CHAPITRE 46 : Le Coup De Grâce

La désagréable sensation d'une subite brûlure apparut soudainement sur la joue de la Terrienne. Cette dernière dévisagea son partenaire avec un dégoût tout à fait nouveau.

- Tu viens de me frapper ?! s'énerva-t-elle brutalement.

Le second prince sortit de sa torpeur, et lança un regard désolé à Toki quand il se rendit compte de ce qu'il venait de faire. Il avait frappé une femme. Mais pas n'importe laquelle : sa femme, la prunelle de ses yeux, celle qu'il s'était juré d'aimer et de respecter.

Un amer goût de regret s'empara de son palais.

- Pardonne-moi Toki, s'excusa-t-il sincèrement en tenant sa tête sans sa main, ce n'est pas ce que je voulais faire...

- Mais tu l'as fait. Tu as osé lever la main sur moi ! Et pour elle hein ?! C'est pour elle que tu m'as frappée !

Puis elle porta son attention sur Clarissa.

- Toi : t'es morte.

La voix de Toki était déformée par la colère. Elle avait fini par se laisser aller et perdre le contrôle.
À présent, c'était une toute autre personne qui se tenait devant eux. La Terrienne grimaça de rage, et son regard froids devint miel, signe qu'Ilvana Na'elik était de la partie.

Clarissa fronça les sourcils d'étonnement devant son subite changement de couleur oculaire. Malgré tout, elle choisit d'en faire abstraction, trop occupée à savourer intérieurement la scène qui se déroulait sous ses yeux.

- Elle a perdu le contrôle ! intervint Liz en rappelant tout le monde à l'ordre, il faut l'arrêter ou elle va vraiment tuer quelqu'un !

Les gardes se mirent en position de combat, et derrière eux, les Élus et les autres servants du palais observaient la scène avec stupeur.

De son côté, Toki ne ressentait plus rien.

Quand elle s'était abandonnée à sa colère, elle avait certes choisit la solution de facilité, mais elle avait surtout trouvé le seul moyen d'éviter de souffrir. La douleur n'était plus, car elle avait choisit la fureur au doute et à la jalousie : des émotions très négatives pour un bonne mage noire comme elle.

Il semblait à Toki que dans ce genre d'intense moment, tout ce qui se trouvait autour d'elle paraissait flou, comme si on l'avait mise dans une petite boîte, et que l'on s'était emparé de son corps. Elle en profita pour se replier encore plus sur elle-même, échappant à toutes douleurs par la même occasion.

Mais ce qui se passait en elle commença à avoir des conséquences sur le monde physique autour d'elle. Les murs se mirent à trembler, l'air devint lourd, quasiment irrespirable, tandis que les cristaux lumières clignotaient comme les vieux lampadaires des films d'horreur lorsqu'un évènement terrible était sur le point de se produire.

Toki, en transe, leva sa main en direction de Clarissa.

- Je crois que ça suffit.

Une voix de velours des plus familières retentit, et vint cesser les grognements menaçants d'une Toki que plus personne ne parvenait à reconnaître.

- Jormungand ! s'exclama Jonathan en passant devant le garde qui lui bloquait la voie pour le protéger.

Le démon final ignora les nombreuses exclamations à son encontre, en posant son regard sur le corps endormi de sa contractante qu'il venait d'assomer en urgence. Il était intervenu pour sauver les Élus de la fureur de Toki, et pour la soulager de sa colère, étant donné l'urgence de la situation et que cela n'allait pas à l'encontre des règles du Contrat.

Bien qu'il reniait catégoriquement toute forme de sentiments, il ne pu s'empêcher d'éprouver de la pitié à l'égard de Toki. D'un geste souple, il la souleva dans ses bras, portant son corps encore chaud de fortes émotions, sous le regard inquiet de l'héritier.

- Qu'as-tu fais ? avait demandé Jonathan en fixant le masque laiteux.

Jormungand se tenait droit dans sa veste rouge sang, qui lui donnait un air de tueur en série, tant l'aura obscure qu'il dégageait se fondait parfaitement avec le décor : à savoir, un corps dans les bras et un couteau ensanglanté.

- Je viens réparer vos bêtises, ou plutôt "tes" bêtises.

