Chapitre 112. « Quand j'dis: "Tout va bien" je mens »

– Nan nan t'inquiètes, il pose le refrain pour ce ceaumor, et après c'est bon, au pire nous on pourra finir à Paname. Il nous reste du temps t'façon nan ?

Je savais qu'En'Zoo avait un truc urgent à faire et qu'il devait pas tarder à bouger, mais il fallait vraiment que Nemir puisse me faire le refrain. Alors ouais, j'étais peut-être un forceur mais je voulais profiter un max de mon séjour à Perpi, surtout que j'avais prévu de rentrer le lendemain.

En plus avec le talent de Nemir, ça allait pas prendre max de temps.

– Vas-y c'est bon, mais dans une demie heure je suis partis moi les gars.

Je me levai pour checker Enzo comme seule réponse, et Nemir se dirigea en cabine pour laisser exploser son talent. Bordel ce mec avait une voix, je m'y faisait jamais... Je kiffais taffer avec lui.

Ici, pas de dance

Lève ton majeur haut, haut, haut, freedom

Pas de, pas de best

Pas de mentor, oh oh oh, freedom

À ceux qui parlent et s'excitent

Dis-leur que j'suis haut, haut, haut, freedom

Dis-leur que j'suis haut, haut, haut, freedom

Mec au microphone, freedom.

Nemir retira le casque d'une de ses oreilles puis nous examina du regard :

– Ça te va mec ?

– Niquel ! On la refait juste une fois histoire d'être sûrs, mais je pense qu'on va la garder.

Il nous fallut largement moins d'une demie heure pour enregistrer son refrain, de toute façon c'était couru d'avance. Limite je me tâtais à enregistrer tout l'album avec lui.

On sortit donc du studio aux alentours de minuit, les idées confuses à cause de l'aqua, accompagnés de mon reuf. On décida vite de pas rentrer et d'aller se poser dans un bar avec quelques gars à Nemir, et deux-trois meufs. 

Ça faisait du bien de retrouver des sudistes. C'était pas vraiment dans le même coin que chez nous, mais c'était quand même une autre mentalité que celle de Paname. Avec Jehky on avait à peine mis une heure à retrouver notre accent.

Comme bien souvent, on parla rap et musique en général et - belle gueule oblige -, une nana de l'entourage de Nemir me fit du rentre-dedans la moitié de la soirée malgré la distance que j'essayais de laisser entre nous.

Bon ok, peut-être que j'essayais pas assez, j'aimais bien sentir que je plaisais. Mais j'aurais jamais laissé croire qu'elle aurait une ouverture et encore moins laissé les choses déraper. Qu'on le croit ou non, j'avais quand même changé ces dernières années. Mais bon, je restais un mec.

Ce fut seulement quand, durant une discussion sur les futurs projets des mecs de nos entourages je sentis une main glisser délicatement sur ma cuisse, que je décidai d'être plus ferme :

– Meuf, retire ta main, y'aura rien entre toi et moi, fis-je assez fort pour qu'elle soit la seule à m'entendre.

Elle détourna vivement ses yeux de biche, l'air gêné, puis fit comme si de rien n'était.  

En vrai elle avait pas l'air méchante, je savais qu'elle se respectait, en plus c'était une pote de Nemir. Donc je me sentis un peu mal à l'aise de l'avoir rembarré aussi sèchement :

– Désolé, fis-je plus doucement. C'est de ma faute, j'ai dû te laisser croire des trucs, mais j'ai une meuf.

La jeune femme m'adressa un léger sourire et parut se détendre. 

– Ah oui au fait frérot j'ai pas eu l'occasion de te demander, commença Nemir. Comment elle va ta femme ? 

« Ta femme ». Si Maëlle entendait ça...

– Ça va mieux, cimer de demander mec. Ça fait à peu près un mois qu'elle est sortie du centre de convalescence, on lui a enlevé ses plâtres, elle boite presque plus. Elle a encore mal de temps en temps à cause du froid mais sinon elle a la patate.

