Chapitre 19. « So long we go, his welfare is my concern »

 So now, some Gothic novelists ! Guys, please, stop talking !

Ce prof n'arriverait décidément jamais à se faire respecter. Et les gens de ma promo n'arriveraient jamais à se taire. Qu'ils ferment leurs gueules, qu'on en finisse avec ce massacre !

Vingt minutes plus tard, mon supplice de littérature britannique était terminé et je sortis manger avec mes amis.

– Vous avez fait vos traductions pour demain ? demanda Jules.

– Ça fait une semaine que je les ai toute faite, répondit Clémence.

Jules se tourna vers moi alors que je croquais dans mon sandwich en prenant un air innoncent. Clémence leva les yeux au ciel :

– Je vois même pas pourquoi tu demandes à Maëlle, tu sais bien qu'elle les traduit en impro et seulement si elle est interrogée sinon elle bosse pas.

Je levai doucement les yeux au ciel d'un air coupable et Jules me donna un coup de coude :

– Le pire c'est qu'elle va finir majeure de promo en branlant rien, soupira-t-il.

Mon téléphone sonna subitement alors que j'allais démentir les propos de mon ami. Un numéro inconnu s'afficha et je me préparai à gueuler sur le téléprospecteur sur lequel j'allais tomber :

– Allo.

– Wesh Elma c'est Fram' !

– Fram' ?

Pourquoi m'appelait-il ? Je l'aimais beaucoup mais ce n'était pas la personne de laquelle j'étais la plus proche dans le groupe.

– Ouais euh j't'appelle à cause de ton reuf.

D'accord... Idriss avait-il des sentiments pour mon frère ?

– T'es au courant qu'il a une copine ? Et je crois pas qu'il soit gay, donc désolée mais je suis pas sûre que t'ai une chance.

J'entendis Idriss grogner au bout du fil et je souris fièrement, contente de ma vanne ; il m'en fallait peu.

– Ta gueule wesh, j'suis pas pédé ! Je t'appelais pour te dire qu'il était à l'hosto mais t'inquiètes ça va.

Je fermai les yeux tout en me frottant le visage. Et allez, encore un séjour d'une dizaine de jour pour Raphy. Fait chier. À tous les coups son organisme devait s'être habitué à ses antibios et il fallait qu'il en change.

Au fond je m'en étais douté inconsciemment ; je me sentais toute patraque sans aucune raison depuis que je m'étais levée.

– J'arrive, tu peux rentrer chez toi si tu veux, je prends le relais.

Quelques quarante minutes plus tard j'étais à l'accueil de l'hôpital et on m'indiqua la chambre de mon frère. Et ben, ils l'avaient vite pris en charge.

En entrant dans la pièce je découvris Idriss, Hakim et Raph' en train de rire comme des pintades.

– C'est moi que v'là ! m'exclamai-je en me dirigeant vers la table de nuit pour y déposer des affaires pour mon frère.

Je lui avais pris un livre d'astrophysique, le roman qu'il était en train de lire, son ordi sur lequel j'avais transféré plein de films et de séries, et ses cours. Le connaissant, il ne pourrait pas s'empêcher de travailler.

Je me tournai finalement pour checker les trois garçons. Mon frère était pâle et des cernes énormes se dessinaient sous ses yeux. Sa barbe était mal taillée, signe qu'il allait mal depuis plus d'un jour. Il avait l'air d'un zombie, comme souvent lorsqu'il avait besoin d'un séjour à l'hôpital.

– T'es la meilleure Mel ! se réjouit-il en voyant ce que je lui avais apporté.

Il fut vite pris d'une quinte de toux, et je lui tendis un mouchoir. Ce dernier ne tarda pas à accueillir du sang. Je vis les yeux des frères Akrour s'agrandir et je souris d'attendrissement en les voyant aussi inquiets pour mon jumeau.

– Vous inquiétez pas, c'est normal, leur expliquai-je. À force de tousser il a la gorge super irritée, c'est de là que vient le sang, pas de ses poumons.

Leurs visages se détendirent et ils recommencèrent à déconner avec Raphaël.

– Du coup pourquoi c'est vous qui l'avez amené ? demandai-je pendant une partie de Uno.

– Parce qu'il était chez nous, on faisait un FIFA, dit Hakim.