Tous les visages des personnes présentes sur les lieux, perdirent leurs couleurs quand Jormungand laissa une partie de son aura se déployer, comme pour appuyer sur ses propos. Seule, Clarissa sembla fascinée par l'improbable présence du démon finale devant ses yeux.

Et même si Jonathan d'échanger avec le démon pour essayer de s'expliquer, c'était trop tard, le mal avait déjà été fait.

Jormungand ne perdit pas plus de temps et disparu avec la Terrienne dans les bras, pendant que le reste des "spectateurs" se regardèrent d'un air tendu.

Mais Liz, elle, avait vu plus loin que ça...

🎭

PDV Toki

Je repassais la scène un million de fois dans ma tête, mais la conclusion restait toujours la même : j'avais péter un plomb ! Des mots que je ne pensais pas étaient sortis de ma bouche, et j'avais laissé la colère prendre le dessus en guidant mes faits et gestes.

Tout était parti en cacahouète en quelques minutes, et le jeu d'acteur de Clarissa avait finalement eu raison de moi. Le pire était le fait que les Élus justifiaient sans problème, mes actes qui n'étaient guidés que par la colère.

Ils ne m'avaient ni aidée, ni soutenue : rien.

Je me recroquevillai davantage sur moi-même, alors que me corps tremblant faisait un creux dans mon lit à baldaquin. J'étais revenue dans mon ancienne chambre, et c'est Jormungand qui m'y avait conduite.
Je l'aurais bien chaleureusement remercié de ce geste, s'il n'était pas en train de me toiser de toute sa grandeur.

Sa posture mi-décontractée mi-tendue avait l'air de me dire : "Tu vois, je t'avais prévenue..."

- Alors ? Que vas-tu faire ?

Cette question me brusqua violemment.

- Je ne sais pas... Mais j'en ai marre : je ne veux plus souffrir. Apprends-moi.

Jormungand joignit ses mains. Une étrange fumée noire sortit d'entre ses doigts, et, comme s'il venait de la modeler avec sa magie, il me tendit une fine bague de métal blanc.

- Qu'est-ce que c'est ? lui demandai-je en fixant l'objet.

- C'est un petit cadeau de ma part, mets-le.

Je saisis l'objet et le mit à mon index gauche. À peine eus-je mis la bague à mon doigt qu'une très agréable sensation de délivrance me prit aussitôt. Le genre de sensation qui nous envahie quand on prend une douche bien chaude après le sport, ou lorsqu'on s'assoie après voir marcher des heures durant.

- Maintenant, m'informa le démon en me fixant, pense à Clarissa et à l'héritier dans une situation déplaisante...

- QUOI ?! m'indignais-je alors que je les imaginai en train de s'embrasser, je ne veux pas que...

- Alors ? Que ressens-tu ?

Je m'imaginais la scène la plus intime possible entre les deux, et pourtant rien ne me perturba. Certes, j'étais très contrarier de les voir, mais ce n'était clairement pas la même chose. C'était comme si je ressentais l'inconfort de voir un ami très proche se faire d'autres amis : mais rien de plus.

- J-je ne comprends pas, bégayai-je à mon démon en me levant du lit, je...enfin c'est bizarre mais je ne suis plus aussi en colère que d'habitude...

Le démon se mit face à moi.

- Et les douleurs ?

- Rien... Je ne ressens rien ! Cette bague est magique ! Je suis guérie !

Jormungand posa son doigt ganté sur la partie inférieure de son masque où devait probablement se trouver sa bouche.

- Ne t'emballe pas, me dit-il en mimant "chut", cette objet est un artefact rarissime qui ne résoudra pas tes problèmes émotionnels. Il nous fait simplement gagner en temps et en efficacité. Tu pourras ainsi mieux te concentrer sur la maîtrise de ta magie.

Cette anneau était vraiment une bénédiction ! J'adorais l'idée de ne plus avoir à me mette en colère, ou même à ressentir de la jalousie. Le prix pour une telle insensibilité était lourd, mais nécessaire, car je devais impérativement refaire la point sur moi.

