Chapitre 68. « Laisses tomber les filles, un jour c'est toi qu'on laissera »

Depuis quelques mois, depuis les vacances de Noël en fait, j'essayais de passer à autre chose. En vrai de vrai, j'y étais quand même bien arrivé. Mais franchement on m'avait pas rendu la tâche facile. À chaque fois que j'avais été posé avec mes gars il en avait toujours fallut un pour mentionner la handballeuse. Ça m'avait cassé les couilles de pas arriver à ne pas penser à elle. Putain surtout que j'étais avec Hana quoi.

J'en avais à l'appel des exemples où on m'avait refoutu en pleine face le fait que tout le monde kiffait Maëlle et qu'effectivement j'étais plus avec cette meuf que tout le monde idolâtrait. Exemple type quelques mois en arrière, une journée où il avait fait un temps de merde et où les gars étaient posés chez moi défoncés ou en bad, y'avait plus rien à fumer :

– Putain Elma elle me manque, avait balancé mon reuf en soupirant.

D'autres soupirs avaient suivis et moi j'avais rien dit, tiraillé entre le fait qu'elle me manquait effectivement et le fait que je la détestais toujours d'avoir décidé de tout arrêter sans mon avis.

– De ouf, on se fait limite chier sans sa tête de chieuse, avait dit Nek.

– Avec ses blagues de merde là... avait continué Fram, le meilleur public de Maëlle.

– Et puis son rire et son sourire de débile... avait ajouté Flav.

– Sah même moi elle me manque alors que je l'aime pas, avait râlé Mek.

Cette mauvaise foi. On savait très bien qu'il la kiffait, c'était sa petite reus chiante.

– Vous êtes au courant qu'elle est pas morte hein ? avait dit Raphaël, provoquant deux trois ricanements.

– Moi ça va elle me manque pas, avait dit Zer2, maintenant elle peut pas se liguer contre nous avec Stine, Julia et Alice. Parce que c'est quand même la pire des quatre.

– Grave, c'est l'élément perturbateur des Cavaliers de l'Apocalypse, avait ri Sneazz.

– J'avoue en fait elle me manque pas non plus, avait finalement dit Jehk. Qu'elle reste en Norvège le plus longtemps possible, j'ai pas envie de réentendre ses « Maxiiiiime... Eh Maxime tu fais quoi ? ».

Son témoignage avait provoqué l'hilarité générale, et je lui donnai même un rire franc. C'est vrai que la handballeuse adorait faire chier mon reuf. Quand elle l'appelait pas Henry elle faisait tout pour le faire craquer en empiétant sur son territoire.

– Ouais, si, elle manque quand même, avait conclu Nek quand les rires s'étaient calmés.

– En tout cas on a pas l'air de lui manquer nous, avait dit Fram. Vous avez vu son Insta ?

Évidemment. C'était d'ailleurs une des raisons pour laquelle j'avais eu du mal à passer à autre chose. Avec son putain de sourire sur chaque putain de photo, quand c'était pas des photos d'elle en plein match, volant avec le ballon en main.

Je crois que la soirée chez Mekra et Framal durant laquelle elle avait fait une petite arrivée surprise ça m'avait refoutu mes sentiments en pleine gueule. Je pensais que j'arrivais lentement à passer à autre chose et au final j'avais dû me maîtriser comme jamais pour être impassible. 

J'étais en couple bordel, et quand elle était entrée avec sa putain de dégaine de rebelle américaine en veste kaki et bottes, ça avait été comme si Hana avait jamais existé. Pourtant ma meuf avait bien débarqué plus tard et elle m'avait pas lâché. Sauf que mes pensées avaient pas lâché Maëlle. J'avais essayé de la mater discrètement toute la soirée, pour apercevoir son grand sourire et entendre son rire plein de joie de vivre. 

Je m'étais rendu compte qu'elle m'avait plus manqué que ce que j'avais voulu admettre et ça en avait foutu un sacrés coup à mon égo qu'elle en ai rien à foutre de ma gueule. Parce qu'au cours de la soirée j'avais essayé de la rendre jalouse, j'avais même été jusqu'à discuter avec elle pour provoquer une quelconque réaction et tout ce qu'elle m'avait dit c'était qu'Hana et moi on faisait ce qu'on voulait, ça la dérangeait pas. Au début je m'étais dit qu'elle pouvait mytho mais j'avais capté qu'elle mentait pas. Ça me faisait encore profondément chier de m'être attaché à elle plus vite qu'elle à moi, ma fierté s'en rappellerait. Alors qu'au début j'avais été persuadé que j'allais être celui qui lui ferait du mal, ça avait été tout le contraire. J'avais été beaucoup trop con.

