💍 CHAPITRE 45 💍

Évidement qu'il ne fallut pas attendre le début de soirée pour qu'en l'espace d'une après-midi, la moitié des petits nobles et des grands bourgeois reçoivent une invitation concernant la soirée organisée dans les jardins du Palais Royal par la Princesse Sophia. Alors que certains n'avaient pas été invité lors de l'inauguration de la Galerie des Lumières, voilà un fait bien curieux qu'un maximum de personnes soient invités pour ce soir-là. Cela ne devait être qu'une banale soirée et pourtant, plus d'une personne trouva cela curieux, notamment un jeune Duc bien trop méfiant. Sophia ne faisait rien d'anodin et il le savait. Le fait d'avoir envoyé autant d'invitations cachait quelque chose qui ne présageait rien de bon.

Bien entendu, une certaine Baronne fut également conviée à la soirée et cela, à sa plus grande surprise. Après les quelques échanges que Joséphine eut avec Son Altesse Royale, elle ne s'attendait pas à être invitée dans les jardins du Palais. Etait-ce une autre de ses machinations ou était-ce bel et bien une soirée comme le prétendait le carton d'invitation déposé une heure plus tôt par un valet du Palais ?

- Vas-tu y aller ? lui demanda soudainement Ambre se tenant sur le seuil de la porte de sa chambre.

- Honnêtement, je n'en sais rien. Je suis déjà suffisamment au centre des conversations et des rumeurs pour en rajouter. Je n'ai pas envie d'être traité comme la petite chose curieuse de la soirée.

- Mais ne pas y aller ne reviendrait-il pas à donner raison à ces prétendues rumeurs justement ? Joséphine, tu es celle qui aujourd'hui représente notre famille...tu as toujours été celle ayant ce rôle-là, mais aujourd'hui tu ne peux pas te permettre de rester dans l'ombre même si cela te plaît.

- Depuis quand es-tu devenue si intelligente ? sourit Joséphine devant les propos de sa cadette

- Bartolomé m'a donné quelques consignes avant de s'en aller et la première d'entre elles était «Ne laisse pas notre soeur s'enfermer dans le bureau de père. Elle n'en sortira jamais».

Il fallait le reconnaître, peut-être que Bartolomé connaissait Joséphine bien mieux qu'elle ne se connaissait elle-même. Sa permission fut bien courte et elle aurait aimé l'avoir à ses côtés, particulièrement pour ce genre de soirée, mais elle savait qu'elle allait devoir affronter la foule de regards indiscrets seule.

Puis ses yeux quittant le carton d'invitation se posent sur sa cadette se tenant juste sur le pas de la porte, le regard suppliant. Elle ne connaissait que trop bien ce regard pour savoir ce qu'il cachait derrière. Alors un soupire lui échappa.

- Je présume que tu souhaites venir également ?

- Oh, puis-je vraiment ? feint-elle innocemment

- Ambre, je te connais. Tu as toujours eu un attrait particulier pour ce genre de soirée et puis...Bartolomé serait là qu'il me dirait de t'emmener.

En voyant la joie et l'excitation sur le visage de sa sœur, Joséphine ne put s'empêcher de sourire. Jamais elle n'eut ce genre de réaction et pourtant ce n'était faute de la part du précédent Baron d'essayer de faire participer sa fille à divers rassemblements mondains.Outre les danses, la musique et les buffets, c'était également l'occasion pour la jeune Conquérant de se créer son réseau de contacts, d'alliés, d'amis. Chose à laquelle Joséphine ne s'est pas réellement attardée. L'hypocrisie, le mensonge et les apparences furent des choses suffisantes pour la tenir à l'écart, mais pas sa sœur. Ambre s'épanouissait au milieu de cela, comme si pour elle tout était si facile. Si simple. Peut-être alors que la cadette de la famille est plus intelligente que l'aînée.

