Chapitre 128 « In time, I will leave the city... »
Bon, ce sera sûrement le dernier chapitre avant un bon mois. Sauf si je décide d'écrire pour me détendre un peu pendant les exams, mais ne comptez pas trop sur la venue d'un chapitre pendant les vacances. Bon, je dis ça, mais me connaissant, il est fort possible que j'écrive...
L'histoire n'est pas finie, mais je voulais vous remercier pour cette années exceptionnelle. Pour tout votre soutien, vos votes, vos commentaires et vos messages. Ça me fait toujours très chaud au cœur.
D'ailleurs, l'histoire a commencé à prendre forme dans ma tête aux alentours de Noël l'année dernière, donc on peut presque dire qu'elle a un an.
Enfin bref ! En tout cas, je vous souhaite de bonne fêtes de fin d'année à tous, profitez bien !
Plein de bisous ! ❤
PS : et entre temps, si vous avez des idées de bonus que vous aimeriez que j'écrive, n'hésitez pas à me le dire. J'essaierai aussi de finir celui sur Ali à l'occasion, mais si quelque chose vous tente plus, dites le moi !
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J'avais promis à Deen que je ferai de mon mieux pour aller bien... Mais je n'y arrivais pas.
J'avais bien quelques pics d'optimisme et de détermination - comme lorsque j'avais fait ma promesse à Deen -, mais ils étaient trop peu nombreux.
Comment relativiser alors que mon frère jumeau, ma moitié, était littéralement en train de mourir tandis que je ne pouvais rien y faire ?
Je m'agaçais moi-même d'être incapable de remonter la pente. Je n'avais jamais été une personne dépressive, encore moins une personne faible, alors voir que je ne parvenais pas à aller mieux me mettait hors de moi.
En plus, je savais que ça faisait du mal à mon entourage.
Cela faisait maintenant trois jours que Raph avait été mis dans le coma, et je savais qu'il ne lui restait maintenant plus que quelques heures à vivre. Je le sentais partir, au fond de moi, je savais que c'était la fin.
J'aurais tellement aimé pouvoir partir avec lui.
À chaque heure de chaque jour, au moins une pensée noire m'assaillait. Il m'était impossible d'envisager un avenir sans mon frère jumeau à mes côtés.
Puis, le cœur au bord des lèvres et les entrailles déchirées, j'essayais de penser à mes proches et à ce que la perte de deux personnes en même temps leur infligerait, et mes pensées disparaissaient pendant quelques minutes.
Je crois que c'était ça le pire : savoir que j'étais totalement prise au piège. J'avais envie de mourir plus que tout, mais je savais que c'était impossible et que je devrai vivre avec l'absence de Raphaël quoi qu'il arrive pour ne pas rendre mes proches tristes.
J'allais devoir vivre avec la moitié de mon âme pour le restant de mes jours, et survivre tous les jours à la perte de ma moitié.
Chaque jour, je restais allongée près de Raphaël pendant plusieurs heures, lui faisant écouter de la musique. La veille, ça avait été un album des Beatles. Lorsque j'en avais marre, je lui parlais, je lui racontais les journées des autres, je lui faisais part des nouvelles, je me plaignais encore et toujours que Chester Bennington me manquait - lorsqu'il était mort quelques semaines plus tôt, j'avais fait chier Raphaël pendant des jours, au point qu'il ne veuille plus me voir -, je lui rappelais des anecdotes de notre enfance et de notre adolescence, et je le suppliais de se battre un peu plus longtemps.
Mon père, qui avait loué un Airbnb près de l'hôpital, passait le voir tous les jours.
C'était terrible pour lui. Je ne supportais pas qu'il doive souffrir à ce point. Un parent ne devrait jamais à perdre son enfant. C'était terriblement injuste.
C'était en grande partie pour lui que j'essayais de me battre, car je savais que me perdre aussi le tuerait littéralement.
Nous nous soutenions l'un et l'autre comme nous pouvions, et mon père remerciait tous les jours mes amis d'être là pour moi tandis que je les remerciais d'être là pour lui. Car ils étaient exceptionnels, vraiment.
Et puis Deen...
Je savais que toute une vie ne suffirait pas à le remercier de tout ce qu'il faisait pour nous.
Lui qui aimait profiter de la vie et qui d'ailleurs pouvait totalement le faire avec le succès de son album, il passait pourtant tout son temps à prendre soin de moi au lieu de faire les voyages dont il rêvait.
Il venait me tirer des bras de Raphaël le soir pour me ramener chez nous, il faisait en sorte que je mange normalement même si je lui faisais vivre l'enfer parce que je ne pouvais rien avaler, il appelait régulièrement Mamé et Papé pour les tenir au courant des nouvelles afin que mon père n'ait pas à le faire, il traînait régulièrement avec Tarek et Hugo pour leur changer les idées, tout ça en sachant qu'il perdait un ami et qu'il était aussi triste que les autres...
