Chapitre 6
(Antonio en média... mais en farmer boi... il mérite.. je crois)
JOLAN
Rester seul avec Antonio était un événement que je souhaitai éviter le plus possible.
Je l'aurais volontiers tué, si j'avais eu une raison de penser que cela ferait de la peine à quelqu'un. Certes, à défaut d'avoir des amis, je supposais qu'il avait des parents. Cependant, s'il était aussi collant avec eux qu'avec moi, ils me seraient reconnaissants de les en avoir débarrassés. Or, je détestais quand on me remerciait pour un meurtre.
Peut-être que me le coltiner était une punition pour avoir fait une erreur tragique de jugement.
D'ordinaire, je reportais la faute sur les autres sans scrupules. Après tout, ils étaient responsables de la plupart de mes échecs (j'étais un génie du mal, certes, mais surtout un génie incompris). En revanche, pour Antonio, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même.
À moi-même, à mon four, et aux vacances de Noël.
Le repas de fin d'année de la fondation était un événement que je n'avais jamais raté (sauf cette fois, en troisième, quand papa avait insisté pour que l'on passe l'entièreté des vacances dans sa famille au fin fond des Alpes).
Ce n'était pas autant une corvée que ce que l'on pouvait imaginer. La bonne humeur ambiante me tapait sur le système, mais un tel rassemblement était toujours l'occasion de créer un peu de drama, ce qui valait le coup de supporter quelques chants de Noël. Il y avait de la bonne nourriture, des belles bougies, et les mineurs étaient autorisés à goûter au vin et au champagne. Vraiment, je n'y allais pas de si mauvaise grâce que ça.
Chaque année, tous les membres ramenaient une partie du repas. Et moi, chaque année, je testais un nouveau poison pour tous les intoxiquer.
Étonnamment, j'échouais toujours.
Entre autres, je pourrais citer l'exemple funeste de l'an dernier, pendant ma première année de fac ; la fois où j'avais été sur le point de réussir.
Je m'étais chargé d'apporter un dessert. Six douzaines de cannelés, consciencieusement préparés selon la recette de notre vieille voisine bordelaise, mais agrémentés de ma touche personnelle : la belladone qui poussait dans ma chambre. Muni de ma bonne volonté et de mon piètre niveau en mathématiques, j'avais fait une rapide étude statistiques et évalué qu'entre cinquante et soixante-dix pourcent des convives en goûteraient au moins un.
J'espérais donc qu'à la fin du dessert, la moitié de l'assemblée s'écroulerait au sol en hurlant « ah ! je me meurs ! ». Dans mon scénario idéal, Cassandre – qui n'en aurait pas mangé, parce qu'elle ne me faisait pas confiance à ce point – me pointerait du doigt et m'accuserait de les avoir tous tués. J'éclaterais d'un rire méchant (il n'était pas encore au point, mais personne n'aurait contesté ma cruelle hilarité), et pour une fois, tout le monde la croirait. Ensuite, je quitterais les lieux en laissant derrière moi un mouchoir brodé de mes initiales et m'attèlerais à mon prochain but : la domination du monde.
Bien évidemment, cela ne s'était pas déroulé ainsi.
Au moment du fromage, nous nous étions faits attaquer par une armée de chiens-zombies magiques. En plus de jouer les trouble-fêtes, et d'avoir causé la mort de deux ou trois enfants (sans doute des moins de quatorze ans), ils avaient dévasté le buffet. Et dans le processus, avaient mangé mes cannelés.
Zombie ou pas, ils en étaient morts. Re-morts ? (conclusion : j'avais donc géré la recette comme un chef. Cela ne m'avait pas consolé.)
Cassandre, qu'on lui reconnaisse de suivre mon plan à la lettre, avait quand même pointé le doigt vers moi et avait hurlé à qui voulait l'entendre que j'avais empoisonné les gâteaux. Personne n'avait réagi. Ils étaient tous trop occupés à pleurnicher, finir les bouteilles de vin (dans le cas de Jean-Luc ; mais qu'il profite, c'était son dernier Noël) et s'occuper des cadavres. Je l'avais remerciée pour son effort, mais m'étais rendu à l'évidence : on était loin de mon scénario idéal.
De toute façon, je n'avais pas de mouchoir brodé.
L'année suivante, je pris donc bien soin de préparer des entrées. Des petits fours, pour être précis. Et, surtout, je réutilisai le même poison : pourquoi changer une équipe qui gagne ?
En toute modestie, je cuisinais bien (Peut-être que je devrais songer à créer un livre de recettes : 1001 idées pour empoisonner vos convives ! Le marché du livre était dur et cruel, mais si Jean-Luc avait réussi à faire publier sa romance nulle de vampires, j'avais plus que ma chance.) Ce jour-là, cependant, je fus un peu trop confiant en mes talents culinaires. Et en la fiabilité de l'électronique : le minuteur du four omit de sonner. Quand l'odeur de caractéristique de brûlé parvint jusqu'à ma chambre, c'était trop tard. Extrêmement agacé, je dus tout jeter.
C'était bien évidemment trop tard pour préparer autre chose.
