🌼 CHAPITRE 13 🌼

Quand on lui annonça l'arrivée de la Vicomtesse, Jonah eu grande peine à le croire. Pendant quelques secondes, le jeune homme resta assise au fauteuil de son bureau, réfléchissant à ce qu'il venait d'entendre, se demandant si oui ou non il avait réellement bien entendu ce qu'on venait de lui dire. Cela ne prit effectivement que quelques secondes et pourtant, ce n'est que lorsque les premières gouttes de pluie vinrent fracasser la fenêtre qu'il réalisa.

Dévalant les escaliers le conduisant jusqu'au petit salon, il s'arrêta juste à la dernière marche, tentant de garder le peu de retenue qu'il pouvait encore avoir. Voilà qu'il espérait une réponse de la part du Vicomte, mais il ne s'attendait certainement pas à cette visite impromptue.

Ouvrant la porte, il remarqua une silhouette féminine assise sur le canapé donnant sur les jardins. Elle ne se leva guère en l'entendant entrer. D'ailleurs, elle ne lui dit pas un mot. Au lieu de ça, il se contenta de la détailler, même de dos, remarquant que ses cheveux étaient remontés en une simple queue de cheval et que ses cheveux qui avaient l'habitude d'être si lisses étaient légèrement frisés, sans doute dû à l'humidité de ces derniers jours. Contournant alors le canapé, il se planta devant elle de sorte à lui obstruer la vue et ce n'est qu'à cet instant que ses yeux remontèrent vers les siens.

- Bonjour Jonah.

Tout comme dans ses souvenirs, elle avait ce large sourire narquois suspendu au bout de ses lèvres. Un sourire dont seule elle avait le secret et qui, pendant un temps, était sans doute la seule chose qui lui permit de s'accrocher à la raison.

- Hélène. Tu n'étais pas attendue, lui fit remarquer le jeune homme tout en la dévisageant.

Aux traits de son visage s'illuminant par l'amusement qu'elle pouvait tirer de la situation, Hélène savait qu'en arrivant non annoncée, et mieux encore, non espérée, elle le surprendrait. Il n'était pas difficile de le faire car elle ne connaissait que trop bien les points sensibles du jeune Duc.

- Et moi qui espérais avoir le droit à un accueil dès plus chaleureux. Cela ne fait-il pas cinq ans ? N'es-tu pas heureux de me voir Jonah ?

- Là n'est pas la question car tu en connais déjà la réponse. Mais je dois bien admettre que je suis surpris.

- Je sais.

Sortant la lettre qu'il avait adressé quelques jours plus tôt au Vicomte, la jeune femme poursuit sur son élan.

- N'ai-je pas été annoncée comme étant la Vicomtesse ? Je te pensais au courant, toi qui a pour habitude de toujours tout savoir. Mon père est à le retraite et j'ai tout récemment prit la suite des affaires familiales, lui annonce-t-elle de but en blanc

- Je ne te pensais pas intéressée par cela ou alors certaines choses ont changées. Mais à la bonne heure, je présume que je suis entre de bonnes mains.

- Je n'en sais encore rien. Je suis venue jusqu'ici dans l'espoir que tu me racontes avec précision ton affaire.

- Ne doute en rien de mon intention quand je te dis que cela me fait plaisir de te voir, Hélène, mais pour cette affaire j'ai besoin du plus grand avocat du Royaume.

- Et je suis la fille de ce dernier, le coupe-t-elle, Douterais-tu de mes capacités ?

Nullement. Cela ne lui a même guère frôlé l'esprit. Cependant, Jonah ne connaissait Hélène que trop bien. Elle était impulsive et sentimentale ainsi que bien d'autres qualités, mais rien ne correspondant à ce dont il avait besoin actuellement.

- Jonah, relance-t-elle comme pour attirer son attention, Cela fait cinq ans.

- En effet...

Cinq ans.

Voilà donc tout ce qui le sépare de ce moment là. Celui où sa vie et celle de Maximilien ont prit un tournant différent, se séparant d'Hélène et de Lucien. Quelque part, tous deux étaient semblables en bien des points et c'est sans nul doute leur similitude qui les a rapprocher, mais qui aurait cru que le hasard, si tenté qu'il existait, aurait rapprocher : Un prince en fuite, une dès plus grande juriste du Royaume, un Duc uniquement de titre et un des hommes les plus intelligents de cette nation ? A eux quatre, bien des choses leurs tendaient les bras. Ils auraient pu soulever une nation ou bien même créer la leur.

Peut-être que l'histoire aurait été différente s'ils l'avaient effectivement fait.

