Chapitre 63. « Take it away, I never had it anyway »

– Nan t'es sérieux gros ? dit mon frère en éclatant de rire.

Je hochai la tête en rigolant, une bière à la main, sur la terrasse de nos parents.

Au début du mois du juillet, avec la chaleur qui étouffait la capitale, il n'y avait pas meilleur moment pour passer du temps à Toulon. J'étais en train de raconter à mon frère la petite altercation entre ma meuf et un des mes plans culs un mois plus tôt.

– Mais genre elle l'a frappée ?

– Qui a frappé qui ? demanda ma mère en s'allongeant dans un transat avec un livre.

– La meuf de Mike, elle a cogné un de ses anciens plan culs.

– Mais fermes ta gueule toi, répliquai-je en lançant ma capsule de bière sur le front de mon frère. Déjà à quel moment j'ai dit qu'elle l'avait frappé ?

– T'as pas besoin de le faire, c'est Elma !

Je ris : vrai ça. Mais pour le coup elle avait été soft.

– Ta copine se bat ?

Ah, la grand-mère venait d'arriver. Mon frère et moi bondîmes sur nos pieds pour être le premier à l'embrasser. Je gagnai, et pas peu fier de moi je la pris dans mes bras :

– Comment tu vas ?

– Très bien, j'aimerais juste que mes petits fils viennent me voir un peu plus souvent, dit-elle avec un ton plein de reproche non sans donner une tape derrière ma tête et celle de mon reuf.

– Tu veux boire quelque chose Mamie ? demanda Max.

Celle-ci répondit par la positive et mon frère s'éclipsa dans la maison.

Quel lèche cul. Enfin, j'étais pas mieux. Quand il s'agissait de la daronne de notre daronne on pouvait atteindre un stade de canard assez élevé.

– Alors comme ça ton amie se bat ? demanda-t-elle une seconde fois.

– Ouais, répondit mon frère alors que je répondais non au même moment.

– Nan, dis-je une seconde fois avec un regard désapprobateur. Enfin, pas quand on la cherche pas. Les deux seules fois où je l'ai vue se battre c'était juste pour se défendre.

– Elle est géniale cette meuf, rit mon frère. Si tu l'épouses pas laisses-la moi s'il te plaît !

Je lui donnai un coup dans le bras mais ne tardai pas à m'excuser sous le regard désapprobateur de ma grand-mère.

– Oui enfin, il ne faudrait pas que tu deviennes un homme battu, contesta ma mère avec sérieux, ce qui me fit rire.

– T'en fais pas pour ça, elle serait incapable de faire du mal à ses proches.

Je redevins tout à coup sérieux, éprouvant soudainement le besoin de défendre la handballeuse :

– Elle a pas eu une vie facile, vraiment, je trouve même impressionnant qu'elle soit pas plus ravagée que ça.

Ma mère et la sienne m'invitèrent à continuer, mais je ne pus me résoudre à en dire plus. C'était pas ma vie, j'avais aucun droit de leur en parler, surtout en sachant à quel point ç'avait été dur d'obtenir certaines informations. Je comptais pas reperdre la confiance de Maëlle.

– En tout cas tu as l'air heureux, me dit ma mère avec un grand sourire. On t'avait déjà vu avec des filles mais là ça n'a pas l'air d'être pareil. J'aimerais bien la rencontrer.

C'était vrai ça. J'avais déjà eu quelques relations sérieuses avec des meufs que j'avais ramené à mes darons, même si je préférais ma liberté en général. Mais dans ces relations y'avait toujours eu un moment où j'avais pensé à aller voir ailleurs, même si je l'avais jamais fait. Pourtant avec Maëlle il en avait jamais été question. C'était vraiment chelou. J'avais même fait un millier de pas de canard en avant alors qu'elle en avait toujours fait en arrière. Ça me ressemblait pas, d'habitude c'était le contraire. C'était moi qui avait voulu l'exclusivité, et c'était moi qui l'avait poussée à se mettre avec moi pour de bon. Je me reconnaissais vraiment pas, elle était vraiment flippante cette meuf.

– Tu la kifferais de ouf ! s'exclama mon frère.

– Language Maxime !

Il avait toujours pas appris ce con, vingt-quatre piges que ma grand-mère prof de français se faisait chier pour qu'il parle bien et il était pas foutu de faire semblant devant elle.

– Pardon. Mais c'est vrai, vous l'adoreriez, c'est devenu la mascotte du groupe.

J'écoutais qu'à moitié, les yeux perdus dans le vide.

