Chapitre 44. « J'suis chanteur, je chante pour mes copains »
Ça faisait déjà trois jours que Maëlle s'était faite agressée et j'avais trop du mal à la laisser hors de ma vue. Je savais que j'étais archi chiant en ce moment avec ça, mais pendant les soirées j'évitais de trop bédave et de trop boire pour être en état de la raccompagner ; maintenant il était plus question qu'elle prenne ce putain de RER toute seule, soit elle restait, soit je me tapais trente minutes de trajet avec elle quand ça avait lieu chez moi. Je voyais bien que la handballeuse commençait à péter un câble, surtout qu'elle avait tous les gars sur le dos ; si j'étais pas en état de la ramener, Nek ou Flav avaient dit qu'ils le fairaient, et il nous était aussi arrivé de la ramener avec tout le L. On s'était fait démonter par ses voisins d'ailleurs vu qu'on faisait un peu l'effet d'un bus scolaire arrivant à la piscine, sobres ou torchés.
J'avais franchement du mal à décolérer et je repensais à cette soirée bien trop souvent ; putain, tout ce qu'elle m'avait raconté pendant cette nuit ça m'avait limite plus atteint qu'elle, je comprenais pas comment elle arrivait à rester aussi forte. Elle avait bien lâché deux-trois sanglots mais sinon dès le lendemain elle était repartie comme si rien ne s'était passé ; une cinglée cette go.
Je me levai à midi, après une grosse soirée hier, soirée de laquelle la handballeuse était rentrée éclatée pour aller en cours à 9h. Franchement je comprenais pas comment elle faisait, même moi j'avais été plus sérieux qu'elle pendant ma licence.
Je tombai d'ailleurs nez à nez avec ses cours en me faisant un café. Et bah j'espérais que sa dissert' « Discuss the causes and consequences of the War of the Roses » était pas à rendre ce matin. Si c'était le cas j'allais bien me foutre de sa gueule, à laisser son bordel traîner chez moi là.
Quelques heures plus tard, alors que j'étais en train de gérer deux-trois détails pour ma journée d'interview de demain, on frappa à ma porte. Flemme d'être dérangé aujourd'hui, je voulais juste me fumer un pète et aller glander avec mes gars.
J'ouvrai quand même et tombai sur Eva.
– Qu'est-ce que tu fous là ?
J'avais peut-être un peu été agressif vu la réaction de la brune, mais je m'en battais les couilles, on avait plus rien à faire ensemble elle et moi maintenant.
– On peut parler ?
– De ?
La latina soupira avant de forcer son passage chez moi. Ouais, ok, pas de soucis, fais comme chez toi.
– Pourquoi tu réponds plus aux messages ? Et pourquoi t'en envoies plus ?
Bon, ok, j'avais peut-être merdé à pas lui dire clairement les choses. Mais j'avais pas non plus de comptes à lui rendre, on se voyait quand on voulait et là bah je voulais pas.
– Parce que j'avais pas envie de te voir ?
Une ombre passa sur son visage, mais elle se ressaisit vite.
– T'es avec quelqu'un c'est ça ?
Je ne dis pas oui, mais je ne dis pas non non plus ; ça la concernait pas et j'avais juste envie qu'elle se barre.
Elle parut quand même déduire que la réponse était positive. De toute façon fallait pas non plus être devin ; y'avait des feuilles de cours sur la table basse et je savais que si je me tournais j'allais sûrement tomber sur un T-Shirt de Metallica ou je ne sais quoi encore. On vivait peut-être pas ensemble mais la handballeuse avait autant de bordel chez moi que j'en avais chez elle. Ça me fit penser qu'il fallait que j'aille récupérer ma veste Carhartt chez elle, mais c'était pas le moment de réfléchir à ce genre de conneries.
Eva baissa les yeux après avoir réalisé que j'avais plus besoin d'elle, avant de s'approcher lentement de moi.
Ok, il fallait pas que je me laisse tenter.
Pourtant je ne réagis pas quand elle posa sa main sur ma joue et qu'elle ancra ses yeux dans les miens :
– On s'amusait bien tous les deux, pourquoi tu veux te prendre la tête avec quelqu'un d'autre ?
Parce que ce quelqu'un d'autre me prenait justement pas la tête ?
