🌼 CHAPITRE 11 🌼

- Qui êtes-vous réellement Joséphine Conquérant ? Et ne me dit pas une fille d'un petit baronnet, je ne voudrais pas être déçu.

Il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert et elle en avait parfaitement conscience. Voilà bien des années que Joséphine n'avait pas croisé un regard capable de la déstabiliser de la sorte. Peut-être même n'en a-t-elle jamais connu un si ce n'est celui de ce jeune et prétentieux Duc le soir d'un bal donné en son honneur. Toute sa vie durant, elle n'a rêvé tantôt de tranquillité, tantôt d'aventures et jamais son cœur n'a su prendre la juste mesure. Elle s'est pliée à ses obligations qu'elle a essayé de fuir plus d'une fois. Elle a sourit aux nombreuses nuit où elle ne voulait que pleurer. Elle s'est retenue là où elle aurait aimé s'exprimer. Toute sa vie n'a été qu'une grande et profonde contradiction. Qu'une grande et profonde obligation.

Et jusqu'à maintenant, tout le monde s'en était accommodé. Personne n'avait cherché à la connaître. Personne n'avait cherché à savoir qui elle était avant de connaître ce qu'elle pourrait leur rapporter.

Jusqu'à Jonah, héritier du Duché de Varsox.

Jusqu'à Lucien, prince d'un royaume éloigné.

Elle le voyait en lui, par moment, comme si tous deux, bien que très différents, partageaient bien malgré eux une sorte de similitude, une familiarité dont elle se serait bien passée. Ses yeux confiant, son sourire en coin amusé, la façon dont il avait de se tenir, de se mouvoir, c'était comme si elle voyait Jonah à travers Lucien et cette simple pensée, bien qu'elle la perturbait, lui était également plaisante. Charmante. Frappante. Jonah lui manquait. Leurs échanges, leur complicité, la façon dont ils avaient tous deux de se comprendre mutuellement, le frisson que chacune de ses caresses provoquait. Il lui manquait. Plus qu'elle ne s'était autorisé à avouer depuis qu'elle avait fuit. Or, Lucien, tout comme Jonah, émanait ce sentiment de confiance. Joséphine ne saurait pas l'expliquer, mais il y avait quelque chose chez ces deux hommes qui la mit particulièrement à l'aise. Comme si le simple fait de se sentir près d'eux se rapprochait à un sentiment de sécurité.

Sans la brusquer, attendant qu'il réponde à sa question qu'il savait intime, Lucien ne put s'empêcher de la dévorer des yeux. Il notait le changement du moindre de ses traits, ces derniers passants par presque toutes les émotions possibles. Malgré le fait qu'elle ne lui dise rien, il avait remarqué que son visage la trahissait davantage que ses mots. Il était donc assis là, à l'affût du moindre petit changement, se demandant si elle finirait par lui dire quoique ce soit ou si, profitant de ce petit instant de silence, elle n'était pas en train de s'inventer une excuse ce qui serait certainement ce qu'il ferrait à sa place. Cependant, il s'était surprit à être honnête envers elle. Il n'avait dit à personne qui il était et ne s'attendait pas de sitôt à se confier. Sauf devant Joséphine car elle avait un petit quelque chose pouvant vous pousser à la confidence sans même qu'elle n'ait besoin de forcer la chose. Et honnêtement, cela était tout à fait terrifiant car il savait que s'il restait davantage à ses côtés, il finirait par lui raconter sa vie. Chose à laquelle il ne tenait pas vraiment car il y a dans sa vie, même des pans que Jonah ignorait.

Allait-il donc briser son silence pour lui dire à elle, une parfaite inconnue, tout ce qu'il retenait depuis bien trop longtemps maintenant ? Probablement. Quelque chose lui en donnait envie et il ne savait pas pourquoi.

- Je suis bel et bien la fille d'un marchand, que cela vous plaise ou non, Votre Altesse, sourit Joséphine.

- Oh pitié, allez-vous me titrer maintenant que vous savez qui je suis ? Je hais ce titre. Appelez-moi Lucien. Et puis, allez-vous réellement préserver le mystère qui vous entoure Mademoiselle ? Car je crains que je ne marche pas dans votre combine. Qu'une princesse ait reçu une éducation, ma foi, toute particulière, je veux bien le concevoir. Mais pas une fille de baron. Êtes-vous une princesse aussi ? Cela ferait de nous une belle pair, se précipite Lucien curieux d'en savoir plus sur cette étrange jeune femme

- Je crains que non. Aimez-vous les histoires...Lucien ? s'attarda Joséphine sur son prénom

- Une amie à moi vous direz certainement de la résumer, mais fort heureusement pour vous, j'ai préservé mon âme d'enfant et je suis toujours friand de ce genre de chose, avoue-t-il

- Alors peut-être devrais-je vous raconter la mienne.