- Hélène, qu'es-tu réellement venue faire jusqu'ici ?

- Je pourrais tout à fait te retourner la question. Pourquoi as-tu envoyé une lettre à mon père, Jonah ?

- Ne viens-je pas de le dire ? Mon affaire suscite ses compétences.

- Des bons avocats, ce n'est pas ce qui manque.

- Il est vrai. Mais un «bon avocat» n'est pas tout à fait ce dont j'ai besoin présentement.

- Et une amie ? Ne pourrais-tu pas avoir besoin d'une amie ?

Ce terme lui était étrangement familier comme étranger. Cette vie menée lui paraît tantôt comme celle qui l'avait vécue hier ou tantôt comme un rêve profond lointain dont les souvenirs se ternissent au réveil. «Amis». N'y avait-il pas eu plus que de la simple amitié ? N'avaient-ils pas partagés quelque chose de spécial et d'indéfiniment plus grand que cela ? Parfois, tout cela lui semble...

- Peut-être, finit-il par avouer, Mais es-tu en mesure d'être une nouvelle fois cette amie ?

- Tout dépend de toi. Je n'ai jamais voulu blesser tes sentiments, ni te faire du mal et crois-moi, je regrette ce qu'il s'est passé. Je regrette sincèrement cette nuit-là.

- Et tu es bien la seule. Je ne ressens ni regrets, ni remords. Seulement de l'amertume. Ce qu'il s'est passé m'a permis, en quelque sorte, de grandir. J'ai réalisé que même les gens les plus proches étaient en mesure de nous faire du mal. Ça a été un réel choc, mais aussi une grande révélation. Voilà que j'ai appris ma leçon. On ne m'y reprendra pas à deux fois.

- Et Lucien ? En veux-tu encore à Lucien ? Lui et toi, vous étiez...

Pendant un bref instant et sous son regard insistant, plusieurs images revinrent à l'esprit de Jonah. Des flashs. Des jours à rire et des nuits à tout faire sauf dormir. Il se souvient de chaque mot. Chaque promesse. Chaque caresse. Chaque illusion.

- Je vais te poser la question pour la troisième et dernière fois Hélène : Qu'es-tu venue faire ici ?

Un soupir échappe à la jeune femme tandis que Jonah s'enfonce toujours plus profondément dans son fauteuil, regardant alors la pluie s'abattre dehors. C'est à ne plus y voir à deux mètres devant soi.

- Je fuis un mariage que je ne désire pas.

- Ah. Voilà un comportement qui te ressemble beaucoup plus, siffle Jonah

- Je te demande pardon ?

- N'ai-je pas raison ? Nous ne savons que trop bien tous les deux que tu n'es pas du genre à ...t'établir avec quelqu'un. Tu n'aimes pas les attaches.

Elle le connaissait comme il la connaissait tout autant. Voilà où était certainement le plus gros problème qu'ils pouvaient tous deux avoir. C'est qu'ils partagent ce trait commun de fuir en avant tout ce qu'ils peuvent, sans jamais se retourner, sans jamais faire face et à force de fuir...on ne sait plus où ni vers qui courir. Alors Hélène, profitant de cette lettre, a vue l'occasion de se cacher chez Jonah, sachant pertinemment que ce dernier ne lui refuserait guère l'hospitalité. Elle le connaissait.

- Pour un homme disant n'avoir aucun regret, ni même de rancœur, je trouve ton comportement bien fermé, peste-t-elle.

- Etais-je dans l'obligation de t'accueillir à bras ouverts ? Je n'étais pas au courant de cela.

- N'as-tu pas descendu les escaliers en courant ? Je t'ai entendu. On ne peut pas dire que tu es d'un naturel discret.

- Peut-être me suis-je un petit peu trop emballé.

- Je pense surtout que tu n'es pas très honnête avec toi-même.

Honnête ? Il est vrai que Jonah ne l'a pas été très souvent. Du moins pas jusqu'à revenir ici. Pas jusqu'à rencontrer Joséphine. Il lui était tout bonnement impossible voir inimaginable de lui mentir quand bien même cela aurait été tentant car dès l'instant où ils se sont rencontrés, le jeune homme avait comprit que quoi qu'il lui dirait, elle le saurait. C'était comme si Joséphine, indépendamment de savoir qui il était réellement, pouvait lire en lui.

- Détrompes-toi, fit Jonah en souriant à la seule pensée de la jeune femme, Je le suis.

- Alors dis-moi ce qui te rends si aigri ?