Son parfum, celui que j'avais senti et désiré tant de fois, m'emplissait les narines. Elle avait collé son corps au mien et il me suffisait d'approcher mon visage du sien de quelques centimètres seulement pour sceller nos lèvres. Elle était putain d'envoûtante et je la voyais déjà nue dans mon lit alors qu'elle était totalement habillée.
Mais je fis pas le premier pas.
C'est elle qui le fit. Elle colla nos lèvres et j'eus un mouvement de recul.
Putain mais quel con.
Eva sembla prise au dépourvue, et elle n'essaya même pas de camoufler sa déception.
J'avais faillis me laisser avoir, j'avais zéro volonté putain. Alors que je voulais surtout pas que Maëlle remporte son pari, celui où elle avait dit que j'allais la tromper au bout d'une semaine. Je comptais bien tenir plus longtemps que ça.
– Tu peux partir maintenant s'il te plait ?
Je lui avais parlé doucement exprès, pas la peine de lui faire de la peine ou de lui faire péter un câble, je voulais pas qu'elle s'éternise ici, j'avais pas que ça à foutre.
– Elle a de la chance en tout cas.
Pardon ?
Ma surprise dû se voir sur mon visage puisqu'elle se sentit obligée de continuer :
– Je pensais vraiment arriver à te faire craquer mais visiblement elle compte trop pour toi. Donc, elle a de la chance à être sûrement la première que tu tromperas pas.
Sur ce, elle s'en alla et ferma la porte d'entrée derrière elle, me laissant pantois.
J'avais jamais réfléchit à ça, mais ok, peut-être que la handballeuse comptait un petit peu plus que les autres. En tout cas j'avais pas envie de me prendre la tête avec ça et partis vaquer à mes occupations.
Alors que je fumais un bédo assis sur une chaise sur mon balcon avant de bouger chez Jazzy, torse nu parce que bizarrement même si ça caillait j'avais chaud, la porte de mon appart' s'ouvrit et une Maëlle en sueur apparut.
– Vas-y, sonnes pas, fais comme chez toi, fis-je mine de râler.
– Et gneu gneu gneu et gneu gneu gneu, je te signale que c'est toi qui m'a dit que ça te faisait chier de m'ouvrir la porte, répliqua-t-elle en enlevant ses écouteurs et en se dirigeant vers moi.
– Bah ouais, tu passes ta vie ici, moi je t'ai jamais demandé de venir aussi souvent hein !
– Connard.
– Pouffiasse.
Elle arriva finalement pour me checker avant de m'embrasser et elle se laissa tomber sur la chaise restante.
– T'as couru combien de temps ?
– Une heure dix, à peu près. J'ai fait de chez moi à chez toi quoi.
Je m'étouffai sur mon pète :
– Quoi ? T'arrives à faire plus de dix kilomètres en une heure dix ?
– Bah ouais, encore heureux, le sport c'est mon taff, faudrait peut-être que je maîtrise un minimum mon sujet.
– Tu sais qu'à Paname y'a le métro et le RER ? C'est pas comme chez toi où t'es obligée de courir pour éviter de prendre la carriole.
– Tu fais trop le mec, rigola-t-elle, t'es aussi peu parisien que moi.
– Ouais mais moi je suis là depuis plus longtemps.
– Bah tu feras gaffe, ça te rend aigris.
Ouf comment même dans une situation où apparemment on était en couple on se comportait plus comme des potes qu'autre chose. Mais bon, on avait pas envie d'embrasser et de désaper ses potes.
– Bon allez, vas te doucher là, tu pues, l'agressai-je. Les voisins ils vont croire qu'il y a un problème de canalisations.
Elle se marra avant de me foutre une tarte derrière la tête, puis elle ouvrit ses bras et je compris immédiatement à sa danse des sourcils ce qu'elle comptait faire.
– T'approches même pas, la menaçai-je en me relevant pour m'éloigner d'elle.
Mais elle s'en battait les couilles et mon balcon était beaucoup trop petit pour que je puisse m'enfuir.
J'essayai de me recroqueviller contre le mur mais je sentis vite ses bras se refermer autour de moi et elle se dandina pour que chaque parcelle de la peau de mon dos goûte à la transpiration de son t-shirt.
