Chapitre 126. « I've got you brother »
Il n'était pas encore partis, et pourtant je sentais des morceaux de moi se volatiliser au fil des heures. Comme un arbre perdant ses feuilles à l'automne, à l'exception près que je ne retrouverai probablement jamais les miennes.
Le diagnostic avait été prévisible pourtant. Je ne m'étais pas voilé la face très longtemps. Ç'aurait été beaucoup trop facile.
Mais l'espoir, ce putain d'espoir persistait, et ça me rongeait. Je n'arrivais pas à profiter des derniers moments de mon frère comme il se devait, une partie de moi refusant de croire que la fin était là.
« L'espoir fait vivre ».
Non. Il repoussait simplement l'inéluctable pour que la chute soit encore plus douloureuse.
Mais je tenais. Pour l'instant, je tenais.
Pour Ines, pour mon père, il fallait que je tienne. Je me laisserai sombrer plus tard, lorsque tout le monde aurait fait son deuil. Un jour de plus ou un jour de moins après tout, qu'est-ce que ça représentait dans toute une vie sans Raphaël Duprés-Clarkson ? Pas grand chose.
Je crois que ceux qui me firent le plus de peine furent Hakim et Idriss. Parce que je ne m'attendais pas à ce qu'ils soient aussi touchés par le verdict du médecin. Pourtant ç'aurait dû être une évidence ; ils étaient tous les deux devenu les grands frères de Raph.
Nous passâmes la première journée à ses côtés, dans sa chambre d'hôpital. Discutant et rigolant, nous tentions de profiter du mieux que nous pouvions de la présence de Raphaël.
Il était évident qu'il était épuisé. Ses cernes étaient immensément grandes, ses paroles très lentes et sa voix trop faible. On pouvait entendre ses voix respiratoires encombrées rien qu'au faible son qui sortait de sa bouche.
Mais ce qui me torturait le plus, c'était de savoir qu'il souffrait. Pourtant il le cachait terriblement bien. Ines et mon père étaient probablement les seules autres personnes à pouvoir voir chaque seconde de souffrance dans les traits de Raphaël ; son sourire qui s'élargissait un tout petit peu plus pour camoufler la douleur grandissante, les subtils changements d'intonation dans sa voix. Depuis vingt-cinq ans il avait appris à la dissimuler, mais lorsqu'on avait vécu avec lui, on ne pouvait pas la louper.
– Eh au fait, c'est qui le parrain et la marraine d'Elyas ? demanda subitement Ken, coupant la conversation que Doums et Tarek étaient en train d'avoir sur les couches réutilisables.
Ces derniers s'étaient soudainement rapproché l'un de l'autre au retour de Tarek sur Paris, et ils nous cassaient sans cesse les oreilles avec leurs histoires de bébé. Ça avait au moins le don de détendre l'atmosphère.
– La marraine c'est Maëlle, et le parrain ce sera le cousin de Sanya, répondit mon ami.
– Vous allez faire un truc pour le baptême ? demanda Idriss.
Tarek secoua négativement la tête :
– Nan, ça nous emmerde. On signera juste un truc en mairie quand le cousin de Sanya reviendra de son séjour Erasmus l'année prochaine. Y'aura peut-être une petite bouffe, mais rien de ouf.
– Trop déçu de pas être le parrain, bouda Hugo.
– De ouf, l'approuva Raph. Tout ça pour un cousin que personne connaît, continua-t-il le ton plein de dédain et de mauvaise foi.
– T'as intérêt à refaire au moins deux gosses pour qu'il y ait pas de jaloux, le menaça Hugo.
Tarek rigola avant de s'emporter :
– Ouah, nan c'est mort ! Je l'aime mais il sera fils unique, c'est trop le bordel d'élever un môme, t'imagines même pas frère !
Raphaël et moi eûmes un long regard complice, un sourire moqueur sur le visage, nous faisant un dialogue silencieux :
– C'est sûr qu'il va en refaire après, me disait Raph.
– Évidemment, je lui donne même pas un an, lui disais-je en roulant les yeux.
Les conversations fusaient de toute part dans la chambre, certains parlaient encore et toujours de rap, Doums et Tarek parlaient de nouveau de leurs bébés respectifs, Raphaël et moi nous fixions avec le sourire sans trop de raison, nos deux esprits connectés entre eux et déconnectés du monde qui nous entourait.
