Chapitre 123. « Savourer chaque bouchée jusqu'au dernier repas »

Bon, j'ai regardé où j'en étais dans l'histoire, et il reste approximativement dix chapitres. 

Je vous en sors deux d'affilé parce que j'ai peur de pas avoir assez de temps pour écrire pendant les « vacances » de Noël avec les partiels qui suivront. D'ailleurs si j'en sors beaucoup pendant les vacances, je veux que vous m'engueuliez, ça voudra dire que je révise pas.

Bref, sur ce, trop de blabla comme d'habitude, bonne lecture ! ❤

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– On n'a qu'une vie, j'vais pas gâcher la mienne

Ni attendre que l'heure passe

Ils voudraient nous laisser les miettes

On va s'servir dans leur plat

Savourer chaque bouchée jusqu'au dernier repas

Le futur de c'pays, c'est nous, qu'ils le digèrent ou pas

Les temps changent, on a grandi ensemble

Personne va prendre la tangente et, franchement

On s'en branle de c'que les gens pensent

On va réussir sans s'vendre

Car, même à jeun, on en a dans l'ventre


Putain, j'avais oublié ce que c'était l'ambiance des festivals. Ça m'avait grave manqué !

La sueur de l'effort que je donnais sur scène accentuée par la chaleur, les centaines de têtes devant moi qui chantaient les refrains ou qui rappaient les couplets avec moi pour les plus chauds, l'odeur de beuh qui montait des premiers rangs, la présence de mes gars derrière moi... Je kiffais ce qui m'arrivait en ce moment.

Grand Cru avait été une plus grande réussite que mes EP, on me reconnaissait un peu plus qu'avant sans m'associer direct à Nekfeu, j'avais monté mon label, j'étais posé avec ma meuf... Que demandait le peuple ?

C'est avec ce morceau que je clôturai mon dernier concert dans le Sud. Avant le prochain dans cinq jours. Pendant ce temps, j'allais retourner sur Paname parce qu'apparemment je manquais à Maëlle Clarkson. Ses mots, pas les miens. Ça m'avait grave surprit qu'elle rame autant pour que je rentre, c'était vraiment devenu une fragile avec le temps.

Mais je compris aussitôt à sa tête quand je débarquai chez nous qu'elle m'avait pas tout dit.

Un air joueur sur le visage, j'eus même pas le temps de me poser qu'elle m'attaqua :

– Va te changer, ce soir on bouge.

– Alors bonjour déjà, protestai-je.

– Bonjour, fit-elle en me checkant avant de m'embrasser furtivement. Va te changer, ce soir on bouge, répéta-t-elle. Ah et, bon anniversaire au fait.

– Merci... fis-je avec méfiance. Pourquoi on bouge ? Et on va où ?

– Parce que c'est ton anniversaire espèce de beusenot. Et je sais pas, on se fait un petit resto ou un ciné ? proposa-t-elle.

En vrai, j'avais la flemme de ouf. Je venais à peine de rentrer, j'étais archi mort, et puis j'avais pas envie de fêter mes trente ans. Putain, rien que de le dire ça piquait.

Mais j'haussai les épaules et acceptai quand même, la handballeuse ayant l'air d'être vraiment déter.

Je m'apprêtai rapidement, restant assez sobre sur la tenue, tandis que Maëlle se contenta d'une robe noir montrant ses belles jambes bronzées accompagnée de ses éternelles Dr Martens et de sa veste en cuir. Maëlle quoi, et même si elle changeait quasiment jamais de style, j'arrivais toujours à la trouver magnifique.

Autant dire que j'avais absolument rien vu venir.

On débarqua dans un resto' choisit « au hasard » par Madame, puis une vague de « Joyeux anniversaire » cacophonique m'agressa aussitôt la porte en verre dépassée.

Ok, ils m'avaient bien eu.

Tous mes gars de L'Entourage étaient là, Doumams accompagné d'Adèle et du petit Isma, mes gars d'Auber aussi, puis ce fut seulement quand une mini tornade brune me sauta dessus que je compris que Maëlle était allée très loin dans son délire :

– Tonton Kel !

