Chapitre 52. « I love the way you wake me up »

J'avais été un gigantesque trou du cul mais j'étais content que ce tout ce soit arrangé entre Maëlle et moi.

Y'avait bien une chose dont j'étais sûr : c'était vraiment golri de la voir vénère contre des gens, mais ça l'était vraiment moins quand c'était soi-même. Et putain, j'avais détesté lui faire du mal.

Allongé à côté d'elle dans son lit après une réconciliation assez physique, je profitai de son sommeil pour la regarder. Si elle avait été réveillée elle m'en aurait vite retourné une.

Je savais qu'elle détestait qu'on dise ça d'elle, mais elle était vraiment mignonne endormie comme ça. Un fauve qui dormait.

Je comprenais toujours pas comment elle avait réussi à m'avoir, elle ressemblait en rien aux meufs que j'avais eu auparavant. Avant elle mon truc c'était les grosses poitrines, les belles formes et les gros culs. Tout le contraire de Maëlle avec sa poitrine quasi inexistante, son ventre plats sur lequel ses abdos étaient légèrement dessinés, et ses fesses simplement musclées par une dizaine d'année de sport. Elle pouvait paraître chétive dans certaines tenues et on avait peur de la casser alors qu'elle était sûrement plus musclée que moi. Elle avait pas du tout l'air d'une femme avec son visage enfantin : à côté d'Eva on lui aurait donné dix-sept ans tout au plus. Mais allez savoir pourquoi, j'étais mille fois plus fier de m'afficher aux côtés d'une meuf comme Maëlle qu'aux côtés d'Eva.

J'étais archi bien avec elle, sûrement pour ça que ça durait aussi longtemps alors que j'étais pas du tout du genre à me poser. J'avais détesté les derniers jours où on avait été en froid. J'avais vraiment pas choisi la bonne meuf putain, d'habitude je tombais sur des petites go qui me prenaient jamais la tête quand j'étais un parfait connard, mais là avec Maëlle je savais que j'allais en chier. Au final c'était peut-être pour ça que j'étais avec elle et que pour une fois j'avais pas envie d'être un connard.

La handballeuse inspira un bon coup avant de expirer en remontant la couette sur son nez, les yeux toujours fermés, mais rieurs :

– Arrêtes de me mater tu vas t'abîmer les yeux tellement je rayonne, articula-t-elle.

Ok, c'était vraiment trop tentant :

– T'inquiètes pas pour moi gamine, j'ai déjà eu plus rayonnant dans mon lit.

Maëlle ouvrit immédiatement les yeux, piquée dans sa fierté. J'étais fier de moi.

– Connard.

– Pouffiasse.

Elle se jeta sur moi pour déposer des baisers un peu partout sur ma tronche avant de s'arrêter pour s'avachir comme un cachalot échoué sur moi. J'avais tendance à être grognon le matin, mais avec un réveil pareil, je pouvais même pas faire semblent d'être de mauvais poil.

Après avoir réussi à dégager son gros corps, on se leva et on déjeuna en silence. Pour mon plus grand bonheur, même si c'était la plus grande des emmerdeuses, elle faisait pas partie des ces gens qui avaient besoin de raconter leur vie dès le matin.

– Programme de la journée ? demandai-je en déposant ma tasse dans l'évier.

– Alors... réfléchit-elle. Ah bah pas grand chose en fait, j'ai juste une heure de cours cette aprèm' et après, entraînement. Et toi ?

– J'ai une interview vite fait cette aprèm' et avant faut que je fasse deux-trois trucs mais sinon rien de bien passionnant.

Elle me regarda d'un air innocent. Bah ouais mais si elle voulait pas qu'on la trouve mignonne il fallait qu'elle arrête de tirer des tronches pareilles aussi !

– Et évidemment en interview tu vas parler de la merveilleuse nana qui a changé ta vie et qui t'as inspiré certains de tes morceaux.

– Ouais y'a moyen... C'est sympa de ta part de défendre Eva.

Elle me frappa et ses lèvres s'étirèrent en un sourire aussi offusqué qu'amusé :

– Bien joué, me félicita-t-elle. T'es vraiment un gros con mais bien joué, c'était bien trouvé.

C'est ce qui était cool avec Maëlle : on pouvait s'envoyer des piques sans craindre une réaction disproportionnée de l'autre et rire de tout.

Je l'embrassai avant d'aller prendre une douche rapide. J'allais pas tarder à devoir bouger.

Alors que je retournai dans le salon-salle-à-manger-chambre-cuisine, le téléphone de la handballeuse vibra.

