Chapitre 74. « Pour ma famille, mon clan, j'suis prêt à tout niquer »
– Ken, putain tu vas pas t'y mettre aussi.
Le grec avait maintenant lui aussi les mâchoires serrées et je voyais à ses yeux qu'il était prêt à frapper un mur. Je n'osais même pas imaginer s'il se retrouvait face à Morad. Il fit comme si je n'existais pas, partageant un regard de haine avec Deen :
– Tu sais où il habite Bigo ?
– Ouais, je suis déjà allé la chercher chez lui.
– Je te suis.
Putain de merde qu'est-ce que je les détestais à ce moment même !
Cette fois-ci je n'eus même pas le temps de les retenir. Ils avaient déjà détalé, me laissant seule dans la rue. Je ne savais pas quoi faire.
Il ne fallait pas qu'ils fassent quoi que ce soit, ils étaient connus bordel !
Je faisais les cents pas dans la rue, le cœur battant à cent à l'heure.
Il fallait que je les en empêche. Si je partais maintenant, je pouvais encore les en empêcher, je connaissais un chemin plus court que celui qu'ils allaient prendre en sortant du RER.
Ni une ni deux, je m'élançai dans la rue et couru du plus vite que je pus. Par chance, une rame ne tarda pas à se présenter à moi et je m'y engouffrai pour débarquer une dizaine de minutes plus tard, puis je couru de nouveau à toute vitesse.
Depuis Aubervilliers, la route jusqu'à l'appartement de Morad était compliquée, et je connaissais certainement plus de raccourcis que Deen et la seule fois où il s'y était pointé. J'espérais arriver avant eux. J'espérais même qu'ils s'étaient perdus.
Une vingtaine de minute de course plus tard, je me trouvais devant chez mon ex et sonnai chez un de ses voisins pour m'ouvrir. Nous avions tous la même technique pour nous incruster en soirée et malheureusement, il ne serait pas plus difficile pour mes amis d'entrer dans la résidence.
Je me ruai à l'étage de Morad, montant les marches deux par deux, et écoutai à la porte ; tout était silencieux, et je conclus que j'étais arrivée avant les deux rappeurs.
Super, mais je fais quoi maintenant ?
Jekhyl.
Il fallait que j'appelle quelqu'un pour m'aider à gérer mes amis si les choses devaient dégénérer, et Maxime serait peut-être à même de calmer son frère.
Le rappeur décrocha au bout de la deuxième sonnerie :
– Yo Elma, vous êtes où ?
– Maxime, il faut que tu viennes, j'ai pas le temps de t'expliquer mais Deen et Ken vont faire une grosse connerie, il me faut de l'aide pour les gérer.
– Hein ? Ils vont faire quoi ?
– Ils vont tabasser Morad. Je suis arrivée avant eux mais je sais pas quoi faire s'ils arrivent.
– Ok, bouges pas, envoies l'adresse, on arrive.
Il raccrocha et je lui envoyai un message contenant l'adresse de mon ex.
« On arrive ». J'espérais qu'il ne parlait pas de toute la bande.
Je décidai de descendre, pour mieux accueillir Ken et Deen lorsqu'ils arriveraient dans le hall.
Je tournai en rond, en proie au stress. Putain mais ils ne pouvaient pas faire ça, surtout pas avec leur notoriété, surtout pas juste pour moi alors que j'avais déjà tout réglé.
Quelle bande d'abrutis, ils me mettaient vraiment hors de moi parfois.
Je m'assis finalement sur la dernière marche des escaliers, et les attendis en me rongeant les ongles.
Je sursautai finalement en entendant le verrou de la porte bouger, et le battant s'ouvrir. Je me levai et mes deux amis sursautèrent, surpris de me voir et coupés dans leur élan.
– Putain Princesse, arrêtes de défendre cette sous-merde !
– Bordel mais vous êtes trop con, je lui ai déjà réglé son compte, j'ai pas besoin que vous fassiez les sauveurs !
Leur marche n'avait pas l'air de les avoir calmé puisqu'ils avaient tous les deux le regard noir et les poings serrés.
Deen m'ignora royalement et passa à côté de moi avant de jeter un œil aux noms inscrits sur les boîtes aux lettres puis de monter les escaliers. Je me lançai après lui pour lui tenir le bras mais il se dégagea et Ken me retint en arrière :
– J'arrive pas à croire que tu m'ai mentis.
Je libérai mon poignet d'un geste brusque et questionnai mon ami d'un regard froid.
– T'as dit que tu t'étais pris un ballon dans la gueule et moi comme un con je t'ai cru.
Il fulminait et je savais qu'il était autant en colère contre Morad que contre lui-même. Mais ce n'était pas de sa faute si j'étais une aussi bonne menteuse.
