Chapitre 91. « Collision de pensées qui secoue ma tête »
À la base je voulais pas mettre ce titre, mais Wattpad me disait que celui que je voulais écrire était trop long. Je vous le met quand même, je trouve qu'il illustre très bien ce chapitre :
Étrange comme on ressent des pulsions d'amour au contact de la mort ou de son évocation
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Dehors, et même si nous étions à une dizaine de kilomètre de l'endroit où tout s'était déroulé, l'ambiance était plus que pesante. Raphaël et moi nous attendions à tout moment à entendre des détonations ou des gens crier. Mon frère entourait mes épaules d'un bras protecteur et me serrait contre lui ; habituellement, je l'aurais repoussé par fierté. Mais pas ce soir.
Après quelques minutes d'attente devant le Stade, nous vîmes Eff débarquer d'un pas décidé. Nous poussâmes un soupir en s'apercevant mutuellement, et je me détachai de mon frère pour me blottir dans ses bras :
– Je suis contente que t'aille bien, dis-je en m'écartant de lui, la gorge serrée.
Eff embrassa Stine sur le front, puis Raph et lui se donnèrent une accolade fraternelle en se tapant le dos à plusieurs reprises :
– Moi aussi putain, il manque plus que vous là, souffla-t-il. Allez on bouge.
Quelques minutes plus tard, nous débarquions dans l'appartement de Moh, et les gars nous sautaient dessus, nous prenant Stine et moi dans leurs bras, et checkant fraternellement mon frère. Je dû me débattre pour pouvoir aller faire un câlin à Julia et Alice, déjà auprès de Stine. J'avais envie de pleurer tellement j'étais soulagée que tout le monde aille bien.
– Il est où Deen ? m'inquiétai-je en remarquant que mon copain n'était pas là.
– Au téléphone avec notre daronne, m'informa Maxime, m'ayant rejoint pour me serrer de nouveau contre lui. Putain de merde Elma je vais plus te lâcher je crois.
– Eh Max, ça va, je vais bien, lui dis-je doucement en le regardant dans les yeux.
Il avait l'air réellement flippé, et si les événements de la soirée ne l'avaient pas déjà fait, son regard inquiet m'aurait brisé le cœur.
Il m'embrassa la tempe, puis rapidement, tous les yeux se rivèrent sur l'écran de la télé, diffusant des images en direct sur une chaîne d'informations.
Reste calme Maëlle, prends sur toi.
Mais j'avais tellement envie de pleurer, de crier. Mais surtout, de tout casser.
Mes yeux se posèrent sur le nombre en bas de l'écran. Il indiquait le nombre de victimes. Malgré moi, mon cerveau fit un calcul de probabilité, et je me rendis compte que par extension, je connaissais forcément une des victimes ; si ce n'était pas quelqu'un proche de moi, c'était forcément quelqu'un de proche d'une personne que je connaissais. Ma gorge se serra à cette idée. À l'idée que des parents avaient perdu leurs enfants, que des enfants avaient perdu un parent, que des frères avaient perdu leur sœur et inversement, que des personnes avaient perdus leurs amis, peut-être leurs meilleurs amis. Ça aurait pu être Raph, ou mon père, ou Tarek, Hugo, Ken, Antoine, Alice, tous mes amis présents dans la pièce.
Mon regard alla d'Eff à Maxime en passant par Moh, Louis, Stine, Julia, Raphaël... S'il était arrivé quelque chose à l'un d'eux...
– Mel !
Un soupir de soulagement fut poussé derrière moi, m'empêchant de laisser mes pensées divaguer dans des recoins trop sombres.
Je me levai vivement pour me retrouver dans les bras de Deen et l'embrassai à de très nombreuses reprises. Je n'avais rien à faire du regard de nos amis, tout ce qui comptait au moment même, c'était lui et moi, tous les deux sains et saufs. J'avais l'impression de l'aimer plus que jamais.
– Je t'aime putain, souffla-t-il en blottissant son visage dans mon cou et en me serrant de toutes ses forces.
Je poussai un long soupir de soulagement en enfouissant une de mes mains dans ses cheveux.