Le plus intrigant restait le faite que quand je pensais à Jonathan, je ne ressentais rien d'incroyable. Plus de douleur, plus de papillons, plus d'électricité, rien mis à part un amour ardent, quoiqu'un peu "platonique". Je l'aimais, mais c'était tout. Je ne le désirais plus comme avant : ce qui était parfait pour me permettre de rester concentrer !

- Porte-la à en permanence. Tu pourras la ôter quand tu te sentiras prête à affronter l'héritier.

Je haussais un sourcil d'incompréhension.

- L'affronter ?

- Tu comprendras tout quand le moment viendra.

J'acquiesçai de la tête sans broncher. Ayant accepté sa proposition, je me devais à mon tour d'agréer aux règles qui allaient de paire avec notre accord. Mais je ne devais pas oublier la raison principale de cet accord.

- Cet entraînement me permettra-t-il de m'occuper de Clarissa ? demandai-je sur un ton rancunier.

Le démon final se frotta les mains avec avidité.

- Oh, mais j'y compte bien...

- Parfait, conclus-je en serrant le poing, je veux que cette pétasse paie !

Le démon poursuivit en mettant les mains dans son dos.

- D'ailleurs, précisa-t-il de sa voix de velours, j'ai un petit stratagème à te soumettre si tu le veux bien...

- Un stratagème ? C'est sans risque ?

- Disons qu'il a son lot de difficultés. Mais si tout ce passe comme prévu, tu pourras et t'occuper personnellement de cette fille, et prouver au royaume tout entier que tu n'es pas à prendre à la légère et que tu es puissante !

Si le démon me proposait une telle opportunité, c'est que cela ne devait pas aller à l'encontre des règles, puisqu'il ne faisait que me soumettre une idée, et ne me forçait à rien.

Mais si cela permettait de me débarrasser de Clarissa : alors j'étais prête à tout.

À tout, même à pactiser avec le Diab-
Ah bas non, c'était déjà fait.

- J'accepte, lui souris-je avec un air malicieux sur le visage, montre-moi.

Jormungand rit d'un air satisfait.

- Bien bien, et pour l'occasion, je vais t'apprendre un petit sortilège de Désespoire dont te me dira des nouvelles. Tu verras, on va bien s'amuser...

Je vais leur montrer à tous, que je ne suis pas une personne que l'on sous-estime !

Ils vont voir ce qu'est une mage noire au summum de sa puissance...

🎭

Trois jours plus tard...

L'entraînement de Jormungand commençait à porter ses fruits. Ma magie noire se développait de plus en plus vite. En un jour, je gagnai énormément d'endurance et ma source magique s'agrandit considérablement. Plus je me laissai aller à la magie, plus j'avais l'impression de devenir quelqu'un d'autre.

Dans le bon sens du terme bien sûr...

- C'est ça ! Maintenant renforce le sort ! m'ordonna le démon final alors qu'une épaisse fumée noire m'entourait pendant que je levitais du sol.

Le brouillard obscure s'épaissit davantage, mais je pervins à garder le contrôle.

Jormungand m'avait appris à accepter la colère et toute forme de sentiments négatifs, au lieu de les combattre. Le conflit risquerait d'engendrer une perte de contrôle, et leur stimulation un noircicement de l'âme, un peu comme Morteus...

Depuis l'horrible dernière fois, j'avais continué cours, entraînements et exterminations des démons sans trop de problèmes. Devant les progrès que j'avais fait en une heure, Zayne fut bien forcé de reconnaître que je gérais la situation. Pour les autres, j'évitais de regarder les Elus dans les yeux, à qui je ne faisais plus confiance, et changeais de pièce dès que Clarissa entrait dans celle-ci.

Quant à Jonathan, il avait tenté de se faire pardonner en balbutiant de pauvres excuses que je m'étais empressée de balayer de la main. J'avais bien remarqué qu'il avait énormément de mal avec cette situation, mais que voulez-vous ? Moi aussi je souffrais !

- Tu n'es pas concentrée, me reprocha le démon final en analysant le sort que je venais de fabriquer, ton énergie est instable, donc ton sortilège est faible.

Normal. Ça faisait trois heures d'affilées que je maintenais un tel niveau de puissance magique.

- On va s'arrêter là pour aujourd'hui, finit-il en ouvrant d'un claquement de doigts la porte dimensionnelle de l'Hybris, n'oublie pas d'entraîner ton endurance. Et reste loin de ton ennemie.