– Maintenant tu restes ici, ou je te jure que j'appelle les keufs pour leur dire ce qu'il t'a fait.
Lui et moi détestions l'idée de devoir faire appel aux forces de l'ordre pour quoi que ce soit, préférant faire justice nous même, mais je savais qu'il en était capable. Pour la simple et bonne raison que j'étais aussi capable de le faire pour lui.
Il se rua dans les escaliers, me laissant de nouveau seule dans le hall d'entrée.
Il ne me fallut pas un long temps de réflexion pour prendre une décision, et quelques secondes plus tard, j'étais dans l'appartement de Morad, ayant plus peur de ce qui pourrait arriver à Deen et à Ken s'ils agissaient sur le coup de la colère plutôt que des menaces de ce dernier.
Deen avait plaqué Morad contre le mur et celui-ci avait déjà la joue légèrement gonflée, petit cadeau de son ex-copine. Le rappeur se contentait pour l'instant de l'insulter tout en le maintenant fermement, et Morad avait les yeux emplis de haine. Ken s'approcha des deux hommes et je vis son poing se serrer. Ça allait vite dégénérer.
Je me ruai alors devant Ken, l'empêchant de frapper de mon ex :
– Arrêtes Ken !
– Putain Elma, bouges de là ! cria-t-il.
– Bordel mais tu te rends compte de ce que ça implique ce vous voulez faire ? Vous êtes connus bordel de merde, toi t'as une tournée !
– Franchement là j'en ai rien à battre, dit Ken. Personne touche à ma reus.
Je lâchai un juron et donnai un coup de pied dans une lampe innocente. J'avais tellement envie de le frapper.
– Ça te fait marrer de frapper une femme hein ? cracha Deen, me faisant sortir de ma rage.
Ce dernier continuait de s'énerver contre Morad, le plaquant toujours avec force contre le mur :
– Tu veux que je te montre ce que ça fait ?
Ni une ni deux, le rappeur abattit son poing contre le nez de sa victime à deux reprises. La tête de Morad heurta le mur par la même occasion, il eut l'air sonné, puis la rage lui fit rapidement reprendre ses esprits.
– Deen putain ! m'écriai-je en agrippant son bras de mes deux mains.
Je tentais d'arracher sa main du col de mon ex, mais ne réussit au final qu'à faire raffermir sa prise.
– Mikael, s'il te plait, arrêtes, suppliai-je. Il en vaut pas la peine.
Pitié, faites que mes amis se calment, je ne voulais vraiment pas qu'ils s'attirent des ennuis pour moi !
Deen tourna lentement la tête dans ma direction et plongea un regard empli de haine dans le mien. J'espérais l'attendrir mais ses yeux se posèrent rapidement sur mon cou :
– Il aurait pu te tuer putain, fit-il, les dents serrées. Et toi tout ce que t'as fait c'est lui mettre une pauvre droite. Alors je vais le terminer.
Mais il n'eut pas le temps d'abattre un troisième coup puisque Morad avait profité de ce moment d'inattention pour lui mettre un coup de boule.
La tête de Deen partit en arrière et il se tint le front, permettant à Morad de se libérer de sa poigne. Je me précipitai vers le rappeur pour prendre son visage dans mes mains. Je n'avais jamais vu autant de colère sur son visage qu'au moment où il rouvrit les yeux.
Ken avait déjà fondu sur Morad et le ruait de coup. Ce dernier tentait de se défendre et je me précipitai vers les deux garçons pour tirer Ken en arrière. Mais celui-ci était rigide et ne bougea pas d'un pouce. Alors je tirai plus fort et parvint à déséquilibrer Ken, qui fit quelques pas en arrière. Mais au même moment un coup de pied destiné au grec m'atteignit en plein dans le ventre, me coupant le souffle.
Je m'écroulai par terre et ma tête heurta violemment le sol. Pour changer.
– Mel !
J'entendis à peine le cri de Deen, trop sonnée pour me rendre compte de ce qu'il se passait. Je n'entendais plus que les coups s'abattre à côté de moi, imaginant que les rappeurs s'étaient mis à deux sur Morad.
Face contre terre recroquevillée sur la moquette, je n'arrivais pas à reprendre mon souffle, j'avais l'impression de suffoquer. Ma tête me faisait un mal de chien, mais le manque d'air me fit rapidement reprendre mes esprits.
Une main vint se poser délicatement sur mon dos :
– Putain Elma ça va ? Respires s'teuplait.
Je reconnus la voix d'Antoine et celui-ci m'attira contre lui avant d'essayer de me relever. Ce simple mouvement me provoqua une quinte de toux et une décharge à la tête, et je rejoignis bien vite le sol.
– Ils sont vraiment trop cons ! pesta Antoine tout en me maintenant fermement contre lui avec une attitude protectrice.