Le lendemain et la soirée venue, tandis que Ambre trépignait d'impatience, Joséphine, installée devant la coiffeuse de sa chambre, ne put s'empêcher d'avoir un instant d'hésitation. Chaque soirée était pour elle, une profonde source d'anxiété tant elle savait qu'elle serait probablement aussi bien jalousée, moquée, qu'admirée. Si ce n'était pas pour Ambre, il serait fort possible que la jeune Baronne décline l'invitation à la toute dernière minute. Cela aurait-il fait une grande différence ? Son absence se serait-elle fait remarquée parmi le gratin de gens rassemblés ? Certainement pas. Ou peut-être que certains, ayant l'oeil suffisamment affûté pour cela, l'aurait relevé au détour d'une conversation.

Dieu qu'elle n'avait pas envie et c'est presque la mort à l'âme qu'elle finit se préparer, portant à son cou le collier de sa mère. La seule chose pouvant lui donner assez de courage pour quitter sa chambre.

- Madame, frappe Ninon à sa porte, Votre cavalier est arrivé.

- Je ne pense pas attendre qui que ce soit, soulève Joséphine intriguée

Ninon s'approche et lui tends alors un imposant bouquet de fleurs. Jamais encore elle n'avait vu un bouquet aussi impressionnant. Au milieu des roses, une carte, petite et discrète, dont la couleur pouvait aisément se confondre avec celle des pétales.

Joséphine l'attrape et en découvre le contenu en arquant un sourcil.

« Une fleur, pour chaque moment de bonheur que vous avez su m'offrir avec votre sourire.

Jonah»

Un large sourire vient alors se suspendre au bout de ses lèvres tandis qu'elle se hâta, ramassant ses jupons et arrêtant sa course à hauteur des escaliers. Plus bas, attendant patiemment, un jeune homme dont la simple présence suffisait à faire s'envoler sa précédente anxiété.

Jonah, entendant les bruits de pas se retourna vivement et découvrit une image dont il aurait aimé graver le souvenir dans un coin de sa mémoire. Jamais encore Joséphine ne lui avait parut aussi belle. «Belle», ne l'avait-elle pas été depuis le premier jour ? Mais à l'exemple des fleurs, cette dernière ne semblait pas se ternir avec le temps chez la Baronne, bien au contraire. Chaque jour, chaque rayon de soleil se posant sur son visage et illuminant son regard brun lui laissa échapper un soupir.

Arrivant à sa hauteur et l'attendant le bras tendu, Joséphine posa sa main sur ce dernier et ne put s'empêcher de rire.

- J'espère que vous ne m'en voudrez pas de venir sans avoir été annoncé, mais j'ai pensé que vous et moi pouvions faire un petit bout de chemin ensemble. Si tentait que ma présence vous convienne, lance Jonah sans la quitter des yeux.

- Me voilà bien embêté, pouffe Joséphine, J'espérais secrètement que mon escorte vienne me trouver pour la soirée.

- Nous voilà donc dans une fâcheuse position si je prends la place de ce malheureux. Néanmoins, maintenant que vous êtes à mon bras, j'ai le doux espoir que vous prendrez du plaisir à être en ma compagnie autant que j'en ai à être avec vous.

- Rassurez-vous Votre Excellence, je doute que ce dernier ne vienne maintenant que vous êtes là.

- Puis-je au moins demander si je connais celui à qui je vole sans remords la place ?

- Un certain Duc à la réputation dès plus scandaleuse, lance Joséphine avec amusement

- Donc nous sommes sur un individu peu respectable alors, continue Jonah en sachant pertinemment qu'elle le visait.

- Vous seriez une bien meilleure compagnie que ce dernier, c'est certain. Peut-on seulement faire confiance à un fripon passant ses soirées à séduire des jeunes femmes sur des balcon ?

Jonah se racle la gorge et repense alors secrètement à cette première rencontre.

- Quelle chance pour nous alors car j'avais moi-même une compagne de nuit, mais voilà que la demoiselle m'a fait faux bond.

- Oh ? Comme cela est étonnant. J'ai ouïe dire que vous aviez tendance à attirer les foules et non à les repousser.

- En effet, mais je crains que mon charme ne fonctionne guère avec cette dernière. Elle préfère, je crois, la compagnie d'une tasse de thé et de livrets commerciaux.

