Chapitre 12. « This thing called love, I must get round to it »
Nous étions déjà à la mi-novembre. Voyant toujours le verre plein, je me disais que les vacances de Noël approchaient, et avec ça mon retour chez moi. Enfin. Je n'étais rentrée sur Dijon que quelques weekends et l'idée de pouvoir passer deux semaines entières auprès de ma famille et de mes amis m'enthousiasmait au plus haut point.
Après ma courte matinée de cours, je passai ma journée avec Alexis chez lui dans son canapé, devant Star Wars, blottie contre lui sous une couverture.
Même si j'essayais de me persuader du contraire, je m'étais réellement attachée à lui. Et même si je n'arrivais pas encore à mettre des mots sur mes sentiments, je savais que je ne voulais pas le perdre.
– En fait t'es vraiment une geek, me lança-t-il.
Je le regardai d'un un air boudeur :
– Aimer Star Wars ça fait de personne un ou une geek Monsieur « Elle-est-nulle-à-chier-la-prélogie ».
– Bah quoi c'est vrai, elle est vraiment nulle à chier. T'es la seule personne au monde à l'adorer !
– Alors déjà, je l'adore pas, je l'apprécie parce que c'est le point de départ de pas mal de trucs de la trilogie originale. Par contre ce que j'adore c'est...
J'attendis quelques secondes que le plan de la caméra se fixe sur ce que je voulais démontrer, puis pointai l'écran du doigt :
– LUI ! lâchai-je en montrant Hayden Christensen. Aah c'est vraiment mon crush depuis que je suis petite, dommage que tant de kilomètres nous séparent...
– Ah ouais ? se vexa-t-il.
– De ouf, ça m'aurait évité de rester coincée ici avec toi à le regarder à travers un écran !
Alexis me repoussa puis saisit mes hanches pour me chatouiller. J'essayai de parler, tordue de spasmes :
– Il est quand même carrément plus beau, regarde ces muscles ! dis-je entre deux courbettes pour lui échapper.
Il s'arrêta soudain pour capter mon regard de ses prunelles brunes :
– Mais est-ce que lui il peut faire ça ? dit-il avant de m'embrasser dans le cou.
Mon corps fut parcouru de centaines de frisson, mais je tentai de rester de marbre :
– Je suis sûre que oui, murmurai-je. Appelle-le pour moi et je te tiendrai au courant.
Il me regarda de nouveau dans les yeux avec dans ceux-ci une lueur étrange, appuyé sur son flanc pour ne pas m'écraser :
– Tu me rends fou Maëlle.
Je me sentis rougir. Ses yeux étaient comme deux lasers. Si ça continuait comme ça, je n'allais pas faire long feu.
Il recommença à m'embrasser dans le cou, puis remonta jusqu'à ma mâchoire, ses lèvres se posèrent sur le coin de ma bouche puis prirent la mienne entièrement en otage.
J'eus une étrange sensation au creux du ventre, une sensation qui m'avait été jusqu'alors étrangère.
Mes mains glissèrent sous son T-Shirt et caressèrent sa peau. Je le sentis frissonner et il me regarda encore une fois dans les yeux, me déstabilisant totalement. Il en avait pas marre ? Sa main de posa sur ma joue, caressant mes cheveux de temps à autre :
– Panique pas, mais... Je crois que je t'aime.
Mes yeux s'écarquillèrent.
Merde, il avait l'air vraiment sincère.
Paniques pas Maëlle, paniques pas, t'es pas obligée de lui répondre que toi aussi, t'as encore le temps, c'est un garçon intelligent, il sera pas vexé.
Mais le problème, c'était que je croyais ressentir la même chose.
Et c'était ça le plus effrayant. Le gars m'avait fait chier pendant deux mois, j'avais pris sur moi - me surprenant d'ailleurs moi-même - et ne l'avais pas largué parce que je l'aimais bien, et voilà que maintenant je l'aimais plus que bien.
Bordel de merde j'aurais dû le larguer avant, maintenant c'est trop tard pour retourner en arrière, dans tous les cas ça va faire mal à un moment donné.
Je ne savais pas combien de temps j'étais restée là, sous lui, les yeux comme des soucoupes, sa main faisant des allés-retours entre ma joue et mes cheveux, mais j'estimais que pour lui ça avait duré des siècles.
– T'es pas obligée de me répondre, je voulais juste que tu le sa...
– Je crois que moi aussi ! le coupai-je.
Il arrêta de me caresser la joue, semblant aussi surpris que moi par ma dernière phrase, puis m'embrassa fougueusement. Je m'agrippai à lui et nous quittâmes vite son canapé puisqu'il me porta jusqu'à sa chambre.