Ce fut la porte qui s'ouvrit qui brisa notre échange silencieux. En tournant la tête, je vis Sohel s'engouffrer avec énergie dans la chambre, suivis de près par Fanny et Zoé.
La suite des événements fut très difficile à supporter. Ne restait dans la pièce que la famille, et il fallut expliquer à Sohel ce qui risquait très fortement de se passer.
Après mon accident, et puisqu'il avait quand même grandi et mûri depuis la dernière fois, il ne lui fut pas difficile de comprendre, et il fondit aussitôt en larmes dans les bras de notre père.
– T'es sûr qu'on peut pas faire autrement Papa ? lui demanda-t-il d'une voix suppliante.
– S'il y avait une autre solution, on l'aurait déjà choisi mon bonhomme, lui répondit notre père d'un voix rauque, les yeux brillants.
Il consola Sohel du mieux qu'il put sous nos yeux embués de larmes et nos cœurs en miettes, puis il sécha ses joues :
– On le fait dormir pour qu'il ait moins mal, lui expliqua-t-il. C'est ça le plus important Soso, c'est que Raph il puisse enfin se reposer et plus avoir mal.
Du haut de ses dix ans, Sohel sembla comprendre et passa ensuite plusieurs heures à côté de Raphaël dans son lit, attaché à lui comme un koala, tandis que les gars allaient et venaient.
Mon frère jumeau dut attendre deux jours pour enfin pouvoir se reposer réellement. S'il avait au début choisi de dormir une fois qu'il aurait vu Fanny, notre frère et notre sœur, il avait changé d'avis et décidé d'attendre que Khadija, Granny et Jared puissent venir.
C'était donc aujourd'hui la journée des adieux.
Je n'étais absolument pas prête. J'avais l'impression de vivre un cauchemar éveillée. De vivre le cauchemar que j'avais fait tant de fois dans ma vie, à travers mon enfance, mon adolescence, ma vie de jeune adulte... J'avais envie de fuir à l'autre bout du monde et prétendre que tout ce qui était en train de se passer n'était pas réel.
– Ça va ? me demanda Deen, très peu sûr de lui, en s'asseyant près de moi dans un couloir désert.
Je parvins à hocher doucement la tête et à lui adresser un faible sourire.
Au fond, lui et moi savions très bien que je n'allais pas bien, et que lui non plus.
– Il est avec qui là ? demandai-je, mon timbre de voix bien trop faible.
– Mekra je crois. Fram y est allé avant lui et il était vraiment dans le mal.
J'acquiesçai doucement. Qui ne le serait pas à sa place ?
– Il aura Stine pour l'aider...
Stine était en effet venu depuis la Hongrie pour dire au revoir à Raphaël. Mais je la soupçonnais surtout de vouloir être présente pour Hakim. Même si leurs adieux avaient été violents, ils étaient tout de même profondément attachés l'un à l'autre.
– Elle te cherche d'ailleurs, m'annonça Deen.
J'eus un petit rire attendris :
– J'aimais pas le dire, mais ça a toujours un peu été ma grande sœur. T'as toujours l'impression qu'elle se fout de tout et que rien ne l'atteint... Elle a l'air super rustre comme ça, et au début on a l'impression qu'elle est méchante quand elle parle, mais elle est juste super cash. Elle m'a toujours dit ce que je voulais pas entendre au pire moments, et pourtant elle avait toujours totalement raison.
Un souffle sec plus qu'un rire s'échappa du nez du rappeur :
– Ouais, je l'aimais pas trop au début. Elle est vachement violente dans ses paroles, et tu sais jamais si elle rigole avec son accent de merde. Mais elle m'a vachement soutenu quand t'as eu ton accident, c'est une chouette meuf.
Je ricanai simplement en guise de réponse, puis un silence soutenant le poids de notre mal-être s'installa.
Parler de la pluie, du beau temps et de Stine pour essayer d'occulter le fait que Raphaël était en train de faire ses adieux à tout le monde un par un, fait !
Puis subitement mais avec douceur, le bras de Deen passa autour de mes épaules, me faisant basculer contre lui. Ses lèvres trouvèrent mon front, et il me serra avec force :
– J't'aime, murmura-t-il simplement d'une voix que j'aurais juré portait une pointe de détresse.
