🌼 CHAPITRE 16 🌼
Quand Joséphine ouvrit les yeux, elle eut l'impression de sortir d'un profond sommeil. Un de ces sommeils qu'elle n'avait pas eu depuis très longtemps. Elle se souvient d'avoir rêvé de son père, mais aussi de Thomas et d'Ambre, mais aussi de Bartolomé. Allaient-ils bien ? S'inquiétaient-ils pour elle ? Oh qu'elle avait prié tous les dieux de sa connaissance pour que Bartolomé ne soit pas mis au courant de sa situation. Il aurait probablement retourné la capitale s'il l'avait su. Ses pensées s'égarèrent également de longs moments sur Jonah. Durant ces deux dernières semaines, elle ne s'était que trop peu accordé le temps de penser à lui. A cette fameuse nuit, mais aussi à leur promesse. Avait-il eu des problèmes à la suite de son départ plus que précipité ? L'espace d'un court instant, elle cru d'ailleurs l'apercevoir dans le fauteuil près de son lit, endormis, mais cela ne devait être qu'une de ces hallucinations d'un rêve qui ne s'est pas terminé. Pourtant, le rêve en question semblait si réel. Si...palpable quand elle se pencha légèrement afin de caresser son visage.
Et ce n'est que sur son contact, que le jeune homme entreprit d'ouvrir les yeux et de la découvrir assis à peine recouverte du drap, lui souriant tendrement.
- Vous m'avez tant manqué, murmura-t-elle comme si ces mots ne lui était pas destiné.
Ce n'est alors que quand la main du Duc venu trouver la sienne et que ses doigts chauds s'accrochèrent aux siens, qu'elle réalisa. Elle ne vivait guère un rêve éveillé. Il était là. Tout près d'elle.
Il y eut entre les deux jeunes gens, un long silence. Ils ne dirent rien, mais leurs yeux détaillaient avec un soin tout particulier, le visage de l'autre comme s'ils le découvraient pour la première fois.
- Comment vous sentez-vous ?
Cela fut la première question du Duc de Varsox tandis que ses doigts firent de constants allers et venues sur le dos de la main de la Baronne, main qu'il ne désirait aucunement lâché tant qu'il ne s'était pas assuré de sa bonne santé, mais à la regarder de plus près, il vit en elle une sorte de cassure qu'il n'avait jamais vu auparavant. Bien sûr qu'elle était belle, comme tant d'autres jeunes filles, mais Joséphine avait cette fois en elle, quelque chose de graver et qui était sincèrement plus grave également. Il savait qu'elle allait bien physiquement parlant, mais mentalement...que restait-il de la jeune femme dont il s'était brutalement séparé plus de deux semaines auparavant ?
Il aurait tant aimé savoir. Ce qu'elle avait fait. Comment avait-elle réussie à échapper aux forces de l'ordre ? Comment avait-elle survécu par elle-même jusqu'à présent ?
Mais aucun mot ne lui vient. Parce que Jonah savait que quoi qu'il lui disse rien ne serait en mesure de réparer le mal qui lui avait été fait. Rien ne pardonnerait la façon dont elle avait été traitée.
Alors il se contenta de s'inquiéter de son état de santé car c'était pour lui, une façon comme une autre de lui faire la conversation et...Dieu ! Que cela lui avait manqué ! Son esprit, la façon dont elle jouait avec les mots, son caractère...Tout chez elle lui avait manqué. Même cette main qu'il ne saurait lâcher.
Le problème étant que Joséphine ne lui donna guère de réponse non plus. Elle se contenta d'un triste sourire comme si elle essayait de toutes ses forces de le convaincre, mais elle savait pertinemment qu'elle n'arriverait guère à le duper.
«Comment vous sentez-vous ?» Voilà une question qui lui permit de chercher une réponse au plus profond d'elle-même. Elle se sentait seule. Coupable. Épuisée. Perdue aussi. Qu'avait-elle fait pour être ainsi punie ? Qu'avait-elle fait pour être ainsi pourchassée telle une criminelle ? Quelles atrocités avait-elle bien pu commettre pour voir le bonheur d'une vie lui échapper à chaque fois qu'elle tente elle-même de se libérer du carcan de la bonne société ? Elle ne comprenait pas. Pourquoi tout cela devait être sa faute ?
Curieusement, bien qu'elle fut soulagée de trouver Jonah, il y avait quelque chose en lui qui la perturbait sans qu'elle n'en comprenne les raisons.
- Joséphine, finit-il par dire la voix presque tremblante.
Comme il était doux de l'entendre prononcer son nom. Rien que son nom. C'était une chose si simple et pourtant...