J'avais encore raté une occasion de perpétrer un meurtre de masse.
L'avantage d'être idolâtré, c'est que personne ne songera à vous reprocher d'être venu les mains vides. Ce fut peut-être aussi à cause de l'ambiance un peu particulière. C'était la première fois que nous nous réunissions de manière festive depuis la mort de Jean-Luc, et le gens semblaient plus mornes que d'ordinaire. Nous n'avions pourtant pas perdu notre meilleur élément en terme d'humour ; les blagues limite misogynes de notre ancien chef n'avaient jamais particulièrement réchauffé l'atmosphère.
« Tu n'as rien apporté, Jolan ? s'étonna Cassandre quand elle me vit arriver. Pas de gâteaux vénéneux ? Pas de verrines au poison ? Une bouteille de champagne toxique, peut-être ?
- Bonnes idées, merci, je note pour la prochaine fois.
- T'embête pas, tu n'as pas besoin de ça pour nous empoisonner la vie.
- Tu me flattes.
Elle essaya de me faire un doigt d'honneur, mais l'effet était un peu gâché par la plaque de petits fours qu'elle tenait dans ses mains. J'en pris un : il n'était pas brûlé. Et sans doute pas empoisonné non plus. Tout le venin de Cassandre se concentrait dans le regard qu'elle m'adressait, de toute façon (et dans ses tweets).
- Pourquoi Autumn n'est pas là ?
- Je suis censée le savoir ? Ce n'est pas ma copine.
- Oh non, tu es jalouse ? Fallait me le dire ! On pourrait facilement arranger ça, tu sais...
- Sans vouloir être dramatique, je préfèrerais mourir.
- L'un n'exclut pas l'autre, chérie. »
À défaut de son majeur, elle leva les yeux au ciel, et tourna les talons. Même lui parler n'avait pas amélioré mon humeur. Je me dirigeai donc vers les apéritifs pour noyer mes espoirs déchus de domination du monde dans le vin de Noël d'Ursule et les olives vertes.
Autumn était en fait malade. Elle me prévint par message qu'elle ne viendrait pas. Je ne savais pas si j'étais content de ne pas la voir (en période de Noël, elle était d'une niaiserie ingérable) ou déçu qu'elle n'ait pas apporté ses cookies (c'était grâce à eux que je trouvais le courage de continuer de sortir avec elle).
Sa place à côté de moi ne resta pas vide bien longtemps. Un garçon s'y installa maladroitement.
« Salut Jolan ! bégaya-t-il.
- Marco.
Il rougit violemment. Ses cheveux roux étaient mal coupés et tombaient devant ses yeux ternes. Son effort vestimentaire de la soirée s'était traduit par une cravate à rayures rouges et bleues, mal nouée. Mais il n'avait pas du bien comprendre le concept, parce qu'il avait par ailleurs gardé son bas de jogging froissé, et un vieux sweat-shirt à l'effigie de Dragon Ball Z.
Je levai les yeux au ciel. Il était pathétiquement moche.
- Oh non, je m'appelle Antonio. Mais tu peux m'appeler Marco si tu préfères ! s'empressa-t-il d'ajouter.
Je m'apprêtais à lui répondre que je ne comptais pas l'appeler du tout (je ne parlais pas aux gens aussi mal habillés, question de principe) quand j'entendis Cassandre, la bouteille de vin blanc à la main, prononcer ces funestes mots :
- Jolan, je te sers ?
Il faut savoir une chose sur moi : je ne tiens pas l'alcool. Je veux dire par là : vraiment pas. Au point que, même après mon seul verre d'apéritif, je sentais déjà la boisson faire son effet.
Je sais. C'était terrible. Je n'y pouvais rien si mon corps faisait toujours obstacle à mon ambition de faire un méchant crédible. Même Marco-Antonio avait son verre rempli. Dire qu'il avait deux ans de moins que moi ; quelle honte.
La plupart du temps, je réussissais à faire illusion avec du champomy (même si les bulles me piquaient le nez) ou le jus de raisin, mais devant le vin blanc, j'étais désarmé. Cassandre en avait parfaitement conscience, et c'était bien pour cela qu'elle me l'avait proposé. Elle me regardait avec défi. Je comprenais pourquoi ce n'était pas elle que les lycées s'arrachaient pour la prévention de la sécurité routière.
Si j'avais su ce qu'il se passerait ensuite, j'aurais enterré mon ego et je serais resté loin des provocations de notre chère reine des neiges.
Je ne savais pas.
- Bien sûr ! »
La soirée avait mal commencé : l'échec de mes petits fours était encore une plaie à vif dans mon cœur (de pierre). Vu comment mon voisin de table me fixait avec insistance, elle ne promettait que d'empirer. Pour me rassurer, je me dis donc qu'un verre m'aiderait sans doute à la supporter.
Le problème fut que je ne m'arrêtai pas à un verre.
Après réflexion, je pourrais peut-être mettre une partie de la faute sur le compte de Cassandre. Je ne doutais pas qu'elle avait un but précis en agissant de la sorte. Un but autre que le plaisir de me voir ivre. Mais je ne trouvais pas.