– Sah on voulait le laisser crever sur le canap' parce qu'il disait que ça allait passer mais au final on a réussi à faire bouger sa vieille tête jusqu'ici.

Je lançai un regard mauvais à mon frère :

– T'es vraiment con hein ? Tu le sais en plus que quand t'es comme ça, ça fini forcément à la case hosto. Tu leur as juste fait perdre du temps.

Pour seule réponse, Raph me tira la langue.

Une petite heure plus tard, les frères s'en allèrent pour rejoindre Ken et Théo je ne sais où. Alors que j'allais me rasseoir, je me ravisai et me ruai jusqu'à la porte pour les intercepter dans le couloir :

– Les gars !

Ils se retournèrent et je m'approchai d'eux :

– Merci beaucoup pour ce que vous avez fait... dis-je timidement.

Quelle conne, on aurait dit une gamine. Je n'avais jamais réellement parlé à aucun des deux, et c'est vrai qu'ils m'intimidaient un peu.

– T'inquiètes Elma, c'est normal, dit Hakim. T'sais on est pas trop proches de toi mais on traîne pas mal avec ton reuf. C'est notre pote donc ça nous fait aussi chier que toi de le voir comme aç.

Il ne m'avait jamais lâché une aussi longue phrase en trois mois.

– Ouais pis on allait vraiment pas le laisser claquer sur le canap', on en a besoin, affirma Idriss.

Je ris, puis nous nous checkâmes et je retournai auprès de mon frère :

– Bon c'est quoi le bilan du coup ? lui demandai-je.

– Bah comme d'hab' hein, encore plus d'aérosols, on enlève encore un antibio de la liste, perf' de nouveaux antibios et puis monitoring pendant à peu près dix jours et ils me lâchent quand ils estiment que je peux de nouveau me soigner chez moi.

Effectivement, comme d'hab'. Bon bah les prochains jours allaient être long, surtout pour lui. Avec la fatigue qu'il avait accumulé il allait douiller et puis à la fin il allait se faire chier. Il allait falloir que je fasse beaucoup d'aller-retour.

– Bon ben ce soir je reviens en scred et je dors avec toi comme d'hab' ?

Question rhétorique, nous savions tous les deux que c'était ce qui allait se passer.

Je perdis la partie de Uno que nous avions entamé, Raph' m'ayant foutu au total un +16. Je rageais et il était mort de rire.

Il fut bientôt pris d'une nouvelle quinte de toux, plus grosse celle-là. J'avais tout fait pas ne pas le faire rire sachant ce que ça provoquait, mais cet imbécile se faisait rire tout seul. Je lui caressai le dos en attendant que ça cesse.

Mais la crise ne voulait pas passer et je vis son visage se crisper de douleur.

– T'as mal à la tête ? demandai-je avec douceur.

Il me montra un pouce en l'air. Merde. C'étaient vraiment les pires moments : il ne pouvait pas s'empêcher de tousser et plus il toussait plus ses maux de têtes augmentaient. Et courageux comme il était, s'il grimaçait autant c'est que ça devait vraiment faire mal.

Comme à notre habitude, je m'assis sur le côté de son lit, l'approchai de moi pour que sa tête repose sur mon épaule, une de ses mains sur mon dos et l'autre devant sa bouche. Une de mes main était posée à l'arrière de sa tête, mes ongles traçant des cercles dans ses cheveux, et l'autre frottait délicatement son dos. Je tressautai en même temps que lui au rythme de sa toux, et je lui racontai des histoires : soit ma journée, ou alors des potins de la fac, la dernière série ou le dernier film que j'avais vu, le dernier livre que j'avais lu... C'était notre rituel depuis que nous étions petits, c'était ma façon de le soulager un peu.

– Aujourd'hui en histoire américaine on a parlé des Amérindiens, c'était vachement intéressant, chuchotai-je. C'est dingue ce que l'homme est con. La semaine dernière on parlait de l'immigration et que les américains étaient hyper racistes tu sais, genre pour être bien accepté après la Guerre de Sécession il fallait parler anglais, être protestant et blanc, tout ça. Sauf que les gars ont un peu oublié que c'était pas leur territoire de base quoi, il y avait juste quelques milliers d'autochtones avant eux. C'est bien, maintenant ils leur ont donné des réserves minuscules et ils sont un tout petit pourcentage de la population des États-Unis, bien joué les gars. Les français ont été pas mal de fois ultra cons dans l'histoire mais les américains au fond c'est le même bail. Je te jure, quand je pense qu'on est affiliés à ces gens...

