Chapitre 121. « Mon album s'appellera "Grand Cru" »
Coucou ! Vous allez bien ? (je prends des nouvelles parce qu'une râleuse m'a reproché de pas avoir mis de petit mot avant le dernier chapitre, elle se reconnaîtra).
Bon, bah sinon durant ce mondial, la France a perdu un math mais en a gagné deux (46-7 contre l'Australie et 27-25 contre l'Allemagne aujourd'hui). Stine s'en sort d'ailleurs plutôt bien, elle défonce tout avec l'équipe de Norvège. Voilà voilà, si jamais ça vous intéressait.
Est-ce que vous avez écouté l'album de Dinos ? Et si oui, vous en avez pensé quoi ?
Bonne lecture ! ❤
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– « Si elle a une gueule de cul, il faut que son cul ait de la gueule », récita-t-elle d'un air songeur, presque philosophique.
Je fermai les yeux, mi-amusé, mi-blasé. Je savais qu'elle allait me sortir une des pires phrases que j'avais écrit. Je m'en étais douté quand je l'avais enregistré.
Elle venait de rentrer de l'entraînement, elle s'était pas encore désapée, et c'était le premier truc qu'elle me sortait. En même temps avec le temps de transport qu'elle devait se taper pour rentrer à Auber, elle avait sûrement eu le temps d'écouter mon album plus d'une fois.
– Vu le nombre de fois où tu m'as dit « Sah, ce tarpé », je dois vraiment être laide alors.
Si elle voulait me pousser à lui faire des compliments, elle se foutait le doigt dans l'œil.
Mais je la connaissais, et elle se serait foutu de ma gueule en me traitant de fragile si j'avais essayé de ramer pour rattraper ce que j'avais mis dans mon son. Tout ce qu'elle voulait là, c'était me casser les couilles. Pour changer.
– Le silence, super, fit-elle semblant d'être agacée. Presque quatre ans qu'on se connaît, tu sors des trucs obscènes sur moi dans tes sons, et j'ai même pas le droit à des explications !
J'essayai même pas de protester. Assis sur le canapé les pieds sur la table basse, je secouai simplement la tête de droite à gauche d'un air désespéré devant son jeu d'actrice. Son piètre jeu d'actrice pardon : Maëlle me regardait avec un sourire joueur, parlant avec les mains comme une beurette dans une engueulade avec une autre beurette juste avant qu'elles se tirent par les cheveux.
– Nan mais ok, c'est pas grave, me respecte pas, je te dirai rien, je suis que ta meuf après tout, c'est quoi une meuf dans une vie, ma foi pas grand chose, ça fait qu'un an et demi qu'on est ensemble au final, c'est pas si long en fait...
J'avais grave envie de rentrer dans son jeu et de lui faire fermer sa gueule, mais pour une fois, je privilégiai l'indifférence et allumai la télé.
Mais cette grosse forceuse débarqua quelques secondes plus tard dans mon champ de vision, me regardant de haut en bas avec mépris, une main sur la hanche d'un air belliqueux :
– Ah ouais ? Et en plus tu m'ignores ! On m'ignore pas moi monsieur, je suis le centre de l'attention, et je veux que tu me le montres, ok ?
Puis, faisant claquer ses doigts de sa main libre au rythme de ses derniers mots avec un accent de pétasse :
– De toute façon les mecs : Tous. Des. Connards.
Je dus vraiment prendre sur moi pour pas lui faire le plaisir de rire. J'étais pas du genre à me marrer pour rien, mais Maëlle c'était une des seules personnes qui pouvait faire n'importe quoi, ça me faisait mourir de rire.
Vraiment, vous vous rendez pas compte de l'effort que ça demande d'ignorer cette meuf.
Je fus plutôt fier de moi puisqu'un long silence s'ensuivit. Même si elle me cachait la vue, je fixais un point invisible devant moi plutôt que de la regarder.
Je me demandais combien de temps elle allait tenir avant de perdre patience. Si je la perdais pas avant.
Ouais j'avais presque trente ans et elle en avait vingt-cinq, et alors ?
La handballeuse se décala finalement et vint s'installer dans le canapé à côté de moi.
Assez loin au début, puis elle se rapprocha petit à petit, presque imperceptiblement, tandis que je faisais semblant d'être passionné par la pub pour une brosse à dent électrique qui passait sous mes yeux.
– Mikael...
