Chapitre 57. « Des fois, ma grand-mère sort un rôti de son sac à main »

Bon allez, c'est 00:37, c'est demain, c'est cadeau. Bonne lecture !

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– Oh y'a faute là ! criai-je.

Après avoir fait à manger, Ken, Deen, ma grand-mère et moi étions sortis et j'arbitrai le match de foot qui était en train d'avoir lieu. Deen en bonne pipelette qu'il était, discutait toujours avec ma grand-mère tandis que Ken avait rejoint une équipe.

– Mais n'importe quoi Elma, s'inujuria Moh, restes à ton handball, t'y connais rien !

Je me levai de ma chaise et me dirigeai sur le terrain :

– Alors Sneazzy West tu vas pas m'les casser et tu vas m'écouter. L'arbitre a toujours raison !

– Vas te faire foutre, rétorqua-t-il en reprenant le ballon.

Je couru alors sur lui et m'emparai du ballon :

– Elma, tu rends.

– Je te le rends si tu m'écoutes.

– Oh vous cassez les couilles ! grogna Hakim.

Et sur ces paroles il me pris comme un sac à patate et ils continuèrent à jouer avec moi sur son dos.

– Hakim la putain de ta race fais moi descendre !

Il était mort de rire et continuait à jouer alors que le sang peinait à rejoindre mon cerveau.

Il se dirigea finalement devant la maison et m'y reposa, à bout de souffle et mort de rire.

– T'es vraiment qu'un gros con ! pestai-je en riant.

Il me donna un petit coup d'épaule et nous marchâmes pour rejoindre l'arrière de la maison. Tout ça pour ça.

– Eh les jeunes ! s'exclama la voix de mon grand-père derrière nous.

Nous nous retournâmes et le vîmes arriver, une caisse de six bouteilles de vin dans les mains, le chien à côté de lui :

– Où qu'c'est qu'elle est la vieille ? demanda-t-il.

– Derrière, répondis-je. Et elle t'attend, tu vas te faire engueuler.

– Oh j'suis plus à ça prêt, j'ai l'habitude !

Quelques minutes plus tard nous étions tous attablés et mon grand-père ouvrait une bouteille de vin :

– Bon c'est pas un grand cru mais c'est du rouge quand même, dit-il. De toute façon j'suis sûr qu'vous y connaissez rien.

À table, Eff caressait le chien.

– 'Tention il va te niaquer, plaisanta mon grand-père.

Ma grand-mère leva les yeux au ciel et mes amis m'adressèrent un regard d'incompréhension ; il allait falloir que je fasse la traductrice pendant ces deux jours :

– Te mordre. Mais l'écoute pas, il dit connerie sur connerie.

– Quand j'dis que j't'aime pas, râla mon grand-père.

– Tu parles ! souffla ma grand-mère, quand vous êtes nés il a pleuré toutes les larmes de son corps.

– Ça c'est pas des trucs à dire la vieille !

Mon frère et moi éclatâmes de rire ; c'était toujours pareil chez eux, ils ne pouvaient pas se parler sans s'envoyer des piques.

Alors que Raphaël aidait ma grand-mère à servir à tout le monde une quantité astronomique de nourriture tandis que mes amis gloussaient de partout, la porte d'entrée claqua. Quelques minutes plus tard, Hugo et Tarek débarquaient :

– Salut Mamé ! s'écria ce dernier.

– Ah bah vous v'là enfin, dit mon grand-père.

Ma grand-mère abandonna ses couverts et se dirigea vers les deux garçons pour les prendre dans ses bras :

– Mon zèbre ! Comment tu vas ? s'exclama-t-elle avec un grand sourire en embrassant les deux joues de Tarek.

– Super et toi ? Désolé d'arriver si tard.

– Bah oui, moi je vous attendais dans le tantôt, vous aviez dit que vous arriveriez quand les autres, expliqua-t-elle en embrassant Hugo. Oh c'que t'es beau mon grand, le complimenta-t-elle.

