💍CHAPITRE 43💍
Maximilien était resté assis là, seul sur un banc, à l'abri des rares rayons de soleil qui pouvaient le gêner. Le nez dans sa lecture, il ne releva les yeux que quelques fois dès qu'une ombre semblait s'approcher d'un peu trop près. Non pas que le jeune homme soit frileux du contact humain, mais s'il pouvait s'en abstenir, cela le rendait d'autant plus heureux car il ne comprenait ce monde. Un monde où les jeunes femmes parades jours et nuits et où les jeunes hommes perdent l'esprit dès que l'une d'entre elles a le malheur de croiser leur regard. Maximilien ne comprenait pas Jonah. Sa façon de penser et d'agir. Soit tout était noir, soit tout était blanc. Il n'y avait jamais d'entre deux, de compromis.
Jusqu'à présent, le jeune Duc n'avait vécu que pour réussir à rentrer chez lui. Toute sa vie n'a été faite que d'obligations. Toute sa vie, Jonah de Varsox n'a fait que jouer avec les uses et coutumes de la société car il avait rapidement comprit comment fonctionnait cette dernière et savait qu'elle ne tolérerait aucune erreur. Aucun faux pas. S'il voulait être Duc, il devait se battre pour. Et de nombreuses fois il s'est effectivement battu. Pour montrer ce qu'il valait. Pour gagner sa place. Pour obtenir ce qu'il désire. La vie de Jonah n'a été jusqu'à présent, qu'un grand combat. Contre lui-même bien souvent et de temps en temps contre sa maudite tante. Qu'il pouvait la détester. Elle et tout ce qu'elle représentait. Sacha de Varsox était, en soit, le dernier bastion dans un monde de traditions qui commence petit à petit à s'effondrer sous les coups incessants de l'évolution de la société et de la nouveauté, chose que la Duchesse supportait que trop peu.
Chose que le jeune Duc aimait tant. Combien de fois lui en avait-il fait part de son rêve de refaire le monde ? Combien de fois Jonah l'a ainsi surprit par sa pensée, sa vision, mais aussi sa grande intelligente et clairvoyance car quiconque rêve de refaire le monde est souvent traité d'idiot ou de fou. Mais peut-être que fou le jeune homme était-il ? Cela ne surprendrait même pas son ami qui, de jour en jour, le voit glisser sur une pente bien dangereuse pour emprunter un chemin qu'il pensait impraticable. Mais tout ça, toutes ces arrières pensées, ces désirs fous et ces rêves utopiques partirent progressivement en fumée à partir du moment où Jonah croisa la route de Joséphine Conquérant. Baronne Conquérant serait même plus juste à dire. De prime à bord, on pourrait aisément croire que le jeune secrétaire ne porte pas la Baronne dans son cœur et pourtant...Bien des gens pourraient être surpris car non pas qu'il la déteste, bien au contraire. Maximilien éprouve pour Joséphine une grande admiration. Il faut dire que l'admiration, Joséphine la force. Comment, une jeune femme de tout juste vingt ans pourrait ainsi se débattre au milieu d'une société la poussant toujours un peu plus à rentrer dans une case ? Et pourtant, malgré toutes les attentes qui peuvent la concerner de près comme de loin, Joséphine continue à tracer son propre chemin. Sans jamais reculer. Effectivement, une force tout à fait admirable.
Mais malgré tout, Maximilien ne put s'empêcher de la considérer comme une sorte d'ennemie à son plan. D'ennemie à son ambition. Elle qui détourne si facilement l'attention de son maître. Elle qui se joue de lui et de ses sentiments. Elle qui lui fait tant tourner la tête. Peut-être que si la sorcellerie avait existé, il y aurait cru car comment l'expliquer ? Comment expliquer ce lien si jeune et pourtant déjà si fort existant entre Joséphine et Jonah ?
Etait-ce cela l'amour ? Le véritable amour ? Voilà quelque chose de curieux que peu de jeunes gens comprenaient ou ne réalisaient vraiment. Les dames parlent de force cosmique leur donnant l'impression de pouvoir tout accomplir tandis que les hommes en plaisantent pendant que leurs vies entières reposent dans les mains d'une seule et même personne. Existait-il seulement un moyen de comprendre un tel sentiment ? D'en saisir, d'une façon ou d'une autre, toute la pleine mesure ? Probablement que non et c'était là quelque chose de particulièrement irritant pour Maximilien car lui aimait avoir réponses à tout. Savoir sa curiosité satisfaite. Comprendre. Le savoir et la connaissance lui attribuait une sensation de supériorité à laquelle il avait prit goût.
Assis sur son banc se tenant à l'autre, Maximilien ne releva les yeux que brièvement pour observer les passants. Des éclats de rires de jeunes filles. Des cris d'enfants s'amusant... Tous lui paraissaient si heureux. Si comblés. Etait-ce seulement possible ? Ses yeux quittèrent alors le paysage s'offrant à lui pour se poser sur sa montre à gousset. Un cadeau du Duc. Offerte il y a bien longtemps, mais ayant pour lui une grande signification. Un moment unique dans sa vie qu'il n'est pas prêt d'oublier.
Mais voyant l'heure tourner, il réalisa qu'il fut presque venu le temps pour le Duc de s'échapper des buissons derrière lesquels il s'est éclipsé en compagnie de la jeune Baronne afin de se rendre à son prochain rendez-vous. Un rendez-vous pour le moins attendu et qui s'annonce beaucoup moins plaisant que celui-ci.
