Chapitre 70. « I got this feeling and it's deep in my bah-tay »
– Maxiiiiime ! Eh Maxime !
– Putain de merde elle aurait pas pu rester en Norvège ? soupira Jehkyl.
Je n'étais rentrée en France que depuis deux semaines et mes amis n'en pouvaient déjà plus.
– Arrêtez de faire semblant qu'elle vous fait chier, répliqua Julia. Parce que ça fait un an qu'avec Alice et Stine ou vous entend vous plaindre qu'elle vous manque alors vous assumez maintenant !
Je checkai mes trois amies, ma meilleure équipe contre ces énergumènes :
– Je suis désolée de vous avoir laissées avec eux les filles.
– T'es de retour, c'est le plus important, lança Alice.
– J'aurai eu qu'un an pour souffler... soupira Théo.
Julia lui asséna une claque derrière la tête puis le rappeur l'attira à lui pour l'embrasser. Ils étaient vraiment adorables, j'espérais que ça allait durer entre eux.
Alors que je riais en les regardant, mon regard croisa celui de Deen. Je me demandais depuis combien de temps il me fixait.
Merde, je me posais plein de questions maintenant. Est-ce que Sohel avait eu raison ? Non, ce n'était pas possible.
Deen détourna les yeux et les posa sur sa parfaite copine, collée à lui depuis le début de la soirée. Je me demandais comment il arrivait à supporter ça, sachant que lorsque j'étais avec lui nous étions trop pudiques pour nous afficher en public, devant des inconnus comme devant nos amis.
– Au fait Mel !
Mon frère me sortir immédiatement de mes pensées.
– J'ai une mauvaise nouvelle...
Son visage n'avait pas l'air si grave, alors je me dis qu'il exagérait sûrement :
– Qu'est-ce qu'il y a ? T'as perdu à PES ?
– Nan, bien pire ! J'ai pas réussi à chopper de place pour le concert des Eagles...
Je fis semblant d'être affligée, et mis en place mon meilleur jeu d'actrice tragique :
– Oh nan Raphy, t'assures pas ! Je comptais sur toi moi ! Tu me déçois tellement !
Il rit en me balançant un coussin.
– Ça va je rigole ! Ça aurait été cool, mais c'est pas les Red Hot non plus quoi.
– Bah putain moi je capte rien, lança Doum's, encore et toujours défoncé.
– C'est quoi que tu voulais aller voir ? demanda Ken. Moi je suis sûr que je peux te trouver des places, ajouta-t-il en lançant un regard vantard à Raph.
– Les Eagles of Death Metal. Ils passent à Paris en Novembre.
– Attends, n'en dis pas plus ! se moqua-t-il. C'est un groupe de rock ?
Je répétai après lui comme une enfant, puis rajoutai sèchement :
– Ouais, c'est eux qui ont fait la musique sur laquelle tu chantes et tu te dandines comme une anguille.
Pour appuyer mes propos, Ken se leva et commença à chanter. Je savais qu'il adorait cette musique depuis que je lui avais fait écouter quelques mois plus tôt, et il ne s'en était visiblement toujours pas lassé, la chantant à tue-tête et saoulant tout L'Entourage :
– I got this feeling and it's deep in my body, it gives me wiggles and it make my rump shake...
Une flopée de « Ta gueule » assaillirent le grec, mais il continua tout de même à chanter sous une grande quantité de projectiles.
– Putain mais elle l'a vraiment converti, se plaignit Ivan. Même Bigo là il nous saoule avec Nirvana maintenant, tu fais chier Elma !
Cette remarque à propos de Deen me donna une petite décharge au cœur ; j'étais particulièrement fière d'avoir fait aimer mes musiques au rappeur. Je repensai avec nostalgie qu'avant que je ne parte l'année dernière, il avait casé du Led Zeppelin au milieu de ses playlists remplies de rap, et nous chantions souvent tous les deux certaines de leurs musiques pour casser les oreilles des autres. J'étais contente d'apprendre qu'il était maintenant fan de Nirvana mais cela me faisait toujours un pincement au cœur ; j'avais tellement envie de retrouver mon ami !