Tout le monde à table se leva pour accueillir les deux nouveaux arrivants et je me précipitai vers Hugo, mais il baissa la tête avant que je ne puisse l'atteindre, l'air honteux. Mon cœur se serra à l'idée qu'il s'en voulait toujours :

– Bon Moingeon, arrêtes de faire ta victime et viens me faire un câlin ! dis-je en forçant un air enjoué.

Puisqu'il n'en fit rien, je m'avançai et entourai son cou de mes bras. Les siens vinrent rapidement se refermer derrière mon dos pour me serrer contre lui :

– Pardon Mel, je m'en veux tellement si tu savais, murmura-t-il. J'aurais jamais pu m'en remettre si je t'avais fait du mal.

– Arrêtes. Je suis aussi fautive que toi, j'aurais dû voir que ça allait pas.

Alors qu'Hugo allait répliquer, Tarek et sa patience légendaire l'interrompirent :

– Bon c'est fini le championnat du monopole de la culpabilité ? Vous êtes tous les deux cons et puis c'est tout, maintenant si on pouvait parler d'autre chose, sah ce serait cool !

Hugo et moi nous regardâmes en levant les yeux au ciel, puis je checkai mon deuxième frère.

– Bon allez, à table, on a faim là ! râla mon grand-père.

– Toujours aussi aimable Papé, dit Tarek.

– Tais-toi donc toi, j'ai pas de commentaires à recevoir d'un p'tit arabe !

Tarek se marra et mon grand-père le suivit, puis il l'embrassa :

– Je suis content de te revoir mon gamin. Mais je rigolais pas, allez cheurtez-vous qu'on puisse souper !

Deen m'interrogea du regard en souriant d'un air moqueur :

– « Cheurtez » ?

– Ouais, asseyez-vous quoi.

– Ah ouais ça fait sens, ironisa-t-il.

Puis alors que tout le monde retournait à table, il laissa balader sa main et me pinça la fesse, et je lui donnai une tape derrière la tête, ne faisant que provoquer un sourire de benêt sur son visage.

– Oh Papé, héla Tarek de l'autre bout de la table, t'as des cadeaux pour nous ?

Mon grand-père acquiesça en lui faisant un clin d'œil et ma grand-mère et moi levâmes les yeux au ciel tandis que tous nos amis (excepté mon frère et Hugo) étaient dans le flou le plus total.

Le repas se prolongea pendant plus de deux heures, ma grand-mère tentant coûte que coûte de resservir les rappeurs le plus de fois possibles (pour le plus grand bonheur de Deen), mes amis parlant sans arrêt entre eux et avec mes grands-parents, puis ceux-ci commencèrent à sortir des anecdotes sur mon jumeau et moi :

– Tu te souviens quand ils avaient libéré toutes tes mouches à miel ? demanda ma grand-mère en regardant son mari.

– Abeilles, traduisis-je à mes amis en même temps que mon grand-père râlait :

– Oh vain diou, ce qu'ils m'avaient fait rouspéter ! On a des ruches vers la grange, expliqua-t-il en avalant une gorgée de vin, vous verrez demain si vous voulez. Et ben je les ai laissé seuls quoi ? Deux minutes ? À peine ! Quand j'suis r'venu y'avait la Maëlle qui courait partout parce qu'elle se faisait poursuivre par un essaim.

– Ouais bah justement, c'était Maëlle, pas moi, se défendit mon frère.

Je ne dis rien tandis que les têtes étaient tournées vers moi et me contentai de regarder mon assiette innocemment ; je me rappelais très bien que Raphaël avait voulu m'en empêcher mais que je n'avais rien écouté.

– C'est sûr c'est elle, affirma Deen, ça se voit à sa tête là, t'es toujours coupable de toute façon !

– Mais je voulais juste les libérer moi, elles me faisaient de la peine ! me défendis-je.

Mon frère éclata de rire :

– Ouais je me souviens qu'elle chialait en disant qu'elles pouvaient pas voler et qu'elles méritaient de voir comme le jardin il était beau.

Mes amis rigolèrent et j'esquissai un sourire amusé.

– Qu'est-ce qu'elle a rouspété votre maman quand elle est venue vous chercher, continua ma grand-mère. Douze piqûres qu'elle avait, douze ! Mais elle a pas pleuré une seule fois.