Mais bon, maintenant on était en mai, Noël était loin, et même si ça avait été compliqué de l'oublier après cette soirée, je me rendais compte que c'était plus douloureux du tout. J'allais plus trop sur les réseaux et je m'étais plus ou moins fait une raison ; on allait rester potes, j'étais avec Hana et voilà.

En plus c'était beaucoup trop con de tout gâcher pour des sentiments qui étaient pas réciproques, parce que c'était une pote en or et je voulais quand même pas la perdre. Je me disais qu'avec le travail que j'avais réussi à faire en quatre mois, d'ici à ce qu'elle revienne j'allais être totalement passé à autre chose. C'était qu'une question de temps. Surtout qu'on était pas resté ensemble si longtemps que ça, donc y'avait aucune habitude à laisser derrière moi, juste ma fierté à ramasser.

– Sinon on appelle encore Elma ! proposa Mek, me sortant de mes pensées.

On était en séance de stud, le S-Crew était une nouvelle fois en désaccord par rapport à un couplet du Fenek et leur solution à tout était la handballeuse. Pour une fois que c'était Mekra qui proposait de l'appeler, j'étais surpris.

– Nan mais c'est bon les gars, on va pas l'appeler à chaque fois qu'on est pas d'accord ! m'opposai-je. Elle a peut-être d'autres choses à foutre que de t'entendre gueuler dans un micro.

J'eus gain de cause et au bout d'une quinzaine de minutes, les gars avaient réussi à se mettre d'accord.

Putain si le Fenek perçait pas avec cet album, on pouvait tous abandonner le peura.

Alors qu'on buvait quelques bières pour marquer une pause, un nain brun en costume de Spiderman débarqua en courant, suivi non loin de Raph :

– Soso reviens-là, t'es pas chez ta mère !

Bah wesh, qu'est-ce qu'il faisait là le tipeu ? Déjà qu'un de mes zins était le clone parfait de mon ex, si en plus on me ramenait toute la mif.

– Ouah Sohel ça fait grave longtemps ! lança joyeusement Nek en le soulevant du sol. T'as grandi p'tit gars !

– Qu'est-ce qu'il fout là ? demanda Sneazz, aussi surpris que moi.

– C'est les vacances, mon daron il me l'a envoyé pour deux jours, expliqua Raph en se laissant mollement tomber dans le canapé, l'air épuisé. J'ai été le chercher à la gare y'a deux heures, j'en peux déjà plus gros !

Effectivement, si le gamin avait grandi, il n'avait pas l'air de s'être calmé.

– Ça te fait quel âge maintenant ? demanda Nek.

– Huit ! Même que Tyler il dit que Jupiter il a le même âge que moi parce que tu vois c'est pas pareil pour eux parce qu'en vrai il a qu'un an mais si tu fais comme les humains ça fait huit ans aussi ou alors un peu plus ou un peu moins !

J'avais oublié à quel point il était bavard. Au fond il ressemblait pas mal à sa reus.

Nekfeu avait l'air ultra confus et Raph éclaira sa lanterne du fin fond du canap' :

– Il parle du clebs...

Son air désespéré nous fit pouffer de rire. Les deux prochains jours allaient être longs pour notre kho.

– Et le costume c'est pour quoi ? demanda Framal en se foutant ouvertement de la gueule de Raph.

– Il voulait s'habiller comme ça, je l'ai laissé, répondit-il en haussant les épaules. Je suis pas sa daronne moi, s'il veut sortir habillé en robe, qu'il le fasse.

Je me marrai ; il en avait clairement rien à battre et je me dis qu'heureusement qu'il devait s'en occuper que deux jours.

– Nan en vrai il m'a tapé une crise pour que je lui achète et j'ai pas eu la force de me battre, avoua-t-il finalement et on se moqua tous de lui.

– Avoues il t'a juste fait ses yeux de chien battu, le charria Sneazz.

C'était carrément possible, on l'avait déjà vu à l'œuvre avec sa reus.

– Vas-y ta gueule, lança Raph d'un air coupable. En vrai il est fort, me jugez pas.

Il avait l'air désespéré et le tipeu nous regardait d'un air fier genre : « Voyez ? Mon frère et ma sœur j'en fais ce que je veux ».

Puis le gamin commença à discuter avec Fram, lui donnant tous les arguments prouvant que Spiderman était le meilleur super-héros.

– Tu veux pas dire bonjour à tout le monde au lieu de raconter ta vie ? lui lança son frère en soupirant.

Le petit pris son air le plus sérieux et se dirigea vers chacun des gars présents, la main tendue du haut de son mètre douze. Il faisait vraiment rire.