Je ne laissai cependant rien paraître de mes émotions et continuai comme si de rien n'était :
– Ivan c'est une chose de pas vouloir écouter tout le rock que j'écoute et d'avoir une aussi grande culture musicale que la mienne. Parce que bon, franchement, avec tous les genres de musique différents que j'écoute, je vous surpasse niveau connaissance, me vantai-je en rejetant mes cheveux en arrière. Mais s'en est une autre de juger sans avoir écouté.
Les multiples discussions qui avaient lieu en même temps dans l'appartement se greffèrent finalement à la nôtre, et un débat d'une heure sur la musique s'ensuivit.
– Ok j'avoue par contre Elma elle nous éclate niveau culture musicale, conclu Antoine.
– Ouais mais pas au niveau du peura, contesta Moh.
– Mais par contre elle connait beaucoup de trucs dans beaucoup de genre différents, me défendit Idriss. Et franchement niveau peura elle est pas loin de nous non plus.
Quand je croyais que le débat était clos, c'était repartit. Ce genre de discussion avec eux m'avait tellement manqué !
Au cours de ce débat animé, Deen s'éclipsa sur le balcon pour fumer. Ça avait du bon d'avoir Raphaël parmi nous ; au moins il évitait aux plafonds de jaunir et à l'appartement d'être un aquarium. La copine du rappeur ne le suivit pas et j'en profitai donc pour le rejoindre.
Il se retourna rapidement pour voir qui l'avait suivi puis regarda les bâtiments en face de nous :
– Si tu veux mon avis c'est toi qui a la plus grosse culture musicale de l'équipe, me dit-il.
Je ricanai vivement :
– Cimer Deen Burbigo.
Il grimaça :
– Je déteste quand tu m'appelles comme ça.
– Je sais.
Il me lança un regard noir, puis esquissa un sourire amusé :
– P'tite conne.
Je souris en retour.
À priori cette année à des centaines de kilomètres l'un de l'autre nous avait permis de souffler et de repartir du bon pied ; l'atmosphère autour de nous était beaucoup moins pesante que quelques mois en arrière.
– Deen, je voulais te remercier pour ce que t'as fait pour Sohel. Il m'a dit que tu l'avais consolé et je suis contente que t'ai été là pour lui quand moi j'y étais pas.
– Tu lui as manqué de fou je crois.
– Ouais je sais, soupirai-je. Il m'a manqué aussi.
– Tu regrettes pas quand même ? me lança-t-il d'un ton plein de reproche.
Il me sondait de ses yeux bruns et je savais qu'il était prêt à m'engueuler si je lui répondais par la positive.
– Nan pas du tout, c'était énorme. J'ai vraiment beaucoup progressé.
– Ouais ça s'est vu pendant l'Euro. Si même moi j'ai réussi à le capter c'est qu'il y avait un truc.
Je lui souris, contente de son compliment.
Un léger silence s'installa, un de ceux de nos premiers moments ensemble, apaisant.
– Ça a l'air de bien marcher avec Hana, fis-je constater en tirant sur le joint qu'il me tendait.
– Ouais ça va, elle est cool.
Nous ne parlâmes plus pendant quelques secondes, nous contentant de regarder la nuit à perte de vue.
– Et toi, t'en es où ?
– Je revois Morad. Peut-être que ça va mener à plus, je sais pas. Je l'aime bien.
C'était vraiment très bizarre de parler de ses affaires de cœur avec son ex.
– Cool.
– Ouaip.
Pour le coup, le nouveau silence qui s'installa était gênant. Je n'aurais pas dû lancer le sujet. Mais le rappeur le brisa rapidement :
– En tout cas je suis content d'avoir retrouvé ma grosse.
Ça faisait tellement longtemps qu'il ne m'avait pas appelé comme ça !
– Je suis contente de t'avoir retrouvé aussi mon Burb.
Nous nous sourîmes comme deux idiots puis nous enlaçâmes maladroitement. Nos étreintes m'avaient manqué. La sécurité que m'apportaient ses bras, le réconfort que m'apportait son torse...
Du coin de l'œil, à l'intérieur de l'appartement, je pus apercevoir Hana me lancer un regard noir.
[...]
– Nan mon cœur, pars pas !
Morad me tirait par le bras pour que je reste au lit avec lui.
