Chapitre 89. « I'll be there for you »

– Mon mari me manque, bouda Julia en regardant négligemment une robe, un gobelet de café à la main.

Je posai brièvement ma tête sur son épaule en guise de soutient et Alice l'entoura de ses bras et de sa tendresse débordante :

– Je te comprends, Ken me manque aussi, bouda-t-elle à son tour.

Je lâchai un petit « Oh » attendri en voyant le comportement enfantin de mes deux amies, tandis que nous continuions notre chemin dans les rayons d'un magasin de vêtements.

– Markus me manque aussi, rajouta Stine alors que nous arrivions devant une chemise qui me fit automatiquement de l'œil.

Mes trois amies avaient l'air déprimées, et je ne tardai pas à remonter le moral des troupes, tapant dans mes mains et me balançant sur mes pieds tel un entraîneur. Les trois filles se tournèrent vers moi d'un air surpris.

– Hop hop hop les filles, on va pas commencer à déprimer à cause de chromosomes XY, on n'a pas besoin d'eux ! Je sais pas vous, mais moi j'ai besoin de rien de plus que de la tendresse d'Alice, l'humour de Stine et l'intelligence de Julia. Est-ce que vous avez besoin de la maladresse de Ken, l'addiction à l'herbe de Théo et la maniaquerie de Markus ? Je n'crois pas ! Alors maintenant vous allez me faire le plaisir de laisser ces imbéciles où ils sont et de profiter entre meuf ! Parce que quand vous les aurez retrouvé, vous allez regretter ces moments sans eux.

– C'est facile pour toi de dire ça, bouda Stine, Deen il est à Paris.

– Certes... Mais ! Je l'ai pas vu depuis une semaine à cause de nos deux taffs. Et ben putain, ça fait du bien !

Mytho, mytho, mytho, me soufflait ma conscience.

Alice me lança un regard sans équivoque, sachant très bien que Deen me manquait quand même un petit peu.

Après notre matinée shopping et un bon repas dans une petite brasserie, notre quatuor se retrouva chez Alice en jogging, short de sport et autres tenues confortables, et nous papotions allongées sur le lit de notre amie, un paquet de cookies circulant entre nous.

– Je crois que je vais quitter Markus, nous annonça Stine.

Alice, Julia et moi nous redressâmes dans un même mouvement et nos trois têtes convergèrent vers la jolie blonde.

– Bah pourquoi ? demandai-je, quelque peu déçue. Vous êtes bien ensemble nan ?

– Oui, mais ça devient trop compliqué. Ça fait déjà deux ans que l'on vit à des kilomètres l'un de l'autre et je sens que quelque chose s'est essoufflé entre nous. On s'aime mais... C'est plus pareil.

– Vous avez l'impression de ne plus partager la même vie c'est ça ? demanda Julia, et Stine acquiesça en lui adressant un faible sourire.

– C'est triste mais je pense qu'en restant ensemble on s'empêche d'avancer... Et puis maintenant que ma petite sœur m'a rejoint dans l'équipe, j'ai un peu de Norvège avec moi. Et je vous ai vous, et ça c'est très important.

Julia fut la première à poser sa tête sur l'épaule de Stine, je posai ma tête sur l'autre et Alice nous entoura toutes les trois de ses petits bras :

– Je vous aime les filles.

– Nous aussi !

Nous rigolâmes après avoir dit ces paroles d'une même voix, puis continuâmes à glousser comme des pintades pour tout et n'importe quoi.

– Et toi Alice, commença Stine, tu en es où avec Ken ?

La relation que ces deux-là entretenaient échappait à tout le monde. Je savais qu'ils continuaient à se voir malgré leur nombreux conflits (le sweat SZR que j'avais aperçu sur une chaise en entrant dans l'appartement en témoignait), mais nous ne savions pas réellement quelle était la nature de leur relation.

Étant proche des deux, je savais qu'Alice était amoureuse de lui, et j'étais quasiment sûre à cent pour cent que Ken était aussi amoureux d'elle. Je savais aussi que Deen l'avait deviné, et je me doutais que les autres membres de L'Entourage étaient aussi au courant. Les seules personnes qui ne semblaient pas le remarquer étaient les principaux concernés.

