🌼 CHAPITRE 17 🌼
Attendant que Joséphine se rendorme paisiblement dans ses bras, Jonah finit par quitter la pièce, refermant avec grande attention la porte de la chambre derrière lui. Le matin avait finit par s'installer et tandis que les oiseaux commençaient à entamer leurs chants dehors, la maisonnée, elle, était encore endormie. Descendant les marches de l'escalier une par une et à pas de loup, il finit par découvrir une silhouette adossée dans le sofa près de la cheminée se résumant à cendres et légers crépitements et ce n'est qu'à cet instant, qu'un soupir lui échappa.
Il avait passé la majorité de ces derniers mois voir de ces dernières années à tenter de mettre certaines choses derrière lui, d'oublier tout ce qu'il s'était passé, mais voilà que sa course, aussi folle et intrépide fut-elle, s'arrête aujourd'hui sur le seuil d'une maisonnée.
- Tu n'as jamais été doué pour les discussions, lance alors subitement Lucien en rompant le silence ambiant
Se penchant à son égard, ce dernier l'invite à le rejoindre, lui tendant une tasse encore chaude d'un breuvage dont la couleur ne lui était guère familière. Il la prit et partit s'adosser contre la cheminée.
- Sommes-nous voués à nous détester jusqu'à la fin de nos jours ? lui demande-t-il alors.
- Je n'en sais rien. J'aurai aimé que cela ne soit pas le cas, mais je ne peux pas non plus t'apprécier, lui répond Jonah, Je ne peux plus.
- Néanmoins, tu n'as pas le visage d'un homme passible. Je ne connais que trop ce visage, ces traits tristes et tirés, ce pincement de la lèvre que tu essayes tant bien que mal de dissimuler. N'aurais-tu dont pas quelque chose à me dire ou alors dois-je regarder par la fenêtre pour deviner ?
- Crois-moi, j'aurais aimé faire les choses différemment, mais cela ne m'était guère possible.
- Je présume que c'est de bonne guerre. Ne t'ai-je pas un jour affligé du même sort en te vendant au plus offrant pour sauver ma peau ? sourit Lucien en quittant son canapé et en s'étirant.
Jonah savait. Il savait qu'à l'instant même où il quitterait la capitale, quelqu'un le suivrait. Si ce n'était pas un homme de la Princesse alors probablement quelqu'un d'autre. Des gens ayant des comptes à régler avec la fripouille d'ex Prince qu'est Lucien, ce n'est pas ce qui manquait sur le continent, bien au contraire.
Néanmoins, cela ne lui procurait aucun plaisir de le voir piéger ainsi. Malgré tout ce qu'il est pu se dire,tout ce qu'il s'est un jour secrètement murmurer pour se persuader d'avoir en lui suffisamment de haine et de rancoeur envers cet homme...cela n'a évidemment pas suffit à présent qu'il se retrouve de nouveau face à lui. Il y avait chez Lucien un aspect fascinant comme cruellement attirant et quiconque ne faisant guère attention à son chemin pourrait par inadvertance croiser le sien et finir dans ses filets. Qu'il était dangereux de croire qu'il serait différent. Un prince ? Seulement de titre bien évidemment. Lucien avait bien des visages, tantôt bien des noms aussi et quand il était d'humeur joueuse, la partie pouvait durer des jours durant. Voir des mois. Des années. Il était fascinant de le voir s'en sortir avec aisance, de voir cette apparente confiance en lui transpirer, de remarquer ce constant petit rictus suspendu au coin de ses lèvres délicates. Qu'il était énervant de se rendre compte également qu'en peu de temps, il était aisé d'être épris de lui.
Tout comme Jonah l'a été. Peut-être même, sans doute, l'est-il encore aujourd'hui.
- Tu ne peux pas passer toute ta vie à fuir Luce, intervient Jonah en relevant les yeux à son égard
- Je sais, mais c'est mon «truc» tu vois ? Ne pas m'attarder, ne pas m'attacher...Aurais-je la réputation que j'ai si j'avais été différent d'une quelconque façon ? Serais-je comme toi ? Un homme honorablement aimé?