– J'étais déjà un bonhomme, c'est pour ça.

– T'étais surtout inconsciente, continua mon grand-père. Elle avait peur de rien cette sale môme. Je me souviens d'une fois où vous étiez venus quelques jours avec toute votre bande, vous deviez avoir dix ans. Alors là ce qu'il s'est passé, c'est que la Maëlle elle en a eu ras le bol de ses copains et elle les a laissé jouer ensemble, elle est allé faire un petit tour en forêt, Ali s'est aperçu qu'elle avait disparu et donc il est venu me voir et on l'a cherché pendant deux heures. Deux heure vous imaginez ? Je pensais déjà la retrouver au fond d'un ravin. Mais nan, en fait elle avait grimpé dans une cabane de chasseur à quinze mètres de haut alors qu'il y avait juste une échelle en bois branlante. Je te l'y ai foutu une de ces calottes quand elle est redescendue !

Mes amis étaient morts de rire face à l'énervement toujours présent de mon grand-père.

– Ouais je m'en souviens encore, t'as une main énorme Papé.

– Elle nous en a parlé pendant tellement longtemps ! s'exclama Hugo, mort de rire. Elle pensait que tu la détestais et que tu voudrais plus la revoir.

– Miskina, rit Tarek.

– Ouais bon ça va, y'a pas que moi ici, Raph' il en a fait aussi des conneries ! me défendis-je. On en parle de la fois où il a joué au coiffeur avec le chien et que le pauvre truc il s'est retrouvé avec des trous partout ? Ou alors la fois où il a repeint l'écran de la télé ?

– Ça va, c'était gentil, se défendit-il, toi t'étais un monstre !

Nous nous battîmes pendant quelques secondes, Hugo et Tarek ajoutant leur grain de sel, et notre grand-mère finit par conclure :

– Je vous jure, je pensais qu'on avait passé le pire avec Adam et Chloé mais vous...

– C'était les boss finaux, finit Hugo.

Ma grand-mère était toute triste en repensant à ses petits enfants décédés. Elle me faisait beaucoup de peine :

– Oh Mamé, soit pas triste ! m'exclamai-je.

– Ils me manquent, qu'est-ce que tu veux.

Plus personne ne savait quoi dire, mais Moh détendit l'atmosphère en racontant une de ses conneries :

– Si vous voulez un jour j'ai rasé la tête de ma petite cousine moi.

Tout le monde rit et chacun alla de sa petite anecdote, puis nous débarrassâmes la table et j'allai m'installer dehors avec Deen, Hugo, Ken et Moh, les autres restant à l'intérieur pour parler avec ma grand-mère.

– Ils sont géniaux tes grands-parents Elma, dit Moh. Ils sont trop golris, ils se foutent sur la gueule tout le temps !

– Ouais ça m'étonne qu'ils se soient pas encore entre-tué, dis-je.

– Tu rigoles ? s'exclama Ken. Ils puent l'amour, ça se voit. Je trouve ça grave beau.

– Vous croyez qu'on sera comme ça un jour ? demanda Hugo.

– Toi et moi c'est sûr, dis-je, mais eux avec tout ce qu'ils fument c'est mort !

Deen me donna un coup d'épaule :

– Ouais mais toi tu vas caner à cause d'une cirrhose, alors tu feras pas long feu non plus.

– Oh au fait vous êtes ensemble ou pas les gars ? demanda Moh. Parce que moi j'y capte que dalle, je sais pas si je suis encore fiancé à Elma ou pas.

Je regardai Deen assis à côté de moi et il fit de même, nous questionnant du regard mutuellement. Je fus la première à briser le silence :

– Bah... Oui.

– Bah wesh pourquoi vous êtes aussi distants alors ? demanda Ken.

– Parce qu'on est entre pote et les frères avant les putes gros, dit Deen.

Je ris et confirmai ses propos :

– On aime pas être cucul en public, je déteste voir ça chez les autres, ça m'énerve. Genre c'est bon les gars vous pouvez passer deux secondes sans vous tripoter nan ?