La petite voix de ma nièce me réchauffa aussitôt le cœur, et je la soulevai immédiatement pour la serrer dans mes bras. J'arrivais pas à croire que ma filleule était là :

– Comment elle va ma nièce préférée ? Tu sais que je suis super content de te voir ?

– Oui.

J'éclatai de rire : au moins c'était honnête, elle était consciente de l'importance qu'elle avait à mes yeux. J'étais si faible face à cette môme.

Je cherchai donc mon frère du regard, me doutant bien que la petite avait pas marché de Toulon jusqu'ici toute seule.

– Frérot, m'exclamai-je avec joie en retrouvant Ishane avant de lui donner une accolade de mon bras libre. Putain elle a réussi à te ramener.

– C'est une tête de mule ta meuf frère. Elle a galéré pendant des semaines mais elle a jamais lâché l'affaire.

Je me marrai : ça m'étonnait pas venant de Maëlle.

Je saluai tous mes zines et mes zins un par un, toujours Zora dans les bras, les remerciant tous et toutes d'être venu même si je kiffais pas trop les surprises. 

Putain ça me faisait grave plaisir qu'ils soient tous là ! En vrai j'arrivais pas à croire que Maëlle ai réussi à motiver toutes ces têtes de cons à venir jusqu'à Paname.

Je remerciai aussi tous mes gars du L et d'Auber, mais c'est quand la porte du resto s'ouvrit de nouveau que je compris que j'étais pas au bout de mes surprises :

– Désolée, désolée, désolée, on est en retard !

Je reconnus immédiatement la voix paniquée de ma vieille amie, et posai Zora par terre pour m'assurer qu'il s'agissait bien d'elle. 

En effet, la jolie brune dans l'entrée était bien Leila, et je reconnus même les joues joufflues de Dan à côté d'elle.

Ok, ma meuf s'était vraiment dépassée.

J'avoue que ça faisait longtemps que j'avais pas galéré à cacher mes émotions. Mon cœur battait la chamade, résultat de plus de dix ans sans voir mes deux potes pour de vrai.

Pour garder un peu de fierté, je me dirigeai lentement vers eux, et pris Leila dans mes bras en premier :

– Putain, mais qu'est-ce que vous foutez là ? m'exclamai-je après avoir échangé une accolade fraternelle avec Dan.

– T'as une copine super, fit simplement Leila avec un grand sourire.

Ah bah ça. Je me promis de la remercier comme il se devait une fois seuls tous les deux, elle était vraiment exceptionnelle.

Ce soir-là je crois que je passai ma meilleure soirée de l'année. Je passai énormément de temps avec Leila et Dan, qui m'indiquèrent de profiter de tous mes potes parce qu'ils allaient de toute façon passer la semaine à Paname et qu'on aurait du temps pour se voir, je m'occupai de ma nièce tout en étant conscient d'à quel point elle m'avait manqué,  je me tapai des barres avec Ishane qui s'entendit grave bien avec mes gars de L'Entourage et surtout avec Raph, Maëlle fit enfin la connaissance de mes gars de Toulon et de Marseille, on but beaucoup, on rappa, on dansa, et on se marra.

Après une nuit mouvementée et une matinée à décuver, je passai la journée avec Leila, Dan, et Ishane - qui avait refilé sa môme à Loïc pour la journée avant de rentrer dans le Sud.

Leila, c'était ma meilleure pote quand j'étais à Toulon. On s'est rencontré en seconde au lycée, en cours d'SVT d'ailleurs. On s'est retrouvé à côté à cause de nos noms de famille, et on s'est super bien entendu dès le début. Quand j'étais pas avec mes potes et qu'elle était pas avec les siennes, on était toujours ensemble, et Ishane était même devenu pote avec elle aussi pendant notre année de terminale. C'est la même année qu'elle avait rencontré Dan, et qu'ils avaient commencé à sortir ensemble. Au début je l'avais détesté, je l'avais pas senti du tout ce type. Et au final, avant le bac, c'était devenu un de mes amis les plus proches. Aujourd'hui, ils étaient mariés et ils vivaient au Québec.