- Quelle jeune femme malheureuse cela doit être !

Tous deux rient et tandis qu'ils s'apprêtent à quitter la maisonnée, rejoins par Ambre finissant tout juste d'enfiler sa cape, Jonah marque un arrêt sur le pas de la porte de la maison, en profitant pour se faufiler jusqu'à la base du cou de Joséphine, lui glissant délicatement quelques mots.

- Vous êtes époustouflante ce soir.

- Autant que le bouquet que vous m'avez offert.

Profitant qu'Ambre soit derrière eux et que Jonah ait les mains prises avec la porte qu'il retenait, Joséphine s'avance légèrement prenant de la hauteur en se mettant sur la pointe des pieds et finit par déposer un léger baiser sur la joue rosée du jeune Duc. Ce dernier, posant sa main sur son visage comme pour préserver la chaleur du geste, la regarde se diriger vers la voiture les attendant tandis que sa cadette la suit de près, lançant haut et fort à l'attention du Duc.

- J'ai absolument tout vue, vous savez.

Légèrement gêné, Jonah sourit et finit par emboîter le pas aux jeunes femmes l'accompagnant ce soir. Le trajet jusqu'au Palais fut silencieux : Ambre passa le plus clair de son temps à regarder le paysage nocturne défilant sous ses yeux tandis que Jonah et Joséphine, assis face à face, eux, ne se quittèrent pas des yeux. Bien qu'ils ne dirent pas un mot, une sorte de communication silencieuse avait l'air de se passer comme s'ils étaient en mesure de se comprendre à travers un regard, un sourire ou bien-même un haussement de sourcil.

Pour Ambre Conquérant, c'était là sa première visite au Palais Royal. Bien qu'elle l'ait toujours vue de très loin, admirant son architecture et se posant mille et une questions à savoir : Est-ce qu'un jour elle finirait elle aussi par franchir ses portes ? Ce soir, la jeune fille qui ne rêve que de bals, de danses et de trouver un jour quelqu'un capable de la faire sourire tout comme sa sœur semble sourire en la présence du Duc. Voilà tout ce que Ambre a toujours voulu : avoir la même vie que Joséphine. Être, l'espace d'une soirée Joséphine et voir ce que cela fait que d'avoir le petit monde mondain pratiquement à ses pieds tandis qu'elle semble connaître plus d'un déboire.

- Nous sommes arrivés, signale le Duc.

Des fontaines, des pétales de fleurs volant ici et là, des acrobates, des cracheurs de feu et puis une longue allée de robes scintillantes, de rires étouffants, de costumes trop bien taillés, de plumes s'agitant. Voilà que toute la ville était réunie ici ce soir dans les jardins du Palais. Une occasion en or pour beaucoup de ces braves gens et un spectacle n'attendant qu'à être apprécié pour d'autres. Car si l'invitation aussi soudaine que brusque de l'héritière du trône avait suscitée la curiosité de la plupart des invités, certains étaient principalement venu pour apercevoir, ne serait-ce que de loin celle qui causait tant de rumeurs comme si le moindre de ses gestes pouvaient influencer sur la pluie et le beau temps.

Et qu'elle ne fut pas la surprise générale que de voir Joséphine Conquérant pendue au bras de Jonah de Varsox. Alors que les paris avaient été pris sur leur possible confrontation, voilà qu'étonnement nous les retrouvons ensemble.

Une surprise, en effet. Mais certains personnages mal intentionnés y voyaient là une affaire à conclure. Approcher la jeune femme au centre de toutes les discussions depuis des semaines maintenant et faisant, mine de rien, son petit bout de chemin à travers la société, semblait être une judicieuse idée. Car la jeune femme devait bien avoir un secret. Comment une petite fille comme elle, ayant hérité d'une petite affaire de commerce d'un père marchant pouvait être aujourd'hui au bras du jeune homme issu de la famille la plus influente du Royaume ? Comment avait-elle pu prendre la relève de son père et hériter du titre de Baronne comme si de rien n'était ? Comment pouvait-elle donner cette impression de pouvoir tout posséder si tel était son souhait ? En effet, maintes personnes ce soir enviaient Joséphine, mais dans l'ombre de la jalousie, une lueur d'espoir : L'admiration. Celles de ces femmes et de ces filles n'ayant jamais osé. Celles qui se sont pliés contre leur gré aux règles imposées. Celles qui ne disent rien et qui pourtant, voient en la jeune femme, une sorte d'héroïne des temps modernes. Un exemple. Un modèle à suivre.