Pendant un bref instant, Maximilien hésite. Doit-il aller chercher son ami ? Doit-il l'interrompre dans un si doux moment ? N'était-il pas assez grand pour gérer lui-même ce genre de chose ? Voilà que tout ceci mit bout à bout le titilla de nouveau. Jamais encore Jonah n'avait raté un rendez-vous ou était-il arrivé ne serait-ce qu'en retard, mais le voilà avec Joséphine et cela pouvait largement lui donner une excuse pour perdre la notion du temps. Cela ne le surprendrait même pas.
Néanmoins, voilà que la silhouette du Duc s'échappe des feuillages au plus grand étonnement de son conseiller se levant immédiatement pour le rejoindre. Finalement, le voilà encore capable d'être surpris.
- J'ai bien cru devoir courir chercher le panier à pic-nique, souffle Maximilien
- Je suis surpris que tu n'es avancé ton livre que de dix pages, fit remarquer Jonah en voyant que le marque-page avait changé de place, Etais-tu inquiet pour moi ?
- Nullement. J'ai simplement été distrait.
- Par les nombreuses jeunes demoiselles passant par ici, je présume ? rit-il
Du plus loin qu'il puisse s'en rappeler, Jonah n'a jamais remarqué une seule occasion où Maximilien n'a paru distrait. Son sérieux rattrapait souvent sa rêverie et son côté autoritaire composait largement son papillonnage. Voilà deux personnages faisaient la paire. L'un complétant l'autre et inversement. N'y a-t-il eut jusqu'à lors plus belle amitié que celle-ci ?
Car si Maximilien était d'une loyauté sans faille envers Jonah, ce dernier avait un côté possessif assez effrayant quand on touchait aux choses qui lui appartenait. Certains en avaient déjà malheureusement fait les frais.
- Faisons-nous comme d'habitude Monsieur ? lance alors le jeune homme
- Tu me connais si bien Max et puis cela ne serait-il pas dommage de changer nos habitudes ? s'amuse le Duc
- Vous n'aimez guère rester au Palais, n'est-ce pas ?
- Disons que plus loin je me tiens de cet endroit, mieux je me porte et je ne dois pas être le seul noble à le penser. Malheureusement, nous ne sommes guère épargnés. Et puis tout à fait entre nous, je suis curieux.
- A quel propos ?
- A propos de la Princesse. Quelque chose me dit que son récent retour n'est pas anodin et que son intérêt pour Joséphine et moi est dans la même vaine.
- Pensez-vous que cette dernière pourrait se mettre en travers de votre chemin ?
- Je n'en sais rien. Honnêtement, j'ai énormément de mal à savoir ce qu'elle pense et ça m'inquiète. J'aimerais me dire qu'elle n'est pas méchante et qu'elle ne nous veut aucun mal...mais je n'arrive pas non plus à me défaire d'un pressentiment que je garde ancré en moi depuis notre dernière rencontre.
- Et que comptez-vous faire ? Si Son Altesse se montre être un obstacle ?
Marchant légèrement derrière lui, Maximilien bute à l'instant même où Jonah marque brutalement un arrêt afin de se retourner vers ce dernier. Voilà une question qui méritait qu'on s'y attarde car autant la Duchesse de Varsox, le Comte Detina étaient des adversaires qu'il pouvait se permettre d'avoir, autant la Princesse...s'opposer à elle lui était impossible. Un jour viendra où cette jeune princesse fera la pluie et le beau temps ici et là et où personne n'ignorera le moindre de ses désirs, même les plus capricieux. Alors que faire ? Se plier maintenant et en faire une alliée ? Ou bien être d'entrée de jeu dans la confrontation et espérer que cela demeure une confrontation indirecte ?
- Si cela devait arriver, je présume que nous devrions prendre certaines mesures.
- Essayez tout de même de jouer de votre charme et de lui faire comprendre qu'elle n'a rien à y gagner en s'opposant à vous. Bien au contraire. Elle n'a pas l'air d'être une jeune femme candide comme beaucoup le croit. Je suis certain que nous pourrions être surpris quant à ses futures positions.
- Je l'espère mon ami. Je l'espère sincèrement car si le cas contraire devait se produire, nous serions dans de beaux draps toi et moi !
- Seulement vous, en fait. Je fuirais à la première occasion qui me sera donnée, rétorque Maximilien
- Me voilà rassuré ! rit Jonah, Ta loyauté me touche grandement.
- Ma loyauté est au plus offrant, Monsieur.
- Heureusement pour moi, je suis actuellement le plus offrant sur le marché de l'emploi.
- En effet, heureusement. Sinon voilà bien longtemps que je vous aurai abandonné. Qui aimerait travailler pour un homme paresseux tel que vous ?
Malgré ses propos, Maximilien pensa tout le contraire de son ami. Il n'y avait pas d'homme plus droit, plus fier, plus courageux et plus travailleur que Jonah de Varsox. Sa détermination à vouloir aller au bout des choses l'a déjà poussé jusque-là, aux portes de son Duché et aujourd'hui, le voilà avec déjà un pied entre la porte et l'intérieur de son domaine grâce à Joséphine.
Peut-être était-ce un signe du destin de voir les événements si bien s'enchaîner ?
Mais ne dit-on pas que la vie n'est guère un long fleuve tranquille et que pour chaque haut, vient son équivalent négatif ?
Sans même le savoir, Jonah de Varsox se trouvait aujourd'hui sur une pente si sinueuse, que cette dernière finirait par entraîner sa chute s'il continuait à s'y aventurer.
A moins d'un miracle. D'une main tendue. Une main capable de le rattraper avant qu'il ne soit trop tard et qu'il succombe à une chute pouvant lui être fatale.
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