Je fronçai les sourcils face à cette scène irréaliste, dans l'incompréhension complète, puis je décidai de ne pas me formaliser et tournai la tête vers lui avant de l'embrasser :
– J't'aime aussi.
Deen eut un petit sourire triste, puis il posa son menton sur le haut de ma tête, et je me blottis contre lui en fermant les yeux.
Si seulement ça pouvait suffire à me faire oublier que j'allais perdre la personne que j'aimais le plus au monde.
Malheureusement les bras réconfortants de mon copain ne suffirent pas à arrêter le temps, et bien plus tard, Deen dut à son tour aller voir Raphaël.
Puis fatalement, vint mon tour. Mais je savais que si j'entrais dans sa chambre, je ne voudrai plus jamais en ressortir. J'aurai envie d'empêcher les médecins de le mettre dans le coma, quitte à ce que mon frère jumeau souffre jusqu'à la fin. Je n'arrivais pas à envisager la possibilité que dans quelques heures, je ne pourrai plus parler à Raphaël.
J'avais tellement peur.
– Vas-y Princesse, fit doucement la voix de Ken à côté de moi tandis que j'hésitai à ouvrir la porte, une main encourageante sur mon épaule. Il a besoin de toi là. Je crois qu'il pourra pas partir tant qu'il t'aura pas vu.
Si c'était si facile, je n'irai pas le voir alors.
– Fais pas ta gamine, me réprimanda mon ami comme s'il avait entendu mes pensées. Entre, et dis-lui au revoir. T'es la personne la plus importante à ses yeux, il a trop besoin de te voir.
Ce ne furent pas les encouragements de Ken qui me firent entrer - j'allais de toute façon le faire à un moment donné -, mais ils eurent le mérite de me donner un peu de courage pour affronter mon échange avec mon jumeau.
– Salut la moche, s'exclama faiblement Raphaël une fois que j'eus refermé la porte derrière moi, sa tête de lit à moitié inclinée.
– Wesh le gueux, lui répondis-je du plus joyeusement que je pus, mais d'une voix bien trop faible. Comment ça va ?
– Ça allait avant que t'arrives. T'as pas fait deux pas que t'as déjà pourris mon espace vital de tes ondes négatives.
Je ricanai avant d'aller m'asseoir sur une chaise près de son lit.
– En vrai comment tu te sens ? dis-je plus sérieusement. Tu sais que tu peux pas faire semblant avec moi.
Raph perdit le sourire faux qu'il arborait jusqu'à maintenant, et regarda ses mains qu'il était en train de triturer :
– Je veux pas que tu te sentes encore plus mal en me confiant...
– Raph...
– Ça sert à rien que je t'en parle, je préfère qu'on discute de trucs plus légers genre...
– Raph ! l'interrompis-je peut-être un peu brutalement. Je veux que tu me parles. Je veux savoir comment tu te sens. Il faut que tu puisses te libérer un peu, j'ai toujours été là pour ça, et c'est pas aujourd'hui que ça va s'arrêter. Je crois que je me sentirais encore plus mal en sachant que tu t'endors pas tranquille parce que t'as pas osé parler. Alors s'il te plait, dis-moi comment tu te sens.
Ses yeux bleus sondèrent fébrilement plusieurs recoins de la pièce, puis après plusieurs secondes d'égarement, il les fixa de nouveau sur ses mains :
– J'ai tellement mal, j'en peux plus... Mais...
Il marqua une petite pause, semblant reprendre du courage :
– J'ai peur Mel, fit-il finalement d'une voix bien trop faible. Je suis terrifié.
Ses derniers mots furent étouffés dans ses sanglots, et je me précipitai sur son lit pour le serrer contre moi, pleurant moi aussi.
Qu'étais-je censée dire à ce moment-là ? Comment était-on censé rassurer une personne face à la mort alors qu'on était sois-moi aussi terrifiée qu'elle ?
Tout ce que je pus faire à cet instant, fut de le serrer dans mes bras, et de pleurer avec lui pendant de longues minutes.
– T'as peur de quoi ? lui demandai-je finalement entre deux sanglots, nos corps toujours enlacés.
– De la mort, de ce qui va arriver à Ines, à Papa, à tout le monde.
Il marqua une pause et ses sanglots semblèrent se calmer lorsqu'il se détacha de moi en essuyant ses larmes.