– Des nouvelles de Raph ? demandai-je.

J'étais pas aussi proche de lui que Mek' et Fram' mais ça me faisait chier de le savoir à l'hosto, et c'était la première chose qui m'était venue à l'esprit.

Apparemment j'avais deviné juste :

– Ouaip ! D'après les médecins il pourrait sortir demain.

– C'était rapide nan ?

À force de traîner avec les jumeaux j'avais commencé à m'intéresser à la maladie de Raph et j'avais vite compris qu'un séjour à l'hosto était rarement plus court qu'une semaine.

– Ouais... Je pense que ça l'aide d'être aussi bien entouré.

Son visage rayonnait de son sourire, comme très souvent. Ça sautait aux yeux que son bonheur dépendait totalement de celui de ses proches et de leur santé.

– Bon allez moi je me casse, annonçai-je après l'avoir dévisagé pendant assez longtemps pour me dire que je m'étais dégoté une des plus belles meufs de Paname.

Son visage se ferma quelques micro secondes mais je devais avoir rêvé puisqu'elle me sourit ensuite de nouveau, d'un air lubrique cette fois-ci :

– Et ben tant pis pour toi, me dit-elle d'un air joueur.

Je m'approchai d'elle et déposai mes lèvres sur les siennes, et elle intensifia notre échange. Enfin, j'y étais peut-être aussi pour beaucoup. D'un coup j'avais plus eu aucune volonté de m'en aller bizarrement.

Je revins à moi au bout de ce qui me semblait avoir été une éternité, et décollai mes lèvres des siennes en posant mes paumes sur chacune de ses joues, la faisant ressembler à un BN :

– Sorcière.

La handballeuse eut un sourire fier et, soupirant, je l'embrassai rapidement avant de me tourner vers la porte. Cette meuf allait signer mon arrêt de mort.

Sur le trajet jusqu'au métro mes pensées ne cessaient de revenir à la handballeuse. Elle allait me rendre fou c'était pas possible, j'avais l'impression d'être une lycéenne bordel. Pourtant on pouvait pas parler d'amour, de toute façon c'était un truc qui s'appliquait pas à Maëlle ça. J'étais archi paumé.

Arrivé au métro je me rendis compte que j'avais oublié mes clés chez la handballeuse. Après avoir pesté intérieurement contre moi-même je me retrouvai de nouveau quelques minutes plus tard chez ma meuf. Ça me faisait vraiment bizarre de l'appeler comme ça.

Je toquai un première fois, puis une deuxième, sans aucune réaction de l'autre côté de la porte. À tous les coups elle devait prendre sa douche. D'un côté j'espérais qu'elle était pas assez conne et inconsciente pour laisser sa porte déverrouillée mais de l'autre j'étais bien content qu'elle ne le soit pas. J'espérais juste ne pas prendre un coup de poêle en rentrant.

Elle était bel et bien dans la salle de bain puisque la grande pièce était vide. Je pris mes clés sur la table de nuit, et avant de sortir je fis marche arrière pour aller la prévenir dans la salle de bain. Si elle m'avait entendu autant qu'elle sache que c'était moi avant d'appeler les keufs.

– Maëlle c'était juste m...

Je me stoppai net en constatant que Maëlle était assise sur le carrelage de la salle de bain, portant uniquement son maillot des Red Sox et une culotte, adossée contre la baignoire, peinant à respirer.

Sans que je m'en rende compte, ma main lâcha immédiatement les clés sur le sol et mes pas me  précipitèrent vers elle. 

Qu'est-ce qu'il s'était passé putain ?

– Maëlle. Eh Maëlle regardes-moi, lui ordonnai-je doucement, une main sur son tibia et l'autre sur sa joue.

Elle garda les yeux fermés et ne leva pas la tête, essayant toujours de reprendre son souffle.

– T... T'inquiètes... essaya-t-elle d'articuler. Ç... Ça va passer.

Putain ce que je détestais la voir comme ça.

J'écartai les cheveux qui tombaient sur son visage et pris son visage dans mes mains pour la forcer un contact visuel entre nous :

– Regardes-moi, s'il te plait, la suppliai-je.

Elle ouvrit finalement les yeux, me laissant enfin apercevoir la tache bleue dans son iris noisette.

J'appliquai ensuite ce que j'avais vu Raphaël faire quelques semaines plus tôt, et la fit respirer en même temps que moi.

Quelques secondes suffirent pour la calmer. De ce que j'avais vu la dernière fois, cette crise avait été moins importante. Elle avait pas pleuré cette fois-ci, pour mon plus grand bonheur : si elle l'avait fait, elle m'aurait fait chier pendant des semaines à essayer de me convaincre qu'elle était forte, chose dont j'étais déjà intimement convaincu.