- Disons que je n'apprécie guère le fait que Lucien et toi fassiez votre réapparition dans ma vie à quelques jours près. Je n'ai jamais cru aux coïncidences Hélène, tu le sais, donc je peux d'ores et déjà savoir que cela n'en est pas une. Lucien était en ville, tu fuyais un mariage arrangé...Tu le cherchais, n'est-ce pas ?

Un rire échappe alors à la jeune femme tandis qu'elle quitte le canapé sur lequel elle était jusque là installée avant de s'étirer.

- J'ai toujours aimé cette grande perspicacité que tu possèdes.

- Outre la Princesse, tu es la deuxième femme la plus importante du Royaume actuellement et je ne serais guère surpris d'apprendre que tu es sa Dame de compagnie. Tu le recherches pour elle, n'est-ce pas ? Car encore une fois, pourquoi deux personnes distinctes chercheraient-elles le même homme au même moment ?

Venant s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil dans lequel Jonah avait trouvé position, la main d'Hélène vient se glisser dans ses cheveux, passant inlassablement chacune de ses mèches dans chacun de ses doigts.

- Jonah de Varsox, tu es sans aucun doute l'homme le plus intelligent de ce Royaume.

- Nullement, mais je suis loin d'être un idiot. Tu ne serais pas venue me trouver pour simplement te cacher d'un mariage que tu ne désires pas. Je ne te connais que trop bien et tu as la force de caractère nécessaire pour faire valoir ton opinion. Tu es simplement venue me trouver afin de quoi... m'extorquer une information ? Je ne sais pas si je dois saluer la naïveté de la Princesse de croire que m'envoyer sa dame de compagnie marcherait ou bien ton culot d'être venu me trouver pour ce seul et unique but. Néanmoins, je suis rassuré de voir que tu n'as pas changé. Tu manges toujours dans la main du plus offrant.

- J'étais sincère quand je t'ai dis que j'aurai aimé que les choses se passent différemment entre nous et je suis sincère quand je te dis que j'aurai aimé ne pas être celle venant frapper à ta porte.

- Donc tu admets que j'ai raison sur le but de ta visite ?

- Jonah. Tu as toujours été un garçon brillant, pourquoi prendrais-je cette peine ?

Voilà qui méritait d'être clair. Si ce n'était pour les restants d'amitié et d'affection que le Duc pensait avoir encore aujourd'hui pour cette femme l'ayant trahie autrefois, peut-être se serait-il senti blessé par ses intentions. Mais ce n'est nullement le cas et il ne paraît guère être surpris non plus.

Lucien leur avait apprit bien des choses, mais peut-être qu'Hélène s'était montrée une bien meilleure élève que lui dans certains domaines. De cela, il n'en doutait pas.

Quittant alors son fauteuil et rompant le contact physique qu'il avait avec elle, Jonah s'approche vivement de la fenêtre sans même prendre la peine de se retourner vers elle afin de lui faire face.

- Retournes au Palais, Hélène. Tu perds ton temps ici, j'ai déjà un arrangement avec Son Altesse.

- Tu sais où il est, n'est-ce pas ? sourit-elle en le rejoignant

- Non. Mais je sais où il va et je compte m'y rendre également.

- Vas-tu y aller seul ? Ne pourrais-je pas t'accompagner ?

- Hélène. Ô ma douce et pauvre Hélène, fit Jonah en se retournant vers elle

Attrapant délicatement son visage afin de le relever à sa hauteur il la regarde un instant, oubliant que face à lui se tenait probablement l'être le plus machiavélique de la nation. Hélène était belle. Hélène était intelligente. Hélène était riche. Et ces trois ingrédients suffirent à provoquer la chute de plus d'une personne. En cela elle ressemblait énormément à la jeune Princesse, toutes deux prêtes à faire le sale travail si cela leur permettait d'obtenir ce qu'elles désiraient plus rapidement.

- Tu n'es malheureusement pas digne de confiance. C'est pour cela que toi et moi, nous ne pouvons plus être amis.

- Suis-je si horrible à tes yeux ? Ne peux-tu donc pas me pardonner ?

- Hélas. Non. Mais je suis sincèrement content pour toi. Que tu ais trouvé cette vie-ci. Cette vie qui te correspond tant.

Parce qu'il n'y avait pas pire espion pour la couronne que la Vicomtesse Hélène Guillut et trop peu furent avertis au bon moment de la dangerosité de cette femme.

Car si le monde n'est que faux-semblants, celui d'Hélène est rempli d'illusions, piégeant ainsi quiconque aurait le malheur de tomber dedans. 

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