🌼 CHAPITRE 2 🌼
Ce que personne ne savait sur Maximilien, pas même le Duc de Varsox, c'est que ce dernier cachait sur lui un carnet. Assez petit pour tenir dans une poche et contenant pas plus d'une dizaine de feuilles. Toutes griffonnées. Des listes de noms : d'amis, de potentiels alliés pour se ranger du côté de Jonah dans sa prise de pouvoir par la force, mais aussi de gens peu fréquentables. Et tout en haut de cette dite liste se tenait un nom : Celui de Lucien.
Peu importe les années passées, s'il y a bien une personne à laquelle Maximilien peine à accorder son pardon, c'est bien lui. Alors l'idée d'aller dans les bas fonds de la ville à sa recherche et loin de l'enchanter. Leurs retrouvailles est loin de l'enchanter et il est fort probable que Jonah soit du même avis que lui, néanmoins le Duc a raison sur un point : Lucien sait faire son travail.
- Vous vous absentez ?
La voix douce et discrète de Ninon porte dans le couloir tel une brise légère, arrêtant le jeune conseiller dans son action tandis que ce dernier s'apprêtait à quitter la demeure. Se retournant vivement vers elle, il la découvre vêtue d'une robe légère et d'un châle porté sur ses épaules. Bien des choses et des événements se sont déroulés ces derniers jours et l'emménagement de la famille Conquérant ainsi que des deux ou trois domestiques restants avait été un bouleversement majeure pour la demeure longtemps restée silencieuse. Un silence dont il s'était accommodé, jusqu'à ce qu'elle vienne le briser. Elle et les deux petits démons l'accompagnant. Il n'avait pas grand avis sur la dame de compagnie de la Baronne, mais il ne peut nier que les quelques moments passés avec elle furent particulièrement divertissant, chose qu'il ne s'était plus permis de faire depuis qu'il s'était mit au service de Jonah.
- En effet, j'ai une course à faire en ville, répond Jonah d'un ton le plus neutre possible
- Reviendriez-vous pour le déjeuner ?
- J'en doute.
Une part de lui avait de la peine pour Ninon. Elle était seule. Dans un milieu qu'il ne lui était pas familier, devant s'occuper d'une famille complètement brisée. L'aînée est en fuite. Le deuxième ne peut revenir et les deux derniers...oh les deux derniers...Il faut être sourd pour les ignorer. Cependant, jamais elle n'avait montré un signe de faiblesse devant eux. Dès qu'ils appelaient, elle était là. Le moindre de leur besoin était devenu sa priorité numéro un.
- Désirez-vous...Désirez-vous quelque chose pendant que j'y suis ? propose alors Maximilien tandis que son regard peine à soutenir celui de la jeune femme se tenant devant lui, Peut-être pourrais-je m'arrêter à la librairie ?
La librairie. A la simple mention de cet endroit, un sourire amusé néanmoins discret apparaît sur son visage. Il ne pouvait oublier ce qu'il s'y était passé ni même la façon dont ils se sont tous deux rencontrés. Aujourd'hui seulement, il comprends alors toute l'ardeur qu'a eu Ninon à ce moment-là tandis qu'elle défendait sa maîtresse. Il y avait quelque chose de tout à fait impressionnant forçant l'admiration chez Joséphine Conquérant et il ne saurait dire quoi. Voilà peut-être ce qui le contrariait le plus chez elle. C'est cette manie qu'elle avait de toujours réussir à le surprendre. Dans ses gestes. Dans ses mots.
Surprise que ne semblait guère partagé Jonah tandis qu'il y a quelques mois de cela, ce dernier lui avait parié que la société finirait par ne parler que d'elle. N'est-ce pas ce qui se passe aujourd'hui avec toute cette sombre affaire ?
- Un livre m'irait très bien, oui. Je vous remercie, sourit faiblement Ninon d'un hochement de tête.
- Va pour un livre, alors. Et sachez qu'un médecin passera également plus tard dans la matinée. J'ai fais demandé quelqu'un de confiance pour...
- Vous avez toute ma gratitude. Vraiment. Je ne sais pas ce que nous ferions sans vous, sans Son Excellence qui nous aide alors que...