Nous étions ensemble depuis maintenant un mois et demi, et je devais dire que j'étais vraiment très bien avec lui. Deen était maintenant de l'histoire ancienne, et lui comme moi avions renoué les liens qui nous avaient unis avant que nous soyons sortis ensemble.
– Je peux pas ! J'ai promis à Ken qu'on se verrait !
Le visage de mon copain se ferma et je me retins pour ne pas monter dans les tours. Il était tellement jaloux ! Pourtant la dernière personne dont il devait être jaloux, c'était bien Ken.
– Tu passes toute ta vie avec lui, c'est ouf ça.
Il ne rigolait pas, et j'avais appris à ignorer ses piques depuis quelques temps.
– Bah ouais, mais c'est un de mes meilleurs potes et je ferai toujours passer mes potes avant toi, on en a déjà parlé.
Il se renfrogna et ne dit plus rien, se contentant de fixer le plafond.
Nan mais ! Il passait sa vie avec ses potes aussi et je ne lui avais jamais fait de crise de jalousie.
Je me préparai dans la salle de bain et me changeai rapidement, enfilant un T-shirt gris à l'effigie d'AC/DC et un short taille haute. Mieux valait ne pas trop s'habiller, cette journée de juillet s'annonçait chaude.
– T'en as pas marre de t'habiller comme une gothique ? grogna Morad.
Je levai les yeux au ciel ; c'était le genre de remarque auxquelles j'avais droit depuis quelques semaines. Et puis on ne mentionnera pas le fait qu'il associait automatiquement rock et gothique...
– Et c'est pour ton Ken que tu mets un short aussi court ?
« Aussi court ». Mais quel crétin. Mon short avait une coupe plus que normale et cachait bien plus que mes fesses ; je n'étais pas à l'aise avec des vêtements trop courts de toute manière.
– Ouais, qu'est-ce que ça peut te foutre ?
– Bah t'es ma meuf et je veux pas que tous les mecs voient ton cul.
Allez, dis rien Maëlle, tu sais qu'il lui arrive d'être con, mais sinon c'est un mec génial. C'était ça le pire, c'est qu'en tout point il était parfait. Enfin, quand il n'était pas un benêt.
Je levai les yeux au ciel en soupirant et m'arrêtai finalement sur un jean taille haute :
– C'est bon, ça te va comme ça ? râlai-je.
Il m'adressa son plus beau sourire, celui qu'il savait me faisait toujours fondre, et vint m'embrasser :
– T'es sublime.
Je levai les yeux au ciel pour la trentième fois, en souriant ; ce qu'il ne fallait pas entendre.
– Bon allez, je me casse. À plus tard !
Je l'embrassai une nouvelle fois et quittai son appartement.
[...]
– Bah wesh t'as pas chaud là-dedans ? me demanda Ken quand je l'eus rejoint sur le quai où nous avions l'habitude de nous poser.
J'espérais que personne ne viendrait nous embêter. Maintenant que le grec avait sa petite notoriété, il lui arrivait assez souvent d'être reconnu dans la rue.
– Si, beaucoup trop.
– T'as pas de short ?
– Morad m'a tapé une crise, soufflai-je alors que nous nous laissions tomber sur le bord du quai.
Son regard me jugeait clairement mais il ne dit rien.
– Bon, c'était quoi ton urgence ? demandai-je.
– Y'a pas d'urgence, je voulais juste qu'on regarde Naruto, dit-il en ricanant.
– Arrêtes, on s'est déjà maté l'intégrale deux fois. Et je sais pas si t'as remarqué mais y'a pas d'appareil électronique à proximité. C'est Agathe c'est ça ?
Le rappeur ne me répondit pas, mais son silence valait plus que mille mots.
– Putain j'en étais sûre !
Ken me donna un coup d'épaule pour me déséquilibrer.
– T'es amoureux d'elle c'est ça ?
Il tourna vivement la tête vers moi, la bouche grande ouverte :
– Putain mais d'où tu sors ça ?
– Je te connais par cœur Ken ! Tu fais trop le mec froid et le gros connard qui couche avec tout Paname mais je sais que tu la kiffes. T'as juste trop de fierté pour lui dire parce qu'elle te casse les couilles de ouf !