- Oui oui, déclarai-je en brisant le sort, j'y travaillerais.

Le démon disparut et j'entrpris de me changer en mettant des vêtements plus confortables. C'était bien beau de renforcer sa magie en short et débardeur, mais c'était un peu gênant.

Au moment où je finissais de mettre mon haut, quelqu'un frappa à la porte.

Inutile de paniqué comme je le faisais avant, avec mes capacités de détection démultipliées je reconnus aisément les vibrations magiques de ma rousse préférée.

- Entre, Liz ! lançai-je en prenant place sur mon lit.

La jeune femme pénétra dans la pièce en jetant un regard dans tous les coins.

- Tu aurais quand même pu maîtriser ton aura Toki, je ressents tes vibrations magiques dans toute la pièce...

Je rigolais à sa remarque alors qu'elle prit place sur le lit à mes côtés.

- Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? lui demandai-je en me dirigeant vers ma mini bibliothèque, dans laquelle je rangeais un livre sur la maîtrise des éléments.

Liz se rapprocha de moi.

- Hum...le maître mage vint de lancer une petite alerte concernant un vol dans les sous-sols du labo...

Je me retournais les yeux ronds. Qu'est-ce qu'on a bien pu voler de ce dangereux endroit ? D'aussi loin que je m'en souvienne, il était quasiment impossible de ramener quoique se soit de ce laboratoire. Soit parce que c'était trop lourd ou encombrant, soit parce que c'était toxique ou empoisonné, ou alors parce que ce que tu sortais de ce lieu était déjà mort...ou c'était que toi tu l'étais...

- Ah bon ? Et qu'est-ce qui a disparu ?

- Un flacon de quelques millilitres de...

- De quoi ?

Le teint de Liz pâlit.

- ...de sève condensée de Borealisa !

Je manquai de m'étouffer avec ma propre salive.

- QUOI ?! On a perdu des millilitres de ce venin de la mort ?! paniquai-je en me retournant pour mieux lui faire face.

Je m'assis sur le lit, complétement abattue. Si par mégarde une goutte de cette horreur venait à tomber dans mon jus du matin : je mourrais avant même d'avoir commencer la journée !

- La situation est critique, précisa Liz en me rejoignant sur le lit, mais tout le monde est sur le coup, et pour le moment on recherche un antidote au poison. Mais reste tout de même sur tes gardes, on ne sait jamais...

J'acquiesçai énergiquement de la tête en avalant difficilement ma salive. Plus je passais de temps sur cette planète, plus mon taux de mortalité augmentait significativement...

Il était vraiment temps que je prenne des vacances, ne serait-ce qu'un week-end. Je soufflais en pensant au luxe du repos et à l'apaisement que me procurerait la mort douloureuse de Clarissa.

Et pourquoi pas une bonne baffe à Jonathan... juste pour le plaisir de frapper sa tête à claque !

Liz me coupa dans mes pensés.

- Et sinon, comment vas-tu ? Tu tiens le coup ? me demanda-t-elle en me prenant la main.

Je devais avouer que ça faisait quand même du bien d'avoir quelqu'un à qui parler. Malgré mon soi-disant "acte violent" d'il y a trois jours, Liz était la seule à être restée avec moi. Les autres était soit méfiants comme Hypolit et Melkior, trop gênés pour me parler comme Agartha et Maestia, ou neutres tout en suivant l'avis de la majorités comme les autres.

De toute manière, ça ne m'étonne pas. J'ai toujours su qu'Alexei était un mouton...

- Hum... ça peut aller, répondis-je en lui souriant, je tiens le coup...

La jolie mage de l'air me rendit brièvement mon sourire avant d'afficher une mine triste.

- Quoi ?

- Clarissa.

- Je t'ai déjà dit que je m'occupais de tout, lui dis-je en fronçant les sourcils, je ne veux pas que cette garce te mette aussi à l'écart et détruise tes relations avec les autres : alors s'il te plait, ne tente rien !

La rousse soupira, vaincue.

- Je te le promets, mais et toi alors ? Cette fille profite en ce moment même de ton absence pour manipuler Jonathan et te le voler !