Je décidai donc de me concentrer donc sur mes propres buts.
Il me restait toujours le cœur d'Autumn à briser. J'avais prévu de la tromper avec quelqu'un de la fondation depuis avant même que l'on sorte ensemble. Pour que la trahison ait plus d'impact, Cassandre était évidemment toute désignée. Mais sans être dramatique, elle préférait apparemment mourir.
Alors, comme le roux à côté de moi n'attendait visiblement que ça, c'est lui que je ramenai chez moi ce soir-là.
Que cela soit bien clair : plan ou pas plan, si j'avais été sobre, je n'aurais jamais trouvé que coucher avec un tel paysan soit une bonne idée. Sa technique de drague consistait à rougir et me donner des coups de coude par inadvertance ; c'était invivable. Mais le moi ivre trouva ça, pour une raison qui continue de m'échapper encore aujourd'hui, acceptable.
Le lendemain matin, quand j'ouvris les yeux en tout innocence, le visage d'Antonio était à dix centimètres du mien. Et il me fixait. En souriant.
Je ne souhaite à personne de connaître un tel réveil (façon de parler, je le souhaite à tout le monde, du coup). On pouvait être traumatisé pour moins que ça.
« Bonjour Jolan ! Tu es enfin réveillé !
Il essaya de m'embrasser. J'avais peut-être mal à la tête, des difficultés à émerger et un certain sentiment de honte (je méritais mieux que lui), il me restait des réflexes basiques. D'un coup de pied dans le ventre, je l'éjectai de mon lit. Le bruit qu'il fit en tombant par terre ne me satisfit pas autant qu'il l'aurait dû.
Antonio me regarda avec surprise et recommença à rougir. Ses cheveux roux étaient décoiffés comme jamais, et ses yeux marrons soulignés de cernes derrière ses lunettes aux verres sales. J'aurais aimé pouvoir dire qu'il était moins laid sans ses vêtements hideux, mais j'étais quelqu'un d'honnête. Fait étonnant, il portait encore sa cravate bicolore. J'espérais que les marques bleu-violacé que j'apercevais en dessous étaient des bleus.
Croyez-moi, j'aurais aussi aimé prétendre ne pas me rappeler de la veille (je méritais tellement mieux que lui, qu'est-ce qui m'était passé par la tête ?). Ce n'était pas le cas – tout comme ce n'étaient pas des bleus.
Le garçon n'avait toujours pas bougé. Je décidai d'être explicite.
- Marco, qu'est-ce tu fous encore ici ?
Une personne normale aurait compris ça comme une invitation à partir. Antonio crut que je l'invitais à remonter dans le lit. Au secours. Je fis encore plus explicite.
- Dégage.
- Oh... C'est à cause d'Autumn, c'est ça ?
- Non, c'est à cause de ta sale gueule. Pars.
Encore une fois, une personne normale se serait vexée. Antonio eut juste l'air inquiet.
Il chercha à m'attraper la main, mais j'étais occupé à chercher ses horribles vêtements (je l'aurais bien laissé partir nu avec sa cravate, mais je ne pouvais envisager de garder ces espèces de torchons chez moi).
- Je... Ne t'inquiète pas pour ça ! Je ne lui dirai rien Jolan ! Je ne dirai rien à personne, je te le promets ! »
Je lui lançai ses guenilles au visage et d'un mouvement de poignet, fis s'ouvrir les vitres de ma chambre. Il eut à peine le temps de glapir de surprise que je l'avais déjà jeté par la fenêtre.
Antonio survécut à sa chute, rentra chez lui et m'envoya un long message dégoulinant de bienveillance que je ne lus pas.
Quant à moi, c'est à Autumn que j'écrivis. Je pouvais passer outre ma honte, si c'était pour la bonne cause. Lui faire de la peine rentrait dans cette définition.
Salut. Je t'ai trompée avec Marco.
Qui est Marco ?
Le roux fan de Sasuke.
Euh... Antonio ?
Oui.
LOL !!!
Ce n'est pas une blague.
Mon coeur... Tu aurais dû choisir quelqu'un d'autre si tu voulais que j'y croie !!!!!!!!
Je suis sérieux.
oui oui !!!!
Elle ne me crut jamais. Et j'ajoutai les événements de la nuit à la liste des mes essais ratés pour faire le mal.
-
Je ? C'est la première fois que je laisse une note ici je suis brusquée, j'avais perdu l'habitude. Du coup c'est awkward.
En même temps fallait bien que ça arrive, je suis incapable de me taire.
Du coup ce chapitre tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, mais il fallait que je décrive la scène où Jolan jette Antonio par la fenêtre (why are you so needy, si jamais vous avez la réf). Je dois beaucoup à mon Bro d'ailleurs.
Merci pour tous vos commentaires sur cette histoire. C'est mon bébé. Qu'il faut que je me motive à écrire lol.
Aussi, question importante ??? Avez-vous des ship ?? Non pas que Jolan soit très shippable mais quand même, c'est une agressive prostitute (poussin).
Sur ce, je vous souhaite une bonne journée et vous rappelle de vous hydrater convenablement.
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