Ah, je savais pas qu'ils avaient changé la pub pour Nutella. En même temps je regardais jamais la télé. Fallait peut-être que je pense à débrancher le câble un jour, ça me servait à rien et je pourrai bouger mon écran où je voudrai.
– Mika ! gueula-t-elle tout en me secouant, et ce coup-ci j'arrivai pas à m'empêcher de ricaner.
Yes ! Victoire pour le joueur Français Deen Burbigo.
– J'aime pas quand tu m'ignores, fit-elle d'un air boudeur.
– Et j'aime pas quand tu me casses les couilles, répliquai-je en me tournant enfin vers elle.
Elle abandonna son air de chien battu pour prendre un air méprisant :
– Vas-y t'es pas drôle comme mec, jamais on peut se battre avec toi.
Elle tarda pas à ricaner, comme pour reconnaître sa mauvaise foi - parce qu'on passait notre temps à s'envoyer des vacheries dans la gueule -, puis elle se laisser tomber pour poser sa tête sur mes cuisses :
– Alalah, j'suis fatiguée, je suis désolée si je suis chiante, soupira-t-elle en passant délicatement ses doigts sur ma barbe.
C'est vrai que depuis qu'elle avait déménagé elle était crevée. Je m'en voulais un peu de lui faire faire autant de trajet, mais elle m'avait assuré plein de fois que ça la dérangeait pas. Enfin non, pardon, elle l'avait pas dit comme ça. « Mais je m'en branle du temps de trajet connard, tant que j'ai un boulot et un appart je suis contente ». La façon Maëlle de dire je t'aime, je suppose.
– C'est bon, on peut débrieffer sur le bum-al maintenant ?
Parce que bon, de base c'était quand même de là qu'était venue sa petite scène.
En grand Seigneur, ce coup-ci je l'avais laissé écouter mon projet deux semaines avant sa sortie. Et je me disais que j'avais bien fait si elle faisait tout un cinéma pour chaque phrase de chaque son.
Les traits de son visage changèrent du tout au tout, et je reconnus son air des moments sérieux :
– Je suis encore moins objective qu'avant parce qu'on est ensemble, alors tout ce que je dirai, c'est que l'attente en valait la peine. Largement la peine. Tu nous as pondu un Romanée-Conti.
– C'est un Grand Cru de chez toi ça, nan ?
– Ouaip !
Fallait que j'arrête d'être fier à chaque fois qu'elle me faisait des compliments ou qu'elle-même était fière de moi. Avant j'en avais pas grand chose à foutre des opinions des autres, alors ça aurait pas dû me faire autant d'effet.
– D'ailleurs... fit-elle en se relevant et en se dirigeant vers le sac de sport qu'elle avait lâchement abandonné avant sa scène. Tada ! s'exclama-t-elle en sortant une bouteille de son sac.
Je fronçai les yeux tandis qu'elle s'approchait, puis lui pris l'objet des mains.
– Bon, c'est une Batard-Montrachet, mais ça reste un Grand Cru.
Mais cette meuf...
Est-ce que j'avais l'air con à sourire fièrement en admirant la bouteille de blanc ? Oui. Est-ce que j'en avais quelque chose à foutre ? Ça faisait longtemps que j'étais plus à ça prêt.
– Putain tu gères, lançai-je. Elle a dû te coûter une blinde nan ?
Ma meuf eut une moue coupable :
– Un peu, mais c'est pas la plus cher... J'en voulais une autre, mais je voulais pas donner satisfaction à un caviste Parisien. J'en rachèterai d'autres chez un ami de Papé pour fêter ça avec le reste de la troupe.
– Franchement c'est pas obligé.
– Bien sûr que si ! Toutes les occasions sont bonnes pour goûter de bonnes bouteilles de chez moi !
Ça se voyait qu'elle avait passé beaucoup trop de temps chez ses arrières-grands-parents quand elle était môme. Henri lui avait transmis le goût du vin. Et franchement, j'allais pas m'en plaindre parce que je kiffais ça aussi.
– Bon on l'ouvre ou la regarde ? l'agressai-je sans aucune raison.
– Parle mieux, fit-elle avant d'aller chercher un tire-bouchon dans la cuisine.
Ce fut quand on goutta notre première gorgée après avoir fait s'entrechoquer nos verres que je me dis qu'elle s'était vraiment pas foutu de ma gueule.
