Chapitre 118. « We don't have to breed »

- Allez, encore un sprint ma belle, m'encouragea Stine. Tu peux le faire.

Je savais que je pouvais le faire. Des semaines que je m'entraînais sans relâche aux côté de ma coéquipière et amie, me dépassant parfois jusqu'à ce que la douleur ne soit trop intense, et j'avais retrouvé encore plus de capacité que je ne l'aurais espéré à ce stade de ma convalescence.

Bien sûr, j'étais loin d'avoir retrouvé le niveau de hand que j'avais avant mon accident, mais j'étais tellement déterminée que ça n'était plus qu'une question de temps.

Depuis deux semaines, j'avais repris les entraînements partiellement, Pablo me donnait des exercices spécialement adaptés pour moi, et je suivais les tactiques de jeu depuis le banc.

Mais depuis quelques jours, je me sentais prête à m'entraîner de nouveau comme avant, et je rêvais du jour où il m'inviterait à le faire. J'étais plus qu'impatiente, et je savais que cela pouvait me rendre désagréable envers les refus de mon entraîneur.

Stine et moi nous élançâmes à toute vitesse au bout du terrain, puis ralentîmes du mieux que nous pûmes pour nous arrêter juste avant la ligne de touche. Nous réussîmes et nous checkâmes.

- Allez les filles, défense en 5-1 maintenant ! cria Pablo depuis le milieu de terrain après avoir soufflé dans son sifflet. Maëlle, sur le banc.

Je me retins de répliquer, l'adolescente immature qui sommeillait en moi ayant envie d'envoyer son entraîneur se faire foutre, et m'exécutai. Putain, je ne savais pas quoi faire pour l'obliger à me faire jouer.

Je regardai distraitement les filles jouer entre elles, mourant d'envie de courir sur le terrain malgré les ordres de Pablo. Mais j'avais appris depuis longtemps que ce n'était pas la bonne méthode à adopter avec lui ; il serait capable de me virer complètement des entraînements jusqu'au mois d'août prochain.

- Tu forces trop Maëlle, me fit mon entraîneur en s'asseyant près de moi après quelques minutes de jeu. Je sais que t'es bientôt prête à reprendre l'entraînement, mais ça sert à rien de te blesser si près du but.

- Je force pas plus que ça !

Pablo allait de nouveau ouvrir la bouche, mais je lui indiquai que je n'avais pas terminé :

- Nan, écoute moi, s'il te plaît. Je me sens vraiment prête, je me suis pas sentie aussi bien depuis des mois. Et je force pas tant que ça. Courir et me muscler ça m'aidera pas à récupérer plus que ça, il faut que je retourne sur le terrain. Je le sens bien là, laisse-moi une chance s'il te plaît. Je te jure que si je reste une semaine de plus à réchauffer le banc je vais péter un plomb...

Mon entraîneur soupira, mais n'eut pas l'air convaincu pour autant. Alors je tournai la tête pour fixer mes yeux sur mes coéquipières avant que l'envie de lui faire manger mes phalanges ne devienne trop forte pour y résister. Pablo se leva puis s'éloigna, et ma jambe gauche commença à tressauter nerveusement.

Sérieusement, je ne disais pas ça pour faire la drama queen. Je savais que si je ne reprenais pas le hand d'ici quelques jours, j'allais réellement péter un fusible. J'avais trop besoin du hand dans ma vie.

Et à ce moment-là, la colère commençant à monter petit à petit, me faisant serrer le poing et tendant tous mes muscles, j'en avais besoin plus que jamais.

Comme quoi, vieillir n'avait pas diminué ma nervosité ni même refroidit mon sang.

La colère monta encore plus lorsque je vis du coin de l'œil Pablo se rasseoir à côté de moi. Il fallait que je bouge avant d'avoir envie de lui sortir des atrocités.

Mais avant que je n'ai eu le temps de bouger un seul orteil, un morceau de tissus bleu fut déposé sur mes cuisses. Je baissai les yeux dessus, puis tournai vivement la tête vers mon entraîneur, un air interrogatif sur le visage.

Sans parler, Pablo m'adressa un sourire encourageant et m'indiqua le terrain d'un geste du menton.

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine, et je fus prise d'un sentiment de soulagement intense, un immense sourire sur le visage :

- T'es sérieux ? lui demandai-je quand même pour être sûre.

Mon entraîneur hocha doucement la tête en souriant, et je bondis sur mes pieds avant de sauter sur place comme une enfant :

- Merci, merci, merci, merci ! m'exclamai-je.