– Tu te souviens quand on est rentrés éclatés chez toi ? demanda Leila en rigolant.

Ça faisait plusieurs heures qu'on était tous les quatre. On s'était pas mal promené dans Paname, puis on avait mangé au resto' et maintenant on buvait un coup dans un bar.

– La fois où on est était tellement morts qu'on a dormi dans le salon ? Celle où on a croisé ma mère à sept heure du mat' et que tu lui as dit qu'on avait travaillé toute la nuit alors que tu t'appuyais sur moi avec les pieds nus ? Ou celle où j'ai faillis me taper avec Max parce qu'il voulait pas nous ouvrir la porte ?

Leila partit dans un fou rire, et je la rejoignis en me remémorant les trois anecdotes. Putain on était vraiment des galères.

– Aucune de celles-là, parvint-elle finalement à dire après s'être un peu calmée. Je parlais de celle où tu t'étais vénère après une lampe parce que je cite « elle est dans mon chemin, elle fait trop la maline ».

Je fermai les yeux et souris avec un mélange d'amusement et de honte. Je m'en souvenais très bien, j'avais fumé de ouf, j'avais pas mal bu, et j'avais été pas loin du bad trip.

– Attends mais j'étais là moi ce soir-là ! s'exclama Ishane.

Leila rigola de plus belle :

– T'étais vraiment mort aussi, mais je pouvais pas le ramener toute seule. Au final vous avez fini par vous taper dessus dans la rue.

Je me souvenais pas du tout de ce qui s'était passé, tout ce que je savais de cette soirée c'était ce que Leila m'avait raconté le lendemain. Et j'avais un peu deviné quand j'avais vu ma gueule dans le miroir et celle d'Ishane peu de temps après.

– Je suis désolé frérot, fis-je d'un air sincère.

– Je suis désolé aussi, me répondit Ishane.

– Excusez-vous auprès de moi surtout, s'indigna Leila. J'étais tranquille avec mes copines, vous avez passé la soirée à les draguer, puis vous avez fini tellement morts que j'ai été obligée de vous ramener bande de cons !

Ishane et moi nous regardâmes d'un air coupable, un léger sourire sur le visage.

– On est désolés, fit Ishane.

– Ouais de ouf, on serait peut-être mort ce soir-là sans toi.

– C'est même pas « peut-être », répondit-elle. À tous les coups vous vous seriez fait tabasser par les mecs de mes potes.

Mon kho et moi nous regardâmes de nouveau d'un air coupable, puis nous repartîmes tous les trois dans un fou rire, Dan nous traitant de déchets alors que c'était le plus toxico de nous quatre.

– Comment elle va ta petite miss ? demanda ensuite Leila à Ishane.

Comme à chaque fois qu'il parlait de Zora, les yeux de mon frère brillaient de fierté et un immense sourire illuminait son visage :

– Super, j'ai l'impression qu'elle est plus épanouie depuis qu'on se voit plus souvent. Elle était super contente de vous rencontrer d'ailleurs. Je lui parle souvent de vous, alors vous voir en vrai c'était comme rencontrer des stars !

– Elle est trop mignonne, fit Dan. Elle te ressemble pas.

– Bâtard, lança Ishane alors qu'on se marrait tous.

La discussion continua sur le sujet de Zora, la garde alternée qu'Ishane avait réussi à obtenir, la formation qu'il était en train de faire pour taffer au studio avec moi, la possibilité qu'il déménage un jour à Paname, les enfants que Dan voulait faire mais que Leila lui refusait gentiment alors que je savais pertinemment qu'elle était prête à en avoir... 

On était retourné treize ans en arrière, et ça faisait un bien fou. J'avais un peu sous-estimé à quel point mes meilleurs potes me manquaient.

