🌼 CHAPITRE 1 🌼
Il n'était pas rare la nuit d'entendre un cri suivi de sanglot éclaté à travers le couloir jusqu'alors silencieux de la demeure endormie. Ambre enchaînait les nuits difficile et finissait par se coucher avec grande appréhension. Dans ses rêves, elle se repassait sans cesse les événements de cette nuit-là. Dans ses rêves, elle le voyait sur elle se débattant et finissant par réussir à se défaire de sa poigne avant de s'éloigner en courant criant le nom de sa sœur aînée. Sœur qu'elle ne finit jamais par atteindre car dans ses nuits mouvementées, Joséphine n'est pas là. Tout comme elle n'est pas à ses côtés quand cette dernière se réveille en trombe. Au lieu de ça, elle découvre Ninon, qui par habitude maintenant, avait demandé à pouvoir avoir une chambre à côté de celle de la jeune fille. La dame de compagnie de Joséphine restait des heures durant assise au bord du lit, rassurant sa cadette et lui promettant chaque soir le retour prochain de son aînée qui lui manquait tant. Jamais encore la famille Conquérant n'avait été à ce point brisée, écartelée. Bartolomé est à l'autre bout du Royaume. Joséphine est en fuite et les deux enfants ayant perdu leurs parents se retrouvent à présent, plus seuls que jamais.
Sortant de la chambre et veillant à refermer la porte derrière elle, la jeune domestique, visiblement épuisée et tentant tant bien que mal de dissimuler les cernes naissantes sous ses yeux fatigués, tombe nez à nez avec le maître de la maison, appuyé sur le mur.
- Votre Excellence, se précipite de saluer Ninon en le voyant se tenir près d'elle
- Comment va-t-elle ? s'inquiète Jonah en quittant le mur
- Je ne puis mentir en disant que Mademoiselle se porte bien. Ses nuits agitées et son manque de sommeil commencent à impacter son quotidien. Elle peine grandement à suivre ses cours et sa concentration s'envole dès que son attention n'est pas retenue. Elle n'a jamais été comme ça auparavant.
- Je veillerais à faire venir un médecin dans la matinée dans ce cas...
- Avec tout le respect que j'ai pour vous, Votre Excellence, puis-je parler librement ?
- Je t'en prie, je ne veux surtout pas que vos habitudes changent parce que la situation l'impose.
- Ce n'est pas d'un médecin dont Mademoiselle à besoin, mais de sa sœur. Elle lui manque, lance sèchement Ninon
Et elle n'était pas la seule à qui la présence de Joséphine manquait. Il en était tout autant impacté.
Si veillait sur Ambre est un prétexte, il faut avouer que les nuits du jeune Duc sont toutes aussi agitées car il ne cesse de se répéter ce moment-là. Celui où il l'a vue partir. Celui où il lui a dit de fuir. Etait-ce de sa faute ? Etait-il aussi incapable que sa tante l'insinuait ? Que pouvait-il espérer en pensant reprendre le Duché s'il n'était pas en mesure de protéger la seule et unique personne qui lui tenait tant à cœur ? Voilà deux semaines que Joséphine a disparue et bien qu'une partie du Royaume semble être activement à sa recherche, Jonah s'est intentionnellement limité à la rechercher.
Mais il aurait pu. Il aurait pu ne serait-ce qu'essayer. Peut-être l'aurait-il trouvée avant les officiers de police ou les gardes de Sophia. Peut-être aurait-il pu la cacher...Non...Il aurait pu fuir avec elle. Avoir une vie pleine d'aventures et laisser derrière lui tous ces combats. Toutes ces batailles incessantes. Toutes ces choses épuisantes.
- Tu devrais songer à aller dormir Ninon. Prends ta matinée...
- Votre Excellence, je...
- Tout ira bien, lui dit-il alors en souriant tendrement afin de la rassurer.
Ce n'était pas tant pour la jeune domestique pleine d'espoirs qu'il le disait, mais certainement pour lui. Il fallait qu'il s'en convainc car ce n'est qu'ainsi qu'il tiendrait debout une journée de plus.
Si Ninon finit par trouver le sommeil, Jonah lui s'enferma de son bureau, songeant.