J'étais hystérique, il ne pouvait pas mieux m'arriver aujourd'hui.

J'enfilai la chasuble, et m'élançai sur le terrain en courant avant de checker mes coéquipières, qui m'accueillirent d'un air triomphant.


[...]


- Putain c'est génial !

Je m'arrêtai dans l'encadrement de la porte menant au salon d'Antoine, interpellée par l'exclamation de mon jumeau et l'immense sourire qu'il avait en me regardant.

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandèrent les autres avec un air interrogateur.

Le fait que Raphaël ait déjà compris avant même que je ne puisse ouvrir la bouche alors que j'étais littéralement rentrée dans l'appartement d'Antoine depuis vingt secondes ne me surprit pas. Il me connaissait par cœur, c'était fou.

- Elle va pouvoir rejouer, fit-il d'un air fier sans jamais me lâcher des yeux.

Mes yeux ancrés dans les siens, oubliant presque tout autour de nous et le brouhaha qui avait suivit sa réplique, mon sourire déjà présent depuis longtemps ne fit que s'agrandir, et je lui transmis ma réponse par le regard : oui, j'avais pu rejouer.

Il n'en fallut pas plus à Raphaël pour bondir sur ses pieds avant de venir me prendre dans ses bras et de me faire tournoyer dans le peu d'espace qu'offrait la pièce :

- Putain, Mel, j'suis trop fier de toi, s'exclama-t-il.

- Tu savais et t'as rien dit ?

Mon regard se posa sur un Louis mi-accusateur mi-amusé, regardant Stine qui, elle, leva les yeux au ciel d'un air innocent :

- Sannsynligvis...

- Elle a dit quoi là ? souffla Alpha.

- « Probablement », fis-je avant de m'asseoir sur les genoux de mon frère.

En face de moi, Deen m'adressa un clin d'œil, un sourire fier sur son visage fatigué par trop de nuits en studio.

- Traîtresse, lui lança Moh en même temps de lui jeter une chips qu'elle rattrapa au vol.

- Traîtresse ou pas, elle fait toujours du hand, se moqua Louis, l'air désespéré par le geste de son ami.

Je laissai les garçons à leur petite querelle et rejoignis Antoine dans la cuisine, que je n'avais pas vu depuis beaucoup trop longtemps. Ça me faisait d'ailleurs bizarre de remettre les pieds dans son appartement.

Le manager était en train de passer un coup de fil et semblait le terminer lorsque je le rejoignis.

- Yo Elma.

- Yo Flav. Arrête de taffer Flav. Tu vas faire un burn out Flav.

- Jamais avec ce taff, je kiffe trop ce que je fais, fit-il avant de s'asseoir sur le plan de travail. Et en plus c'était même pas le taff.

- Oh, lançai-je d'un air moqueur en faisant danser mes sourcils avant de m'asseoir à côté de lui. C'était une personne du sexe opposé.

Antoine ricana et ne démentit pas :

- C'était totalement ça.

- Oh, fis-je une nouvelle fois, ce qui déclencha un nouveau ricanement chez mon ami. Et c'est quelque chose de sérieux ?

- On peut dire que c'est ma meuf, ouais.

J'écarquillai les yeux :

- Et tu m'as même pas prévenue ? m'indignai-je. Ça fait combien de temps ?

- Ça fait deux mois à peu près. Et nan, je me voyais pas t'appeler en disant « Wesh Elma, ça fait quatre mois qu'on s'est pas vu, mais j'ai une meuf. Voilà, allez, salut ! »

- C'est vrai qu'on s'est pas vu depuis grave longtemps, soupirai-je tristement.

Nous étions si proches deux ans en arrière, nos travail respectifs nous avaient pris tout notre temps.

Antoine passa son bras autour de mes épaules et m'attira brièvement contre lui :

- T'inquiètes, t'es toujours ma guerrière préférée.

- J'espère bien !

Il ricana de nouveau puis laissa planer un léger silence.

- Et toi avec Bigo ? reprit-il.

- Quoi avec Bigo ?

- Bah vous en êtes où ? C'est quand le mariage et les enfants ?

Sa question me fit rire : s'il savait !

- Je rigole pas Elma en vrai, me dit-il avec un sourire. C'est sûr que vous allez rester ensemble encore un bon moment, je le sens. Alors en vrai, moi je dis dans deux ans vous avez un gosse.