On vit tellement pas le temps passer qu'on fit la fermeture du bar, un peu fatigués. J'échangeai une longue accolade avec Ishane, que je reverrai probablement pas avant plusieurs mois, et lui fis promettre d'embrasser ma filleule pour moi. Je pris rapidement Leila dans mes bras et échangeai un check avec Dan : on avait prévu de se revoir dans la semaine.

Ce fut donc vers cinq heures du matin que je retrouvai mon appartement et ma copine, maudissant les années que j'avais pris : deux soirées d'affilé étaient visiblement devenu trop pour moi, j'arrivais pas à tenir le rythme.

Fatigué mais pas bourré, je me pris tout de même le coin du canapé dans l'orteil, et shootai involontairement dans une chaussure qui traînait. 

Maëlle, putain.

En entrant dans la chambre, je ne pus m'empêcher de sourire en voyant la silhouette fine de ma meuf à la lueur de mon téléphone, allongée sur le ventre, vêtue simplement d'une petite culotte, les bras croisés sous l'oreiller. Elle était belle.

Je m'assis sur le bord du lit pour enlever mes chaussures, puis me dévêtis en essayant de ne pas trop faire de bruit. Mais Maëlle avait l'air de dormir d'un sommeil de plomb.

Je m'allongeai ensuite délicatement à côté d'elle, et mis tout en œuvre pour garder les mains loin de son corps dénudé. Je voulais pas la réveiller mais ça me démangeait de l'avoir plus près de moi.

Mes yeux se firent finalement à la semi-obscurité de la pièce tandis que j'observais chaque parcelle de son corps. Putain, j'avais vraiment de la chance d'avoir une meuf comme ça dans mon pieu.

Enfin nan. Dans notre pieu.

Maëlle bougea finalement, me faisant sursauter, et se tourna simplement vers moi, un bras sous l'oreiller et l'autre étendu sur le matelas, me laissant apercevoir son ventre.

Mon cœur fit un léger bond dans ma poitrine.

Me laissant apercevoir son ventre et ses côtes.

Alors que mon cœur battait de plus en plus fort, je commençais à me demander depuis combien de temps je l'avais pas vu nue. Ça faisait vraiment pas si longtemps que ça, je ne comprenais pas qu'elle ai fondu aussi vite.

Et pourtant, les preuves étaient devant moi.

Les hanches plus saillantes, les côtes plus visibles. Je posai mon regard sur son visage et me maudis de ne pas l'avoir remarqué avant : ses joues étaient très légèrement creusées, et de larges cernes trônaient sous ses yeux alors qu'elle semblait dans un sommeil profond. 

Elle devait avoir mis la masse de maquillage l'autre soir pour camoufler tout ça, je me demandais comment je l'avais pas vu putain.

Mes yeux suivirent la courbe que formaient ses bras sur le matelas, et je pus remarquer une large plaque rouge au niveau de son avant-bras. 

Putain, elle avait aussi dû mettre au moins deux pots de fond de teint pour cacher une tache d'eczéma pareille !

Alors que d'habitude elle avait l'air calme et paisible quand elle dormait, cette nuit elle semblait tendue, tous ses muscles semblaient contractés et j'avais l'impression qu'elle avait mal.

C'était peut-être pour ça qu'une boule s'était formée dans ma gorge. Ça me tuait de la savoir mal, et encore plus d'avoir rien vu. J'étais archi nul comme copain putain.

Je savais qu'elle avait galéré avec ses partiels au début du mois dernier. Même si elle était en master, y'avait des trucs de sa troisième année de licence qu'elle avait pas réussi à valider à cause de son accident, et on lui avait proposé de le faire en parallèle de son master. Mais avec ses jours de comas, son hospitalisation et sa convalescence, elle avait loupé beaucoup de cours et elle avait eu à rattraper son retard. Et puis le master ça avait pas une année fastoche non plus. Ajouté à ça l'organisation du mariage de Raph et celle de mon anniversaire, je comprenais qu'elle ai été un peu surmenée ces derniers temps. Mais pas stressée.

