a toujours été plus sage» pensa Jonah en la revoyant, de dos passant le seuil de la porte.

Voyant son maître et ami se redresser soudainement, Maximilien fit un pas en arrière. L'avait-il mis en colère ? Dit la moindre chose contrariante ? Non. Il n'eut même pas le loisir de finir son rapport sur ces derniers jours. Sur Hélène. Avait-il seulement écouter ? Certainement pas.

- Monsieur ?

- Maximilien, depuis combien de nous nous battons-nous contre la Duchesse ? Depuis combien de temps sommes-nous là, cachés entre ces murs, essayant tant bien que mal d'avancer dans notre projet ?

- Quelques mois, Monsieur, je dirais.

- Des mois, hein ? releva Jonah, Peut-être est-il venu le temps où nous devrions arrêter de jouer selon les règles. Lucien. Hélène. Les revoir m'a déplu au plus haut point, mais cela m'a permis de me rappeler de tant de choses. Cela ne nous ressemble pas d'attendre et de jouer les gentils garçons. Nous n'avons jamais été les gentils dans toutes les histoires que nous avons vécus toi et moi, dit-il alors d'un ton plus saccadé, détaché et presque froid.

- J'ai peur de vous suivre. Auriez-vous l'attention de ... ?

- Honnêtement Max, je suis lasse de voir tout ce que je désire me filer entre les doigts à chaque fois.

- Néanmoins, dois-je vous rappeler que le Duché est sous la protection de... annonce Maximilien

- Je n'en ai que faire. Ces terres, ma famille s'est battue pour les obtenir. Nous y avons versé notre sang, nos larmes et notre sueur et je ne laisserais personne ruiner le labeur de ces gens. Pas même ma tante.

- Avec tout le respect que je vous dois et bien que je vous suivrais, et ce, peu importe votre choix, je me dois de vous prévenir que ce plan, si tentait que ça en est un, est dangereux, risqué et qu'il est fort probable que la Duchesse ne nous laissera pas venir à elle.

- Vraiment ? S'y attend-t-elle au moins ?

Sacha de Varsox était présentement la femme la plus puissante du Royaume après les membres de la famille royale. Elle détenait le titre le plus important. Entretenait les terres les plus lucratives du Royaume et possédait plus d'un trésor et plus d'une richesse. En outre, rares furent les occasions présentes pour ne serait-ce que l'apercevoir. Les rumeurs à son sujet étaient nombreuses, certaines mettait même son absence des cercles sociaux sur le dos de son infini deuil concernant son frère. Pourtant, la Duchesse a fait une apparition le soir du bal de la Princesse. Contre toute attente, elle est resté en ville pendant plus de vingt quatre heures alors qu'on s'attendait à ce qu'elle reparte directement au Duché. Mais il n'en fut rien. Elle était restée. Et bien qu'il n'y avait pas pensé davantage, Jonah savait qu'il existait un lien entre elle et la mort du Comte Detina. La famille Detina n'était en soi pas une menace pour son pouvoir et son ascension vers ce dernier, mais elle avait vue une occasion de se débarrasser de la très jeune Baronne Conquérant qui, elle, venait d'hériter par le fruit d'un hasard dès plus chanceux, d'une partie de son Duché. La voilà donc diminuée de certaines parcelles de ses terres et ceci ne sera pas sans lui plaire.

Et le meilleur moyen de récupérer ce titre de propriété, était de le transféré à son nom...

- Maximilien, fais donc les préparations pour notre départ.

- Mais nous n'avons rien réglé de ce que nous devions faire en ville !

- Cela attendra. Nous partons.

- Grand dieu seigneur...Puis-je néanmoins vous inviter à prendre la nuit pour réfléchir à votre décision ? Il paraîtrait que cette dernière porte conseil.