- Tu me laisses pas beaucoup de temps !

- Nan mais en vrai, t'en veux pas ?

Je ne répondis pas, me demandant si je devais lui en parler ou pas. Mais c'était Antoine après tout, et je lui confiais beaucoup de choses avant.

- Je pense que si, mais comme j'ai pas eu de mère pendant longtemps, je pense que je saurai pas faire. Et puis je suis beaucoup trop jeune, vraiment. J'ai envie de faire beaucoup de choses avant de devoir m'occuper d'un marmot h24 pendant dix-huit piges.

- Vu comme ça, ricana-t-il.

Je parvins ensuite à faire dévier le sujet, et Antoine et moi parlâmes de son travail à Panenka et de ses poulains les artistes avant de retourner dans le salon, moi accrochée à son bras. Ça me faisait un bien fou de le retrouver ; il faisait partie de mes personnes préférées sur cette planète.

J'eus à peine le temps de m'installer que mon téléphone vibra dans ma poche, affichant le numéro de Tarek. Ça tombait bien tiens !

Je décrochai, toute excitée à l'idée d'annoncer mon retour sur les terrains à mon meilleur ami :

- Allô mon rebeu préféré ?

Sur le canapé, Moh me lança un regard plein de jugement avant de se laisser tomber sur le dossier, la main sur son cœur.

- Maëlle, je suis dans la merde.

Mon cœur rata aussitôt un battement. Le ton de Tarek ne laissait aucun doute quant à sa détresse, et il m'avait appelé Maëlle.

Il ne m'appelait jamais Maëlle.

Mon visage dut s'assombrir puisque Raphaël me lança un regard interrogateur depuis le canapé. J'haussai les épaules pour seule réponse avant de dire à mon ami d'attendre quelques secondes, et décidai d'aller continuer mon appel dans la rue.

- C'est bon, annonçai-je. Qu'est-ce qui va pas ? Tu me fais peur.

- Tu vas me démonter la gueule Clarkson... S'il te plaît promets-moi que tu vas pas me démonter la gueule.

Mon cœur battait de plus en plus vite. S'il avait recommencé ses conneries et qu'il s'était une nouvelle fois mis en danger...

- Je te promets rien du tout. Tu parles et on verra après.

- Ok, soupira-t-il. Bah assis toi au moins, et casse rien.

Je me retins de ne pas lui lancer une réplique cinglante pour lui faire payer le suspense qu'il m'imposait. J'allais finir par faire une syncope à force de m'occuper de cet imbécile.

Deen et Raphaël débarquèrent au moment où je m'asseyais, et se postèrent devant moi, m'interrogeant toujours du regard. Comme plus tôt, j'haussai les épaules, n'étant toujours pas plus avancée.

- C'est bon, accouche maintenant, dis-je avec autorité.

Tarek souffla dans le combiné :

- J'ai mis Sanya enceinte.

- T'AS QUOI ?

Mon frère et mon copain sursautèrent et, surprise par ma propre réaction, je plaquai ma main sur ma bouche.

- Ouais, et apparemment ça remonte à environ trois mois.

Je restai silencieuse quelques secondes, me prenant la tête dans la main. Putain mais quel boulet.

- Donc maintenant vous avez plus le choix, lançai-je après au moins une longue minute de réflexion.

Ce n'était pas une question, je constatai seulement. Quoi qu'il advienne, Tarek serait père.

Parce qu'il connaissait le passé d'Hugo, qui avait grandi sans figure paternelle. Parce qu'il connaissait Ali, qui avait été abandonné par ses deux parents. Et parce qu'il nous connaissait, nous qui rêvions tous les jours d'avoir notre mère à nos côtés.

- Putain nan...

Tarek sembla seulement réaliser ce que cette révélation allait engendrer.

Putain mais quel boulet !

- Il va falloir que t'assumes.

- Putain oui...

- T'as vingt-cinq ans, c'est pas trop jeune encore...

- Nan mais je comptais pas avoir de gosse avant au moins dix piges ! J'ai pas un taffe de ouf non plus ! Putain je suis dans la merde...

- Tarek, arrête de paniquer, vous allez vous en sortir. J'ai envie de te démonter la gueule, mais crois-moi quand je te dis que tu peux le faire. Elle en pense quoi Sanya ?

Deen et Raphaël, jusque là perdus face à ma conversation avec Tarek, se regardèrent en écarquillant les yeux tous les deux, semblant enfin comprendre ce qui se passait.