S'il voulait qu'elle revienne et qu'elle retrouve sa juste place, il fallait qu'il calme son innocence. Haut et fort. Il fallait qu'il réussisse là où d'autres ont échoués et face entendre la voix de Joséphine alors qu'elle n'est pas là. Mais encore faudrait-il trouver en ville un soutien de taille pour l'aider dans cette épreuve et cela, ce n'était pas chose aisée. Néanmoins, avec les récentes sorties de Maximilien jouant le coursier, il avait eu des bribes de rumeurs. La ville était sur le point de se scinder en deux et certaines personnes voyaient dans la mort du Comte, un cadeau du ciel. En plus d'être un homme tout à fait méprisable, il n'était pas rare d'entendre qu'il avait extorqué de l'argent aux petits nobles comme aux grands bourgeois. Alors oui, plus d'un fut satisfait de son sort et dans ces gens, il devait y avoir forcément quelqu'un près à plaider la cause de la Baronne. Mais qui ?
- Vous savez, habituellement, je me fais du souci quand je vous trouve assis ici avant moi, interromps Maximilien en arrivant dans la pièce
- Quelle heure est-il ? demande Jonah enfoncé dans son fauteuil
- Un petit peu plus de six heures, Monsieur. Avez-vous passé la nuit ici ?
- En grande partie. Je réfléchissais.
- Voilà un bien mauvais présage ! lance l'aide d'un ton dès plus choqué
Malgré la remarque désobligeante de son conseiller, Jonah sourit.
- Max, es-tu toujours en contact avec Lucien ?
- Certainement. Disons qu'il ne m'est pas difficile de le trouver. Puis-je savoir pour quelles raisons devrais-je aller me frotter à cette fripouille une nouvelle fois ?
- Trouve-le et dis-lui que j'ai un travail pour lui. Il sera payé en conséquence et même plus encore.
- Songez-vous l'engager une nouvelle fois ? Monsieur, je ne saurais que trop vous prévenir, cet homme est...
- Tout ce dont j'ai besoin actuellement.
Et tout ce dont il aurait aimé se séparer également. Ni Jonah, ni Maximilien ne gardent un chaleureux souvenir de leur dernière rencontre avec lui, néanmoins il est présentement la seule chance pour le jeune Duc d'obtenir des réponses. Il est vrai que les méthodes de Lucien sont peu orthodoxes, mais il n'y a probablement pas meilleur que lui dans son domaine.
- Tant que tu y es, continue Jonah se frottant le front, j'aimerais que tu fasses venir un médecin. Quelqu'un de confiance.
- Est-ce pour la jeune Ambre ? s'inquiète Maximilien
Le regardant avec surprise, un sourcil arqué, Jonah s'étonne que Maximilien qui est réputé pour avoir le sommeil profond, puisse savoir ce qui se passe entre ces murs une fois la nuit venue.
- Je ne suis pas sourd Monsieur, dit alors ce dernier comme s'il lisait dans ses pensées.
- Et moi qui pensais le contraire. Aurais-tu fait semblant d'ignorer mes messages quand je faisais envoyer des mots pour venir me récupérer ?
- Disons que j'estimais qu'étant assez grand pour vous mettre tout seul dans des situations plus qu'embarrassantes, vous seriez alors à même de vous en sortir seul. Ainsi avez-vous apprit vos leçons, du moins je l'espère.
- Comme c'est touchant de ta part de veiller à ce point à ce que je m'éduque moi-même, rajoute Jonah amer en apprenant seulement la vérité
- Que voulez-vous ? Ne dit-on pas que nous ne sommes jamais assez bien servit que par nous-même ? poursuit Maximilien ne se rendant probablement pas compte qu'il était en train de creuser sa propre tombe.
- Je devrais te couper ton salaire de moitié.
- Mais vous n'en ferez rien car nous savons tous deux que mon salaire va justement servir à payer une avance à Lucien, boude Maximilien
- Comme tu es perspicace ! plaisante Jonah
Encore faudrait-il que ce dernier n'est pas augmenté ses commissions depuis leur dernière rencontre. S'il y a bien une chose que Lucien aimait plus que lui-même, c'était bien l'argent et il n'était pas rare de réussir à l'appâter avec la somme appropriée.
- Si c'est tout, je présume que je m'en vais pour une quête prenant probablement la journée entière, souffle le conseiller, N'en profitez pas pour ne rien faire !
- Contrairement à ce que tu penses, je suis moi-même attendu aujourd'hui et crois-moi, comparé à ce qui m'attends, je préférerais mille fois rester ici à travailler.
- Que diable vous attends pour que vous préféreriez un tel sort vous qui d'habitude fuyez toutes responsabilités ?
- Son Altesse Royale me demande. Encore.
Et Jonah savait d'ores et déjà que cela n'allait pas être une partie de plaisir. Un soupire échappe alors aux deux hommes qui se regardent au même moment avant d'échanger un sourire complice. Chacun avait à faire aujourd'hui et la journée promettait d'être longue pour l'un comme pour l'autre. Car si l'un devait partir à la recherche d'un fantôme, l'autre devait s'en aller au front affronter un démon.
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