Bon, bah foutu pour foutu... Je la pris en sac à patate sur mon épaule tandis qu'elle criait en se débattant, et parvins à la porter jusqu'à la salle de bain où je la posai dans la baignoire avant de l'arroser d'eau glacer. Elle étouffa un cri avant de me taper à plusieurs reprises et je commençai à me marrer. Fallait pas me chercher !
Puis lorsqu'elle eut fini sa petite crise, elle enleva ses vêtement et je fis de même. J'étais bien content qu'elle soit ultra légère, souple et musclée, ça me demandait pas trop d'effort pour la porter. Parce que putain, faire ça sous la douche c'était rarement aussi sexy quand dans les films. Mais encore une fois, avec Maëlle, c'était jamais pareil.
[...]
– Elle vient pas Maëlle ? demanda Julia, la meuf de Zer2 avec son petit accent espagnol.
Les deux étaient limite devenues meilleure pote, on avait jamais autant vu Julia que depuis qu'elle avait rencontré la handballeuse, l'autre soir. Elles s'entendaient beaucoup trop bien et maintenant elles se liguaient à deux contre nous.
– Elle avait du taff pour demain je crois, lui répondis-je, mais ça m'étonnerait pas qu'elle passe plus tard.
Quand j'avais quitté Auber', elle avait le nez dans ses cours et était en train de gratter sur une feuille, l'air ultra concentrée, les écouteurs dans les oreilles. Même si je me plaignais de ses cours qui traînaient un peu partout, je kiffais trop la regarder bosser, elle cassait pas les couilles et je sais pas, elle était mignonne quand elle réfléchissait.
– Ouah attends l'Ancien, s'exclama Nek. T'es vraiment en train de dire qu'elle est en train de travailler ses cours ? C'est possible ça ?
– Ouais c'est possible ouais, dit froidement la concernée en passant la porte de l'appart de Jazzy Bazz, deux bouteilles d'alcool dans les mains. Parce que je compte pas finir ma vie avec le cerveau et le foie bousillé dans un appart' pérave en attendant que des pseudos-fans reconnaissent mon talent.
On éclata tous de rire ; putain elle avait le don de nous rabaisser tout le temps avec une mauvaise foi hors norme.
– On en reparlera quand je serai disque de platine sur plusieurs albums et que toi tu seras en dépression à quarante ans quand ta carrière de piètre handballeuse sera terminée, répliqua le grec.
Elle lui tira la langue, il fit pareil, et elle s'avachit à côté de lui pendant qu'on lui servait un verre, la tête sur son épaule, avant de lui raconter sa journée.
– Faudrait que t'emmènes Bigo courir un jour, lança Flav. Il vieillit et il s'engraisse, c'est pas bon ça gros.
– On a le même âge et t'en branles pas une non plus, répliquai-je.
– Ouais bah on finira gros et vieux tous les deux alors.
– Et ça ce sera de ta faute Maëlle, lançai-je à l'intéressée.
Mais elle avait strictement rien à foutre de mon échange avec Flav, trop occupée à lire un truc sur son téléphone avec Julia, son verre à la main. Je remarquai d'ailleurs que le niveau était vite descendu. « Je compte pas finir ma vie avec le foie bousillé ». Bah putain, y'a bien une personne ici qui allait sûrement finir avec une cirrhose et c'était elle.
Pendant un freestyle improvisé, les deux dindes éclatèrent de rire et certaines têtes se tournèrent vers elles tandis que la majorité continuait à rapper :
– Vous avez quoi encore, demanda Lo' en ricanant.
Si Maëlle continuait à se marrer comme ça j'allais pas tarder à exploser de rire aussi, le sien était beaucoup trop communicatif. Elle essaya d'expliquer à plusieurs reprises sans y parvenir tellement elle pleurait de rire, puis parvint finalement à se calmer :
– On lit juste une fan fiction sur Ken.
– Franchement c'est bien écrit, continua Julia alors que la handballeuse repartait en fou rire. On se moque pas de l'histoire mais de Ken, franchement t'es un gros goujat là-dedans.
– Ça change pas trop de d'habitude, se marra Maëlle.
Avant même qu'elle sorte ça je savais que cette histoire allait se terminer en baston ; le grec et elles pouvaient pas passer une soirée sans se foutre sur la gueule, c'était des putains de gamins. Personne su exactement ce qu'il se passa, puisqu'ils se battirent dans la cuisine, on entendit juste des cris et des rires.