C'est tout réfléchit. Il fallait que les choses rentrent dans l'ordre et si, pour cela, Jonah devait retourner le Royaume tout entier alors il le fera. Pendant des mois il a tenté de séduire et charmer plus d'un noble pouvant soutenir sa cause et lui prêter main forte, hélas, mise à part les femmes et les filles de ces derniers, personne ne semblait s'intéresser au fait de s'en prendre à la femme la plus fortunée du Royaume. Il pouvait le comprendre, mais ne pouvait le tolérer. Tous se donnaient des prétextes et des excuses qu'il peinait à suivre et pour les seuls suffisamment lucides, la plupart des réclamations de contrepartie furent autour de la promesse d'un mariage. Oh que non. Plutôt échouer que de se marier à une inconnue. Plutôt se ruiner que de se voir coincer, une vie entière, avec une femme ayant pour seul et unique désir de parader à son bras, l'affichant ici et là comme un trophée.

- Ou du moins, si vous ne voulez pas y réfléchir, prenez au moins le temps d'écrire une lettre. Cela serait la moindre des choses il me semble, signifia Maximilien en se retirant progressivement déjà lassé devant tout ce qui l'attends.

- Et à qui cette dernière serait-elle destinée ?

- A la Baronne, non ? Ne voudriez-vous pas l'informer de votre départ ?

Il est vrai. Bien que Jonah était soudainement déterminé à en finir, pendant un bref instant, Joséphine lui était sortie de la tête. Chose bien difficile quand on sait que cette dernière a habitée son esprit pendant tant de nuits et de journées entières. Mais comment lui annoncer ? Cela en valait-il réellement la peine ? Joséphine Conquérant devait elle aussi avoir bien des choses à faire maintenant, peut-être ne serait-il pas pertinent de l'informer. Non. Il le devait. Bien qu'ils se soient accordés ce temps de séparation, Joséphine n'avait rien dit concernant leurs fiançailles. Ils s'étaient promis, l'un à l'autre et Jonah espérait bien épouser celle-ci une fois que cette bataille infernale sera finie.

Assis au petit bureau de bois de chêne se trouvant dans sa chambre, faisant face à la rue à peine fréquentée, Jonah se retrouva plongé dans ses pensées tandis que devant lui trônait une feuille de papier. A peine s'était-il enfermé dans la pièce, ne désirant qu'une chose, s'endormir pour oublier tout ce qu'il venait de vivre, que les mots de Maximilien revinrent le hanter telle une réprimande. Évidemment qu'il avait raison, Maximilien est la seule personne connaissant Jonah probablement mieux que lui-même, et il savait que s'il n'écrivait pas cette lettre, il finirait un jour par le regretter. Mais qu'est-ce qu'un regret de plus ou de moins sur cette liste interminable qu'il promène avec lui depuis tant d'années ?

« Ma douce Joséphine,

J'espère de tout cœur que cette lettre saura vous trouver en temps et en heure. J'ai longuement réfléchi aux mots que vous m'avez dit et vous avez très certainement eu raison bien que ces derniers m'aient profondément contrarié sur l'instant. Nous avons tous deux d'importantes choses à régler et nous ne pouvons nous aimer au grand jour avant d'avoir résolu nos affaires respectives. Honnêtement, je ne sais comment je ferais sans vous à mes côtés, sans vous voir autant que je le voudrais ni même vous caresser quand je le désirerais. La simple pensée de me voir séparer de vous m'attriste au plus profond, mais sachez que mes sentiments à votre égard demeurent inchangés.

Je m'en vais, Joséphine. Je rentre chez moi. Je ne sais ce qui m'attends ni combien de temps je mettrais là-bas à retrouver ce qui est mien, mais après tout ce temps à tergiverser et à me cacher derrière de sombres excuses, je pense qu'il est grand temps pour moi de suivre votre exemple. Vous êtes un modèle de courage et je garderais votre image dans un coin de mon esprit.

Je prie pour que l'on puisse un jour se retrouver vous et moi.

Tendrement,

Jonah.»

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