💍CHAPITRE 33 💍
N'y avait-il pas quelque chose de dément dans les propos que tenait le Comte Detina ? Certes, il n'a jamais eu la réputation d'un homme brillant ayant toute sa tête, mais son comportement dépeignait tristement les actions d'un homme ayant perdu la raison. Il était évident qu'il désirait obtenir quelque chose de la part de Joséphine et si ce n'est sa pleine et totale soumission alors qu'est-ce que cela peut bien être ? Pourquoi reste-t-il des minutes entière à se tenir derrière ses barreaux sans dire un mot, juste la regardant tandis que la chaîne à sa cheville émet un bruit lui rappelant sa position nettement supérieure à celle de la jeune femme actuellement. Plusieurs fois, il répéta ses visites. Il venait, restait sans dire mot et repartait. Etait-il devenu fou ?
Fou il devait l'être pour croire que cet enlèvement avait une quelconque chance de réussir. Joséphine en était convaincue, Bartolomé devait être à sa recherche et s'il y a bien une chose qu'il déteste plus que perdre contre elle, c'est d'abandonner sans avoir essayé. Peut-être même était-il non loin d'elle à l'heure actuelle ? Elle n'avait aucun moyen de le savoir, aucun moyen de communiquer avec l'extérieur et aucun moyen de s'échapper d'ici. A moins de... Non, cette idée lui paraissait sordide et grotesque. Mais pouvait-elle fonctionner ? Désespérée comme elle l'était, elle acceptait n'importe quelle idée, même la plus délirante car rien en paraissait plus improbable que d'être enfermée et retenue contre son gré.
« Tu es une jeune fille intelligente Joséphine. Tu l'as toujours été. Ne te restreint pas aux normes que la société tente de t'imposer. Libère-toi de ces chaînes qui t'entravent.»
Soudainement, les paroles de feu son père lui revinrent en mémoire. Comme il était drôle de repenser à ces mots précisément au vue de la situation.
- Vous me manquez tellement papa...murmura-t-elle tentant de retenir la moindre larme souhaitant lui échapper.
Fuir le Comte serait l'idée la plus judicieuse qui soit, mais c'est aussi perdre l'unique chance de le faire avouer. De lui arracher de ses lèvres les mots qu'elle voulait tant entendre depuis des semaines, car elle le savait, elle en était intiment convaincue : D'une façon ou d'une autre il était mêlé à la mort de son père. Elle pouvait presque le sentir au plus profond d'elle-même et si pendant des années elle a su endurer ses avances, ses propos déplacés, ses caresses volées, elle ne pouvait endurer plus longtemps pareil supplice que de rester dans l'ignorance. Hélas, Francis Detina était un homme peu bavard quand il s'agissait de partager quelques informations ou détails pouvant le condamner. Il était d'une idiotie certaine, mais possédait également une sorte d'intelligence pour ce qui était des mauvaises choses. Combien d'hommes avaient-ils piégés dans ses affaires ? Combien de femmes avaient-ils réussis à enfermer ici ? Cela n'avait que trop duré et si personne ne se décidait à agir, alors la responsabilité incombait à Joséphine de s'assurer que cet homme ne ferait plus jamais de mal. A personne.
Attendant que le Comte revienne pour sa ronde, Joséphine s'allongea à même le sol, feintant un malaise et tandis que ce dernier semblait l'interpeller à travers les barreaux, elle ne réagit point. Bien au contraire, plongée dans l'obscurité de sa cellule avec pour seule lumière la lampe pleine d'huile que le Comte avait amenée avec lui, elle attendit patiemment qu'il pénétra dans sa cage, s'approchant suffisamment pour lui sauter dessus, prenant sa chaîne avant de l'enrouler autour de son cou.
- Je ne serais jamais à vous et ne vous appartiendrait jamais, lui dit-elle à l'oreille.
Chaque seconde comptait. Il lui fallait partir avant que l'homme qu'elle avait vu précédemment ne vienne à son tour. Serrant de toutes ses maigres forces malgré un homme rondouillet se débattant, elle réussit à lui faire perdre connaissance, laissant son corps tomber violemment contre le sol. A sa ceinture un trousseau de clé lui permettant de se libérer, chose qu'elle s'affaira à faire dans la plus grande rapidité avant de quitter la cellule dans laquelle elle enferma son ravisseur à son tour.
Ramassant la lampe, elle prit un escalier, puis un couloir avant d'arriver dans le hall même de la maison dans lequel elle tomba nez à nez avec l'individu dont elle voulait absolument éviter la rencontre.