Ça faisait pas encore un an qu'elle était entré dans nos vies et elle les avait toute chamboulé. Elle avait réussi à apprivoiser le Fenek et maintenant tout le monde savait qu'ils étaient meilleurs potes, même s'ils aimaient pas le dire par égard pour Ilhem, la meilleure pote de Nek, et le duo Tarek-Hugo. Flav pouvait à peine se passer de la voir au moins une fois par semaine et avec son label il la voyait plus trop et ça le faisait grave chier. C'était limite si Sneazz suppliait pas Nek d'inviter Maëlle juste pour la voir. Elle était devenu la rouleuse attitrée mais non rémunérée de Doum's. Framal passait son temps à glousser avec elle en réssoi et Mekra avait choppé le tic de guetter les alentours pour être sûr qu'aucun gars allait l'emmerder. Zer2 disait qu'elle était insupportable mais on savait très bien qu'il la kiffait, et de toute façon il avait pas vraiment le choix maintenant que sa go était l'une des meilleures potes de la handballeuse. Mon reuf faisait le mec en disant qu'il voulait l'épouser mais je savais qu'il la considérait plus comme sa reus casse-couilles qu'autre chose. Pareil pour Jazzy et le Cheff, ils se plaignaient tout le temps d'elle quand elle les faisait chier mais au fond on savait tous que si elle le faisait pas on aurait peur pour elle parce que ça voudrait dire qu'elle allait mal. Et puis moi...

Putain moi j'étais archi paumé. Je savais que je voulais pas la perdre, je voulais pas ne pas être là pour elle maintenant que je savais qu'il y a des trucs que j'étais le seul du crew à savoir gérer. Et putain elle était tellement facile à vivre. Je savais que si un jour on s'embrouillait c'est que ce serait pour quelque chose de vraiment grave. Ou alors un quiproquo. Mais dans ce cas-là on serait tous les deux assez intelligent pour en rire. C'était la seule meuf avec qui je pouvais être distant en présence d'autres gens sans qu'elle me casse les couilles en rentrant ; limite elle me démonterait si j'étais trop collant et canard devant nos potes. Pour autant elle était pas complètement froide et moi non plus, on se montrait juste nos sentiments à notre manière.

– Eh Miky, redescends sur terre, me lança ma grand-mère avec un grand sourire.

J'avais rien suivi de ce qui s'était passé pendant mon absence involontaire.

– Tu es amoureux d'elle hein ? Ça se voit à ton sourire.

– Hein ? Nan !

Alors ça c'était la meilleure. 

Pourtant au moment où j'avais dit non, mes entrailles s'étaient comme serrées et j'avais tout de suite su que je me mentais à moi-même. Et que ça faisait déjà un bout de temps. Peut-être depuis cette histoire d'agression en fait. Je me rappelai ce que j'avais ressenti sur le moment, c'était pas juste la colère de voir ce qu'on avait fait à ma pote, c'était surtout la rage de ne pas avoir pu être là pour la meuf que je kiffais. Putain mais quel fragile, je me faisais pitié. Sérieux j'avais pas besoin de ça, c'était pas dans mes plans du tout de tomber amoureux, je voulais m'amuser moi à la base !

– Putain, je crois que si, dis-je finalement en écarquillant les yeux.

– C'était flagrant mon chéri, dit ma mère. Je ne t'avais jamais vu comme ça avant, même avec Ophélie.

Pourtant je la kiffais bien Ophélie, je pensais que j'étais amoureux d'elle. Mais c'était sans compter la réalisation que je venais de faire : c'était que dalle à côté de ce que je ressentais pour Maëlle.

– Putain j'suis dans la merde, dis-je finalement en me laissant tomber en arrière sur le transat.

Ma grand-mère me réprimanda tandis que mon frère se marrait :

– De ouf, t'aurais mieux fait de jamais accompagner les gars aux urgences !

– Mais pourquoi ? D'après ce que vous dites elle a l'air très bien cette fille.

– C'est une handicapée des sentiments cette meuf, expliqua Max. Elle sera incapable de lui montrer qu'elle l'aime. D'ailleurs, petit aparté, je suis sûr qu'elle te kiffe aussi, fin de l'aparté. Et s'il lui dit elle va paniquer c'est sûr. Mais ça peut débouler sur un truc bien cool, le temps qu'elle flippe un bon coup et que son reuf la rassure.

Il disait ça d'un air moqueur, comme si c'était simple. Sauf que niveau sentiments et ouverture de soi, rien n'était simple avec Maëlle.

Je poussai un soupir, persuadé que cette meuf allait causer ma fin.

[...]

Quelques jours plus tard, j'étais de retour à Auber mais j'avais pas arrêté de cogiter pour autant. Putain mais je faisais quoi ? Je lui disais ou pas ? Est-ce que j'étais sûr de la kiffer à ce point déjà ? Rien qu'en prononçant mentalement cette phrase, je savais pertinemment que la réponse était oui, et ça me faisait grave chier. Putain de handballeuse de mes couilles, comme dirait Sneazz.

Lorsque j'arrivai dans mon appart', Maëlle squattait déjà, sale habitude qu'elle avait prise mais qui ne me dérangeait pas le moins du monde. De toute façon avec tout le bordel qui y trônait c'était limite autant son appart que le mien. Et inversement. 