A cette mention, Jonah aurait dû sourire car il comprenait l'allusion à laquelle Lucien faisait appel, mais au lieu de cela, il baissa les yeux nerveusement.
- Tu as été aimé. Je...t'ai aimé, bougonne-t-il
Mais hélas, cela n'a guère suffit. Certains liens ne sont pas fait pour durer comme certaines rencontres ne sont pas faites pour s'attarder. Tous deux le savaient mieux que quiconque et pourtant à cet instant, il semblerait que le temps ait quelque peu été mis de côté tandis que ne réside dans la pièce que crépitements, remords.
- Honnêtement, je ne sais pas si l'on s'aimait ou si on aimait juste tous deux l'excitation que provoquait notre relation. On nageait dans l'interdit. On contournait les règles. On bafouait toute morale. Je pense que l'on s'est enivré de ça sans penser à tout le reste. Certes, nous avons eu de bons et de beaux moments, mais Jonah...Toi et moi savons que je ne peux pas retourner à cette vie-là.
- Alors oses me dire, droit dans les yeux, que tu ne fuis pas tes responsabilités. Du plus loin que je m'en souvienne,tu m'as toujours dit que ton Royaume était sans dessus-dessous, qu'il y avait un complot pour s'emparer de la couronne et que ton père t'avais envoyé dans ce pensionnant pour te protéger. Mais tu es un Prince de sang et le trône te revient de droit. Tout comme les obligations qui vont avec.
- Mes responsabilités ne sont pas envers un peuple qui n'en a que faire de moi, mais envers moi-même. Tu peux te bercer d'illusions si cela te chante, mais je ne peux pas retourner là-bas et prétendre être celui que tout le monde attends que je sois. Cette vie-ci me plaît. Vivre d'amour, de sexe et d'argent, me plaît.
- Dans ce cas, pourquoi la Princesse Sophia te voudrais ?
- Ça mon ami, c'est un secret et je laisse libre court à ton imagination pour trouver la réponse à ta question.
Des possibilités il y en avait. Plusieurs ? Certainement pas. Seules deux options vinrent immédiatement à l'esprit de Jonah et aucune d'entre elles ne lui plaisait.
- Je dirais que tu as trouvé, rit Lucien en s'approchant
- Vous êtes...
- Des pions en politique, reprit-il, Quoi de mieux pour consolider de vieilles alliances que par le biais de mariage ? C'est une méthode tellement grotesque et dépassée, soupire Lucien, Mais quels choix avons-nous ? Quelle vie peut-on avoir si ce n'est celle qui a été décidée et toute tracée à notre place ? Servir qui ? Pour quoi ? Comment ? Au fond, tout ceci n'est qu'une vaste fumisterie et je refuse d'en faire partie. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, il est temps pour moi de me retirer de la scène.
Il y a bien des années de cela, Jonah aurait été certain de connaître cet individu se tenant à quelques pas devant lui. Il savait tant de choses sur lui, sur sa façon de se comporter, de penser et même de rêver. Tant de choses qui se sont subitement effondrer du jour au lendemain sans que cela n'ait aucun sens pour lui. Sans qu'il ne puisse comprendre ou bien même accepter ce qu'il s'était passé. Y arrivera-t-il un jour ? Ce n'est pas certain. Le jeune Duc s'était posé mille et une questions et s'était sans cesse rejouer les événements de cette nuit-là. Avait-il dit ou fait quelque chose ? Devait-il porter le blâme en lui ? Pourquoi subitement tout son monde s'était écroulé devant lui ? A nouveau. Pourquoi dès que le bonheur semble lui tendre la main, cette dernière se retire promptement sans qu'il ne puisse avoir le temps de la saisir ?
Néanmoins et tandis que Lucien s'apprêtait à quitter la pièce, Jonah s'interpose et lui bloque l'accès à la porte.
- Que fais-tu ?
- Je ne peux pas te laisser partir. J'ai un engagement à tenir, lui dit Jonah
- Crois-moi, tu ne veux pas te mettre au milieu de mon chemin. Nous savons tous deux comment cela risque de se terminer.
- Je te l'ai dis, je n'ai pas le choix.