Enfin en tout cas, c'était ce qu'elle soutenait à tout le monde. Et je crois que c'était vraiment le cas, elle était refaite de pouvoir de nouveau marcher toute seule.

Le seul truc qui m'inquiétait toujours depuis qu'elle s'était réveillée c'était qu'elle voulait pas aller voir de psy. Parce que ni sa mif ni moi perdions de vue que son accident avait été en partie causé par les démons de son passé. Mais bon, on allait pas forcer une tête de mule pareille à faire quelque chose qu'elle voulait pas.

On se voyait plus trop en ce moment d'ailleurs. Enfin, on évitait juste de trop vivre ensemble pour l'instant. Parce que c'était mieux pour notre santé mentale à tous les deux : elle en avait marre de m'avoir sur le dos, et moi je pouvais pas m'empêcher de m'énerver quand je la voyais faire des conneries alors qu'elle était encore techniquement en convalescence. Sauf que des conneries elle en fasait h24. Alors moins j'en savais, mieux je me portais ; si elle se cassait la gueule d'une chaise la prochaine fois qu'elle voudrait chopper un truc dans son putain de placard sans demander d'aide, ça lui servirait de leçon.

– T'as dû avoir la peur de ta vie, fit le perpignanais le ton plein d'empathie, me sortant de mes pensées.

– Oh nan, j'ai juste eu une petite frayeur, lançai-je avec ironie avant de redevenir sérieux : Ouais nan, en vrai on a tous flippé notre race, fis-je en jetant un œil à mon reuf.

– C'est une putain de galère, lança ce dernier, je lui en veux toujours parce que maintenant elle sait que je m'en bats pas les couilles de sa race.

On le savait tous déjà avant son accident mais bon...

– En tout cas ça a l'air d'être une battante ! s'exclama Nemir avec admiration.

Il avait même pas idée...


[...]


Après une semaine passé dans le Sud, je posai mes sacs chez moi, pestant contre la SNCF et sa ponctualité légendaire. Putain j'avais payé mon billet une blinde, tout ça pour que mon train ai deux putains d'heure de retard. 

Je m'installai donc sur mon balcon pour me fumer un spliff histoire de redescendre avant d'aller voir ma meuf.

Normalement elle finissait à trois heures le jeudi, et comme elle avait pas entraînement, elle devait déjà être chez elle. J'aurais pu lui demander mais je préférais débarquer sans prévenir, j'aimais trop ses réactions quand elle était surprise ; généralement elle oubliait qu'elle était une femme forte et indépendante, et elle me sautait dans les bras comme une adolescente. Après ça je pouvais la charrier.

Mais contrairement à ce que j'avais anticipé, j'eus pas du tout l'accueil que je m'étais imaginé quand je débarquai dans son salon.

Déjà, pas de Maëlle à l'horizon.

Par terre, un bordel pas possible : ses deux sacs de sports en vrac, une dizaine de maillots éparpillés sur le sol, des shorts un peu partout, deux-trois ballons à différents endroits de la pièce, deux paires des pompes de hand contre un mur, un petit tapis de sport étendu près du canapé et des bandes élastiques sur sa table basse.

Visiblement, elle avait pas fini son petit ménage de printemps.

– Mel ?

Pas de réponse. 

Je me dirigeai donc naturellement vers sa chambre et la trouvai allongée sur le ventre, ses écouteurs dans les oreilles, habillée d'un legging noir et d'un maillot de son ancienne équipe de Norvège.

Un sourire malicieux sur les lèvres, je m'approchai doucement du lit avant de me jeter à côté d'elle.

Encore une fois, elle n'eut pas la réaction que j'attendais. J'étais quasi sûr qu'elle aurait sursauté avant de me flanquer deux-trois coups de poings, mais là elle se tourna juste vers moi d'une lenteur accablante, plissa les yeux, puis m'adressa un léger sourire tout en enlevant doucement ses écouteurs.

Elle était clairement pas dans son état normal.

– Ça va ? tentai-je d'un ton à la fois méfiant et inquiet.