Elle marque un arrêt et ne finit pas sa phrase, mais il ne lui ai pas difficile de la deviner. Il y a quelques années en arrière, Maximilien était à la place de Ninon. Aux abois. Désespéré. Désemparé. Et arrivant du ciel, tel un cadeau béni répondant à ses prières les plus secrètes, Jonah est arrivé dans sa vie. Il n'a jamais su comment le remercier alors il s'est tout bonnement lié à lui, se mettant à son service et bien que cette vie ne semble être qu'une vie de labeur, c'est également une vie d'honneur car à ses yeux, il n'existe guère meilleure personne à servir sur cette terre que le Duc.
- Si vous tenez à remercier quelqu'un, remercier Son Excellence. Je n'ai pas assez fait pour vous pour mériter une telle attention. Bien au contraire. Néanmoins, je compte me rattraper et corriger les préjugés que j'ai eu concernant votre famille. Il ne m'est peut-être pas possible de vous aider pleinement, mais vous avez mon soutien et sachez que si vous avez le moindre besoin, la moindre demande ou si...par le plus grand des hasards vous recherchez simplement quelqu'un avec qui parler, je peux être là pour vous. Non. Je serais là pour vous. A présent, si vous voulez bien m'excuser.
Ne lui laissant guère le temps de digérer ses mots, Maximilien se sauve, les joues légèrement rougit par son propos. Jamais encore il n'avait eu de tels mots et lui-même ne s'attendait pas à s'entendre dire un tel discours, mais il n'y avait rien de faux dans ce qu'il venait d'annoncer. Il souhaitait, lui aussi, être là pour les Conquérant et pour Ninon si le besoin s'en faisait ressentir. Cependant, la jeune femme passa le plus clair de ses journées auprès des siens et le reste de ses nuits, bien que difficiles, il n'osa guère la retrouver pour la consoler tandis que parfois, il pouvait l'entendre pleurer de l'autre côté du couloir à l'abri des regards.
Bien que Maximilien eut tendance à se cacher derrière l'étiquette de «conseiller», il était lui aussi un jeune homme aux multiples talents et donc «trouver» un homme tel que Lucien, connaissant ses habitudes et ses penchants, cela ne releva guère d'une tâche difficile. Ce n'est qu'en se rendant dans la quatrième maison close de la ville, située dans un quartier très peu recommandable, qu'il le retrouva. Une jeune fille, peut-être légèrement plus jeune que la jeune Conquérant lui indiqua où trouver l'homme «ayant un œil de chaque couleur». A l'étage, dans une chambre et visiblement occupé.
Passant le pas de la porte et laissant cette dernière grande ouverte, le jeune homme ne dit pas un homme. Au lieu de ça, il resta immobile, appuyé contre une poutre, attendant que son interlocuteur au dos tourné ait fini son affaire.
- Ton manque de manières est sidérant, Max, rit alors Lucien, Sur ce point-là, tu n'as guère changé, je dois bien le reconnaître.
- Nous devons parlé. Peux-tu finir ton affaire rapidement ?
- Quel personnage désagréable.
Se retirant de la jeune femme avec laquelle il partageait son lit, Lucien lui jette alors sa robe traînant à même le sol, lui ordonnant de partir et ce n'est qu'au départ de cette dernière que Maximilien donna un franc coup de pied à la porte, la claquant sur son passage.
- Comment savais-tu où me trouver ? l'interroge Lucien en se rhabillant également
- Disons simplement qu'un chien errant a tendance à toujours traîner autour des poubelles. Ce n'est pas une tâche bien compliquée.
- Je suis vexé. Un chien ne suit-il pas plutôt ses maîtres ?
- Ne te moque pas, je sais que tu es arrivé en ville à peu près en même temps que nous.
Un rire gras, une nouvelle fois. Qu'il pouvait le détester ce rire-là.
- Jonah sait-il que tu es là ?
- C'est même lui qui m'envoie. Et ne vois pas là un quelconque message caché.