Elle se releva et continua sa routine matinale comme si de rien n'était, tentant de remettre ses lentilles, sa fierté toujours présente. Ça aurait dû me saouler mais maintenant je lui en tenais plus rigueur, elle était comme ça et je savais que je la changerai pas.

– Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? demandai-je avec le plus de détachement possible en m'asseyant sur le rebord de la baignoire.

Je m'attendais pas à obtenir une réponse et me résignai déjà à devoir me battre avec elle. Mais à mon grand étonnement elle décida d'être honnête avec moi :

– C'est rien, t'inquiètes, ça m'arrive de temps en temps, va falloir que tu t'habitues.

Mes sourcils se haussèrent machinalement :

– Genre ça t'arrive fréquemment à quel point ?

– Moins maintenant parce que c'est moins la merde dans ma vie mais il y a quelques années ça pouvait aller d'une à deux fois par jours. Ça fait un moment que je sais gérer toute seule.

En même temps avec toutes les merdes qui lui étaient arrivé c'était plutôt soft comme réaction. 

– Et ferme ta gueule j'irai pas voir de psy ! intervint-elle en se maquillant les yeux.

Je ricanai. Même si ça m'avait pas traversé l'esprit, apparemment on lui avait déjà proposé de le faire.

– Tu sais pourquoi t'as fait une crise là ? demandai-je en redevant sérieux. Parce qu'on passe quand même pas mal de temps ensemble et j'ai été témoin que d'une seule.

Enfin remarque ma réflexion était débile, ça faisait probablement des années qu'elle se cachait comme un chat mourant quand elle en faisait, elle était sûrement passée maître dans l'art de se dissimuler et elle pouvait avoir fait une dizaine de crises sans que je le remarque. Surtout qu'on était pas collé h24.

– Je pense que le déclencheur ç'a été le départ de mon père. Tant que t'étais là ça allait mais une fois seule ça a débloqué. C'est pas la première fois que ça me le fait, je pense que ça a un lien avec le moment où on lui a retiré notre garde quand on était gosses. Mais c'est bon c'est passé, je suis pas traumatisée, dit-elle en ricanant.

Je restai silencieux un petit moment, ne sachant pas si je devais m'aventurer sur ce sujet ou pas. J'étais ultra maladroit et je savais pas trop m'y prendre dans ces moments, j'avais peur de lui faire rappeler des instants désagréables.

– On peut en parler si tu veux, me dit-elle.

C'est comme si elle avait lu dans mes pensées. Ma surprise devait se voir sur mon visage puisqu'elle eut un petit éclat de rire :

– Je fais des progrès niveau confession, dit-elle fièrement. Et maintenant qu'on est... Ensemble ? Ouais on va dire ça comme ça. Bah j'ai pas envie de te cacher des trucs sur moi, ce serait pas juste.

Bah putain, j'étais sur le cul. Y'avait vraiment du progrès. J'étais super heureux qu'elle me fasse confiance, j'avais un peu plus l'impression d'être avec elle.

Je montrai pas pour autant mon contentement et commençai mon interrogatoire :

– Ça s'est passé comment ce jour là ?

Elle me répondit de manière détachée en s'habillant :

– En gros dès le premier signalement les services sociaux nous ont eu à l'œil. Peu de temps après les premiers témoignages de la personne qui les avait prévenu mon père a été convoqué chez la juge. Il a essayé de se battre mais on lui a vite fait comprendre qu'il avait pas trop le choix et que de toute manière on allait être placé. Sauf qu'il était pas d'accord pour autant. Il a essayé de se pointer vers la juge avec nous pour lui prouver que c'était la pire idée que de nous séparer de lui, et il a pas pu nous ramener à la maison. Elle a appelé des types, mon père a faillit se les faire et ça a sûrement conforté la juge dans son idée. Avec Raph on arrêtait pas de crier et de pleurer, c'était un bordel entre notre daron qui se débattait et nos hurlements, laisses tomber. Au final tout le monde s'est calmé, et il nous a serré tellement fort dans ses bras que j'ai cru que c'étaient des adieux et que j'allais jamais le revoir. Et puis après ils nous ont littéralement arraché de ses bras et ils nous ont sortit du bureau. Le dernier truc dont je me souvienne c'est de mon père qui s'essuyait la joue, toujours accroupi. Alors que même à l'enterrement de ma mère et quand il nous a annoncé sa mort il a pas versé une seule larme. C'était horrible.