Il était le meilleur copain que je n'avais jamais eu alors que ma famille était un bordel sans nom.
N'ayant pas fermé l'œil de la nuit, comme d'habitude, je sentis Deen bouger près de moi vers onze heures du matin.
Il ne tarda pas à se tourner vers moi, et sa paume se posa délicatement sur mon ventre plat :
– T'as dormi ? me demanda-t-il doucement, les traits inquiets.
Je lui adressai un sourire rassurant sans pour autant lui mentir, secouant négativement la tête :
– Mais je dormirai avec Raph, t'inquiètes pas.
Probablement pour la dernière fois de ma vie... Lorsque j'y étais allé la veille, ses poumons n'étaient plus qu'à quinze pour cent de leur capacité, ce qui signifiait que Raphaël respirait à peine.
J'allais donc passer la journée avec lui pour qu'il puisse partir tranquillement à mes côtés, comme le jour où il était arrivé.
– Tu veux que je vienne avec toi ? me proposa le rappeur.
Je secouai une nouvelle fois la tête avec un sourire rassurant :
– Nan, t'inquiètes pas, ça va aller.
L'ai peu convaincu et les yeux tristes, Deen m'embrassa finalement le front :
– J't'aime.
Une boule se forma presque instantanément dans ma gorge : il n'avait jamais autant prononcé ces mots que depuis que mon frère était hospitalisé.
– Je t'aime aussi.
Sur ces mots, Deen se leva puis se prépara pour aller boire un café avec son frère.
Quant à moi, depuis que j'avais été écartée des terrains, je n'avais pas grand chose à faire à part attendre d'aller voir Raphaël à l'hôpital.
Alors comme tous les jours, je bus un petit verre de jus d'orange, j'enfilai un bas de jogging et un t-shirt, je me coiffai rapidement avant de rassembler mes cheveux dans quelque chose ressemblant un chignon, puis je rangeai l'appartement : j'étais une loque ces derniers jours, mais une loque qui voulait tout de même que l'endroit reste vivable pour son copain.
Puis alors que je prenais ma sacoche et que j'y enfournai mes clés, mon téléphone sonna, affichant un numéro inconnu :
– Allô ?
– Allô Mademoiselle Duprés-Clarkson, Laboratoire de Biologie Médicale Quatre Chemins.
– Oui ?
Depuis quand les labos appelaient-ils directement leurs patients ? Pour avoir fait une grande quantité de prélèvements dans ma vie, je savais que ça n'arrivait presque jamais.
Il y avait quelques jours de cela, Deen avait insisté pour que je vois un médecin à cause de ma perte de poids. J'avais protesté, mais j'avais finalement cédé face à son inquiétude, et j'étais allée me faire piquer la veille au matin. J'étais censé regarder mes résultats cet après-midi, mais j'avais totalement oublié.
– Oui, bonjour. Nous vous appelons pour inciter à aller voir un médecin le plus rapidement possible quant à vos résultats, me dit une voix bienveillante.
D'accord... ?
– Je suis désolée, nous ne faisons pas ça souvent, m'avoua-t-elle, et je n'ai probablement pas le droit de le faire mais... Avez-vous vu vos résultats ?
Effectivement, le rôle des techniciens n'était pas de recontacter les patients. Mais quelque chose dans la voix de la femme me disait qu'elle était nouvelle dans son domaine.
– Non, pas encore, m'inquiétai-je. Qu'est-ce qu'il y a ?
Je ne savais d'ailleurs pas pourquoi je m'inquiétais : si on m'annonçait quelque chose de grave, je n'aurai pas l'excuse de devoir me battre ou de me foutre en l'air, ça se ferait probablement naturellement.
– Euh... Vous êtes enceinte Mademoiselle Duprés-Clarkson.
Heureusement que je m'étais rapprochée du canapé durant l'appel, car mes jambes me lâchèrent et je m'écrasai dans le fauteuil.
– Mais vous êtes aussi en état de malnutrition et votre corps subit des carences importantes, c'est pour cela que je voulais vous inciter à aller voir un médecin. D'après les résultats, cela fait sept mois et j'ai peur que votre bébé ne souffre de ces carences.
Ce fut à ce moment-là que mon esprit perdit pied avec la réalité.
Sept mois.
Sept.
Mois.
Mon ventre était complètement plat. Je n'avais pas eu de nausée. Je n'avais senti aucun mouvement à l'intérieur de mon ventre.
Sept mois.
J'avais bien fait un test de grossesse et une prise de sang huit ou neuf mois en arrière, mon absence de règle m'inquiétant un peu. Mais les deux avaient été négatifs, et j'avais mis cette anomalie sur le dos du stress de la fac et du harcèlement de mon prof.