- Putain le con, fit catégoriquement mon frère en se prenant la tête dans les mains.

- C'était ton reuf ? demanda Tarek.

- Ouais, je te mets sur haut parleur.

- Wesh Duprés, fit Tarek d'un ton coupable.

- T'es vraiment le roi des cons Bouhied.

- Je sais...

- Bon, t'as pas répondu à ma question, les coupai-je. Sanya, elle en dit quoi ?

- Elle veut pas le garder je crois...

- Mais c'est trop tard pour ça, m'exclamai-je, regardant Deen en fronçant les sourcils comme s'il pouvait m'apporter une réponse. Nan ?

- Ouais, mais pas pour le foutre à la DDASS.

Mes yeux s'écarquillèrent en même temps que ceux de Deen.

- Vous allez pas faire ça, kho ? demanda ce-dernier.

- Je sais pas... C'était qui ? demanda subitement Tarek avec surprise.

- Deen, fit mon frère.

- Ah... Wesh Castelle.

- T'as pas répondu, lui dit mon copain.

Tarek sembla soupirer, et je pouvais l'imaginer se frotter le visage avec fébrilité d'ici.

- Je sais pas les gars, je sais pas... J'suis archi perdu. J'peux pas élever un môme, je suis encore un môme ! Et Sanya a pas l'air de vouloir changer d'avis. J'étais pas chaud à élever un gosse à deux, mais alors tout seul ! Nan c'est mort, je peux pas faire ça, sembla-t-il réaliser avec panique.

- Tarek, oh, écoute-moi, lui dis-je doucement, ne supportant pas de le savoir dans un tel état loin de moi. Arrête de trop réfléchir. De toute façon, c'est trop tard pour qu'il naisse pas. Mais vous avez au moins six mois devant vous encore. Vous avez le temps de réfléchir et d'en discuter. Sanya elle doit paniquer tout autant que toi, c'est sûrement pour ça qu'elle a réagit de cette façon.

- Ouais gros, continua Raphaël. En vrai, arrête d'y réfléchir pour le moment. Va voir Hugo, parle-lui et calme toi. Une fois que tu seras redescendu, parle avec Sanya. Comme dit Mel, elle doit autant flipper que toi, faut que tu la rassures.

- C'est vrai, souffla notre frère. Putain vous saoulez à toujours avoir raison.

Mon jumeau et moi nous jetâmes un regard complice en rigolant doucement.

- Je m'y suis toujours pas fait, lança Deen, ce qui fit eut le mérite de faire ricaner Tarek.

Il s'éclipsa ensuite dans l'immeuble, se doutant sûrement que la discussion allait devenir plus personnelle.

- Je flippe, vous imaginez même pas, soupira notre ami d'une petite voix.

- Je sais, fis-je.

- T'as cherché, fit Raphaël en même temps que moi.

Je lui assénai un léger coup de poing dans le bras.

- Aïe. Nan je rigole, dit-il plus doucement. Je sais que tu vas prendre la bonne décision gros. En vrai je me fais pas de soucis pour toi, tu devrais pas t'en faire non plus. Tu sais qu'on sera toujours là pour toi de toute façon.

- Ouais je sais...

- Va voir Hugo, lui conseillai-je de nouveau. Tu sais qu'il est toujours de bon conseil.

- Hmm. Merci les gars, vous êtes les meilleurs.

- On sait.

Mon jumeau et moi rîmes après nous être regardé d'un air complice, ayant prononcé ces deux mots en même temps. Je pus aussi entendre Tarek ricaner.

- Bon allez, je vais aller me faire défoncer chez Moingeon, fit-il d'un air résigné. À plus la zone. S'il m'a pas tué. Remarque, ça réglerait mes problèmes du coup.

Mon frère et mon rigolâmes face à son ton désespéré.

- À plus, fîmes une nouvelle fois en même temps, puis toute seule : Et Tarek, te fais pas de soucis, j'ai confiance en toi, je sais que tu vas gérer.

- Cimer la reus.

Sur ces mots, il raccrocha, et mon frère jumeau et moi nous regardâmes droit dans les yeux, repassant notre discussion dans nos têtes.

Je savais que Tarek allait prendre la bonne décision. Même s'il flippait comme jamais, il n'abandonnerait jamais son enfant, je n'y croyais pas une seule seconde.

Tout ce qu'il nous restait à espérer était que Sanya soit du même avis que lui, et qu'ils parviennent à élever leur bébé dans les meilleures conditions possibles.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top