Comme lorsque je l'avais trouvée après sa baston avec Anissa, elle était avachie dans le canapé devant une série et me tendit sa main pour que je la check.

Je tapai dans sa main et sautai dans le canapé à côté d'elle pour l'embrasser. Ses mains tardèrent pas à venir se poser sur ma mâchoire, grattant doucement ma barbe tandis que nos langues jouaient ensemble, puis elle laissa ses doigts se faufiler dans mes cheveux et j'eus un grognement satisfait.

Cette conne m'avait manqué. J'avais l'impression que ses lèvres avaient un goût différent maintenant que j'avais réalisé. J'avais limite l'impression qu'elle m'embrassait avec solennité, doucement, tendrement.

– Je t'ai autant manqué que ça que tu viens t'imprégner de mon appart' ?

– T'as une meilleure connexion, c'est tout.

– C'est ce que je me disais.

– Et moi je t'ai manqué ?

– Bof, j'étais trop occupé avec des tonnes de petites meufs donc pas trop.

Voilà pourquoi on n'irait nulle part. Aucun de nous n'arriverait à foutre sa putain de fierté de côté. En tout cas moi j'étais pas près du tout, je ferai pas ce putain de premier pas. J'en avais trop fait.

La handballeuse arrêta sa série et se tourna vers moi, assise en tailleur.

– Mika...

J'aimais pas trop la tronche qu'elle tirait. 

– C'est Raph ? demandai-je soudainement, la santé de son reuf étant la première chose qui m'était venu à l'esprit.

– Nan nan t'inquiète, répondit-elle avec un petit sourire reconnaissant. En fait c'est mon contrat... Paris, ils me reprennent deux ans mais seulement à partir de 2015.

– Et ?

Je voyais où elle voulait en venir mais je voulais quand même l'entendre. Je savais qu'elle allait pas faire une année sabbatique sur Paname. La façon dont elle m'avait embrassé quelques minutes plus tôt me revint en mémoire ; c'était des putain d'adieu, je le savais.

– Le club de Larvik m'a proposé un contrat d'un an. C'est en Norvège.

J'hochai la tête, jouant la carte de la naïveté. Alors que je savais très bien ce qu'elle était en train d'essayer de faire cette lâche.

– Ouais bah on le savait de toute façon, ça change rien, fis-je.

Plus la discussion avançait, plus je savais que ça allait mal se finir. J'avais l'impression qu'on était redevenus deux inconnus.

– Justement, je me disais... On est bien ensembles, mais vu qu'il y a pas de sentiments ni rien, je me disais que c'était peut-être le moment de tout arrêter. Avant de se faire plus de mal tu vois ?

– Ouais, je pense que c'est le plus intelligent.

C'était sorti malgré moi. Par fierté, et parce que je voulais couper court à ce massacre avant de lui en foutre plein la gueule.

Tout en moi avait envie de lui dire que les sentiments dont elle parlait étaient bien là, mais j'avais trop de fierté pour ça et trop d'estime de moi-même : je voulais pas être celui qui était tombé le plus vite. Alors je gardai une façade neutre.

Elle hocha la tête et je cru apercevoir une lueur de déception dans ses yeux. Mais je me persuadai vite que j'avais rêvé puisqu'un sourire vint plisser ses yeux.

– Je suis contente que tu le prennes comme ça, je savais pas comment m'y prendre. Je l'ai pas encore dit aux autres, je suis complètement flippée de leur réaction.

Elle faisait la discussion comme si rien ne s'était passé. J'avais envie de lui gueuler dessus et de lui faire savoir à quel point sa réaction était lâche. Pourtant j'en fis rien :

– T'inquiètes, ils comprendront. Vous vous êtes trop liés pour qu'une petite année foute tout ça en l'air.

– Hmm, si tu le dis. Vous allez tous tellement me manquer ! Mais je vais tellement progresser en un an là-bas c'est sûr. Si je suis pas prise en Équipe de France l'hiver prochain je vous autorise à venir me jeter dans un fjord.

Ce qui venait de se passer ne la perturbait pas le moins du monde. Moi je devais me contenir de ouf pour pas casser un meuble, la suppliant mentalement de se barrer de mon appart', et elle elle me racontait sa vie.

Je pris mon téléphone et y vis un message imaginaire :

– Faut que je bouge Elma, Eff vient de m'envoyer un message. Tu fermes en partant ?

Elle acquiesça, l'air prise au dépourvu, et je me ruai dehors.

M'allumant une garo, je fulminai.

Mais quel con putain. Plus jamais je m'attacherai à une meuf, plus jamais. Je savais qu'elle était dangereuse, mais je pensais à ce point. Putain mais à la base c'était moi qui était le plus susceptible de lui faire du mal, au final je m'étais fait avoir comme un bleu.

Quand je disais qu'elle causerait ma fin, j'avais pas tort.

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