– Tu trembles, me chuchota-t-il avant de s'écarter de moi pour me regarder avec inquiétude, ses paumes encadrant mon visage.
Je n'avais pas vraiment réalisé à quel point j'avais eu peur jusqu'au moment où je l'avais retrouvé.
– Ça va, tentai-je de le convaincre. Mieux depuis que je suis là.
– Viens, m'ordonna-t-il en me tirant dans la chambre de Moh.
Je m'assis sur le lit en soufflant une deuxième fois :
– J'ai eu tellement peur pour vous, confiai-je. Je savais que vous alliez bien grâce à la conv', mais il fallait vraiment que je vous vois tous pour le croire je pense. Je suis louche, je sais... Je suis tellement soulagée si tu savais ! J'ai envie de me coudre à vous pour le reste de ma vie.
Deen fit une grimace dégoûtée en rigolant :
– T'es glauque comme meuf.
Mais c'était vrai ! Bon, peut-être pas la partie couture, mais je les aimais tellement tous. Et pourtant je le savais depuis très longtemps ; ils étaient ma famille depuis deux ans. Mais un tel événement, un tel carnage décuplait mes sentiments à l'infini. C'en était presque douloureux de ressentir autant d'amour pour autant de personnes.
Cette nuit-là, nous dormîmes à peine.
Nous avions d'abord parlé pendant plusieurs heures, tentant au maximum de partager notre ressenti, et ce qui était le plus ressorti, c'était clairement la colère ; nous étions tous hors de nous.
Puis nous nous étions tous plus ou moins dévoilé nos sentiments, mais tout en pudeur et en sobriété ; les câlins avaient fusé, surtout entre filles et entres gars et filles, et j'étais passé des bras de Deen à ceux d'Antoine ou encore de Maxime, pour finir dans ceux les plus rassurants : ceux de mon frère.
Une certaine tristesse avait ensuite pris place, mais n'avait duré que quelques minutes ; la colère avait de nouveau vite pris le dessus.
Durant cette nuit mon frère et moi reçûmes de nombreux appels ; Khadija en tête, puis nos grands-parents, Jared, et enfin Mamé et Papé, avec qui nous parlâmes en haut-parleur avec nos amis.
Pourtant une dizaine dans l'appartement de Moh, nous avions tous trouvé une place pour nous assoupir lorsque la fatigue l'avait emporté sur toutes nos émotions. Même si nous avions tous milité pour que Raph rentre chez lui pour dormir avec ses machines, celui-ci avait catégoriquement refusé, sa raison première étant qu'Ines ne s'y trouvait pas, étant en stage à Dijon. Il avait tout de même accepté le canapé que nous lui avions imposé ; nous avions donc dormi dans les bras l'un de l'autre comme lorsque nous étions enfants et que l'un ou l'autre était en proie à un cauchemar. Les filles avaient eu droit au lit de Moh, et le reste des garçons était éparpillé çà et là.
Levée vers midi, je décidai de préparer un brunch pour mes amis qui n'étaient pas partis pendant la nuit. Le voyant rouge de mon téléphone attira mon œil et je découvris quelques messages non lus sur notre conversation, le dernier datant d'une heure auparavant :
7:04 - LeDon : je suis rentré chez oim la famille, trop mal au dos sur ton tapis Sneazz
9:12 - Franck Gastanbide : la même les gars
11:01 - Nikos : vs êtes où ?
12:38 : Elmacassélescouilles : chez Moh, on a tous dormis là, y'a juste Alpha et Jazzy qui ont bougé visiblement
Une réponse ne tarda pas à fuser :
Mecrapule : on arrive bientôt à Paname, on vous rejoint
J'allais devoir viser grand niveau bouffe, j'espérais que Moh avait tout le nécessaire pour faire des pancakes dans sa cuisine, sinon j'étais bonne pour aller faire un tour à la boulangerie.
Elmacassélescouilles : vous pourez passer chez Raph avant ? Il a dormi là et il a pas ses médocs
Mecrapule : tkt. On prend de l'oxygène et tout le bordel au cas où ?