Leur relation n'avait jamais été simple, et elle ne l'était toujours pas. Agathe l'avait trompé, mais il faisait la même chose au même moment. Elle l'aimait, il l'aimait, mais les deux étaient beaucoup trop têtus pour se l'avouer. Et ça faisait plus de deux ans que ça durait.
– Elle me casse tellement les couilles t'imagines même pas ! Ça fait trois piges qu'elle me fait la gueule parce que j'ai parlé d'elle dans mes ceaumors.
– En même temps t'aurais peut-être dû lui demander son avis. Après je dis ça...
– Tu vas pas la défendre ?!
– Solidarité féminine Ken.
– Mais c'est moi ton reuf !
– Quand même. Bref, et elle te répond plus du tout ?
– Bah si mais elle joue de ouf, je vois qu'elle me test, ça me vénère de dingue ! Et puis y'a...
Il se stoppa net mais j'avais déjà deviné la suite :
– Alice ?
Il baissa la tête, l'air blasé :
– On a passé pas mal de temps ensemble cette année, ça compensait vite fait l'absence de notre reus. Et je sais pas, y'a un truc. Mais j'arrive pas m'enlever Agathe de la tête. Genre vraiment, quand je pense que je suis passé à autre chose elle renvoie un message, on recouche ensemble, on s'engueule et on se parle plus pendant des semaines. Ça me rend ouf, t'imagines même pas. En plus je sais que je fais du mal à Lissa.
Je levai les yeux au ciel en entendant le surnom que les gars lui avaient donné. Je le connaissais depuis longtemps mais désespérais toujours de sa nullité.
– Vous avez couché ensemble hein ?
Le grec ne répondit pas, mâchouillant nerveusement un cure-dent, mais son silence voulait tout dire.
– Je crois qu'elle me kiffe, dit-il finalement en soupirant.
– Ouais, et je crois que tu la kiffes aussi. Vous êtes peut-être pas amoureux, mais vous pouvez pas nier que vous êtes ultra attachés l'un à l'autre.
Encore une fois, mon ami ne répondit pas.
– Putain j'suis duper, lâcha-t-il finalement en se enlevant sa casquette pour remettre ses cheveux indisciplinés en place.
Je connaissais mon ami par cœur et en voyant à quel point ses expressions du visage étaient tendues, je savais à quel point cette histoire le rendait fou :
– Bon Ken, tu vas m'écouter maintenant. Et je vais te parler en toute objectivité : c'est pas parce que je considère Alice comme ma petite sœur que ça changera quoi que ce soit à ce que je pense déjà. Avec Agathe, ça fait plus de deux ans que vous vous rendez dingue et à part de la passion il se passe rien entre vous. Même si vous vous aimez, c'est hyper malsain comme relation, vraiment, tu sais déjà ce que j'en pense, on en a déjà parlé. Et le pire c'est que tu t'en rends compte ! Sauf qu'avant de te rapprocher d'Alice ça t'allait bien comme situation, t'avais tes potes et le rap à côté et voilà. Mais viens pas me dire que c'est une coïncidence si après avoir passé plus d'un an à te rapprocher d'Alice tu commences à cogiter sur ta relation avec Agathe. Alors, tu fais ce que tu veux, mais en tout cas moi je te conseilles de parler une bonne fois pour toute avec Agathe. Soit tu retournes avec elle pour plusieurs années de jeu qui mèneront à rien, soit tu lui dis d'aller se faire foutre et tu bloques son numéro. Mais fais quelque chose, et si tu veux continuer à jouer avec Agathe, arrêtes de jouer avec Alice. Je t'adore Ken, t'es vraiment une des personnes les plus importantes dans ma vie, mais je te jure que si tu fais du mal à ma petite sœur je t'éclate la gueule. Entre nous, on sait tous les deux que t'as plus rien à foutre avec Agathe et que tu dois être avec Alice.
Le grec me fixait, les yeux écarquillés :
– Putain t'es forte, lâcha-t-il au bout de quelques secondes.
– Ouais je sais. Tu vas appliquer ce que je t'ai dit ?
– J'sais aps. Si toi t'appliques pour toi ce que tu viens de me dire.
– Hein ?
– Nan rien.
Il m'attira simplement contre lui et nous regardâmes un bateau-mouche passer en silence, tandis que je réfléchissais à sa dernière phrase.
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