💍 CHAPITRE 42 💍

S'arrêtant au beau milieu du trottoir, surprise de le voir arriver à sa hauteur dans un pas plus que vif, Joséphine afficha presque un sourire. Peut-être aurait-elle pu être heureuse de le voir si les circonstances étaient différentes ? Peut-être aurait-elle pu l'accueillir différemment qu'en affichant cette moue étonnée de le retrouver ici même. Etait-ce encore un «hasard» ou l'avait-il cherché ? Dans les deux cas, rencontrer le Duc de Varsox présentement ne faisait pas son bonheur. Ni totalement son malheur. Elle souhaitait juste l'éviter car comment expliquer ? Comment le regarder droit dans les yeux et lui dire, après tout ce qu'il a fait pour les siens, ce qu'elle venait de faire à son encontre ? Quelque part, Joséphine se sentie coupable. Une part d'elle avait l'impression de le trahir et cet amer sentiment qu'elle portait en elle était loin de lui plaire.

- Votre Excellence, s'abaisse-t-elle en le saluant tandis qu'il ne se tenait qu'à quelques mètres d'elle et encore.

- Madame la Baronne, rétorque-t-il en la saluant également tout en dissimulant une certaine joie de la voir ici présente devant lui.

«Baronne». A l'entente de son titre, elle savait que cette conversation n'allait probablement pas être cordiale ni même amicale car jamais Jonah ne l'appelait ainsi sauf quand il tentait de lui dissimuler sa colère. Chose qu'il peinait grandement à faire tant certaines de ses mimiques le trahissait.

- Quel doux plaisir que de vous croiser par-ici, lui dit-il dans un sourire tendre et sincère

Elle n'osa guère relever la tête et lui faire face. Bien sûr qu'il était trop tard pour faire marche arrière, trop tard pour retourner chez cet étrange notaire bien trop rabougri et lui demander de cesser l'action. Mais elle pourrait le tenter. Pour lui.

- Peut-on discuter, Votre Excellence ? finit-elle par demander en relevant les yeux à son égard, En privé.

- Bien évidemment, répondit-il inquiet de la voir agir ainsi.

Quittant la rue bien trop fréquentée dans laquelle ils se trouvaient, Joséphine ouvrit la marche jusque dans un parc public dont elle connaissait certaines cachettes. Quelque part dans ce parc, derrière un amas de buissons, trônait un arbre dont les feuilles tombaient si bas qu'elles agissaient en véritable rideau pour quiconque se mettrait derrière, à l'abri de ces dernières.

Loin des regards indiscrets et des oreilles tendues, Joséphine sortit de son rôle, s'agitant, piétinant l'herbe, s'asseyant en se jetant au sol avant de se relever et de reproduire les mêmes actions. Jamais encore Jonah ne l'avait vu dans un tel état. Etait-elle soucieuse ? Etait-ce en lien avec le Comte ? Cet homme répugnant était-il revenu dans sa vie sans avoir appris sa leçon ?

- Puis-je me confesser ? lance la jeune femme subitement en s'arrêtant net tel un soldat au garde à vous.

- Vous semblez bien troublée, que se passe-t-il donc ?

Sans attendre davantage, Joséphine se confessa. Elle lui parla de la lettre du notaire, de l'acte de propriété signée par son père et de sa démarche auprès du notaire. Elle lui raconta chaque détail avec une précision pouvant rendre jaloux n'importe quel rapport de l'Académie militaire. Dans sa lancée et prise par une immense vague d'anxiété, craignant la réponse du jeune Duc, elle en oublia presque de respirer et s'accorda un souffle dès qu'elle eut terminée.

- N'allez-vous dont rien me dire ? le hâte-t-elle consternée par son silence apparent.

- Et que vous attendez-vous à entendre exactement ? sourit Jonah amusé, J'ai été mis au courant de cela plus tôt dans la matinée.

- Ne m'en voulez-vous pas ? N'êtes-vous pas en colère ? Frustré ? J'ai agis sans vous consulter sur un propos d'une si grande importance pour vous ! s'enflamme Joséphine

- Pour moi ? l'interroge le jeune homme.

Voilà quelque chose de bien intriguant pour Jonah. Pourquoi Joséphine s'inquiétait-elle pour lui ?

- J'ai cru comprendre que ces terres vous sont importantes pour récupérer votre Duché, finit-elle par avouer.

Ah. Donc c'était à cela qu'elle faisait allusion. Mais comment pouvait-elle être au courant ? Non pas que cela soit un secret d'Etat, mais peu de gens en ville sont véritablement au courant de la querelle l'opposant à sa tante et de son entreprise. Lui qui s'était donné tant de mal pour préserver l'illusion tandis qu'il savait qu'à un moment ou un autre, la vérité finirait par éclater car un Duc qui ne rentre jamais chez lui et profite de la vie mondaine ? Comme si cela était crédible pour un sou.

Néanmoins, le comportement de la jeune femme se tenant devant lui l'étonna. Bien qu'il eut vent de la nouvelle, il s'attendait à ce qu'elle ne s'inquiète que du bien de sa famille et non du sien. Il s'attendait à ce qu'elle agisse comme toute autre personne ayant ce genre d'opportunité l'aurait fait mais quel sot fut-il pour avoir, le temps d'un instant, oublié à qui il avait à faire. Joséphine Conquérant n'avait rien d'une opportuniste lambda, bien au contraire. C'était une jeune femme soucieuse des siens et de quiconque dont elle considérait l'amitié. Dans un monde égoïste, nombriliste et sans merci, elle était cette touche d'espoir, de tendresse et de bienveillance dont il avait besoin. Cette bouffée d'air frais.