Je la connaissais, Maëlle stressait jamais. Elle avait parfois mal, mais elle stressait jamais. Alors ouais, ça me faisait grave peur de la voir dans un tel état, ça voulait dire qu'elle allait vraiment pas bien. Et que j'étais un putain d'aveugle.

C'est pour ça que je me tâtai un nombre de fois incalculable pour la réveiller et lui demander ce qui allait pas. Ou alors au moins la serrer contre moi. Comme si je pouvais lui absorber du stress ou je ne sais quoi.

Mais je le fis pas, parce que quelque chose me disait que c'était peut-être une des premières nuits où elle avait réussi à trouver le sommeil. 

Et ben pour moi, c'est tout le contraire qui se passa.

Je tournai en rond tout le reste de la nuit, me demandant pourquoi ma meuf allait si mal, me retenant encore et toujours pour pas la tenir dans mes bras, angoissant en m'imaginant les pires scénarios.

Je m'endormis malheureusement aux alentours de dix heures du matin, et loupai le réveil de Maëlle ainsi que l'opportunité de lui demander ce qui allait pas avant qu'elle ne parte je ne savais où.

Alors que j'allais lui envoyer un message à mon réveil vers une heure de l'aprèm pour la voir, elle me devança en m'envoyant simplement quelques mots énigmatiques :

Viens chez Raph quand t'es prêt

Je fronçai les sourcils, mais me dépêchai tout de même de prendre une douche et de m'habiller. J'avais trop hâte de lui parler et de la serrer contre moi. La voir aussi vulnérable la veille au soir ça m'avait bousillé.

Je débarquai chez le frère jumeau de ma meuf une heure et demie plus tard, et découvris un appart rempli des gars et des meufs du L. Tout le monde rigolait, et vu leurs gueules, ils attendaient visiblement que moi.

Seule les expressions de Maëlle se démarquaient : son sourire était faux, totalement faux. Elle faisait semblant de s'amuser alors qu'elle avait l'air totalement anéantis.

Alors je mis pas longtemps à assembler les pièces du puzzle. 

Son air de zombie, son stress intense, le rassemblement chez Raph.

Il y avait qu'une personne qui pouvait la mettre dans cet état-là, et c'était son frère jumeau.

Merde, j'avais envie de chialer.

Je fis semblant d'avoir des trucs à déposer dans la cuisine - en vrai j'avais amené deux grandes bouteilles d'Ice Tea mais c'était pas pour ça que j'y allais - et m'y dirigeai rapidement avant de craquer devant mes potes.

J'étais pas prêt à perdre mon reuf. Vraiment pas.

J'essuyai rapidement une larme qui avait roulé sur ma joue et tentai de reprendre mes esprits. Maëlle avait besoin de moi. Sûrement plus que jamais.

Je rangeai quand même mes deux bouteilles dans le frigo puis, après avoir inspiré et mis un sourire que je voulais authentique sur ma face, je retournai dans le salon où tout le monde gloussait.

– Ça va la mif ? fis-je joyeusement avant de checker mes reufs un à un, de faire la bise aux filles, et de checker ma meuf avant de l'embrasser.

Notre baiser eut rien à voir avec ceux qu'on s'échangeait d'habitude. Là, j'avais besoin de lui montrer que j'étais là pour elle, comme si juste en prenant ses lèvres avec les miennes je pouvais la soulager de tout ce qu'elle retenait au fond d'elle. Son visage dans mes mains et sa bouche fermement collée à la mienne, il me fallut plusieurs secondes pour la lâcher enfin.

Je m'écartai finalement doucement d'elle, ne souriant plus. Fixant son œil d'alien, je voulais lui faire comprendre que j'avais deviné ce qui était en train de se passer. Son front se plissa sous sa peine, et ses yeux brillèrent de douleur. Alors tout en me retenant pour ne pas flancher devant sa souffrance, je la pris par la main pour l'emmener dehors avec moi.