- Moi ? Suis-je de ce genre-là ? J'ai bien compris que Son Excellence et moi n'allions plus partager d'intérêt commun. Ce qui m'attriste au plus haut point car j'ai rarement connu un partenaire de jeu tel que celui-ci.
- Surveille tes paroles, siffle Maximilien
- Et apprends à te détendre ! Ne sommes-nous pas dans la maison même du plaisir ? Tu n'es pas venu jusqu'ici pour faire ton rabajois et me cracher ton venin au visage quand même ? Bien que je l'aurais mérité, je le conçois.
- Tu le conçois ? Sais-tu seulement ce qu'il s'est passé après que tu sois partis ? Sais-tu seulement les problèmes que nous avons eu et ce que nous avons dû faire pour nous en sortir ? insiste le jeune homme en serrant ses poings, tentant tant bien que mal de maîtriser sa colère
- Ne viens pas me reprocher quelque chose dont vous étiez parfaitement au courant. Du départ vous saviez que je n'étais pas comme vous et pourtant, nous avons tout de même passé un bon moment ensemble. Du moins, j'ai des souvenirs de certains moments avec Jonah particulièrement...marquants si je puis dire !
- Lucien !
Ah. C'est vrai. Peut-être avait-il oublié cela, mais s'il y a bien quelque chose qui amusait particulièrement Lucien, c'était de le mettre en colère. Il savait sur quelle blessure appuyer ou sur quelle corde frapper. Il les connaissaient. Sans doute bien mieux qu'ils ne voudraient bien s'accorder à le dire.
S'approchant alors de Maximilien, Lucien s'arrête seulement de façon à se tenir devant lui, se penchant légèrement en avant tandis que sa main vient agripper son épaule avec force.
- Tu diras ceci à ton maître qui t'envoie : Si tu veux me demander quelque chose, tu sais ce que tu dois faire.
Néanmoins, s'attendant à un tel comportement de sa part, le conseiller du Duc n'était pas venu les mains vides, bien au contraire. Dans chacune des poches de son manteau, d'épaisses bourses en cuir furent allègrement jetées sur le lit défait.
- Qu'est-ce donc ? s'intrigue Lucien en souriant amusé.
- Une avance. Pour que tu écoutes ce que j'ai à te dire. Tu auras le reste après.
- Là tu m'intrigues, mais Max...Tout à fait entre nous ? Tu n'as jamais été bon dans le rôle du messager. Mais par égard pour toi, je veux bien rester ici jusqu'à minuit et j'espère recevoir une agréable visite !
- Donc tu ne vas même pas me prêter une oreille ? s'insurge Maximilien
- Cela fait peut-être cinq ans, mais je ne suis pas un idiot né de la dernière pluie. Si, après tout ce temps Jonah me cherche, c'est qu'il a une faveur suffisamment importante à me demander. Et si tel est le cas, j'aimerais l'entendre de la bouche du principal intéressé. Ne sois pas vexé Maximignon, car bien que tu sois tout à fait appétissant dans ton costume, j'ai toujours eu une préférence pour les Ducs rebelles. Va donc me le chercher, tu seras choux.
Il n'y avait rien de plus révoltant que d'être ainsi traité et mis de côté, mais Maximilien n'en montra presque rien si ce n'est quelque écart commit ici et là. Ô qu'il en rêvait de ce doux moment où il viendrait à réussir ne serait-ce qu'à lui mettre un coup, mais il est fort à parier que Lucien réussirait à l'éviter. Car Lucien a toujours réussi à tout éviter.
Même la colère de Jonah, et ce, du moins jusqu'à ce jour.
- Je te méprise sincèrement Lucien, souffle Maximilien en quittant la pièce
- Je sais, mais j'en connais un autre qui, durant un temps, a eu un avis tout à fait contraire et s'il me demande aujourd'hui c'est qu'il a une sacrée bonne raison de revenir vers moi et je veux savoir ce que c'est. Peut-être m'amuserais-je assez ?
Ou peut-être serait-ce lui qui s'en amuserait, qui sait ? L'avenir, dit-on mon ami, est une chose bien volatile et imprévisible à ce qu'il paraîtrait.
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