- Vous n'êtes pas censée être ici, dit-il en la dévisageant
Sans lui laisser le temps de réagir, elle lui jeta la lampe au visage tandis que l'huile bouillante se déversa sur son bras, lui arrachant un cri de douleur. Profitant de ce cours instant de distraction, Joséphine partie en courant vers la porte de la maisonnée avant d'y voir une dague la frôlant de peu s'y planter.
Son cœur ratant un battement dû à la surprise de ce geste, elle franchit tout de même le palier, ne se préoccupant que d'une chose : sa fuite en avant.
Dehors, la nuit était déjà presque tombée et il n'y avait rien aux alentours de la maison si ce n'est une vaste et épaisse forêt dans laquelle elle s'enfonça sans crainte. Courant à travers les buissons et feuillages, sentant chaque pierre, chaque branche lui blesser les pieds et les jambes, elle ne s'arrêta pas un instant avant de sentir une nouvelle fois ce bref courant d'air passer vivement à côté d'elle. On lui tirait dessus.
Il lui fallait se cacher. Il lui fallait fuir. Il lui fallait appeler à l'aide. Il lui fallait ne pas faire de bruit. Bien incapable de traiter l'information dans sa course, elle buta sur une racine hors sol et chuta. A plusieurs reprises.
Puis vient le moment où son corps, tiraillé par la fatigue, la tension et la peur, céda. Se retrouvant à terre, elle rampa bien malgré elle derrière ce qui semblait être une souche se trouvant à terre, entendant alors venir vers elle des pas. Un souffle court. Quelqu'un lui courait après. Probablement l'homme de la maison. Peut-être était-ce un chasseur du coin ? Un homme du Comte ? Cela ne pouvait pas être le Comte lui-même. Elle s'en était assuré.
- Je sais que vous êtes là...
Plaquant ses mains contre sa bouche, persuadée que cela pouvait aider à masquer les bruits que pouvait émettre sa respiration endiablée, Joséphine sentait néanmoins son cœur au bord de ses lèvres. Elle ne retournerait pas là-bas. Pour rien au monde. Elle préférerait se battre bèques et ongles que de se voir ramenée dans ce sinistre et lugubre endroit.
- Je vous vois.
Malgré tous ses efforts pour se cacher tant bien que mal, elle se redressa et vis l'homme se tenant juste derrière elle, un couteau de chasse en main. Levant cette dernière brusquement, s'apprêtant à lui asséner un coup qui aurait pu lui être fatal, ce dernier est soudainement arrêter quand une flèche habilement tirée vient la transpercer, l'obligeant à lâcher son arme.
- Joséphine !
Elle reconnaissait cette voix. Elle connaissait cette voix et tandis que de derrière un arbre surgit la silhouette du jeune Jonah, armée d'un arc et d'un carquois de flèches, une autre vient se jeter sur l'homme, épée en main.
- Bartolomé ! s'écrit-elle en voyant son frère chuter d'une branche.
Sans aucune once d'hésitation et dans un sang froid admirable, Bartolomé Conquérant maîtrisa l'homme, le menaçant de sa lame.
- Duc, veuillez vous occuper de ma sœur. S'il vous plaît, ordonna le Lieutenant
Comprenant le ton, Joséphine n'eut guère le temps de prévenir son cadet et fut de suite amenée dans les bras du Duc jusqu'à ce qui semblait être un campement rapidement établi.
- Comment m'avez-vous retrouvée ?
- Il s'avère que certains paysans du coin ont plus peur de l'insigne de l'armée plutôt que de l'influence du Comte lui-même. Nous avons pu remonter sa trace rapidement, lance Jonah lui aussi arborant un ton dès plus neutre.
Il se retourna alors vers une Joséphine tout à fait silencieuse et ne put voir qu'une jeune fille le regardant avec toute la curiosité du monde dans les yeux. Elle ne semblait ni apeurée, ni même effrayée pour un sou. Ses jambes étaient couvertes d'égratignures en tous genres, ses pieds se trouvaient être en sang et son visage...un bleu semblait être né à hauteur de son œil gauche. Et pourtant, elle ne disait rien. Elle ne pleurait pas. Elle ne réagissait pas. Et tandis qu'il s'occupait de sortir une trousse de premiers secours confectionnait par une dame croisée plus tôt, Jonah ne put s'empêcher de contenir ses émotions.
- N'avez-vous donc rien à dire ? N'avez-vous pas envie de...de...Je ne sais pas, moi, de réagir ?
- Oh ! Merci d'être venu pour moi, souffla-t-elle dans un léger sourire reconnaissant
- Je ne parlais pas de cela bien sûr. Joséphine, vous rendez-vous seulement compte de ce qu'il vient de vous arriver ? La situation aurait pu être catastrophique.