Ce n'était pas Hayden Christensen mais il était costaud le garçon !
Sans que je ne m'en aperçoive vraiment, en quelques minutes seulement tous nos vêtements avaient disparu et nous étions sur son lit.
Notre échange n'avait rien à voir avec les précédents. J'avais toujours pris un réel pied avec Alexis mais ce moment-là était entièrement différent de ce que j'avais vécu jusqu'ici.
Je me fis la réflexion que ça devait être ce qu'on ressentait lorsque'on faisait l'amour avec la personne que l'on aimait.
[...]
Après être partie de chez Alexis, j'avais appelé Stine pour lui confier l'évolution de notre relation. Ça faisait du bien d'avoir une copine à qui parler et qui connaissait tout de ma vie actuelle. Je n'avais que des amis du sexe opposé sur Dijon et j'évitais de les embêter avec ce genre d'histoire. Je me confiais un peu à Hugo, qui lui s'intéressait à toutes les facettes de ma vie, mais jamais à Tarek. J'étais sûre qu'il m'aimait beaucoup mais pour lui, m'entendre parler de mes histoires de cœur était comme regarder un épisode de Plus Belle la Vie. Par contre quand c'était le contraire, Monsieur était bien content que sa meilleure amie soit une personne très à l'écoute et pleine de bons conseils.
Je me dirigeai au studio. Les gars avaient une séance aujourd'hui. Je ne savais pas pour quel album ou EP (j'avais abandonné l'idée de comprendre il y avait bien longtemps) ni qui il y aurait, et j'espérais que la plupart d'entre eux y seraient.
– C'est quoi ce sourire niais ? me lança Ken, à peine eus-je dépassé le pas de la porte.
J'étais contente qu'il soit là ce crétin. Après un rapide coup d'œil dans la pièce, je distinguai la présence d'Idriss, Hakim, Théo, et Morgan. Je fus déçue de ne pas voir Antoine et Deen puis repérai finalement ce dernier qui sortait de cabine.
– Elma elle était avec son mec ! lança Moh d'un ton moqueur.
Ah je l'avais pas repéré celui-là.
Je souris de plus belle. Je devais avoir l'air d'une collégienne. Je n'arrivais pas à me débarrasser de ce foutu sourire et ne pouvais pas m'empêcher de repenser à mon après-midi avec Alexis.
Je m'assis sur le canapé en tailleur et cachai ma tête dans mes mains.
– Oh trop mignonne Elma, me dit Ken en s'installant à côté de moi.
Super, j'avais l'air d'une fragile maintenant.
- Redis-moi que je suis mignonne une seule fois et je t'e casse le nez, lui lançai-je crûment, ce qui le fit rire.
Il m'amena brièvement contre lui, les deux mains sur mes épaules et me lâcha.
Puis, abandonnant mon air de guerrière, je le regardai d'un air gêné, la tête posée sur ma main, un sourire coupable sur les lèvres. Je vis dans son regard qu'il avait tout compris.
Tous les gars étaient repartis vaquer à leurs occupations : roulage de pète, fumage de pète, grattage de vers, ou chamailleries d'enfants.
– Je crois que j'ai fait une connerie, lui dis-je toujours avec ce putain de sourire.
Ken sourit en retour d'un air attendris, et continua en parlant assez bas pour que je sois la seule à entendre. Je l'en remerciai intérieurement : Moh aurait été pire que lourd. J'étais d'ailleurs surprise qu'il ait lâché l'affaire aussi vite.
– Nan Princesse, t'as pas fait de connerie, ça se voyait que tu l'aimais vraiment bien. Tu te voilais la face c'est tout.
J'avais abandonnée depuis longtemps de débattre avec lui lorsqu'il m'appelait Princesse. Je lui avais dit que je n'aimais pas mais il m'avait fait comprendre que je n'avais pas mon mot à dire.
Je lui souris comme une enfant, malgré moi, ne sachant quoi répondre. Il m'attira contre lui et je posai ma tête sur son épaule.
– Ça fait plaisir de te voir heureuse en tout cas. Même si t'es la meuf la plus joyeuse du monde en général, là j'sais pas j'suis content de te voir sourire comme une débile.
Je lui frappai gentiment le ventre.
– Par contre s'il te fait du mal j'ai juré je lui casse les deux jambes.
Je rigolai. Je savais qu'il en était capable ce con.
– T'inquiètes, je les lui casserai moi-même. Et tu sais si y'en a un qui va faire du mal à l'autre ce sera sûrement moi. Mais s'il te plait casse moi autre chose que les jambes, j'en ai besoin pour le taf.