Ma meuf hocha doucement la tête en me souriant avant de se redresser pour déposer ses lèvres contre les miennes :

– Super et toi ? C'était comme ta semaine ?

Je décidai de pas commencer mon interrogatoire maintenant et, remarquant que je fronçais les sourcils depuis qu'elle s'était tournée vers moi, je repris un air normal avant de lui répondre :

– Niquel, Nemir a pu poser sur un morceau du coup je suis refait, j'ai plus qu'à poser mes couplets. Et puis sinon on a plus passé de temps à sortir qu'autre chose quoi.

– T'as eu le temps de voir Ishane ? 

– Ouais, vite fait. Il avait sa môme cette semaine d'ailleurs, elle m'avait grave manqué.

Maëlle fronça les sourcils :

– Il a réussi à avoir la garde alternée ?

– Nan, pas encore, mais du fait qu'il ai trouvé un taff fixe et qu'il va bientôt taffer pour notre label, son ex lui accorde quelques tests. Et il lui prouve bien qu'il est archi responsable.

Un petit sourire bienveillant se dessina sur le visage de ma meuf, étirant ses yeux de sorte à ce qu'ils soient quasiment fermés. Elle soutenait limite plus Ishane que moi par moment, ça me faisait archi plaisir. Mais là j'arrivais pas à être content en voyant son petit air fier. Parce qu'elle était défoncée, ça se voyait.

En douceur Deen, mets pas les pieds dans le plat :

– Et toi ta semaine ?

La handballeuse se laisser retomber en arrière sur le lit en soupirant :

– Oh bah sûrement moins bien que la tienne. Je suis allée en cours, je suis allée en cours, et... Oh ! Je suis allée en cours. Et puis j'ai pas réussi à trouver de mec avec qui partager mes soirées quoi. Mais du moment que tu t'es bien amusé c'est le principal, ricana-t-elle.

Ok, elle avait pas fumé qu'un seul bédo.

– De quoi tu me parles ? 

Maëlle se redressa d'un air blasé en levant les yeux au ciel :

– J'ai juste vu les stories d'Henry, mais t'inquiètes je t'en veux pas, j'aurais fait pareil si je m'étais retrouvé avec une meuf comme moi sur les bras.

Sur ces mots, elle se leva du lit avec autant de difficulté que si elle pesait cent-dix kilos, tenta de se stabiliser en s'aidant de la table de nuit, puis elle marcha lentement en direction du salon.

Les stories de Jehkyl ? Ok on m'y voyait me marrer avec les potes de Nemir, mais on me voyait pas les pécho non plus. Il fallait vraiment que je comprenne ce qui lui arrivait, c'était pas son genre de péter des câbles pour si peu. Et ce qui m'inquiétait le plus, c'était qu'elle pétait même pas de câble, elle était beaucoup trop calme.

– Mel, t'as fumé combien de bédo ? lui demandai-je d'un ton menaçant en la suivant dans le salon où elle était en train de ranger son bordel avec la même lenteur qu'un paresseux.

– Je sais plus... Deux ? Trois ? Faut aller voir le cendar' dans la cuisine...

Elle parlait d'un ton aussi détaché que si la discussion portait sur la pluie et le beau temps. Je commençais à sentir une légère vague de colère s'emparer de moi : elle était pire qu'une gosse sérieux, on pouvait pas la laisser deux secondes toute seule.

– Et pourquoi t'as fait ça ? Je croyais que tu fumais plus toute seule.

– Et ben parce que j'avais envie de fumer mais que j'avais justement personne avec qui le faire. Le S-Croums est en tournée, les gars et toi vous êtes sur vos projets, Bouhied et Moingeon sont pas là, mon frère a trop de taff. Stine joue au hand, Lissou et Juju travaillent... Fallait que je m'occupe.

J'avais envie de la secouer à l'entendre parler d'un ton aussi jovial et détendu. Limite elle blaguait.

– Et puis j'avoue, j'avais un peu mal aussi, fit-elle. J'ai fait genre cinq minutes de muscu et ça a suffit pour que mes putains de muscles se rebellent. Je voulais aller courir, bah c'est mort, ricana-t-elle.