- Mais elle ne l'a pas été, non ? J'ai réussi à m'en sortir.
«C'est donc cela» réalisa tristement le jeune homme. De part sa nature, il avait comprit lors de leurs premiers échanges que Joséphine Conquérant était une tête dure, une femme indépendante et forte. Probablement plus qu'il ne peut espérer l'être. Mais il sait aussi que ce genre de comportement individualiste peut coûter cher. Très cher et un moment viendra où elle le payera.
- Êtes-vous en colère ? releva-t-elle en le voyant plier sauvagement des bouts de chiffons certainement utilisés comme bandages.
- Je le suis, oui. Je suis en colère contre moi-même car je me sens minable comparé à vous. Durant toutes ces heures je n'ai eu de cesse de penser au pire, d'imaginer les pires scénarios et je me suis même retrouvé à prier comme un idiot pour espérer vous retrouver. Tout ce que je demandais c'est qu'on me laisse au moins une fois vous revoir. Je me sens idiot, confesse-t-il. Pendant tout ce temps, je n'ai même pas osé croire votre frère qui ne cessait de me dire qu'il faudrait avoir pitié pour quiconque essayait de s'en prendre à vous. J'ai souris, ironiquement, en me disant «Même une femme comme Joséphine ne peux» et pourtant...vous voilà...
Elle pouvait le percevoir. Le tremblement dans sa voix trahissant toute l'inquiétude qu'il avait certainement dû éprouver et refouler. Alors, délicatement, elle vient poser une main sur sa joue tandis que ce geste l'interpella. Elle était là, tout sourire, comme si cet épisode cauchemardesque ne s'était pas déroulé. Elle était là, à le regarder avec toute l'affection possible et Seigneur...que n'aurait-il pas donné pour que cet instant puisse durer toute une éternité.
- Merci. Vraiment, répéta-t-elle
- Vous êtes décidément bien surprenante Joséphine Conquérant. C'est le moins que l'on puisse dire, dit-il en riant légèrement
- Si je ne l'étais pas, Son Excellence s'ennuierait avec moi.
- Oh, je ne pense pas que vienne un jour où je puisse me lasser de vous.
Un sourire vient naître sur le visage blessé de la jeune femme tandis que soudain, une larme se mise à rouler. Suivie d'une autre.
Tout ce qu'elle pensait avoir enfouie en elle se mit subitement à resurgir, la poussant à éclater en sanglots tandis que naturellement, Jonah vient la prendre dans ses bras. Il ne lui dit pas un mot cette fois. Rien. Il fit vœu de silence, laissant les tourment de son amie sortir. Laissant cet épisode devenir progressivement un douloureux souvenir.
- Un jour viendra, tous baisseront la tête en vous voyant. Tous s'inclineront, forcés de vous respecter. Un jour viendra où vous aurez une place si grande et si importante que personne n'osera vous faire du mal. Personne ne vous approchera. Un jour viendra, où vous, Joséphine Conquérant, serait la femme ayant marquée et bouleversée cette société étriquée.
S'écartant légèrement de son étreinte, elle le regarde avec un léger sourire amusé par ses propos tant ceci lui semblait être un idéal impossible à atteindre. Une telle position ferait de l'ombre à la Princesse et cela ne serait point toléré. En outre, personne ne la laissera aller si loin, même si elle ne manque pas d'ambitions. Cela lui est impossible.
- Serez-vous à mes côtés quand ce moment viendra ? lui demande Joséphine en essuyant ses larmes du revers de son pouce.
- Seulement si vous voulez bien de moi et de ma grande incapacité à vous sauver, sourit Jonah
- Certains mots semblent être en mesure de sauver une âme égarée.
- Mais vous ne l'êtes pas Joséphine. Contrairement à ce que l'on aimerait vous faire croire, vous êtes tout sauf égarée.
- Feriez-vous une promesse avec moi ? Juste pour cette fois ? Voyez cela...comme une faveur.
- Des amis ont-ils besoin de se rendre des faveurs ? plaisante-t-il en tendant son petit doigt
- Promettez-moi d'être pour toujours mon ami et d'être là quand j'en aurais besoin.
- Je le promets. Je serais là quand vous aurez besoin de moi.
- Très bien. Dans ce cas...
Concluant la promesse qu'ils venaient de se faire l'un à l'autre, Joséphine s'écarte cette fois pour de bon avant de plonger son regard larmoyant dans celui de Jonah l'observant avec curiosité. Que voulait-elle ? Pourquoi cet étrange et soudain comportement ?
- Je demande votre main en mariage Votre Excellence.
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