– J'ai l'impression qu'on avance un petit peu... On s'engueule moins, on se parle plus... Bah comme avant quoi, quand on a commencé à se rapprocher et qu'il y avait pas de sentiments. C'est seulement quand les sentiments sont arrivés que ça a commencé à dégénérer, mais maintenant qu'on communique plus c'est beaucoup plus calme entre nous.

Ken et sa peur de faire du mal à Alice... Et Alice et son manque évident de confiance en elle. J'étais contente qu'ils arrivent à avancer, j'étais leur première fan depuis le début, ce que je lui fis savoir et qui la fit rire :

– Maëlle t'as l'impression qu'elle regarde une série télé, se marra-t-elle. Quand son ship est pas ensemble elle déprime et sinon c'est la plus heureuse.

– Bah ouais, vous êtes mon ultimate ship vous deux, c'est mon rêve de voir mon frère et ma sœur ensemble !

Nous rigolâmes toutes les quatre, puis Stine repris la parole :

– Au fait en parlant de frère, Raphaël a fait sa demande ?

Je me redressai avec excitation en sautillant sur le lit avec un grand sourire, réalisant que j'avais totalement oublié de leur parler de cet épisode qui pourtant avait eu lieu deux semaines plus tôt :

– Mais oui putain j'ai complètement zappé de vous le dire ! Alors, commençai-je en me calmant, assise en tailleur. Il l'a emmené en weekend dans le Jura dans un village tout pérave où ils étaient allé avec le lycée en terminale et où ils se sont embrassé pour la première fois, et c'est là qu'il l'a demandé en mariage. Apparemment elle a pleuré mais elle a pas hésité une seule seconde et la première chose qu'il a fait c'est de m'appeler et j'ai faillis chialer mais il y avait Deen à côté donc je me suis retenue. Je suis tellement fière de lui, vous imaginez même pas, j'ai vraiment trop trop hâte, en plus ça va être un mariage rebeu, ça va être magnifique !

– Il est fort, il est très fort, admira Alice.

– Mieux que Théo en tout cas, soupira Julia. Il a juste pété un câble un soir en disant qu'il avait préparé des trucs mais qu'il en avait marre d'attendre et il m'a balancé ça devant Rocky 2.

Nous rigolâmes toutes devant l'exaspération de notre amie.

– Je trouve ça mignon moi, dis-je. C'est super naturel, ça ressemble à Théo en tout point.

– Oui c'est vrai, approuva Julia d'un air fier.

Malgré l'air blasé qu'elle affichait lorsqu'elle parlait des conneries de son mari, elle était folle de lui et c'était flagrant.

– La question que je me pose maintenant c'est qui sera parent en premier, enchaîna Alice.

– Certainement pas moi, se défendit Julia.

– Parce que tu veux pas ou parce que c'est trop tôt ? demanda Stine.

– C'est beaucoup trop tôt, et avec la vie que Théo mène, ce n'est vraiment pas le bon moment.

– C'est vrai que j'aurais du mal à voir un bébé dans le tour bus avec des énergumène pareilles, grimaça Alice.

– Sûre que Doum's le ferait fumer, imaginai-je.

– Ouais ou que Ken le ferait tomber, enchérit Alice. L'incarnation de Gaston Lagaffe cet homme.

Quel plaisir de pouvoir critiquer nos rappeurs quand ils n'étaient pas là !

– Ce sera forcément Raphaël le premier, jaugea Stine, et je grimaçai.

– Je pense pas que Raph aura d'enfant, dis-je.

Trois regards interrogateurs se fixèrent sur moi.

– Je sais qu'il en a envie mais on en a déjà parlé et il veut pas être égoïste et potentiellement faire d'eux des orphelins de père. Du grand Raph quoi.

– Ça se comprend, dit doucement Stine. On ne peut pas vraiment juger sans le vivre je pense, lui seul peut savoir ce qui sera le mieux pour lui et je pense qu'il en parlera de toute façon avec Ines.

– Donc la première descendance de la famille viendra de toi, dit joyeusement Alice et j'écarquillai les yeux avant de bouger la tête de gauche à droite.