– Balec' s'il souffre, c'est toi ma pote, je suis pas censé être objectif. Même si t'es en tord je prendrai ta défense.
Je souris, songeuse cette fois-ci :
– Et dire qu'on a faillit se foutre sur la gueule la première fois qu'on s'est parlé. Devenir pote en s'embrouillant, faut le faire ! Enfoiré de rappeur.
Il rit. Durant cette soirée-là j'avais réellement eu envie de lui en foutre une, et avait occulté tous les pour et les contre de me retrouver dans la bande de Deen, sachant que je devrai me coltiner cette tête à claque à chaque fois. Mais j'étais vraiment contente d'avoir balancé ma fierté à des kilomètres pour la troquer contre des moments comme celui-ci. Et contente qu'il ai balancé la sienne pour venir s'excuser et apprendre à me connaître.
– T'es amoureuse de lui ? me demanda-t-il, plus sérieusement.
Je réfléchis. C'était un grand mot, mais n'ayant jamais ressenti ça avant je me disais que c'était ce qui devait le plus s'en rapprocher.
– Je sais pas... En tout cas ça me fait flipper. Depuis cette après-midi chez lui j'ai l'impression de plus rien maîtriser. Je suis pas une control freak mais ça me déstabilise cette situation. Je sens que c'est pas mon cerveau qui dirige.
Il me regarda, l'air amusé, puis déposa un léger baiser dans mes cheveux :
– Ouaip, la p'tite Maëlle elle est amoureuse.
Je piquai aussitôt un fard. Merde. Je crois qu'il avait raison.
– Sah t'es amoureuse Elma ? s'exclama Moh avant de venir s'installer à côté de moi, en bonne commère qu'il était.
Putain il manquait plus que ça. Maintenant tout le monde dans le studio était au courant grâce à Sneazzy West et sa subtilité légendaire.
Quelques regards s'étaient rapidement tournés vers moi, histoire de voir si ce que Moh disait était vrai, mais les gars se désintéressèrent vite et j'en fus reconnaissante. Deen, qui avait pourtant entendu, fut le seul à respecter un minimum ma vie privée et avait gardé les yeux rivés sur ce qui se passait en cabine. On eut dit qu'il essayait de s'empêcher de regarder dans ma direction et je l'en remerciai intérieurement.
Moh me faisait quand même rire à force, j'aimais beaucoup sa personnalité. C'était un peu le petit frère chiant de la bande. Il me faisait parfois penser à Tarek.
– Qu'est-ce que ça peut te foutre ? lui lançai-je avec un air de défi.
– Bah ça fait chier, moi j'me voyais déjà t'épouser. C'est pas cool ce que tu me fais subir Elma, répondit-il en partant vers le frigo au fond du studio. Tu me brises le cœur ! pleurnicha-t-il.
J'explosai de rire. On aurait dit un vieux soap opera, genre Les Feux de l'Amour.
– Désolée de te faire chier avec ça. Je te prends trop pour ma bestah sista forever, dis-je à Ken en riant.
– Toujours là pour la p'tite reus.
Ouais, enfin « p'tite reus », il fallait pas déconner non plus, j'étais de quatre-vingt-onze et il était de quatre-vingt-dix, mais bon.
– T'as que des potes mecs ? Parce que ça doit être chaud de te confier qu'à des gars.
– Euh... Jusqu'au lycée oui. Après j'ai rencontré ma meilleure pote, Manon, sauf qu'après le lycée elle est partie étudier à Strasbourg du coup on se voit plus trop, expliquai-je. Maintenant j'ai Stine, une fille qui joue dans mon équipe. Mais sinon en général j'ai pas besoin de me confier, et si j'en ai vraiment besoin j'ai Hugo et Raph'.
Nous comparâmes nos relations avec nos frères comme lors de notre discussion sur les quais de Seine, et nous rendîmes compte que nos histoires étaient vraiment similaires. Nous nous fîmes aussi part de toutes nos conneries et parvînmes à la conclusion que nos deux bandes étaient exactement les mêmes mais dans deux villes différentes.
– Ah ouais mais t'es vraiment un bonhomme en fait Elma, conclu-t-il. En te regardant on croirait pas que t'es un putain de voyou !
– Bah ouais mais ça aide pas de grandir dans un quartier comme le nôtre et de traîner qu'avec des gars aussi téméraires que nous, dis-je en parlant pour nous deux.
Nous nous ressemblions vraiment, c'était fou. C'était peut-être aussi pour ça que nous avions faillit nous détester après notre première rencontre ; nous avions tous les deux le sang chaud. En fait Ken, même si j'avais un jumeau, c'était moi au masculin.
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