Elmacassélescouilles : ouais svp
Une petite heure plus tard, le repas était servi et tout le monde comatait dans son coin, sans parler. Je mettais ce silence sur le dos des événements de la veille plutôt que sur un réveil difficile ; nous nous étions couché totalement sobres et la tristesse était beaucoup plus palpable ce matin. Pour une fois, le réveil de Raph ne fut pas trop difficile, et il nous impressionna tous en étant presque le plus en forme de l'appartement.
Puis les lieux se vidèrent petit à petit, et bien vite il ne resta plus qu'Alice, Maxime, Moh, Deen, Raphaël et moi dans le salon.
Alors que nous discutions, ma tête posée sur l'épaule de Deen, la porte de l'appartement s'ouvrit en trombe - nous faisant tous sursauter - et les frère Akrour ainsi que Ken s'y engouffrèrent. Alice bondit du canapé pour aller se loger dans les bras de ce-dernier. Ils ne s'embrassèrent pas, mais leur échange de regard était si intense que je pus voir tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre ; si seulement ils n'avaient pas peur.
Des étreintes fraternelles s'ensuivirent, mais Ken se contenta d'accolades rapides, semblant trop presser de se ruer sur moi. Il me bouscula presque en m'attirant contre lui avec force. D'abord surprise par une telle violence dans la tendresse, je refermai mes bras autour de lui. Oh bordel, je pouvais sentir d'ici qu'il avait eu peur :
– Je t'aime Princesse.
Je m'écartai doucement de lui en fronçant les sourcils ; je comprenais bien qu'il avait eu peur pour nous tous, mais pourquoi avais-je droit à un tel traitement de faveur ? Surtout devant autant de monde. J'étais sûre que tous nos amis avaient entendu, et pourtant c'était quelqu'un de très fier, je ne comprenais pas qu'il se dévoile autant devant ses frères.
Il vit bien mon air dubitatif mais n'eut pas l'air de s'en préoccuper pour autant puisqu'il m'attira de nouveau contre lui en maintenant ma tête contre son torse :
– Putain y'a fallut cette nuit pour que je réalise que je te l'ai jamais dit, fit-il. Je t'aime, je sais pas ce que je ferais sans ma reus.
– Moi aussi je t'aime, mais Ken, répondis-je en me détachant une nouvelle fois de lui d'un ton que je voulais doux : je suis là, tout va bien, te met pas dans des états pareil.
Une toute petite larme s'échappa de son œil et il s'en rendit vite compte puisqu'il la chassa d'un geste de la main fier et rapide puis sembla reprendre ses esprits :
– Le concert... Je comptais t'offrir une place parce que tu m'avais dit que t'étais dégoûtée de pas pouvoir y aller.
Ma bouche s'ouvrit de stupeur toute seule. J'avais tellement pensé aux victimes et à leurs familles que j'avais complètement oublié que quelques mois en arrière, j'aurais beaucoup aimé être dans la fosse du concert de ce groupe que j'aimais tant.
J'entendis derrière Ken un soupir, et vit Deen se laisser tomber dans le canapé en fermant les yeux.
– J'ai checké le calendrier de ta saison de hand avant, continua le grec, et t'avais un match, pour ça que je l'ai pas fait. Putain...
Sa voix devint rauque et il déglutit difficilement :
– Je me le serais jamais pardonné s'il t'était arrivé un truc.
Cette fois-ci, ce fut mon tour d'engager le contact physique avec mon ami, me blottissant de nouveau contre lui.
Bordel de merde, cette réalisation me faisait tomber de haut. Le pire, c'était que j'y serais probablement allé avec Raphaël.
– Putain de merde Nek, c'est la meilleure décision que t'ai prise de toute ta vie, souffla Idriss en m'arrachant des bras du grec pour m'attirer contre lui.
Après que cette information fut divulguée, mes amis ne me laissèrent aucun répit et me couvèrent littéralement.