Quand ils revinrent, le grec s'assit mais la handballeuse resta debout et je voyais à ses yeux qu'elle cherchait une connerie à faire. Elle la trouva finalement et coupa l'enceinte :
– Y'en a marre du rap, moi je vais vous mettre de la bonne musique, déclara-t-elle.
Sous les protestations et les insultes de tout le monde, dont moi, du Daniel Balavoine retentit dans la pièce. Bon, elle avait pas choisit le pire artiste, fallait bien le reconnaître.
Et elle commença à se dandiner en improvisant une comédie musicale :
– J'me présente, je m'appelle Henri, j'aimerais bien...
– Ta gueule !
Elle sursauta en entendant l'attaque de plusieurs des gars et commença à se marrer avant de continuer sa connerie. Mais elle fut vite coupée puisque que Mekra la pris sur son épaule et l'enferma dans la salle de bain pendant que Sneazz changeait de musique.
Putain elle était déjà chiante sobre, mais alors avec un coup de le nez et si en plus elle avait la patate c'était pire que tout.
Je suppose que Mek lui avait fait promettre de se calmer puisqu'il la libéra et elle vint bouder auprès de Julia :
– Men are trash, dit-elle avec un accent français exagéré.
Je me marrai en entendant sa mauvaise foi.
Les jeux à boire et les bédos s'ensuivirent et y'avait plus personne de frais dans la pièce. On entendit râler dans la cuisine, Eff se plaignant qu'il arrivait pas à enlever de l'huile d'olive de ses mains. Ce con avait apparemment renversé la bouteille quand il essayait de se faire cuire un cordon bleu.
Maëlle se leva en titubant et on l'entendit ensuite râler :
– Mais mets du savon espèce de triple andouille, l'huile c'est hydrophile et hydrophobe, ça sert à rien de mettre que de l'eau, ça se mélangera pas. Le savon ça aide.
On avait tous les yeux écarquillés quand elle revint dans le salon, l'air blasé.
– Pourquoi ça aide le savon ? demanda Framal, l'air vraiment curieux.
La handballeuse expliqua tout un tas de réactions chimiques auxquelles je pigeais rien et Doum's exprima mon incompréhension à voix haute :
– Bah tu vois Elma, j'ai rien capté.
Moi ce que j'avais capté c'était qu'elle arrivait quand même à sortir des trucs intelligents avec six ou sept verres dans le nez. C'était vraiment pas la moitié d'une conne.
Vers cinq heures du matin, on se décida à la ramener chez elle à pieds, et tout notre groupe fit encore un bruit pas possible dans la rue. C'était limite le meilleur moment de foutre le delbor la nuit.
La handballeuse était accrochée à Antoine, sur son dos ; forcément elle avait dormi quatre heures à tout péter avant d'aller en cours, et elle avait couru une heure donc elle était clairement claquée. On aurait dit un gros bébé.
– Je vous aime trop les gars, déclara-t-elle, vous êtes trop mes meilleurs potes, c'est con qu'on ai pas grandi ensemble j'trouve, ça se trouve on se serait trop bien entendu direct.
Elle était éclatée bien comme il fallait, c'était golris.
– Oh et puis vous êtes vraiment trop beaux, ça devrait pas être permis par la loi en vrai. Même si Antoine t'es mon préféré.
Quelques protestations suivirent sa remarque et elle se marra. Tout ça parce que c'était lui qui la portait cette gamine.
Une fois arrivés devant chez elle, elle checka tout le monde et fit des câlins aux personnes dont elle était la moins proche, allez savoir pourquoi, puis elle m'invita à monter :
– Tu voulais pas récupérer ta veste espèce de radin ?
Je me marrai avant de la suivre et mes gars m'indiquèrent qu'ils m'attendaient.
Une fois dans son appart et à peine la porte refermée elle m'embrassa.
– Ouais, tu voulais vraiment juste me rendre ma veste hein ? parvins-je à articuler entre deux baisers.
- C'est long une soirée à faire comme si de rien n'était devant cette bande de con, déclara-t-elle. Mais sinon ouais, c'était juste pour la veste. Allez, casses-toi maintenant !
Je ris avant de reprendre ma veste, de l'embrasser encore une bonne dizaine de fois et de filer.
Je commençais à beaucoup trop apprécier ce genre d'intéractions entre nous, pas étonnant que j'en ai plus rien à foutre de la gueule d'Eva.
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