Arrivé vers moi, il me lança un regard noir tout en me serrant la main.

– Nan mais regardes mieux là ! le réprimanda Raph. Tu te prends pour qui ?

– Mais lui il m'a piqué Mel, bouda Sohel.

J'eus un petit rire. C'est vrai que la dernière fois qu'il m'avait vu j'avais la bouche collée à celle de sa frangine :

– Nan mais t'inquiètes je te la laisse, on est plus ensemble.

Le petit paru soulagé et esquissa un sourire satisfait avant de reprendre un air tout à fait sérieux :

– Pourquoi ? Vous êtes plus amoureux ?

Comment j'étais censé répondre à ça moi ? Les gosses dont je m'occupais en tant qu'animateur me posaient pas de questions aussi personnelles.

– J'en ai marre des filles, tu devrais faire pareil.

Les gars me regardèrent avec des sourires moqueurs, pas crédules pour un sous, et le mini Duprés me raconta ses amourettes de primaire. Ça allait être long !

– Moi je veux que ma femme elle soit comme Mel, s'exclama-t-il finalement.

Nek et moi étions les seuls à l'écouter, Raph étant en train de glousser avec le reste des gars. Je me forçai un peu parce qu'il était mignon mais le Fenek avait l'air vachement intéressé par ce que le petit disait. Il avait sûrement l'habitude avec son neveu.

– Ah ouais pourquoi ? demanda-t-il.

– Parce qu'elle est trop géniale ! Elle est trop gentille avec tout le monde, elle fait plein de trucs pour les autres tout le temps, elle casse la gueule à des gens (il mit la main sur sa bouche en jetant un œil inquiet à son frère pour être sur qu'il n'avait rien entendu), et c'est pas une fillette, elle pleure jamais ! En plus c'est même pas ma sœur mais elle dit que je suis son petit frère préféré et elle me fait plein de cadeaux tout le temps. Même qu'elle fait des trucs qu'elle aime pas faire juste pour me faire plaisir. J'aimerais bien pouvoir lui faire plaisir aussi, mais je suis trop petit. Un jour quand je serai grand je lui achèterai une grande maison avec tous les gens qu'elle aime dedans ! Y'aura toi, (dit-il en désignant Nek); toi (il me désigna), tous vos copains, ses copines, Tarek, Hugo (il allait quand même pas tous les faire ?), son tonton Jared et toute sa famille de l'Amérique (si, il allait tous les faire), son parrain Kamel, Papy, Mamie, Mamé, Papé, Maman, tonton Adam, Tyler, Raphy, bébé Zoé, Jupiter, et puis même sa Maman. Un jour je ramènerai tonton Adam et tata Chloé, elle sera contente.

Il souriait fièrement, croyant dur comme fer à son histoire. D'une certaine manière c'était touchant. Il avait pas connu la mort aussi jeune que les jumeaux, il était encore un peu innocent.

– C'est la meilleure hein ? dit Ken la voix pleine d'admiration.

Le petit hocha vivement la tête avec un grand sourire, puis son visage s'assombrit :

– Elle me manque Mel...

Sur ce, il fondit en larmes. Nek et moi on se regarda, désemparés. Bah ouais mais fallait pas trop nous en demander aussi.

Je pris maladroitement le petit dans mes bras, geste que j'avais déjà appliqué quelques années auparavant avec mon ancien job.

Raphaël me lança un regard interrogateur mais je lui indiquai que je gérais. Putain j'étais en train de consoler le petit frère de mon ex :

– Tu sais elle va revenir hein ? On est déjà en mai, tu sais combien de temps il reste ?

Sohel releva lentement la tête et je lui essuyai ses larmes. Il secoua négativement la tête. On aurait dit un chiot battu. Tu m'étonnes que Raph avait cédé pour le costume !

– Il reste deux mois, juste deux. Après elle revient. Et si ça se trouve elle sera championne de Norvège. Ce serait pas chanmé ça ?

Le gamin hocha la tête en souriant d'un air rêveur.

– C'est la plus forte ma sœur ! s'exclama-t-il finalement. Eh dis, tu regardes ses matchs toi ?

Sur ce, il repartit dans un monologue sur les qualités de sa sœur en tant qu'handballeuse et je l'écoutai distraitement en me roulant un pète tandis que Nek lui répondait.

Puis quelques heures plus tard, je sortis du stud et me rendis compte que même en ayant eu son petit frère toute l'aprèm sous les yeux, qui me vantait les mérites de sa sœur et m'expliquait à quel point elle était merveilleuse, ça m'avait rien fait. J'avais juste été fier d'avoir une meuf comme ça dans mon entourage, comme avant. Rien de plus. Et ça, c'était putain de bien.

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