- Je suis désolé, poursuit Jonah, Je suis sincèrement désolé pour tout ce qu'il s'est passé. J'aurai aimé être là. J'aurai tant aimé pouvoir être là. J'aurai aimé être cet homme vous protégeant du mal, aussi quelconque soit-il. J'aurai aimé être cet homme capable de vous soutenir, de vous épauler et de se battre à vos côtés, mais comme vous avez pu le constater, je ne suis rien de tout ça. Ou tout du moins, juste l'image de ce que les gens pensent que je suis. La vérité est que je suis un lâche. Je vous ai poussé à fuir. Je vous ai mise dans cette situation alors que je savais...je savais que vous seriez probablement en danger. Je savais et...je n'ai rien fait. Je suis resté comme un idiot dans mon impuissance. Je suis resté assis dans mon coin en ne faisait strictement rien pour vous si ce n'est prier pour votre sécurité. Quand j'y pense, toute cette histoire est risible et je ne mérite probablement pas votre amour, ni même que vous me pardonniez d'une quelconque façon que ce soit. Bien au contraire. Depuis le départ, je vous ai mise dans des situations difficiles et...Je n'ai rien fait si ce n'est vous regarder vous débattre.
Lâchant progressivement sa main, il vient couvrir son visage des siennes, tâchant de dissimuler aussi bien sa honte, que sa culpabilité concernant l'enfer dans lequel il l'a sciemment fait marcher. Peut-être aurait-il dû écouter Maximilien et se contenter d'une brève aventure, mais avant même qu'il ne s'en rende compte et bien qu'il ne croit en rien aux histoires prédestinées, Jonah était tombé amoureux. Amoureux de cette femme incroyable qu'était Joséphine Conquérant.
Et il n'y avait rien de plus douloureux et de plus triste que de se rendre compte que malgré tout l'amour que l'on a pour une personne, il vient un jour où, pour son propre bonheur, nous sommes obligés de nous en distancer. Car il ne partageait aucune de ses grandes qualités et il le savait.
C'était là un constat dès plus terrifiant et c'est devant ses aveux, voyant ses yeux humidifiés que Joséphine eut à l'égard du jeune homme le plus doux des gestes. Rattrapant la main qui l'avait précédemment lâchée, elle l'attira tout doucement dans le lit, le poussant à s'asseoir à ses côtés. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle le prit dans ses bras, nichant son visage dans la base même de son cou.
Elle ne savait rien de Jonah de Varsox, si ce n'est qu'il n'était pas tout à fait Duc et qu'il n'a jamais vraiment su trouver sa place. Ce n'était, selon Lucien, qu'un petit garçon isolé qui n'avait jamais vraiment eu de vie à lui et dont trop de gens ont attendus, dès sa naissance, qu'il accomplisse de grandes choses. Il était devenu homme avant d'être garçonnet et c'est en ce début de matinée, alors que l'aube se lève progressivement qu'elle rencontre pour le rencontre pour la première fois. Le petit garçon. Jonah. Seulement Jonah.
Elle l'avait toujours vu, plein d'assurance, confiant, intimidant et follement charmant, mais jamais encore elle ne l'avait vu apeuré, tremblant ni même assis silencieusement tout en pleurant. Jamais elle n'aurait un jour cru cette vision possible et lui vient alors une pensée : Peut-être était-il aussi terrifié qu'elle par ce que leur réservait l'avenir ? Peut-être se posait-il les mêmes questions ? Peut-être que ses nuits étaient toutes aussi agitées que les siennes et peut-être...Oui peut-être.
Peut-être qu'ils se ressemblaient bien plus qu'ils ne l'auraient jamais pensé.
- Rien de ce que vous m'avez dit n'est véridique, chuchote tendrement Joséphine en sentant ses bras se resserrer autour d'elle, Vous êtes, vous Jonah, un homme ma foi tout a fait particulier. Singulier. Voilà ce que vous êtes, un homme ayant par conséquent votre lots de qualités, mais aussi de défauts et lâche n'en fait définitivement pas partie. D'aussi loin que je puisse me souvenir et dieu seul sait que j'ai une excellente mémoire, je ne vous ai jamais considéré pour ce que vous n'étiez pas. Peut-être étiez-vous Duc, peut-être aviez-vous un titre, mais pour moi vous étiez tout ce que j'ai espéré un jour avoir : Une lueur de liberté. Vous êtes entré dans ma vie, au moment où j'avais besoin de sortir d'une bulle étouffante.