– Oh ça non, jamais, m'exclamai-je dans un rire jaune.

– Bah pourquoi ? me demanda Julia avec surprise.

– J'sais pas, je le sens pas.

J'avais vraiment mes raisons mais je ne me sentais pas encore de les partager avec mes meilleures amies, elles n'appartenaient qu'à moi.

– Encore un secret Maëllesque ? ricana Alice.

Je lui souris ; elle me connaissait pas cœur et savait que, même si je les aimais de tout mon cœur, il m'arrivait encore de garder des choses pour moi.

– Moi je me vois avec au moins quatre enfin, enchaîna-t-elle. Comme ma famille. On est bien à quatre en vrai, moi je suis la mieux placée, je suis la plus petite, je suis chouchoutée par tout le monde, lança-t-elle fièrement, et nous rîmes.

– Quatre c'est beaucoup trop, la contredit Julia. Deux c'est bien. Ils se font pas chier, mais ils sont pas trop nombreux à gérer.

– Oui, mais il faudrait qu'ils s'entendent, dit Stine. Avec ma sœur ça ne fait que quelques années qu'on s'entend bien, avant on se battait sans arrêt.

– Le meilleur truc c'est des jumeaux, dis-je, et mes amies grimaçèrent. Bah quoi ?

– T'imagines porter en toi un humain de trois kilos ? s'exclama Alice. Alors deux ? Supplément césarienne si ça se passe mal ?! C'est mon pire cauchemar ! Même si votre relation est ultra belle avec Raph, votre mère a dû en chier et vous détester pendant toute sa grossesse.

J'explosai de rire ; ma petite sœur et son excessivité légendaire.

– Je suis d'accord avec Maëlle, dit Stine, aucun c'est bien aussi.

Je levai ma main en l'air pour checker ma coéquipière et amie :

– Au moins, ça nous emmerde pas au niveau de notre carrière, l'appuyai-je. T'imagines tomber enceinte avant ta retraite et devoir t'entraîner avec un alien dans le bide, puis devoir arrêter à la fin de la grossesse et ensuite en chier pour retrouver ton niveau ? J'ai vécu cette histoire, mais c'était juste une blessure au genoux, pas des pleurs toutes les nuits et des couches à changer.

Julia et Alice levèrent les yeux au ciel en rigolant et Stine s'esclaffa.

Après un court silence, Julia reprit la parole :

– Vous pensez que ce sera qui les demoiselles d'honneur et les témoins de Raph et Ines ?

– Les demoiselles d'honneurs je pense que ce sera la meilleure pote d'Ines et sa sœur. Et les témoins ce sera Hugo et Tarek, même si je sais que Raph aimerait aussi beaucoup que ça puisse être Hakim et Idriss. Mais bon, Bouhied et Moingeon c'est nos frères quoi !

– Ouais bah logique, m'appuya Alice. Moi balec', je vous prend toutes les trois les meufs !

– Pour ton mariage avec Ken ? demanda Stine en faisant danser ses sourcils.

Alice leva les yeux au ciel en soupirant de désespoir :

– Ce mec sera jamais capable de se poser. Je l'aime hein, mais je sais que c'est pas pour la vie, il faut se faire une raison.

Je vis à ses yeux qu'elle ne plaisantait plus du tout et une vague de tendresse m'envahie ; j'aimais Ken de tout mon cœur mais Alice méritait qu'il l'aime plus que tout et qu'il le lui montre toute sa vie.

La seule vision de ma petite sœur triste et de son visage voilé me poussa à la serrer contre moi et elle se blottie contre ma poitrine.

– Putain de mec de merde, souffla Julia.

Nous nous esclaffâmes toutes les trois, souvent un résultat des insultes de Julia avec son petit accent aux consonances espagnoles.

Après un long silence, ce fut mon tour de conclure :

– C'est vrai qu'ils nous manquent ces cons quand même...

La seule réponse fut un « ouais » unanimes, puis notre discussion dériva sur un sujet totalement différent. 

Qu'est-ce que j'aimais ces nanas ! Je me demandais comment je m'étais débrouillée pendant l'adolescence, sans aucune copine à qui parler.

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