Sept mois.
En plus, elles étaient réapparu quelque temps après, avant de disparaître de nouveau, mais encore une fois, je ne m'étais pas inquiétée du tout.
Comment ne m'étais-je rendu compte de rien ?
Inconsciemment, j'avais touché le bouton rouge de mon portable pour raccrocher, les yeux dans le vide et le cœur battant la chamade.
Non, c'était impossible, je ne voulais pas de bébé.
Comment étais-je censée vivre pour deux alors que je ne voulais plus vivre du tout ?
C'était trop tôt, beaucoup trop tôt. Et puis c'était le pire moment pour Deen et moi.
Deen !
Comment allait-il réagir ?
La panique me gagnant petit à petit, je fondis en larmes de rage.
Je ne voulais pas de cet enfant, je ne voulais pas d'enfant tout court !
Moi qui voulait me laisser mourir, il venait de tout gâcher.
Et puis même sans ça, je ne savais pas ce qu'une mère était censée faire ! Je n'en avais presque pas eu, j'étais incapable d'élever un enfant !
Non, non, non, pestai-je intérieurement au milieu de mes sanglots, détestant ce qui se trouvait à l'intérieur de moi.
Pourquoi n'avions-nous pas été plus prudent ? Putain, ce n'était pas les mauvais exemples qui manquaient avec la naissance d'Ismaël et d'Elyas cette année pourtant ! Pourquoi fallait-il que cela soit notre tour ?
Je passai au moins deux heures à m'auto-flageller tout en pleurant sur le canapé, puis mes pensées dérivèrent vers Raphaël.
Raphaël qui m'avait fait promettre de continuer à vivre.
Raphaël qui m'avait fait promettre de continuer à vivre avec Deen, et de fonder une famille avec lui.
Raphaël qui m'avait fait promettre de donner son prénom à l'un de mes enfants.
Raphaël qui n'allait jamais connaître l'être humain qui se cachait en moi depuis sept mois.
Presque inconsciemment, mes mains se regroupèrent sur mon ventre plat, réalisant seulement tout ce que je venais de lui infliger.
Je l'avais littéralement ignoré pendant sept mois, puis détesté pendant plusieurs heures alors qu'il n'était pas encore né.
Cette pensée me fit retomber en larmes tandis que je me tenais le ventre.
– Je suis désolée, sanglotai-je. Pardon, pardon, pardon...
Ce fut malheureusement durant ce moment de faiblesse intense que Deen choisit de rentrer.
En quatre ans, et malgré les crises de panique auxquelles il avait eu à faire face, je crois qu'il ne m'avait jamais vu dans un tel état. Je ne m'étais moi-même jamais vu dans un tel état.
– Nan, lâcha-t-il avec beaucoup de douleur dans la voix.
Il lâcha ses clés sur le sol et s'approcha de moi au ralenti, une lueur de désespoir dans les yeux :
– C'est Raph ? Il est... ?
Deen s'arrêta de parler lorsque je secouai la tête de droite à gauche.
Ses sourcils se froncèrent, et ils vint s'asseoir à côté de moi, posant une de ses paumes sur ma cuisse :
– Qu'est-ce que c'est alors ?
Comment lui dire que notre vie allait être chamboulée du tout au tout dans deux mois à peine ? Comment lui dire que nos carrières allaient en prendre un sacré coup ? Comment lui dire qu'encore une fois, je venais de lui gâcher la vie ?
– Mel, s'te plaît, tu me fais flipper là, s'agaça-t-il doucement.
– La labo m'a appelé, commençai-je.
Les yeux du rappeur s'écarquillèrent, et ses traits se tendirent d'inquiétude.
– Je... Putain, jurai-je en fixant un point invisible au dessus de son épaule.
Mais je n'eus même pas à parler pour que Deen comprenne : ses yeux glissèrent sur mes mains accrochées à mon t-shirt dans un mélange de colère et de peine, puis ils plongèrent dans les miens. L'inquiétude avait fait place à la stupeur :
– Me dis pas que... commença-t-il, la voix tremblante.
Je n'eus pas la force de dire oui, alors je me contentai de le regarder avec peine.
– Putain, jura-t-il en fermant les yeux. Putain.
– Je suis désolée, m'excusai-je avec le plus d'assurance possible en fermant les yeux à mon tour.
– Désolée de quoi, tu l'as pas fait toute seule, pesta-t-il.
Un long silence s'installa entre nous.
Je ne savais pas à quoi il pensait, les yeux dans le vide à côté de moi. Pour ce qui était de mon cas, je luttais contre l'envie de tout envoyer bouler : je ne voulais pas de cet enfant, et pourtant je n'avais pas le choix ; il était là depuis trop longtemps, et je l'avais promis à mon frère.