– C'est bon les gars, m'agaçai-je au bout d'une cinquantaine de minutes, la tête de Maxime sur une de mes épaules et celle de Moh sur l'autre. Arrêtez de vous monter la tête, j'y étais pas à ce putain de concert, par contre on peut pas en dire autant des victimes.
Je savais qu'ils ne faisaient pas exprès de réagir ainsi, et au fond je les comprenais ; si les rôles avaient été inversés, j'aurais collé la personne qui aurait échappé au concert toute la journée. Mais je ne pouvais m'empêcher de m'emporter ; j'étais bel et bien vivante, mais ces fils de putes avaient quand même tué plein d'innocents. Et surtout, je n'étais pas la seule personne dans la pièce à être bouleversée par les événements de la nuit.
En fin de journée, nous décidâmes finalement de rentrer chacun de notre côté. Nous étions rassurés de savoir que tout le monde allait bien, mais nous avions quand même besoin de souffler, comme la France entière. Je me demandais quand l'émotion allait redescendre, quand ma gorge allait se desserrer, et quand mon cœur serait plus léger.
Deen et moi décidâmes de rester ensemble tout de même, et c'est avec son bras entourant étroitement mes épaules que nous débarquâmes chez moi.
À peine l'entrebâillement passé, mon téléphone vibra et le nom de Tarek apparu. Je décrochai tout en enlevant mon manteau, puis partis m'asseoir sur le canapé tandis de Deen disparaissait dans la cuisine :
– Allo ?
– Ouais, euh... Ton reuf est là ?
– Nan, il est rentré chez lui.
– Ok, je l'appellerai après...
Un très long silence s'ensuivit et je ne savais pas si je devais le briser ou bien attendre que mon frère se décide enfin à parler. Deen revint de la cuisine avec un café pour lui et un chocolat chaud pour moi et s'installa dans un fauteuil en biais.
– Bouhied qu'est-ce qu...
– Attends, me coupa-t-il, laisse-moi formuler dans ma teuté... Bon, ok, euh... Alors d'jà, désolé pour ma réaction tout à l'heure, j'ai été con.
– Je t'en veux pas t'in...
– Attends. C'est pas pour m'excuser que j'appelle. J'ai flippé comme rarement j'ai flippé vu que vous répondiez pas. Je me suis monté la tête tout seul et je m'imaginais déjà les pires queu-trus. Je m'en remettrais jamais s'il vous arrivait un truc, genre vraiment, je préférerais crever. Je suis rien sans vous. Fin'... Bon... Ce que j'essaye de te dire c'est que...
Il fallait que je mette un terme à ce massacre.
– Moi aussi Tarek.
Mon frère poussa un soupir dans le combiné.
– Avec quelques grammes d'alcool dans le sang j'aurais peut-être réussi à le dire, mais là c'est chaud, ricana-t-il.
– Je sais, t'inquiètes. On n'a pas besoin de se le dire.
Il se racla la gorge et je devinais qu'il était gêné.
– Bon et sinon tu reviens nous voir quand, me demanda-t-il d'une voix plus claire. J'avoue que là j'ai besoin de te voir, même si ça me coûte 150pv de fierté de dire ça.
Je ricanai avant de lui donner ma réponse ; j'y avais déjà réfléchis cette nuit, j'avais vraiment besoin de voir ma famille :
– Je pense prendre un train demain, faut que je souffle aussi, c'est trop pesant ici.
– T'essayes de faire venir ton reuf ?
– C'est prévu.
– Dis-moi quand tu penses arriver, je viens te chercher à la gare.
– Ça marche, à demain.
– À demain. Et Mel ! Je...
Deuxième tentative échouée.
– Je sais, moi aussi.
Je raccrochai finalement et me levai pour aller déposer les tasses dans l'évier.
Je ne tardai pas à sentir la présence de Deen derrière moi et sans un mot, je me tournai lentement pour entourer sa taille de mes bras, et les siens vinrent entourer le haut de mon corps. Nous n'avions pas besoin de parler, simplement de ressentir la présence de l'autre.
– Je t'aime, murmurai-je finalement.
Le rappeur m'embrassa la tête et nous restâmes ainsi jusqu'à ce que le lit nous appelle.
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