Elle sourit un instant, et tout en sortant de son étreinte, ses doigts viennent chercher le menton humide du jeune homme devenu muet et ses yeux se levèrent, venant alors chercher les siens comme s'ils essayaient de s'y raccrocher.
- Vous m'avez souvent dit que j'étais pour vous, votre bulle d'oxygène, je pourrais dire que cela est réciproque. Je ne vous aime pas pour vos folles promesses ou même pour ce que vous «pourriez» faire pour moi ou m'apporter... Je vous aime pour ce que vous représentez pour moi. Je vous aime pour l'homme brave, têtu, charmant et amusant que vous êtes. Je vous aime car à côté de vous, personne ne se sens petit ou médiocre. Je vous aime car vous êtes capable d'apprécier chacun pour ce qu'ils sont en tant qu'êtres humains. Vous faites indéniablement ressortir le meilleur en nous...et c'est grâce à vous si aujourd'hui, je suis ainsi. Sinon, cela ferait bien longtemps que j'aurai cessé tout combat et je me serais laissé aller à des solutions de facilités.
Prenant une grande respiration, Joséphine finit par conclure sur quelques mots.
- Vous dites n'avoir rien fait pour moi, mais vous n'imaginez pas tout ce que vous avez fait en simplement vous tenant à côté de moi. Ô croyez-moi quand je vous dit que ma volonté de passer mes jours à vos côtés n'a pas été ébranlée car je le désire toujours autant. Je désire faire de vous, Jonah de Varsox, l'homme le plus heureux de cette nation et ainsi, je serais une femme comblée.
- Alors, vous ne me détestez pas ? reprit-il hésitant
- Je n'ai aucune raison de vous détestez et je n'en ai jamais eu aucune.
- Pourtant...
- Nous n'avons qu'une vingtaine d'années, cela fait-il de nous des gens prohibés de commettre la moindre erreur ? Je ne pense pas. Nous sommes voués à nous tromper. Nous sommes voués à connaître des déceptions et, bien que je n'aurai probablement pas fui si j'avais été seule, je l'ai fait en sachant que vous seriez là. Avez-vous prit soin des miens ?
- Absolument, j'ai veillé et je...
- Dans ce cas, le coupe-t-elle, vous avez fait beaucoup pour moi. Et pour cela, vous aurez pour toujours et à jamais ma reconnaissance éternelle.
- Est-ce suffisant pour vous contenter ? Je vous veux heureuse, Joséphine, sincèrement et pleinement heureuse et cela m'attristerait d'autant plus d'apprendre que...
Pour Joséphine, la question du bonheur, de son propre bonheur personnel, ne s'était jamais réellement posé, du moins pas du vivant de son père. Elle avait comprit, bien que feu le Baron lui en avait fait la promesse, que sa vie ne serait qu'un sacrifice parmi tant d'autres afin d'assurer le bonheur de Ambre ou bien même de Thomas, Bartolomé ayant trouvé le sien dans l'Armée. Elle le savait et n'a, depuis, jamais souhaité que cela. Qu'ils le soient. Entièrement heureux. Quant à elle, elle avait prit pour habitude de se contenter de cela. De vivre à travers eux. Cela s'était d'autant plus vérifié quand elle a dû prendre le rôle de chef de famille. Elle savait que ses rêves de voyages et d'aventures tomberaient à l'eau. Et des rêves, elle ne s'était plus permise d'en avoir, et ce, jusqu'à Jonah. Il était devenu, à lui tout seul, une sorte de rêve à part entière.
- Laissez-moi vous aimer comme vous m'aimez. Laissez-moi vous convaincre que mes sentiments à votre égard n'ont pas changé et que ces derniers n'ont jamais été insignifiants. Vous m'aviez prévenue. Prévenue que je risquais d'être mise à l'épreuve et que la route que nous nous apprêtions à emprunter était difficile et malgré cela, j'ai pris votre main et j'ai fais un pas en avant. Je ne le regrette pas. Je ne regrette rien à dire vrai. Si nous devons nous construire en tant qu'êtres autour de ces épreuves, et bien ma foi je préfère que cela soit avec vous plutôt qu'un autre car je sais d'ores et déjà que vous serez là. J'ai la conviction que vous serez toujours là...
- Comment pouvez-vous en être si certaine ? Comment pouvez-vous avoir à ce point confiance en moi alors que je viens de vous avouer...
- Vous m'avez demandé de vous épouser, Jonah. J'ai accepté. Voilà à quel point j'ai confiance en vous.
Et il ne fallut pas un mot de plus au jeune homme pour craquer dans les bras de celle qui n'a fait que la seule chose qu'il a toujours désiré : être aimé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top