– Putain t'as fait du sport ? Bordel mais faut faire quoi pour que tu restes tranquille ? Faut te surveiller h24 comme un gosse ?

– Roh ça va, t'inquiètes... J'ai pas pu faire plus de sport que ça, je suis devenue une putain d'handicapée t'rappelles ? Je pense que ça t'as pas échappé, commença-t-elle à rire. Au lit tu prends beaucoup moins ton pied qu'avant. T'as eu raison de t'amuser à Perpignan, ça a dû te changer de ta meuf fracassée.

Qu'on me dise ce qui me retenait de me barrer de son appart en claquant la porte derrière moi.

– C'est bon, t'as fini ton speech ? Je suis censé pleurer sur ton sort avec toi c'est ça ? C'est la partie où je te rassure en disant qu'il s'est rien passé avec ces meufs ? 

– Ça c'est toi qui le dit, marmonna-t-elle en pliant un maillot, les yeux dans le vide.

– Pardon ? 

Ma voix avait eu l'effet d'un coup de fouet dans la pièce. La handballeuse tourna vivement la tête vers moi, une lueur nouvelle dans les yeux, avant de se lever vers moi. Elle avait l'air... Dégoûtée et en colère.

– Arrête, c'est bon, je sais bien que t'as pas pu t'en empêcher. Et franchement, je crois que je t'en veux même pas d'aller chercher ailleurs ce que moi je peux pas t'apporter. Mais me mens pas putain, je te connais par cœur et je sais que ça a été trop tentant pour ton minuscule self-control. Mettez des seins et un bon cul devant Deen Burbigo et il devient un animal.

– Ok c'est bon j'en ai assez entendu, fis-je en tournant les talons. Rappelle-moi quand t'auras fini ta crise d'hystérie.

Il fallait vraiment que je me barre avant de perdre mon sang froid, je reconnaissais pas ma meuf là.

– C'est ça barre toi, va retrouver tes putes.

Je m'arrêtai sur le pas de la porte, à deux doigts de me retourner pour rentrer dans son jeu et commencer une vraie embrouille. Mais je la connaissais par cœur et même si la raison pour laquelle elle faisait ça m'échappait, je savais que c'était exactement ce qu'elle attendait de moi.

Je me dépêchai donc de franchir le palier et de claquer la porte derrière moi, avant de m'arrêter en fermant les yeux lorsqu'un bruit de verre cassé retentit dans la pièce que je venais de quitter.

Putain. Elle allait m'avoir.

À la base, je m'étais dit que j'allais juste attendre dans le couloir qu'elle se calme parce qu'on s'était promis de plus se quitter fâchés. Mais après quelques secondes d'hésitation, je me décidai finalement à ouvrir de nouveau la porte.

La pièce était toujours en bordel, si ce n'était un peu plus maintenant que du verre était éparpillé par terre : je ne tardai pas à comprendre qu'un ballon de hand avait dû traverser la pièce et que ce dont j'avais été témoin quelques minutes plus tôt était pas du tout un ménage de printemps mais plutôt un pétage de câble.

Au milieu des fringues éparpillées et du verre, Maëlle était agenouillée par terre, en pleurs. Mon cœur se serra bien trop violemment dans ma poitrine face à cette vision peu habituelle. Sérieux, je détestais quand elle chialait, c'était un des pires trucs.

Soupirant, je me dirigeai lentement vers ma meuf avant d'essayer de la prendre dans mes bras mais elle se dégagea bien vite :

– Me touche pas, souffla-t-elle faiblement entre deux sanglots.

Il allait en falloir plus pour que je t'obéisse ma belle. 

Je réitérai donc mon geste, avec plus de force cette fois-ci, et la bloquai contre moi. Après plusieurs secondes de résistance et à bout de force, je senti les muscles de la handballeuse se détendre un à un et je pus enfin relâcher peu à peu mon emprise autour de son corps pour me contenter de caresser ses cheveux, l'autre main toujours agrippée à son sweat :

– Je suis là, ça va aller, lui murmurai-je.