Je sentis Raphaël rire entre deux tressaillements.

– Ah au fait j'ai eu Granny au téléphone, elle disait qu'elle était triste de pas nous avoir vu à Thanksgiving et elle demandait si on comptait bientôt venir. Le problème c'est que cette année le calendrier des matchs il veut pas vraiment que j'aille faire un tour à Woodstock. Après toi tu fais ce que tu veux, tu me diras. Ça me fait un peu chier, j'aimerais bien voir Jared et les petits. Je suis sûre que je lui manque à Jared. T'as beau être son filleul, je suis sa préférée, il est fan de moi. Faudra qu'on se fasse un FaceTime tous ensemble un jour parce qu'on se voit vraiment jamais maintenant. J'essaierai d'économiser pour qu'on puisse tous aller les voir cet été ces saloperies de ricains.

Je continuai à déblatérer comme ça jusqu'à ce que la crise passe. Le pauvre, j'avais chronométré et elle avait duré plus de quarante minutes. Il avait vraiment douillé.

Il reposa la tête sur l'oreiller et je pris son aérosol, le mit en marche et lui donnai. Raphaël inspira un grand coup puis expira. Je passai ma main dans ses cheveux et nous restâmes ainsi pendant quelques minutes.

Lorsqu'il eut finit avec son aérosol, je le reposai et me rassis sur le bord de son lit. Il avait l'air épuisé et je sentais qu'il luttait contre le sommeil.

– Arrête de te battre et roupilles un peu, ça te fera du bien, lui intimai-je. Pendant ce temps je retourne chez moi chercher des affaires pour ce soir.

Raphaël émit un faible « Hmm », puis ferma les yeux et je restai à côté de lui en passant ma main dans ses cheveux jusqu'à ce qu'il s'endorme. J'avais oublié à quel point c'était satisfaisant et rassurant de l'entendre respirer dans son sommeil. Durant nos premières semaines à Paris, ça avait été une habitude difficile à abandonner et je m'étais souvent réveillée en sursautant de panique en n'entendant pas sa respiration régulière à côté de moi.

Dans le RER, je vis que Ken était en train d'essayer de m'appeler depuis une vingtaine de minutes. Avec ma musique, je n'avais rien capté.

– Ah bah enfin putain ! s'exclama-t-il. Comment il va ton reuf ?

– Comment tu sais ?

– Mek' et Fram'.

– Ah oui ça se tient. Ben ça va, il gère, on a l'habitude. Je m'en occupe t'inquiètes.

– Ça marche. Bon si t'as besoin d'aide t'hésites pas hein ! Moi ou n'importe quel gars, on est al.

Il était vraiment adorable, je ne le méritais pas :

– Ouais je sais. Merci Ken.

– Bon bah j'te laisse Princesse, prenez soin de vous !

J'hésitai à lui demander un peu d'aide, mais il me l'avait proposé alors autant sauter sur l'occasion. Si ça pouvait me soulager un peu, ce serait cool :

– Attends Ken !

– Ouais ?

Allez Maëlle, il faut apprendre à déléguer.

– En fait ce serait cool si vous pouviez passer le voir à l'occas'. Aujourd'hui je m'en charge mais en vrai ce serait bien si vous pouviez vous relayer. Il en a sûrement pour une bonne dizaine de jours et je veux pas qu'il soit tout seul. Ça m'éviterait de faire douze-mille aller-retour, avec le hand et les cours c'est plus compliqué que quand j'étais sur Dijon. Elle est beaucoup trop grande votre putain de ville !

J'entendis le rappeur ricaner au bout du fil :

– Pas de soucis, t'avais pas besoin de nous le demander de toute façon, on serait forcément venu le voir. Mais t'inquiètes on s'organisera pour qu'il y ai au moins quelqu'un tous les jours.

– Merci, c'est gentil, vous êtes géniaux !

– Nan mais Princesse c'est notre kho, c'est normal qu'on le laisse pas en galère. Mais ouais je suis d'accord, on est géniaux. Bon allez, à plus Elma !

Je raccrochai en riant. Note à moi-même : ne plus jamais lui faire de compliments.

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