Malgré moi et comme si j'avais vécu la scène à travers ses paroles, je sentais que je montais un peu en pression. Comment on pouvait faire ça à cette famille putain ? Et pour avoir rencontré Tyler, même si je le connaissais pas à l'époque, j'arrivais pas à croire qu'il ai pu se faire chopper par les services sociaux ; il vivait pour ses mômes ce mec.

– Et ça c'était que la première étape, ricana amèrement la handballeuse, assise sur son lit. Après Raph et moi on a été séparé et il a été placé dans une famille. Et là tu m'aurais arraché un morceau de mon cœur que ça aurait été pareil. Ils ont mis deux heures à nous séparer et j'en ai pas dormi pendant une semaine, le temps que mon père me rende visite et me donne le doudou de mon frère. Enfin bref, système de merde, conclu-t-elle.

Songeur, je restai silencieux quelques secondes. Je respectais tellement sa mif putain.

– Comment il a récupéré votre garde votre daron ?

La handballeuse s'était levée et s'affairait à la vaisselle, les manches de son pull noir remontées. Je m'assis sur le plan de travail à côté d'elle un chiffon à la main pour essuyer.

– Il a arrêté de fumer, de boire, de voler et de bicrave.

– Ton daron il...

– Ouais ouais, me coupa-t-elle en riant. Quand ma mère était encore là on avait pas trop de thune mais ça allait. Et puis elle l'empêchait pas mal de faire des conneries. Même si sais pertinemment que pas mal de mes cadeaux de Noël ont pas été payés. Mais quand elle est partie on était vraiment dans la merde. Du coup il a pas trop eu le choix, la bicrave ça rapportait plus que ses petits boulots de merde. Enfin... On a toujours le choix tu me diras, c'est une solution trop facile. Mais ça nous a permis de tenir pendant un petit moment quand même. Parce qu'après qu'il ai récupéré notre garde ça a vraiment été la merde, avant chaque trêve hivernale on était dans le rouge, on a vraiment eu de la chatte de jamais se faire expulser. Mais ouais, pour nous récupérer il a fallut qu'il arrête ses conneries.

Maëlle me tendit une dernière tasse que j'essuyai, vida l'évier, s'essuya les mains et vint se positionner entre mes jambes pour enrouler ses bras autour de mon cou et river son regard dans le mien, son petit sourire aux lèvres. Ses yeux, ses putains d'yeux.

Après ce qu'elle venait de me raconter, je songeai qu'il fallait vraiment pas se fier aux apparences ; avec ses cheveux blonds, ses yeux bleus et son air de babtou sage, on aurait jamais cru que son père pouvait traîner dans les mêmes bails que ses gosses quelques années plus tard.

Comme si elle avait lu dans mes pensées (ce qui depuis quelques temps arrivait de plus en plus souvent entre nous), la handballeuse se marra :

– Faut pas se fier à sa gueule d'ange, t'as vu qu'une facette de mon daron. Quand je dis qu'il s'entendrait bien avec vous c'est parce qu'il a le même vécu que certains d'entre vous, et franchement, on va pas se le cacher, ça fait vingt ans qu'il a pas grandi.

– Je suis dans la merde si je te fais du mal hein ?

La handballeuse acquiesça en souriant d'un air enfantin avant de m'embrasser :

– Tu peux quitter le pays mon p'tit pote, chuchota-t-elle.

Je soupirai un grand coup en exagérant un air désespéré :

– Putain dans quoi je m'embarque encore ?

Ma meuf rit avant de m'embrasser sur le nez et partit chercher son téléphone sur la table :

– Bon allez casse-toi le vieux, tu vas être en retard, m'ordonna-t-elle avant de me montrer l'heure.

En effet, il fallait que je bouge. Je repris les clés que j'avais laissé tomber sur le sol quelques minutes plus tôt et allai embrasser la handballeuse avant d'ouvrir la porte. Sur l'embrasure je me retournai vivement en me rappelant de la crise :

– Ça va aller ? vérifiai-je.

Elle m'adressa un sourire plein de confiance :

– T'inquiètes c'est passé, je m'en rappelle même plus !

J'acquiesçai, sachant qu'elle disait vrai ; elle avait réellement changé depuis quelques temps et la discussion qu'on venait d'avoir me disait qu'elle se cachait moins avec moi quand elle avait besoin d'aide.

– Et oublies pas de dire à quel point je suis ta seule raison de vivre hein ! me cria-t-elle alors que je fermai la porte.

Quelle connasse. Et pourtant c'était que le début.

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