Je me levai du lit pour me placer devant elle. Mon regard se fit très doux, même si j'vais réellement envie de décapiter net Clarissa, si par malheur elle croisait ma route dans la minute.

- Ne t'en fais pas pour moi, je me charge d'elle. Quant à Jonathan, c'est un grand garçon. Tant pis pour lui s'il est trop bête pour voir la réalité...

~

Bien plus tard dans l'après-midi, alors que j'avais fini mes tâches quotidiennes, pris une bonne douche après un combat acharné contre un énième portail, et ignoré royalement le petit spectacle ridicule que m'offrait Clarissa en essayant devant Jonathan de se "rapprocher" de moi, je décidai de m'octroyer une petite pause bien méritée.

Je fixai le plafond de ma chambre, tranquillement avachie sur mon sofa de mousse gris.

Je soupirai devant l'ennui profond que me procurait ce silence de mort, et entrepris de contacter Liz pour une petite soirée entre fille.

"Désolée Toki, je suis affreusement occupée à donner un coup de main à Zayne pour l'élaboration d'un remède... Une prochaine fois ?"

Le refus de Liz me fit de nouveau souffler.
Quand je pense que si Clarissa ne c'était pas pointer, je serais en ce moment même en compagnie de Jonathan à me prélasser dans ses bras, je ne pus me retenir de geindre de désespoir.

Alors que j'allais demander à une servante de me faire porter une tasse de thé, on frappa énergiquement à la porte.

Ma détection des énergies magiques perçut une signature inconnue, mais familière.

- Entrez !

Une silhouette féminine que je reconnue tout de suite, ne manqua pas de me hérisser le poil en pénétrant lentement dans ma chambre. J'eus un rictus agacé avant de me tourner vers le diable.

- N'y a-t-il vraiment aucun endroit que tu ne puisses souiller de ta présence ? pestai-je avec agacement, je devrais demander aux gardes qu'ils t'arrosent d'eau bénite.

La jeune femme, plateau en main, se dirigea vers une petite table près de mon sofa, et y déposa le plateau.

Le regard jubilatoire, Clarissa prit place sans mon accord devant moi, croisa les jambes en un mouvement souple et me regarda dans les yeux.

- Je ne penses pas t'avoir autorisé à t'asseoir.

- Et moi je ne me souviens pas t'avoir autorisée à m'adresser la parole, répondit-elle du tac au tac.

Je fronçai les sourcils en fixant le plateau sur lequel se trouvait une théière, deux tasses de thé et des petits biscuits.

- C'est quoi ça ? demandai-je en la toisant.

Clarissa caressa ses cheveux.

- Et ça, demanda-t-elle en me désignant la bibliothèque, c'est quoi ?

Sans rien comprendre je lui réponds avec mépris.

- C'est une bibliothèque sombre idiote !

- Alors, ceci est un plateau pauvre conne !

Je me retiens de justesse de lui crever les yeux. Mais comme toutes choses en ce monde, ma patience avait atteint sa limite.

- Qu'est ce que tu veux ? lui demandai-je en saisissant un biscuit au parfum de rose, j'imagine que tu n'es pas ici pour qu'on fasse une soirée pyjama...

- En effet, sourit-elle en passant la main dans ses cheveux, je viens en ce lieu indigne de ma personne parce que Jonathan me l'a demandé.

J'haussais un sourcil plus surpris qu'interrogateur.

- Explique.

- Jonathan pense qu'on ferait mieux de se réconcilier, alors il m'a donné se plateau pour qu'on passe du temps ensemble...

- Fort amusant, commentai-je avec sarcasme.

Le simple fait que Jonathan ait forcé Clarissa à venir me parler me dégoutait. C'était comme s'il voulait absolument qu'on s'entende pour son bon plaisir et sa conscience morale.

Ça lui ressemblait bien.

- ...mais comme on se déteste, continua-t-elle en buvant son thé, je te propose de boire ton thé et de manger quelques gâteaux histoire de lui faire croire qu'on s'est bien entendues...

Je fixai Clarissa. Impossible de savoir si elle était sincère ou non. Mais puisqu'il s'agissait de passer cinq minutes en sa présence dans le calme le plus profond, je trouvais cette idée moins idiote que prévu.