Une part d'elle ne put s'empêcher d'hésiter. Elle n'avait pas eu ces mots depuis fort longtemps, pas même à l'intention de Jonah, encore faudrait-il qu'elle eut le temps de lui dire. Encore faudrait-il qu'il ne sache pas déjà. Peut-être le sait-il quoi qu'il est fort probable que non.

- Père était un marin marchand ayant fait fortune sur les mers. Ceci est un fait. Ce n'est pas un secret. Néanmoins, ce que personne ne sait c'est que l'océan recèle bien des trésors d'une valeur inestimable.

- J'aime les histoires certes, mais je ne suis pas un nigaud. Allez-vous me conter une histoire à dormir debout ? boude Lucien en présageant la suite du récit

- Allez-vous continuer à m'interrompre ou puis-je poursuivre en toute tranquillité ? le reprend Joséphine

- Mes excuses...

- Je disais donc..Ah. L'océan, oui. Alors que Père était en route vers une île sur laquelle il avait l'habitude de commercer, il vit les débris d'une épave. Probablement un navire qui avait été préalablement attaqué par des pirates ou que sais-je...Je sais seulement que c'est parmi les débris, sur une planche de bois, qu'il vit allongée là, une jeune fille. Ma mère. Il l'aida, elle et quelques survivants, à peine une poignée, et fit route jusqu'à sa destination où il les débarqua. Néanmoins, elle resta avec lui. Elle le voyait comme son sauveur.

- Que c'est romantique, intervient une nouvelle fois Lucien

- Cessez donc !

- Pardon. Mais je suis curieux. Comprenez, ce genre d'histoire est habituellement semblable à celle que l'on peut trouver dans un roman.

- Avez-vous un goût pour les romans d'amour ? Et moi qui peinais à croire que vous saviez au moins lire.

- Là, vous m'insultez.

Mais ils sourirent. Tous deux.

- Ma mère...Ne m'a jamais vraiment dit d'où elle venait. Ni qui elle était. Tout ce que je sais c'est qu'elle vient d'un pays lointain. Un pays où des gens en avaient après elle. Des gens importants disons. Elle était, ce qu'elle appelait elle-même «une relique d'un passé oublié». Peut-être que j'étais trop jeune pour comprendre, mais dans ma famille nous avons tous reçu une éducation en suivant ses instructions à elle. Elle jugeait important que l'on sache tous se défendre. Les garçons...comme les filles tout naturellement.

- N'avez-vous jamais été curieuse ? N'avez-vous pas posé de questions ? Un navire attaqué au milieu de l'océan, la signification de ses mots...Peut-être que votre mère était véritablement une personne importante. Une Reine ou que sais-je ?

Un rire gras échappe à Joséphine. Elle ne peut nier que petite fille, elle s'est plusieurs fois imaginée Princesse, vivant dans un somptueux château. Plus d'une fois elle s'était glissée avec toute la malice du monde jusqu'aux effets de sa mère et plus d'une fois une domestique la surprit à essayer des robes bien trop grandes pour elle. Jamais elle ne fut réprimander, mais on lui fit comprendre à maintes reprises qu'il y avait des endroits de la maison dans lesquels elle ne devrait pas mettre le petit bout de son nez. Jusqu'à présent, cela ne lui avait jamais marqué l'esprit car c'était là le résumé d'une enfance heureuse et pleine de rires qu'elle avait, mais à présent...Les mots de Lucien lui firent se poser des questions sur ses origines.

De trop nombreuses questions venaient subitement se rajouter à la longue liste de celles qui n'auront probablement jamais de réponses depuis la mort de son père.

- Honnêtement, je ne préfère pas savoir, dit-elle en secouant la tête pour chasser ses pensées, Je suis ce que je suis car mes parents l'ont voulu et s'ils avaient voulu une autre vie pour moi, je suis certaine qu'ils auraient fait en sorte de m'élever autrement.

- Je pourrais mener l'enquête si vous le désirez, souffle gentiment Lucien

- Et à quoi cela me mènerait-il ? Votre offre me touche, mais je préfère que ce secret, si tenté que cela en soit un véritablement, demeure entre nous. J'ai déjà mon lot de batailles à mener.