Ouais... En y réfléchissant bien, je m'étais pas dégoté la pire meuf.
[...]
– Tu dis dans un de tes textes : « J'me vois daron dans un futur proche ». Qu'est-ce que ça veut dire ? Que Deen Burbigo n'est plus un cœur à prendre ?
Voilà, j'en étais sûr que ce genre de question allait tomber. Les gens s'intéressaient beaucoup trop à la vie privée des types vite fait dans la lumière. Et encore, je me plaignais mais je m'appelais pas Nekfeu.
Sauf que c'était pas le premier qui me posait la question en interview, donc je savais comment réagir. L'air détaché, toujours sûr de moi, et des réponses vagues.
– Ça veut rien dire du tout, ricanai-je en touillant mon café. Quand je dis ça, c'est surtout avec l'idée que, mine de rien, à trente piges je suis plus proche d'être un daron que de sortir pour la première fois avec une fille. Et puis quand bien même je me voyais vraiment bientôt avec des mômes, ça veut pas dire pour autant que j'ai quelqu'un.
– Je vois, fait-il d'un air suspicieux, pas très convaincu. Mais y'a quand même pas mal de tes sons qui donnent des indices quant à une potentielle femme dans ta vie.
S'il savait ! Jamais j'aurais écrit sur Maëlle, je tenais trop à la vie.
Je me contentai de boire une gorgée de mon café avant de lui adresser un regard énigmatique, tout en continuant à sourire :
– Tous les rappeurs ne disent pas la vérité dans leurs textes. Et puis j'ai quand même mis trois ans à le sortir cet album, il y a beaucoup de choses qui pourraient ne plus être d'actualité.
Le pire c'est que c'était totalement vrai. À chaque fois que je parlais de meufs, c'était pour raconter de vieilles histoires ou des trucs inventés. Allez y'avait peut-être Faut pas t'en faire où je m'étais inspiré des périodes où ma meuf et moi on arrivait pas à se croiser à cause de nos taffs respectifs. Mais j'inventais totalement le côté inquiet de la fille en question, donc au final ça parlait pas du tout de Maëlle.
– Pas de femme dans ta vie donc ? me demanda-t-il comme pour conclure le sujet.
– Pas de femme dans ma vie.
Je ris intérieurement en repensant à la photo que j'avais posté le matin même sur mon compte privé. Ouais, j'avais un compte privé maintenant, je me sentais beaucoup plus libre de poster avec ça. Enfin bref, à part cette photo et la chieuse qui m'attendrait ce soir chez moi, nan j'avais pas de meuf.
L'interview enchaîna sur des sujets un poil plus penché sur le rap, mes influences, mes anciens projets, mon évolution...
Entre deux interviews, je checkai mes notifs, et me marrai en voyant les réactions des gens sur la photo de Maëlle, et encore plus en me rappelant le contexte dans lequel elle avait été pris, quelques jours auparavant. Cette gamine hyperactive et impatiente avait tourné en rond dans l'appart de Stine pendant vingt ans en attendant la Norvégienne qui était à la bourre, pour finalement tester une dizaine de positions improbables sur le canapé de celle-ci, et finir les pattes en l'air. C'était dans ces moments-là que je me demandais ce que je foutais avec elle.
Aimé par ishaneelmans et 76 autres personnes
stineoftedal encore une fois désolée pour mon retard...
tarek_bhied très beau ballon
raph_dupclark très beau mur
nekensoumsoum très beaux coussins
jehkyloneal photographe de talent
maëllescred modèle parfait surtout bande de connards
Boosté par les conneries de nos potes, j'accordai encore deux interview, puis fus libre en début d'après-midi.
Comme souvent, je traînai avec Eff et Jazzy. Puis Maëlle nous rejoignit aux côtés de mon reuf au milieu de la soirée, ce dernier m'agressant d'entrée :
– Eh putain c'est abusé, maintenant c'est ta meuf qui me donne des informations sur ce que tu fais frère. Je passe chez toi comme d'hab', sauf que même pas tu préviens que t'as des rendez-vous. Et bah sache que j'ai passé un bête d'aprèm avec Elma et que c'est devenu mon nouveau reuf.
J'éclatai de rire face à sa petite crise. Putain ce qu'il fallait pas entendre !
– Ah ouais ça s'est passé comment au fait ? demanda Eff tandis que Jehky et Maëlle s'installaient.