– J'ai peur que tu veuilles plus vivre, lâcha-t-il finalement, la gorgé serrée par l'émotion.
Des flots de larmes coulaient sans interruption sur nos joues tandis que nos regards étaient alignés et que nos mains étaient scellées.
Il me connaissait si bien.
Mais comment étais-je censée vivre sans lui alors que ma vie avait commencé à ses côtés ? Je ne savais pas vivre sans Raphaël, il faisait partie de moi, il était un de mes organes vitaux. Et on ne pouvait pas vivre très longtemps en l'absence d'un des ses organes vitaux.
Je ne sais pas combien de temps s'écoula tandis que nous nous perdions dans les yeux de l'autre. J'aurais voulu rester une éternité ainsi.
Mais Raphaël brisa bien trop vite notre moment à mon goût :
– Promets-moi que tu vas te battre, me supplia-t-il. J'ai besoin de savoir que t'essayeras d'avancer sans moi, je t'en supplie.
Il ne pouvait pas me demander ça. Il savait que j'étais incapable de lui mentir.
Une larme roula sur sa joue et se perdit dans sa barbe mal taillée :
– Mel, je t'en supplie, il faut que tu continues à vivre. Pour nous deux. T'as encore Papa, Sohel et Zoé auront besoin de toi, Deen est fou de toi. Tu peux pas faire perdre un frère et une sœur à Bouhied et Moingeon, tu peux pas faire perdre leur chieuse de service à L'Entourage, tu peux pas faire perdre sa fille unique à Khadija. Pense à Elyas, tu vas être sa marraine, je suis sûr que tu veux être là pour lui. Pense à tout le monde qui te reste.
Ce qu'il ne comprenait pas, c'est que j'aurais volontier laissé mourir toutes ces personnes si ça m'avait permis de rester avec Raph jusqu'à la fin de ma vie. Parce que c'était lui ma moitié, et personne d'autre.
Mais je pouvais au moins essayer. Même si ce n'étais qu'à moitié, j'allais essayer de vivre pour mon frère. Pour qu'il puisse partir en paix.
– Je te promets de tout faire pour, lui dis-je finalement en le regardant dans les yeux, les larmes coulant toujours sur mes joues.
Raphaël resta silencieux quelques secondes, tentant de démêler le vrai du faux, puis il parvint probablement à la conclusion que je ne disais que la vérité puisqu'un léger sourire se dessina sur son beau visage.
– Je t'aime tellement Raphy, soufflai-je finalement avant de fondre en larmes contre lui. Je t'aime tellement.
Les bras de mon frère jumeau se refermèrent autour de moi avec tout le peu de force qui lui restait, et son menton se posa sur le haut de mon crâne :
– Moi aussi. Plus que tout au monde.
Après ses nombreuses larmes, je passai deux heures auprès de Raphaël, riant en nous remémorant des anecdotes de notre enfance, discutant de l'avenir et des plans auxquels il ne pourrait pas assister, me faisait promettre de prendre soin de moi et d'avoir beaucoup d'enfants avec Deen.
– Je veux qu'il y en ai au moins un qui ai Raphaël comme deuxième prénom, tenta-t-il de négocier.
– Pas de deuxième prénom, ça fait des jaloux après.
– Mais allez ! Tu vas pas mettre Ken, c'est archi nul Ken !
– Pas de deuxième prénom, répétai-je d'un ton plus catégorique.
Alors que nous nous battions pour choisir les prénoms de mes futurs enfants fictifs, la porte de la chambre s'ouvrit, et le médecin entra, suivit de près par la mine sombre de notre père.
Dire que mon cœur avait fait un bon dans ma poitrine était un euphémisme.
Je sentis mon visage se fermer aussitôt, mon pouls s'accéléra de manière phénoménale et, toujours assise sur le bord du lit de Raph, nos mains se serrèrent de plus en plus fort, à presque en avoir mal.
– C'est l'heure, fit simplement l'homme en blouse blanche avec douceur. Nous allons vous endormir Monsieur Clarkson, si vous être près.
Raphaël me lança un regard paniqué qui me brisa le cœur, et sentant ma gorge se serrer petit à petit et l'envie de fuir me gagner, je lui adressai un regard encourageant tout en hochant lentement la tête.
Endormez-moi avec lui, je vous en supplie, avais-je envie de hurler.