Mes amis rirent et Deen me chuchota à l'oreille :

– En vrai c'est dur de pas succomber mais je me contiens pour mieux te tripoter plus tard.

Je frissonnai mais tentai de prendre sur moi. Quel con, il savait très bien l'effet qu'il avait sur moi.

– Par contre Bigo t'es mon reuf mais tu traites encore une fois Elma de pute je te termine, dit sèchement Ken.

Les deux hommes se lancèrent un regard noir avant d'exploser de rire.

La porte menant au jardin s'ouvrit et se referma derrière nous, et mon grand-père s'assit à côté de moi en me frottant rapidement le dos :

– Ça va les p'tiots ? C'est quoi ça ? demanda-t-il en regardant le pète que Ken tenait à la main.

– Rien pour toi Papé, dit Hugo.

– Si, c'est un pétard, donnes-moi ça gamin !

Ken s'exécuta, se préparant probablement à voir son joint écrasé sous la chaussure de mon grand-père. Mais je savais très bien ce qui allait suivre et levai les yeux au ciel en le voyant tirer dessus.

Ken écarquilla les yeux et éclata de rire, suivit par Deen à qui mon grand-père tendit le pète.

– D'ailleurs si vous avez besoin, je vous montrerai mes plants demain, j'en ai mis de côté pour Tarek mais j'en ai encore plein si vous en voulez.

Les yeux de mes amis s'écarquillèrent encore plus, si possible, et j'éclatai de rire. Et oui, mon grand-père avait bel et bien des plants de cannabis dans son sous-sol.

– Désolé pour ma femme tout à l'heure, dit-il finalement très sérieusement. C'est juste que même si on a beaucoup de petits-enfants on se remet jamais vraiment de la mort de l'un d'eux. Vous revoir ça l'y refait repenser à eux, c'est tout. C'était pas dans l'ordre des choses.

Je serai brièvement la main de mon grand-père :

– Je sais Papé, t'inquiètes pas.

Un petit silence s'installa, puis Moh le brisa :

– Qu'est-ce qu'il est arrivé à Adam ? Fin', si vous avez envie d'en parler.

Je n'avais jamais vu Moh aussi hésitant et il me regarda comme pour obtenir mon approbation. Je lui fis savoir qu'il pouvait aborder le sujet, mon grand-père aimait bien parler de ses petits-enfants.

Je sentis la main de Deen se faufiler derrière mon dos pour y tracer de petits cercles.

– Un accident de voiture en août 1997. Il allait un peu trop vite mais c'est surtout qu'un chauffeur saoul lui est rentré dedans. Quand on m'a dit qu'il avait eu un accident j'étais sûr que c'était parce qu'il avait bu tellement qu'il canonnait avec le Tyler. Mais même pas, il était prudent et il prenait jamais l'auto en ayant bu. Et pourtant c'est un autre type rond comme un ballon qui l'a tué. Le pauvre gars est encore en vie et il a la mort de mon petit-fils sur la conscience. Il a aussi celle de Chloé... Je pense qu'elle se serait battue plus longtemps si elle avait pas perdu son jumeau. Ils étaient inséparables et je pense que quand il est mort y'a une partie d'elle qui est morte aussi. Vingt-deux et vingt-trois ans qu'ils avaient.

Un silence s'installa et je sentais toujours la paume de Deen sur mon dos en guise de rappel que je n'étais pas seule et que j'avais le droit de me sentir faible dans un moment comme celui-ci.

– Mais bon ! C'est la vie hein !

– Ouais mais ça reste injuste, dit Ken. Votre femme et vous vous avez toutes les raisons du monde d'être en colère.

– Oh tu sais mon gamin avec le temps on accepte et on essaye de se rappeler les bons moments. Parce qu'il y en a eu beaucoup de bon moments avec ces deux-là, dit mon grand-père avec un sourire nostalgique.

Nous fûmes rejoints par nos amis et il nous raconta plusieurs anecdotes plus drôles les unes que les autres, puis nous partîmes tous nous coucher dans la bonne humeur.

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