Quel malheur est-il que de donner des idées lumineuses aux femmes ayant perdue jadis toute leur ardeur ?

- Ne baissez surtout pas les yeux, souffle alors Jonah en posant sa main sur celle de Joséphine tenant son bras, Ne serait-il pas dommage de passer à côté d'une telle occasion ?

- Je mentirais si je disais que je me sens à l'aise, mais je ne leur ferait pas non plus ce plaisir. Je détournerais ni le regard, ni les talons ce soir.

- Voilà ce qu'il me plaît à entendre, sourit Jonah rassuré

- Seriez-vous inquiet pour moi à tout hasard ? lui demande alors Joséphine intriguée

- Ne puis-je pas l'être ? Je tiens à vous.

Profitant que la file d'attente pour pénétrer dans les jardins soit à l'arrêt, Joséphine se détache de Jonah pour se planter devant lui, un léger sourire naissant au coin des lèvres.

- N'avions-nous pas convenu que je devais être celle vous charmant tandis que vous deviez rejeté mes nombreuses demandes en mariage avec obstination ? rit-elle

- Les rôles se seraient inversés à notre insu alors ? plaisante Jonah également

- Vous le faites délibérément. Vous vous savez charmant...

- Et incroyablement beau, rajoute-t-il en la coupant

- Et incroyablement narcissique visiblement, corrige Joséphine

- Mais cela fait partie intégrante de mon charme et je sais que cela vous plaît !

- Puis-je savoir ce qui vous fait croire cela ?

- Vous souriez Joséphine.

En effet. Elle n'avait de cesse de sourire avec lui et cela elle ne s'en rendait même plus compte.

- Disons que je vous apprécie, rétorque-t-elle en tentant de reprendre le contrôle de ses nombreux rictus

- Aouch ! Je pensais que vous m'aimiez, poursuit Jonah en fainéant d'être vexé

- Monsieur le Duc, si j'étais une femme aussi facile, le premier venu aurait déjà réussi à me séduire et où serait le défi pour vous ?

Perdus tous deux dans leur bulle, se chamaillant au beau milieu d'une foule bondée, ils oublièrent, pendant un temps, qu'ils étaient entourés. Ambre à l'arrière n'eut de cesse de lever les yeux au ciel devant tant de niaiserie tandis que la plupart des gens se trouvant de part et d'autres d'eux ne purent qu'être surpris en découvrant une telle complicité entre eux. A l'extérieur, ils avaient tous l'air d'être un jeune couple se connaissant sur le bout des doigts. Comme deux âmes sœurs se trouvant et se retrouvant enfin après avoir passé des siècles entiers à se chercher.

- Dans ce cas, heureusement pour nous, j'ai en moi, je le crois, suffisamment d'amour pour nous deux. La question est : L'accepteriez-vous ? demande Jonah en attrapant la main de Joséphine, la baisant devant toute l'assemblée présentement réunie.

- Allez savoir ? Faites-moi la cour et je vous répondrais peut-être, s'amuse Joséphine en le défiant du regard

Alors Jonah éclata de rire et en surpris plus d'un ayant suivi leur échange avec passion et grand intérêt.

- Joséphine Conquérant, mais que faites-vous de moi ? Voilà que plus le temps passe et plus il me paraît évident être l'esclave progressif de mes sentiments à votre égard. Un seul mot de vous peut rendre la plus morose des journées si merveilleuse. Vous êtes incroyablement exceptionnelle et il me semble que c'est pour ces raisons que je suis si épris de vous.

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