💍CHAPITRE 41💍

Conformément aux instructions reçues, Joséphine se rendit jusqu'au bureau du notaire ayant reçu lesdits documents tandis que son esprit ne pouvait se détacher du bout de papier qu'elle tenait fermement contre elle. Si tout ceci s'avérait exact, elle tenait là une promesse d'avenir. Une possibilité pour elle de mettre les siens à l'abri alors qu'elle semblait être à court de solutions pour se sortir de ce triste épisode. Si tout ceci s'avérait vrai, sa vie allait prendre un nouveau tournant. Enfin, elle pourrait se permettre de rêver. Enfin, elle pourrait acheter ces robes qui coûtent des mois d'économie à Ambre. Enfin, elle pourrait payer un tuteur digne de ce nom pour Thomas qui a encore réussi à faire fuir le dernier. S'arrêtant sur son cadet, elle eut une pensée pour les mots de Bartolomé l'invitant à réfléchir à la possibilité de confier l'éducation de Thomas à l'Académie. Etait-ce vraiment un choix judicieux ? Voilà quelque chose qui méritait réflexion. Thomas est un enfant...particulier. Le cadre strict de l'Académie ne lui conviendrait probablement pas.

Avec cet argent, elle pourrait également se permettre de renflouer la trésorerie de l'entreprise familiale : Ordonner des réparations sur certains navires, augmenter le salaire des marins et peut-être investir sur des opérations plus prometteuses.

Voilà que le champ des possibilités lui était à présent ouvert, enclenchant par la même occasion un élan de rêverie chez elle. Depuis combien de temps exactement ne s'était-elle pas permis cela ? Depuis combien de temps Joséphine vivait-elle en ayant l'esprit sur terre, sans doute trop pour son propre bien car Dieu seul sait qu'une jeune fille de son âge doit pouvoir rêver et s'émerveiller.

- Joséphine !

Un éclat de voix aigu vient brutalement lui percer le tympan, l'extirpant par la même occasion de ses douces pensées tandis qu'une silhouette se précipite vers elle à grand coup de petits pas enchaînés. A quelques mètres de là, sortant d'une boutique, Tania Reed, commère principale et fille désobligeante arrivait à sa hauteur. Tout ce qui était de près comme de loin lié à Tania n'était pour Joséphine qu'oiseau de mauvais augure car jamais, jusqu'à présent, cette jeune femme ne lui a voulu son bien. Au contraire. Il n'était pas inconnu que Tania ne ressentait pour Joséphine que jalousie et amertume.

- Quel heureux hasard que de te rencontrer ici, lui siffle alors cette dernière en abattant devant son visage bouffi un éventail garni de plumes mauves.

- En effet, réponds calmement Joséphine, cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas croisées.

- Il faut dire que ton absence aux dernières soirées ou après-midi s'est grandement fait remarquée !

- Et tu m'en vois navrée. Si j'avais su que ma présence était à ce point requise, j'aurais su aménager mon emploi du temps. Il faut dire que les journées sont trop courtes pour que je puisse m'offrir le luxe d'aller papillonner alors que j'ai tant à faire.

Rares furent les fois où Joséphine eut été sensible aux remarques de Tania. Bien souvent, elle se contentait de l'ignorer, pensant qu'elle finirait par se lasser et qu'elle irait voir ailleurs. Ce qu'elle fit la plupart du temps. Mais il y avait chez Tania une obsession certaine pour connaître les moindres détails de sa vie. Même les détails les plus privés.

- Pourtant, j'ai cru comprendre que tu n'étais jamais trop occupée pour t'octroyer une plaisante promenade seule en forêt, rajoute Tania en faisant allusion au dernier événement.

- Peut-être pourrais-je prendre le plaisir d'échanger avec toi, mais j'ai un rendez-vous important, lui signifie Joséphine qui tente de reprendre son chemin

- Un rendez-vous ?

Piquée par la curiosité, les yeux de la jeune femme s'abaissent à hauteur de l'enveloppe que tenait Joséphine dans ses mains et soudain, un léger sourire vient trouver le rebord de ses lèvres.

- J'ai ouïe dire que tu viens de rencontrer un heureux hasard en effet ! Tout le monde ne parle que de ça, mais est-ce vrai ?

«Heureux hasard» voilà donc comment les gens s'amusaient à qualifier ce qui venait de lui tomber dessus. Effectivement, ça en était un, mais Joséphine ne sait que trop bien qu'il n'existe rien de tel. Oh, bien sûr qu'elle peut se permettre de rêver, d'espérer, mais trop de fois la réalité l'a violemment rattrapée. Alors qui sait ce qu'il adviendra d'elle ?

- Je doute que la réponse que je te donne soit à la hauteur de ton intellect Tania, mais dès que je serais en mesure de formuler quelque chose, tu le sauras, lui sourit Joséphine, En attendant, j'ai à faire.

Passant son chemin, elle entends derrière elle les paroles et grognements de Tania. Voilà une bonne chose de faite. Non pas qu'elle soit spécialement en retard, mais parler avec Tania Reed était en soi un précieux gaspillagede temps.

D'ailleurs, à peine fut elle arrivée chez le notaire, qu'immédiatement elle fut conduite jusqu'au bureau de ce dernier, laissant le secrétaire lui servir le thé tandis que le notaire, un homme d'une cinquantaine d'année faisant peine à voir, la dévisage tout sourire. Au regard alléché de cet homme, Joséphine savait que quelque chose clochait. C'était plus fort qu'elle-même. Pour ce genre de chose, elle avait de l'instinct.

- Avez-vous pris connaissance du document comme je vous l'ai instruis ? lui demande alors le notaire.

- Bien entendu. Je dois admettre que cela m'étonne de n'avoir à entendre de cette histoire que maintenant.