Plaquant son front contre sa frêle épaule, un rire finit par lui échapper. Un rire sincère. Un rire non pas amusé, mais...soulagé. Peut-être aurait-il dû la prendre au mot et l'épouser sur le champ ? Cette pensée l'avait frôlé.

- D'aussi loin que je puisse me souvenir, personne ne s'est véritablement soucié de moi, de mon avis ou de mon bien-être. J'étais le seul et unique enfant d'une famille déchirée. J'étais un obstacle comme un objet de convoitises et de jalousies. J'ai vraiment grandis dans un environnement étouffant et parfois, ce dernier m'est rappelé. A chacune de ces soirées où une mère cherche absolument à me présenter sa fille. A chacune de mes sorties tandis que je ne cesse d'entendre les gens m'interpeller ou me saluer par un titre plus fantoche qu'autre chose. Parfois, j'en viens même à me demander si je suis à ma place dans ce bas monde et si vraiment le chemin qui s'offre à moi me donne envie de l'emprunter. Je n'en suis pas certain. Du moins, je ne l'étais pas et puis...Je suis tombé sur vous. Ce soir-là, sur cette terrasse.

Se détachant d'elle, Jonah s'approche et prends dans ses mains, celles de Joséphine qui paraissaient si petites et si délicates et qui pourtant avaient endurées tant de labeur pour une jeune fille de son âge.

- Je pensais sincèrement que l'alcool me faisait délirer et que j'entendais, émanant de vos lèvres, des mots que j'ai toujours rêvé d'entendre. Pour la première fois de ma vie, je rencontrais quelqu'un de drôle, qui comme moi n'avait qu'une envie et c'était celle de fuir cette vie oppressante. Vous n'aviez alors pas la moindre idée à qui vous vous adressiez et cela m'a plu. Votre naturel. Votre franc parler. Je m'en amusais et me disais que quand vous viendriez à apprendre la vérité, vous me traiterez alors comme tous les autres. Que vous vous éloignerez de moi parce que je suis le «Duc de Varsox». Mais, vous, Joséphine, contre toutes attentes, vous êtes restée. A mes côtés. Vous m'avez mis au défi et j'ai aimé apprendre à vous connaître. J'aime toujours le faire. Découvrir chaque aspect de votre personnalité, voir que vous pouvez avoir ce genre d'expression sur votre visage alors que vous étiez à mes yeux, toujours si fabuleuse et incroyable.

A cet instant, Jonah cru entendre derrière un murmure. Une voix. Probablement celle de Maximilien résonnant encore dans sa tête : « Vous êtes heureux, Monsieur. Heureux et probablement amoureux.» Etait-ce réellement de l'amour ? Si tel était le cas...si pour une fois quelqu'un pouvait faire de lui un homme entier et complet comme Joséphine en est capable alors jamais ô grand jamais il ne voudrait se séparer d'un tel sentiment.

- Vous êtes, sans conteste, la femme la plus surprenante que je connaisse Joséphine Conquérant, lui confie-t-il en caressant sa joue

- J'espère que c'est là un compliment ? relève-t-elle en souriant faisant ainsi allusion à l'un de leurs premiers échanges.

- Probablement ? rit-il

Joséphine était bien des choses pour le jeune Jonah simplement épris d'elle et par conséquent il savait qu'à compter de ce jour, bien des choses restaient encore à accomplir afin de ne plus jamais à voir le visage si soucieux qu'il entrevit précédemment.

- Je suis peut-être un homme sans terres et cela m'importe guère. Je trouverais un autre moyen de retourner chez moi. Un jour ou l'autre, je réussirais. Que cela me prenne un an, deux ans ou dix ans...Je réussirais. Alors cessez de vous inquiéter pour moi et sachez que vous avez tout mon soutien.

- Cependant, vous n'êtes pas sans savoir que vous avez une option, n'est-ce pas ?

- Je ne vous épouserais pas pour cette simple raison.

- M'auriez-vous mise au défi dans le seul but de me faire échouer ? peste Joséphine

- Nullement, rectifie Jonah, mais vous et moi savons ce qu'il se passera si nous nous unissons. Vous perdrez votre droit de propriété. Joséphine, je ne peux vous enlever cela alors que votre famille est dans le besoin.

- Pensez-vous que je pourrais vivre avec ? Voilà que j'ai appris ce que ces terres représentaient pour vous et malgré tout...malgré tout...

- Joséphine, intervient Jonah.

Il ne dit rien de plus que son nom. Néanmoins, dans ses yeux, Joséphine lut tous les mots nécessaire.

- Je vous aime, Joséphine Conquérant, et je vous demande aujourd'hui de vous accrocher à cela. Je vous aime et ai toute confiance en vous. Alors ayez confiance en moi également. C'est bien là, la seule chose que je vous demanderais. Ceci et peut-être vous demanderais-je, quand le moment sera plus opportun, la possibilité de vous aimer librement et sans aucune restriction. Par conséquent, occupez-vous de votre famille et non de moi. Occupez-vous de vous et vous ferez ainsi mon bonheur si vous réussissez.

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