Tous nos amis et notre famille entrèrent dans la chambre avec des airs sombres, tous les yeux brillants ou les joues déjà mouillées.
Deen fut le dernier à entrer dans la pièce, à la suite de Maxime quelques secondes plus tôt.
Même si la pauvre Ines tenait la main de Raphaël dans la sienne tandis que j'étais désormais postée auprès de mon père en face de lui, les yeux de mon frère ne quittaient pas les miens.
Un silence sinistre avait empli la pièce, le seul bruit se répandant aux alentours étant celui des gestes appliqués du médecin et des infirmières près de Raph.
– Vous êtes près ? demanda doucement l'une des infirmières.
Les yeux emplis de peur, Raphaël me regarda avec insistance, puis sembla prendre une grande inspiration tandis qu'il essayait de reprendre du courage. Il tourna finalement la tête vers l'infirmière et émis un « oui » déterminé avant de plonger de nouveau ses iris dans les miens.
– Ça va aller, je te promets que ça va aller, lui disais-je. Je t'aime Raphy.
– Je t'aime Mel.
– Je t'aime mon fils, fit la voix de mon père derrière moi, remplie d'émotion.
– Je t'aime aussi Papa.
Puis, tandis que la seconde infirmière abaissait la tête de lit de mon frère, ce dernier m'interpella d'une voix paniquée :
– Mel ! Je te vois plus !
Ravalant un sanglot, je me précipitai vers le lit de mon frère jumeau et, prenant sa main dans la mienne en lui caressant les cheveux de l'autre, je plongeai mon regard dans ses yeux bleus :
– Je suis là Raphy, chuchotai-je. Je te lâche pas.
– Je t'aime, me chuchota-t-il d'une voix soudainement plus calme. Je t'aime...
– Je t'aime aussi.
– Je te promets que je vais essayer de me battre assez longtemps pour que vous me trouviez des poumons, dit-il solennellement, son débit de parole ralentit par ce qu'on lui injectait.
– T'as plutôt intérêt oui, dis-je dans un rire jaune, tentant de ravaler mes larmes.
Un léger silence s'installa tandis que Raphaël semblait s'endormir et que j'étais de plus en plus brisée de l'intérieur.
– Mel...
– Hmm ?
– J'ai plus mal, chuchota-t-il dans un sourire. Ça fait du bien...
Je lui souris avec bienveillance tout en continuant à caresser doucement ses cheveux châtains :
– Je sais, tout va aller mieux maintenant Raphy...
– Merci pour ces vingt-cinq ans...
Sur ces mots, les paupières de mon frère jumeau se fermèrent totalement.
– Raphy ? l'appelai-je faiblement, sachant pourtant très bien qu'il ne me répondrait pas.
Je réitérai tout de même l'expérience plusieurs fois, et ce fut seulement lorsqu'une main se posa sur mon épaule que je sortis du léger état de transe dans lequel j'étais plongée.
Je ne voulais pas lâcher la main de mon frère, ni arrêter de caresser ses cheveux. Je voulais rester avec lui pour toujours.
Lorsque nous étions petits et que nous nous glissions dans le lit de l'autre, nous nous endormions main dans la main ou dans les bras l'un de l'autre. Pourquoi n'étais-je pas endormie moi aussi ?
Mon père me força à lâcher la main de Raphaël, puis me força à me lever en m'attirant où je m'étais trouvée quelques minutes plus tôt. Les yeux larmoyants, il essayait d'être fort pour nous deux.
Ce fut cette réalisation qui eut raison de l'état de faiblesse dans lequel je me trouvais, et j'adressai donc un regard confiant à mon père tandis que ses paumes encadraient mon visage.
Khadija récita une prière, accompagnée par son mari, Tarek ainsi que plusieurs autres personnes, puis le silence prit de nouveau place dans la pièce.
– Bonne nuit Raphy, fit subitement la petite voix de Zoé que Fanny avait posée sur le lit de mon jumeau. À demain, fais de beaux rêves.
Mon cœur se serra comme jamais il ne s'était serré auparavant devant cette terrible scène, et je ne sus pas ce qui se passa ensuite.
Dans un état de complète inconscience, mon corps sortit au ralentis de la chambre, avant de courir dans le dédale de couloirs de l'hôpital sans jamais se retourner.
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