Je commençais à pouvoir inspirer quelques molécules d'oxygène et il continua à me frotter le dos.
– Je vais te crever, espèce de sac à merde !
La voix froide de mon frère raisonna dans mes oreilles, suivie non loin d'un bruit sourd, probablement un énième coup encaissé par Morad.
– Raphy... tentai-je d'appeler, mais mes mots sortirent dans un souffle, suivi par une nouvelle quinte de toux, et Antoine fut probablement le seul à m'entendre.
Mais je n'eus pas besoin de faire une nouvelle tentative puisque Raphaël vint s'accroupir auprès de moi pour me caresser les cheveux tandis que la paume d'Antoine continuait ses allers et venues sur mon dos. Je savais que mon frère était raisonnable, plus que Ken et Deen qui eux continuaient à frapper, et que ses coups étaient partis sous l'impulsion du moment. Il allait lui falloir du temps pour se calmer complètement, mais je savais qu'il était satisfait d'avoir pu apporter sa pierre à l'édifice.
La lutte avait l'air de se calmer un peu de l'autre côté de la pièce. J'entendais vaguement Jehkyl engueuler Deen, probablement en train de le retenir de se jeter sur Morad, et Hakim faisait la même chose avec Ken.
– Oh les gars ! cria finalement Antoine. Vos priorités putain ! Y'a Elma qu'est en train de mourir à cause de vos gueules de cons et vous vous continuez à empirer les choses !
Je n'avais jamais entendu Antoine s'énerver, lui qui d'habitude était si calme et posé.
Je lui tendis finalement ma main pour m'appuyer sur la sienne, et il m'aida à me relever. Je respirais difficilement, mais je respirais.
Juste un coup dans le ventre et on pouvait mettre quelqu'un KO, c'était vraiment injuste.
Deen se rua sur moi et m'attira contre lui avant de m'embrasser le front.
Je frappai mes deux paumes sur son torse avec virulence pour le repousser et refis le même geste plusieurs fois en rythmant mes paroles :
– T'es. Un. Putain. D'abruti.
Il écarta les bras en fermant les yeux, me laissant le frapper encore plusieurs fois. Son front portait déjà la marque du coup de boule de Morad et ses poings étaient en sang.
Je me dirigeai vers Ken et le rouai de coups aussi. Comme Deen, il se laissa faire, puis m'attira contre lui, coinçant mes bras entre nos deux poitrines.
Je le repoussai et sortit de l'appartement :
– Je vous déteste putain.
Je descendis les escaliers en trombe, folle de rage, puis rejoignit l'obscurité de la rue.
Là, je m'arrêtai et tournai en rond, mettant des coups de pieds dans des canettes, des cailloux, tout ce qu'il y avait à ma portée.
Pourquoi fallait-il que je me coltine des amis aussi cons ? À Paris ou à Dijon, il n'y en avait pas un pour rattraper les autres.
– Princesse, ça va ?
Je fermai les yeux en entendant la voix inquiète de Ken derrière moi.
– Il faudrait que tu vois un médecin pour ta tête, ça fait deux fois ce soir.
– Vas te faire foutre putain.
Je me retournai vivement vers lui. Deen venait de descendre et se tenait à côté de Ken.
– C'est pas possible d'être aussi con bordel ! Maintenant on fait quoi hein ? On attend qu'il appelle les flics en disant qu'il s'est fait tabasser par Nekfeu et Deen Burbigo ? Parce que croyez-moi il le fera, il vous aimait déjà pas avant donc maintenant il va pas se gêner !
– D'jà, il fera rien, parce que je l'ai menacé d'aller voir les keufs moi-même avec la raison pour laquelle on l'a frappé avec supplément défonçage des tibias par tout le crew, répliqua Deen. Et si ça marche pas et qu'il tente un truc j'en ai rien à battre, je m'excuserai pas pour t'avoir défendu.
– J'ai pas b...
– Pas besoin qu'on te défende, on sait, me coupa Ken. Bah faudra t'y faire parce que personne te touche Princesse. Personne. Alors tu peux râler et faire la gueule tant que tu veux, mais moi vivant y'a pas un fils de pute qui a le droit de lever la main sur toi sans subir mes coups. Connu ou pas connu. Je sais que ça te vénère, tu peux me frapper si tu veux, mais ça changera rien, je m'excuserai pas.
Je soupirai en me massant les tempes et amorçait ma marche dans la rue. J'en avait tellement marre de leurs conneries.
– Tu vas où Elma ? cria Jehkyl, qui avait probablement fini de marchander avec Morad pour qu'il ne parle pas.
Je lui répondis tout en continuant à marcher, blasée :
– Vous faites ce que vous voulez moi je vais rejoindre les autres à Auber'.
J'avais clairement besoin d'un verre et ces beusenots avaient pourri mon début de soirée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top