Au moins, cela arrangerait la situation avec Jonathan pour elle, certes, mais surtout pour moi.

- Bien, faisons cela. Seulement...

- Seulement ? me fixa-t-elle.

Je saisis ma tasse de thé et en inspirai le doux parfum fruité qui s'en échappait.

- Rien, laisse tomber...

Clarissa se contenta de lever les yeux au ciel d'agacement. Même si sa présence en ces lieux m'horripilait profondément, je trouvais que ce petit goûter improvisé tombait à pique. Mon estomac commençait à crier famine.

- Quel est donc ce parfum ? lui demandai-je en buvant ma tasse.

Clarissa détourna un instant le regard avant de le plonger dans le mien.

- C'est du miel des fleurs de l'ouest, me dit-elle l'air las, son parfum fruité se marie parfaitement avec l'acidité de citron de ce thé...

J'aquiesçai à ses dires.

Clarissa ne me lâcha pas du regard quand je portai de nouveau la tasse à mes lèvres pour en boire le contenu.

- Pourquoi tu me fixes comme ça ? demandai-je violemment, tu veux ma photo ?!

Clarissa déposa sa tasse et fixa la petite montre qu'elle portait à son poignet.

- Non merci ne te donne pas cette peine, rit-elle en prenant une posture décontractée, le célèbre journaliste Gus Coffin de la rubrique nécrologie m'en enverra sûrement une copie...

Je me figeai à l'entente de cette pique.

- De quoi tu parles ? l' interrogeai-je nerveusement, je n'ai pas comp-(toux)

Je ne stoppai dans ma phrase alors que mon corps venait de rejeter quelque chose de visqueux. Je baissais le regard, le coeur battant à tout rompre dans ma poitrine.

Du sang.

- Beurk ! fit Clarissa avec dégoût en terminant son thé, je crois que tu as craché un peu de sang, juste ici...

Une douleur sans nom me saisit et je m'effondrai brutalement sur le sol, le corps entier prit de violents soubresauts.

- Sa..salope, qu'est ce que tu m...m'as donné... parvins-je à articuler en vomissant du sang.

Ma vue se brouilla et ma respiration se fit forte. Impossible pour moi de crier, trop affaiblit par l'horrible souffrance qui je ressentais dans chaque cellule de mon corps.

- Ce que tu as bu ? fit-elle faussement étonnée, hum...je crois malheureusement qu'il s'agit des quelques millilitres de sève de Borealisa disparus...

En un cri silencieux, je me tordis de douleur devant la violence de poison qui parcourait mon corps.
J'avais l'impression que du verre pilé parcourait ma chair pendant que je vomissais de l'acide.

Mon sang bouillait mes veines. Une fine pellicule de sueur se déposa sur mon front, tandis que je perdai un à un l'usage de mes membres engourdis.

Mon rythme cardiaque irrégulier, relentit soudain brusquement, alors que ma vue se broullait de larmes.

J'allais mourir.

Finalement.

Toute ma vie entière défila devant mes yeux.

Mes moments de joie, de peur, ma tristesse, ma colère, mes amis et... Jonathan.

Jonathan, je suis tellement désolée...

J'aurais bien voulu m'excuser et tout te pardonner, te dire que je t'aime pour qu'on fasse la paix, pour qu'on se retrouve et qu'on vive pleinement...

Malgré l'assomante douleur qui déchirait mon corps et paralysait mes mouvements, mes dernières forces me permirent d'observer Clarissa. Cette dernière s'approcha de moi et déposa dans ma main gauche un flacon vide.

Elle me sourit chaleureusement avant d'utiliser mon doigt pour déverrouiller mon cristal de communication. Elle y pianota rapidement quelque chose avant de se lever, l'air satisfait.

Sans perdre une minute, elle se saisit du plateau et de ma tasse, avant de se tourner vers moi une dernière fois.

Elle marmonna qu'elle que chose d'inodible pour mes oreilles, mais la manière dont elle avait prononcé ces quelques mots me permit avec certitude de comprendre ce qu'elle m'avait dit.

"Merci." compris-je avec affroi.

Ce petit mot suffit à m'anéantir complètement.