– Bah y'a des mecs plus intéressants que d'autres. Genre y'en a qui m'ont vraiment parlé de peu-ra et limite j'avais pas envie de me barrer tellement c'était une discussion qu'on aurait pu avoir entre nous, et d'autres bah ça restait en surface et c'était des questions privées un peu relous.
– Ouais, genre le beau gosse Deen Burbigo a-t-il une petite go ? se moqua Jazzy.
– T'es pas si con que t'en as l'air, lui lançai-je.
– T'as répondu quoi ? jubila Jehk. Ça m'intéresse, fit-il en regardant Maëlle d'un air amusé.
Je le connaissais par cœur, et je savais qu'il espérait que j'ai répondu un truc qui plaise pas à Maëlle pour avoir l'honneur de la voir m'en mettre plein la gueule. Mais elle et moi on avait déjà parlé de tout ça avant.
– Que j'en avais pas, dis-je avant de tej un coussin à la gueule de mon reuf en voyant sa réaction de gamin. Et ta gueule, on en a déjà parlé tous les deux, cherche pas à foutre la merde.
Maëlle lui mit une petite patate dans l'épaule.
– Oh ! C'était pour quoi ça ? se braqua Jehky.
– Je défends mon chum.
Les deux commencèrent à se battre, puis Eff coupa court à leurs conneries :
– Mais en vrai ça te dérange pas Elma ?
Cette dernière secoua négativement la tête :
– Au contraire, je préfère que personne ne soit au courant de mon existence. Vous avez trop de groupies, j'ai la flemme de devoir me coltiner leur jalousie ou leur admiration ou je ne sais quoi encore.
– Ouais mais bon, désolé d'avance de dire ça gros, fit Jazzy, mais t'as pas la meilleure réputation en matière de respect de la femme et d'homme chaste.
– C'est son problème s'il a une réputation de salope, lança Maëlle en rigolant avant que je puisse répondre. Moi je sais que je peux lui faire confiance et c'est le principal. Mais c'est vrai que même si c'est plus le cas depuis un moment, ça te colle un peu à la peau, fit-elle dans une grimace en me regardant.
Je dis rien sur le coup, mais ça me faisait quand même grave plaisir qu'elle arrive à exprimer ça devant nos potes.
Ce fut seulement en rentrant chez nous - putain ça me faisait toujours aussi bizarre de dire ça - qu'on en reparla :
– Ils t'ont pas mis le doute les gars ? vérifiai-je. Ça te va toujours comme version ce que je dis en interview ?
La handballeuse acquiesça avec un sourire confiant en venant entourer ma taille de ses bras, la tête basculée en arrière :
– Ça me va toujours. De toute façon c'est plus ou moins mon idée quand même. Tout ce qui compte c'est ce qu'on montre à notre entourage proche, j'en ai rien à battre que des groupies pensent que t'es libre, tant mieux pour elles, ça leur permettra d'écrire des fanfics. Et toi ? Ça te dérange pas de garder caché ta merveilleuse copine au lieu de la montrer au monde entier ?
Je ricanai en posant mes mains de part et d'autre de son visage :
– Nan ça va, au moins elle m'appartient qu'à moi.
J'eus à peine le temps de finir ma phrase que je me recevais un coup sur le pec. En vrai j'avais cherché, et c'était un peu la réaction que j'attendais.
– Arrête de taper tout le temps là, râlai-je. Que de violence chez une aussi petite personne !
Pas besoin d'être voyant pour savoir que j'allais m'en prendre une deuxième.
Sûrement parce qu'on se connaissait par cœur et qu'elle savait que ça allait pas passer cette fois-ci, Maëlle détalla et effectua une petite série de rebonds telle une boxeuse avant de monter sa garde devant son visage.
Et puisqu'elle avait jamais besoin de me provoquer longtemps pour que j'aille me taper avec elle, je réduisis la distance entre nous, et les coups volèrent dans tous les sens, les cris fusèrent, et le rire de Maëlle raisonna dans tout le quartier lorsque je réussis enfin à la chopper et à la mettre sur mon épaule.
Notre baston se termina au lit, et si j'avais su tout ce qui allait se passer dans les mois à venir, j'aurais sûrement essayé de profiter de chaque manifestation de son hyperactivité, j'aurais admiré son sourire naturel un peu plus longtemps, et j'aurais essayé d'enregistrer son rire.
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