– Fait chier, déclara finalement Deen en se levant brusquement avant de faire les cents pas.
Une boule se forma dans mon ventre en imaginant sa colère à lui aussi : nous étions vraiment dans la merde.
– Je suppose que tu veux pas le garder, cracha-t-il finalement.
Je me retournai vivement vers lui en fronçant les sourcils :
– Quoi ?
– Arrête, tu m'as jamais caché le fait que tu voulais pas de gosses, alors je sais que tu vas vouloir t'en débarrasser. Je sais que tu m'aimes aussi, mais tu vas pas me laisser le choix.
Je me levai à mon tour, furax :
– Tu crois vraiment que je te laisserai pas le choix ?
– Ouais, parce que t'es une flippette et parce que je sais que je t'aime trop pour t'imposer des choix qui te gâcheraient la vie.
– T'es sérieux ? T'as si peu foi en moi ? Et d'ailleurs, pourquoi tu voudrais le garder ? C'est beaucoup trop tôt, on est trop jeunes, tu viens de sortir ton album, j'enchaîne les championnats, on a pas la place pour ça !
Mon ton colérique avait laissé place à la peur.
Oh bordel, nous n'étions pas prêt du tout à élever un enfant.
– Je te rappelle que j'ai quand même trente piges, déclara-t-il.
– Mais tu viens de sortir un album ! On sait tous les deux que tu vas pas t'arrêter là !
– Et alors ? On peut tout combiner, je le sais. Y'a plein de gens dans des situations pires que la nôtre, je vois pas pourquoi on y arriverait pas !
Deen avait maintenant adopté un ton déterminé, et même s'il parlait fort, il avait l'air beaucoup moins énervé.
Je laissai planer un petit silence, me contentant d'analyser les traits de son visage. Il avait l'air si déterminé... Je ne comprenais pas comment il ne pouvait pas prendre mon annonce comme une mauvaise nouvelle.
Je baissai finalement les yeux vers mes pieds avec désespoir :
– On n'a pas le choix de toute façon, déclarai-je. Je suis à sept mois de grossesse.
Lorsque je relevais les yeux, je pus voir ceux de Deen écarquillés de stupeur :
– Comment c'est possible ? s'exclama-t-il.
Je haussai les épaules :
– J'ai dû faire un déni...
– Nan mais à ce point ? Putain mais on dirait une brindille !
Merci, ça je le savais.
– Mel... soupira-t-il en voyant que ses mots m'avaient un peu touchée. C'est pas ce que je voulais dire.
– Je sais, soupirai-je.
Le rappeur se rassit finalement à côté de moi, posa ses coudes sur ses genoux et le visage dans ses mains.
Le silence qui suivit me parut durer une éternité.
Comment étions-nous censé faire pour élever un enfant alors que nous aurions tous les deux le cœur brisé par le départ de mon frère ?
Comment était censé grandir de manière normale un enfant qui était resté caché pendant sept mois, subissant le stress de sa mère pendant tout ce temps ?
J'avais probablement déjà bousillé mon bébé avant qu'il ne naisse.
– Qu'est-ce qu'on va faire Mika ? demandai-je finalement. Je suis pas prête à être mère moi putain, je suis beaucoup trop immature pour ça !
– Tu crois que je suis prêt à être père ? fit-il dans un rire jaune.
– « J'me vois daron dans un futur proche, j'ai d'jà une armée de tonton pour mes futurs gosses ».
– Ouais, bah j'étais con.
Je n'étais pas prête. Il n'était pas prêt. Raphaël était en train de mourir.
Voilà dans quelles conditions allait naître notre bébé.
« Notre bébé ».
Je tremblai rien qu'à l'idée qu'il soit là.
Mais alors que je priais pour remonter le temps et éviter de tomber enceinte, mon téléphone sonna, me coupant dans mes regrets.
Je déglutis fortement en voyant le nom de mon père s'afficher, et cherchai le regard de Deen pour me donner le courage de décrocher.
Il ne m'aurait jamais appelé en plein après-midi si ça n'avait pas été urgent.
Et putain, j'avais passé mon après-midi à me lamenter alors que je savais que ça allait être la dernière journée de mon frère jumeau sur cette terre.
Je savais que j'allais le regretter, je le regrettais déjà ; je n'avais pas été à ses côtés jusqu'au bout, et je m'en voudrai toute ma vie.
Les yeux tristes, Deen m'encouragea à décrocher, puis il tint ma main libre fermement dans la sienne, fixant le sol avec crainte.
– Allô ? parvins-je à sortir dans un souffle, la gorge serrée et la vision floue.
Mon père n'eut pas à utiliser beaucoup de mots pour me faire fondre on larmes.
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