- Cela est en effet, une affaire bien curieuse, mais à la bonne heure ! C'est une heureuse nouvelle pour vous Madame.

- J'ai cru comprendre avec le cadastre joint que cela concernait des terres sur le Duché de Varsox. Ces terres ne sont-elles pas la propriété du présent Duc ?

- Du présent Duc ? releva l'homme intrigué

Le fait qu'il relève uniquement sur la mention du Duc surprit Joséphine.

- Le Duc de Varsox est, depuis quelques temps, en ville pour affaire apparemment, reprit-elle.

- Oh le Duc ! souligne le notaire en plaisantant, Madame est malheureusement mal informée sur le sujet. Le jeune homme en question ne porte le titre que de façon honorifique. Voilà des années que la responsabilité du Duché incombe à la Duchesse, tante de ce dernier.

- Je vous demande pardon ?

- Peut-être n'est-ce pas mon rôle de vous informer de cela, mais Monsieur n'est à l'heure actuelle, par éligible à la qualité de Duc...Du moins pas officiellement. Néanmoins, j'ai ouïe dire qu'il y travaillait ! A la bonne heure, me diriez-vous !

Voilà que sans le savoir, le notaire dans toute sa maladresse venait de dévoiler un important secret à Joséphine. Peu de gens étaient au courant pour la situation très controversé du Duc de Varsox. Bien qu'effectivement ce dernier ait reçu le titre de «Duc» à la mort de son père comme le veut la tradition, son exil par sa tante et son maintien jusqu'à très récemment à l'étrange ont joué en sa défaveur. Cependant, le comportement autoritaire et vénal de la Duchesse pousse, dans l'ombre, de plus en plus de gens à s'allier au jeune homme dans l'espoir de redonner au Duché sa splendeur passée.

- A votre visage je devine que vous n'étiez guère au courant. C'est pour cela qu'au vue des documents, Madame n'a aucun souci à se faire. Sauf si bien sûr vous venez à épouser Monsieur. Des rumeurs vous entourent par ailleurs, mon épouse est une grande fan de ces dernières !

La plaisanterie du notaire semblait sortir Joséphine de sa bulle. Soudainement, la jeune femme se rends compte qu'elle ne sait strictement rien de celui qui se fait appelé «Duc de Varsox». Cet homme avec qui elle avait passé tant de moments, avec qui elle avait partagé certaines choses et qui en savait probablement long sur elle...était à ses yeux un parfait inconnu. Non pas qu'elle le sentait cachottier ou manipulateur, mais elle se rends compte que jamais elle n'a osé lui demander. Voilà qu'elle l'avait demandé en mariage sans prendre le temps de s'intéresser réellement à lui.

Quelle ironie.

- Que se passerait-il alors si je venais à épouser Monsieur ? relance Joséphine

- Eh bien, vous n'êtes pas sans savoir comment fonctionne notre société Madame. A moins d'en avoir explicitement fait la demande, le patrimoine financier d'une femme ne lui appartient pas. Il reviendra à Monsieur.

- Et je ne conserverais rien ? C'est bien cela ?

- Comme cela ne concerne qu'un titre de propriété...Vous en êtes la digne héritière de part votre statut, mais...je crains...

- N'en dites pas plus.

- Que faisons-nous ? Voulez-vous tout de même que j'entreprenne les démarches ?

Il y avait dans ces documents une promesse d'avenir et ça, elle le savait. Il y avait là, écrit noir sur blanc, un moyen de sécurisé, et ce, probablement à jamais, l'avenir de la famille Conquérant et elle ne pouvait décemment pas le laisser passer. Cette chance unique. Cette offre venue tout droit du ciel et arrivée à un moment désespéré.

Mais il y avait aussi Jonah. Pourrait-elle poursuivre son entreprise en sachant ce que cela pourrait lui coûter ? Etait-il au courant de sa situation au vue des rumeurs qui couraient ?

«Quoiqu'il arrive, je veux que tu veilles sur tes cadets. Je sais que je t'ai toujours beaucoup demandé. Que tu as fait de grands sacrifices afin de faire passer leur bonheur avant le tien et que tu as toujours été ma brillante Joséphine, mais promets-moi...promets-moi que cela ne va pas changer.»

A cet instant, rongée par un léger sentiment de culpabilité, les dernières paroles de son père, inquiet et soucieux, lui revinrent en mémoire. Savait-il qu'un jour ou l'autre cette histoire finirait par revenir ? Pourquoi ne lui en avait-il jamais parlé ?

- Faites donc. Je ne peux me permettre de tergiverser, murmura-t-elle

- Je vous demande pardon ?

- Non, je vous disais de poursuivre les démarches. Je saurai m'en accommoder.

- Très bien, si cela est votre souhait, sachez que je vous recontacterais dès que cela est fait. Je tiens néanmoins à vous remercier de vous être exceptionnellement déplacée jusqu'à mon noble bureau.

- Il est vrai que cela reste, pour moi, une curiosité de savoir que vous avez reçu un tel dossier.

- Il faut croire que le hasard fait bien les choses !

Encore ce mot. «Hasard». Ce qu'elle pouvait l'avoir en horreur car Joséphine ne savait que trop bien que le hasard n'existait pas. Du moins pas réellement. Quelque chose ou quelqu'un avait forcément provoqué la sortie de cette affaire, mais qui et dans quel but ? Voilà quelque chose qu'elle ne saura probablement jamais.

Sortant du bureau du notaire et redescendant la rue, les mains libres et le cœur lourd, elle ne put s'empêcher de penser à Jonah.

Sans comprendre pourquoi, voilà que ce dernier semblait la hanter d'une bien étrange façon.

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