- Je comprends...Dans ce cas, nous sommes deux !
Tentant de le passer rapidement,Lucien est immobilisé sur place, un genou à terre quand Jonah attrape son bras gauche et le plaque violemment derrière son dos.
- Et ne me sous-estime pas, je ne suis plus ce même garçon, lui siffle-t-il
- Je vois ça...Comptes-tu me déboîter l'épaule ?
- J'aimerais sincèrement que les choses se fassent différemment et que l'on est pas à en arriver là toi et moi, mais tu ne me laisses pas le choix. Elle est plus importante pour moi que tu ne l'es, appuie Jonah en faisant pression sur le bras
- Fort plaisant à entendre. Cependant, tu oublies un détail...souffle Lucien
Lui assénant un violent coup de pied dans le genou droit, Lucien parvient à se défaire de son entrave et se relève brusquement tout en dévisageant Jonah.
- C'est moi qui t'ai tout appris, lui dit-il en se baissant légèrement à sa hauteur
Profitant de son mouvement, Jonah le saisit alors par le col de sa chemise et l'attire au sol. En quelques minutes, tous deux finissent par retourner le salon et provoquer suffisamment de raffut pour que l'hôte ainsi que Joséphine les rejoignent, se tenant sur le seuil même de la porte.
- C'est toujours la même chose avec ces deux-là. Ils me fatiguent, soupire Aubrey, Je retourne me coucher.
Joséphine, plongée dans l'incompréhension regarde passible les deux hommes se battre devant elle tandis qu'aucun ne semble réagir que ce soit à sa présence ou ses suppliques. Pour s'être elle-même régulièrement battue quand elle était enfant, elle savait reconnaître entre mille une bataille amicale, d'une bonne leçon, mais aussi d'une tentative d'assassinat et ce qu'elle voyait se dérouler sous ses yeux n'avait rien d'une bagarre amicale bien que cela s'apparentait de près à une vaste de correction d'ivrognes dans un bar.
Repartant au pas de course en direction de la cuisine, la jeune femme remplit un grand pichet d'eau froide, revenue dans le salon et le lança à bras le corps sur le duo se trouvant cette fois à même le sol et ce n'est que sous la surprise de la douche éclaire qu'ils vinrent de prendre que chacun s'arrêta, le poing levé en direction de l'autre, le regard tourné vers une Joséphine les fusillant du regard.
- Ai-je votre attention maintenant messieurs ? siffla-t-elle
- Joséphine...
- Il a commencé, s'excuse immédiatement Lucien en se levant presque au garde à vous
- Silence, les adultes parlent. Vous allez immédiatement cesser de vous comporter de façon aussi puérile. Mais quel âge avez-vous ? N'avez-vous pas honte ? Cela me désole de voir une telle scène. Si vous voulez vous battre, faites-le pour des causes qui en vaillent la peine et non pour votre propre ego !
Claquant la porte derrière elle, la jeune femme disparaît dans les escaliers tandis qu'apparaît, adossé au mur du couloir, le vieil Aubrey, se tenant juste-là, les bras croisés, les regardant à peine.
- Pourquoi est-ce qu'il faut qu'une femme soit toujours plus intelligente que vous deux réunis ? Vous n'avez plus quinze ans, agissez en conséquence. Je ne vous ai pas appris à vous battre pour que vous retourniez ma maison.
- Désolé...souffle Jonah en caressant sa joue meurtrie
- Non tu ne l'es pas, je te connais. Quant à toi...Ton royal postérieur à intérêt de ranger mon salon ! ordonne-t-il
- Quoi ? Mais n'est-ce pas lui qui... ?
- Crois-en mon expérience, mieux vaut affronter un salon en désordre que la colère d'une femme, lui dit-il avant de se retourner vers Jonah, Maintenant monte la voir et fais toi tout petit. Je ne sais pas qui elle est, mais je l'apprécie bien. Elle sait s'interposer et j'aime ça.
Effectivement, n'y avait-il pas plus terrifiant sur l'instant que d'affronter la colère de Joséphine, bouillonnant dans son lit, criant dans son oreiller et déplorant le fait d'avoir eu à assister à une telle scène.
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