Et je versai ma dernière larme en accompagnant la Mort....

🎭

PDV Jonathan

Mon regard était toujours posé sur la longue phrase qu'avait écrite El Diablo, dans son oeuvre phare intitulée "L'Empereur".

Même si ce livre était une véritable pépite de la littérature Territorienne, je ne parvenai pas à avancer dans ma lecture.
Et toujours, mes yeux revenaient sur la même phrase.

Agréablement assis dans le fauteuil le plus mou de la salle commune, je lus pour la vingtième fois en dix minutes la même ligne.
Impossible de me concentrer, mes pensées n'arrêtaient pas de dériver vers Toki.

Qu'est-ce que j'avais fait...

Mon anxiété et ma culpabilité me firent violemment fermer le livre, et je le posai sur la table la plus proche.

J'étais certes responsable de mes choix, mais Toki l'était tout autant de ses actions, et je n'arrivai toujours pas à comprendre son comportement.
Ça me rendait fou de rage qu'elle se permette de blesser ainsi une personne aussi gentille que Clarissa.

J'avais bien compris que Toki était jalouse, mais cela ne justifiait rien.
Elle était mon âme-sœur et toute ma vie, elle devait comprendre que ce n'était pas avec ce genre de comportement qu'elle réussirait à me garder prêt d'elle.

Son exil forcée m'avait bien fait réfléchir, et il me semblait que je m'étais un peu trop ramolli.
J'étais un prince et bientôt un empereur, il était de mon devoir de faire respecter la loi avec fermeté.

Même si cela était difficile et douloureux pour moi, je me devais de rester intransigeant sur mes principes.

Toki avait commis un act impardonnable par jalousie, et au lieu de la punir, j'avais eu un moment de faiblesse et l'avait laissé s'en tirer avec un simple avertissement.

Ce n'était absolument pas professionnel.

Je devais me ressaisir.

- Qu'est-ce qui te brouille l'esprit au point de te faire tirer une tronche pareil ? s'amusa Alexei en me coupant dans mon introspection.

Le blond feuilletait un magazine people, et s'amusait à lire les stupides ragots de ce torchon journalistique.

- Ça ne te regarde pas Alexei, lui répondis-je en reprenant la lecture de mon livre, reprend donc ta divertissante lecture...

Alexei me tira la langue, vexé, tandis que Melkior et Hypolit se lancèrent un regard.

- J'imagine que ça a un lien avec Toki et Clarissa ? intervint Hypolit en posant le bras sur le dossier du canapé sur lequel lui et Melkior étaient assis.

- Cela va sans dire, renchérit Melkior en prenant un air hautain, mais s'il te plaît fais en sorte que cela ne te distrait pas de notre mission.

Je levai un sourcil.

- Ne me donne pas ordre. Je sais ce que j'ai à faire.

Le mage blanc se contenta de soupirer.

- Je dis juste que Toki semble moins...sur les nerfs ces temps-ci. J'aimerais que cela ne change pas.

Je levai les yeux de mon bouquin.

C'est vrai que Toki était un peu bizarre. Elle me semblait comme détachée de la réalité, froide face à ce qui l'entourait, voire même vide.

Peut-être avait-elle enfin tourné la page ?

- Mais elle ne nous parle plus, précisa Greyson d'une petite voix, cette situation n'est vraiment pas appréciable. J'aimerais que tout redevienne comme avant...

- ...comme avant Clarissa ? complétai-je en le foudroyant du regard.

Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous à jouer les ingrats ?
Clarissa m'avait sauver la vie et il était de mon devoir de la remercier chaleureusement.

Tant de mépris envers elle m'était tout à fait incompréhensible.

- D'ailleurs, elle est où celle-là ? intervint Alexei en jetant son magazine sur la table basse, ça fait un moment que je ne l'ai pas vue...

Je posai mon roman sur la table. Ma concentration était définitivement brisée.

- Elle doit être avec les filles, supposa Hypolit, je crois que Maestia m'a parlé d'un petit goûter entre elles...

- T'es sûr ? questionna Grey, j'avais cru comprendre qu'elle allait au toilette...

Nous le regardâmes les yeux ronds.

- Comment peux-tu être au courant de ce genre d'information ? demanda Alexei un sourire malicieux sur le visage.