Il ne pouvait que la comprendre. Lui-même avait fuit son propre pays, son propre royaume et n'avait aucun désir de regarder en arrière. Aucun désir de savoir où tout ça l'avait mené. Lucien avait fuit, menant son petit bout de chemin et aujourd'hui, très certainement recherché, il mène une vie qui lui semblait pendant des années, impossible à atteindre. Ce n'est pas une vie de château, mais c'est une vie de liberté.

- N'avez-vous pas envie de vous venger ? lui demande-t-il curieux

- Probablement. Si j'en avais l'occasion. Hélas, que peu faire une fille comme moi contre...

- La Princesse ? reprit-il

Bien entendu qu'il savait. Qui ne savait pas ? Il n'était pas rare ces derniers jours d'avoir entendu des rumeurs parlant de la Princesse Sophia et de son désir ardant de mettre la main sur le Duc de Varsox maintenant que ce dernier était officiellement séparé de la Baronne. Il était de notoriété commune que la jeune Princesse n'aimait guère l'adversité.

- Il est fort vrai que cette dernière est adulée et profite largement de sa popularité pour obtenir ce qu'elle désire telle une enfant capricieuse. Plusieurs fois, elle a abusée de son autorité pour vous mener la vie dure. Je le sais.

- Vous savez décidément beaucoup de choses ! remarqua Joséphine.

- Que voulez-vous ? S'il y a bien deux choses pour lesquelles je suis doué : C'est baiser et savoir des choses. Voilà.

- C'est ...

- Dégoûtant ? s'en amusa-t-il

- J'allais dire guère étonnant. Vous êtes un Prince débauché, c'est un fait. Je m'en suis accoutumée.

- Vous êtes décidément bien surprenante. Habituellement quand j'annonce tout haut ce genre de chose, j'ai au moins le droit à une gifle et un juron.

- Oh mais si cela vous manque, je peux remédier à l'un des deux, continua Joséphine

- J'espère au moins que c'est au juron. J'ai peur que la gifle n'abîme mon si joli visage et tout à fait entre nous, il est un peu mon gagne pain en ces temps difficiles.

Joséphine se surprit à lever les yeux au ciel, laissant sortir par la même occasion un soupir qu'elle aurait aimé moins entendant. Malheureusement, cela n'échappa guère à Lucien qui quitta la table pour se rapprocher de la fenêtre. L'espace d'un instant, ils avaient oubliés la tempête faisant à présent rage à l'extérieur. La nuit était pratiquement tombée tant le ciel était noir et la cabane n'était guère chauffée. Aucune bûche à l'horizon, aucune bougie à allumer. Dans quelques minutes à peine, ils se retrouveront tous deux dans l'obscurité la plus totale.

- Vous savez, intervenu Lucien, nous aurions pu être réellement amis si nous n'étions pas si différents vous et moi.

- Différents dans le sens où vous êtes un homme peu respectable et que je suis une jeune femme presque respectable ? sourit Joséphine.

- C'est cela, ria-t-il.

Elle se lève et le rejoint près de la fenêtre, se tenant à quelques mètres de lui seulement et finit, dans le plus grand des silences, par lui tendre la main.

- Fort heureusement pour nous, je n'ai que faire de ce genre de choses. Soyons amis, Votre Altesse, proposa Joséphine.

- Vous y prenez un malin plaisir, n'est-ce pas ? A m'appeler ainsi alors que je vous ai dit que je n'aimais guère ce titre.

- C'est que votre moue de petit garçon boudeur est tout à fait plaisante. J'en profite avant que la nuit ne me prive de cela.

- Vous a-t-on déjà dit, Mademoiselle Conquérant, que vous feriez un excellent bourreau ?

- Je crains que c'est le genre de compliment que l'on m'a épargné.

- Quel dommage.

- En effet.

- Mais si, devenir ami avec mon bourreau peut par je ne sais quel miracle m'éviter bien des peines, alors soit. Je serais votre ami, conclu-t-il en lui prenant sa main tendue

Et alors qu'une amitié venait d'être scellée par une poignée de mains, personne n'avait vu venir le jour où cette dernière serait la tempête grondant au dessus de la bonne société qui, à cette heure-ci de la journée, demeure dans l'ignorance des plans de chacun s'étant mit progressivement en marche.

Le calme n'est guère attendu pour les jours prochains. Tout comme le beau temps qui, selon certaines rumeurs, va demeurer un certain temps absent. Et ce, même dans les cœurs.

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