Elle ne tint même pas jusqu'à l'ascenseur avant de craquer, et vint s'accrocher à moi comme à une bouée de sauvetage. Mes bras mirent quelques micro-secondes à venir se retrouver autour d'elle, la serrant dans toutes leurs forces.

Elle pleura pas, mais ça me faisait quand même un mal de chien de la voir comme ça. Parce que je détestais la voir souffrir, et parce que je savais que si je perdais Raphaël, je perdais aussi Maëlle.

Durant une heure, elle m'expliqua ce que lui avait confié Raph et ce que les médecins lui avaient dit, elle me résuma l'évolution de sa maladie et la suite des événements, et elle me confia sa peur et sa peine.

Ce fut quand elle commença à se sentir moins mal qu'on retourna à l'intérieur pour faire face aux airs sombres d'une quinzaine de personnes silencieuses.

Je devinai que tout le monde se retenait de chialer pour éviter à Raph de se sentir encore plus mal qu'il ne devait déjà se sentir, mais leur peine était flagrante.

Tout le monde aimait Raph de toute façon, alors ça allait détruire plus d'une personne quand il serait plus là. Même si moi j'y croyais encore à ce putain de miracle. J'allais les trouver ses poumons s'il le fallait, je lui donnais pas encore l'autorisation de caner !

– Bon ! s'exclama soudainement Framal. Là c'est trop pour moi les gars. On va arrêter de se morfondre parce que notre Raphy national il est encore là. On aura bien assez le temps de chialer quand il sera greffé et qu'on nous annoncera que malheureusement il pourra nous faire chier pendant encore quelques années.

Le kabyle remporta quelques petits ricanements, et je le remerciai de détendre un peu l'atmosphère. C'est vrai qu'il était encore là, et de toute façon il allait pas mourir.

– Nan mais c'est vrai, continua-t-il. Arrêtez de faire les faux-cul là, il vient de vous annoncer qu'il y a moy qu'on le voit plus jamais, c'est une bonne nouvelle nan ? Moi ça m'évitera de me forcer à voir Elma par politesse juste pour Raph.

– Alors, j'ai vraiment rien demandé, fit Maëlle avec un léger sourire. Donc j'aimerais bien que tu me laisses en dehors de tes conneries.

Framal la singea comme un gosse, puis il reprit son petit numéro :

– Nan mais en vrai, sans déconner, fit-il plus sérieusement. Moi je compte pas faire la gueule à chaque fois que je te vois Raph. Alors si c'est le cas de quelqu'un ici, qu'il se barre. C'est pas méchant, je vous kiffe tous, mais je veux plus voir personne de triste dans cet appart. Parce que quoi que tes putains de médecins t'aient dit, tu vas pas crever.

– Ouais, l'approuva Mekra. Je tuerai Elma moi-même pour te donner ses poumons, mon kho.

Quelques rires plus francs fusèrent, quelques protestations aussi, et quelques autres vannes furent lancées par-ci par-là pour détendre l'atmosphère.

– Eh mais pour une fois que je fais rien, vous m'attaquez tous sans raison ! s'indigna la handballeuse. Bande d'enculés ! Et toi tu me défends même pas ? me lança-t-elle.

J'haussai les épaules et elle me lança un regard condescendant.

Petit à petit, à force d'efforts de la part de tout le monde, la bonne humeur reprit place dans l'appartement, et il sembla ensuite que ça demanda plus aucun effort.

Sans oublier ce que nous venions d'apprendre, on ria aux côtés de notre zinc toujours bien présent, on débattit sur plusieurs sujet et on se querella comme d'habitude, on rappa, on joua, on but, on s'amusa. 

Parce que s'il y avait au moins une chose que l'on pouvait tous faire aujourd'hui et à l'avenir, c'était de profiter un maximum de Raphaël tant qu'il était encore là, et de tirer un maximum de bons moments parmi le peu qui nous restait probablement.

Même si j'étais convaincu qu'il allait pas nous laisser. Parce que rien ne pouvait avoir raison d'un putain de Clarkson. Même pas la mort.



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