Grey ne lui répondit pas et sauta sur lui pour lui ébouriffer les cheveux. Les deux idiots continuèrent de se chamailler un bon moment avant que Grey ne s'arrête, prétextant qu'il avait des cheveux à entretenir.

- De toute manière, on le saura en temps vou-

Un froids glacial me saisit et je bondis sur mes jambes, alerte.
Jamais dans ma vie je n'avais ressenti pareille discorde en moi.

Ce froids, ce vide, me glaça l'échine, et je posai vivement une main sur mon coeur, dont le rythme s'accélèrait furieusement.

- Qu'y a-t-il ?! s'affola Alexei en se levant, qu'est-ce qui t'arrive ?!

Il me rejoignit en quelques pas et le autres suivirent le mouvement.

Melkior me fixa un instant avant d'appuyer sur mon épaule pour que je me rasseye.

- Je... je ne sais pas... bégayai-je sans comprendre ce qu'il m'arrivait, j'ai l'impression... que...que quelque chose de grave est arrivé...

Hypolit lança un regard aux autres alors que je ne parvenais pas à me calmer.

- Vous croyez qu'il est arrivé quelque chose à To-

"Vrrr Vrrr"

Mon cristal de communication vibra énergiquement sur mon poignet. Je parvenais à peine à entendre les vibrations qu'il faisait contre ma peau, tant les battements de mon coeur étaient assourdissants.

Melkior, Hypolit, Grey et Alexei fixèrent mon poignet. Le peu de lueur dans leur regard ne présageait rien de bon.

Je pris mon courage à deux mains et déverrouillai mon cristal. Ma main tremblante sélectionna le message qui venait d'arriver : un mot de Toki.

Malheureusement pour moi, ce que je lus me coupa le souffle.

" Jonathan, c'est aujourd'hui que je meurs. Je ne peux être plus longtemps séparer de toi.

Je t'aime,

Toki."

La première chose qui me vint à l'esprit, fut que ma vue me jouait probablement des tours.

Je relus le message, mais son contenu de changea pas.

Mon corps tout entier se refroidit à la vu du seul verbe qui avait le pouvoir de détruire mon monde :

"meurs"

L'information parvint jusqu'à mon cerveau, et je retins un rire nerveux.

Ce n'était pas possible.

Elle n'avait pas pu me faire ça.

Il y avait forcément une explication.

Absolument tout s'emmêla dans ma tête, alors que je me repassais tous les moments avec elle.

Lorsque je me rendis compte que la beauté de ces moments avec Toki à mes côtés ne serait plus, je fus comme foudroyé par l'inacceptable vérité.

Toki était morte.

Toki ne serait plus là.

Je devrais vivre seul, sans l'amour de vie.

- Non... murmurai-je en fixant le vide.

- Quoi ?! Qu'est-ce qui se passe ?! s'impatienta Melkior en saisissant mon épaule.

Mon regard se porta sur sur le mage blanc, alors que les mots qui se formaient dans ma tête ne parvenaient pas à sortir.

- C'est Toki.

- Quoi Toki ? paniqua Hypolit en me secouant.

- Elle... elle est....

"Boum Boum"

On frappa violemment à la porte. Les gardes ne prirent pas le temps d'attendre une réponse quelconque et pénétrèrent en trombe dans la salle commune.

- Que se passe-t-il encore ?! s'exclama Grey en fixant les gardes, vous ne voyez pas qu'on est occupés ?!

Le chef de la surveillance du palais s'inclina brièvement devant nous.

- Pardonnez le dérangement, s'excusa-t-il sans réelle implication, mais c'est urgent ! La situation est critique !

Les garçons et moi-même nous tournâmes vers lui, un air grave peignant nos visages.

- Quoi ?! tonna Alexei.

- C'est L'élue Toki, expliqua-t-il avec une mine sombre, elle a été retrouvée morte dans sa chambre !

Et ainsi, tout mon monde s'effondra.

☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆☆

Hello ^^

Nouveau chapitre plutôt intense !

Que pensez-vous des actes de Clarissa ?

Est-ce que Toki va s'en sortir ?

Clarissa va-t-elle se faire prendre ?

La suite arrive ! 😘

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