– Tu devrais pas être là, sanglota-t-elle. Je suis devenue nulle, je suis même pas foutue de faire dix squats sans tomber d'épuisement ou de douleur, je retrouverai jamais mon niveau de hand. C'est le seul truc que je sais bien faire, je vaux rien sinon. T'as d'autres choses à foutre que de te traîner un boulet comme moi. Et je sais qu'au fil des mois tu vas te désintéresser de moi parce que j'aurai plus aucun intérêt. Je serai jamais championne du monde putain. Et regarde comme je suis pitoyable, je suis encore en train de chialer comme une merde alors qu'avant j'étais super forte. Je suis plus rien Mika...

Je la laissai sangloter pendant encore quelques minutes, laissant seulement mon étreinte l'apaiser. 

J'arrivais pas à croire que son accident avait eu raison de son mental à ce point.

– J'ai jamais entendu une aussi grosse connerie, fis-je finalement. Pourtant je suis habitué avec toi, mais là... Putain je sais pas d'où tu sors ça.

Lentement, j'écartai la handballeuse de moi et pris son visage entre mes mains pour aligner ses yeux larmoyants avec les miens. 

– Regarde-moi, lui ordonnai-je alors que ses iris regardaient un point invisible au plafond pour retenir ses larmes.

Un sourire encourageant se dessina sur mon visage lorsque je pus enfin apercevoir sa petite tache bleue :

– La handballeuse ça fait partit de Maëlle, mais Maëlle c'est tellement plus que ça. C'est pas tout ce que tu sais faire. Je sais qu'on se complimente jamais et que je te l'ai sûrement jamais dit, mais putain, t'es belle, t'es drôle, t'es un putain de génie, t'es bienveillante, t'es une battante... J'ai jamais connu un être humain aussi beau que toi. Je préfère mille fois une meuf avec ton physique et avec quelques séquelles que celles que t'as vu sur les snap. Et putain Maëlle, s'il te plait, bats toi. Parce que je sais que tu peux revenir à ton meilleur niveau. Il faut juste que tu sois patiente, là c'est beaucoup trop tôt. Pars du principe que tu finiras pas cette saison, c'est mort. Mais en août, à force de persévérer, c'est sûr que tu pourras retourner à l'entraînement. Stine et moi on t'entraînera, on te lâchera pas. Et si ça fonctionne pas pour toi, tant pis. Que tu sois triple championne du monde ou prof d'anglais ça change rien pour moi. Parce que je suis pas tombé amoureux de la handballeuse, je suis tombé amoureux de Maëlle Duprés-Clarkson. Et tu pourras rien faire pour changer ça. Je te lâcherai pas Mel, jamais. Alors tu peux me repousser tant que tu veux, tu peux me balancer les pires atrocités que ton cerveau détraqué puisse trouver, mais je reviendrai quand même. Parce que je t'aime, et parce que tu m'aimes, et parce qu'on est beaucoup plus ravagés quand on est pas ensemble.

À peine eus-je terminé mon monologue que la handballeuse fondit de nouveau en larme, enroulant ses bras autour de mon cou et blottissant son visage dans mon bomber.

On resta comme ça au moins cinq minutes, et je lui tins même pas rigueur de ses larmes. Elle en avait besoin, et j'étais mille fois plus rassuré de voir une manifestation physique de son mal-être que de rien capter parce qu'elle cachait tout.

– J'en ai marre de pleurer, déclara-t-elle finalement en se détachant de moi, ricanant et reniflant.

Je ne pus m'empêcher de sourire face à sa gueule, et déposai un baiser sur son front tout en replaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille :

– Tu pisseras moins ce soir.

Elle se marra de nouveau avant de regarder les bouts de verres étalés par terre tout en se mouchant :

– C'est con, je l'aimais bien cette tasse, je l'avais volée à mon prof de littérature...

Ce fut à mon tour de me marrer, content de retrouver ma meuf. Mais après quelques secondes de silence, je redevins sérieux en prenant compte de l'ampleur des dégâts dans la pièce et sur la handballeuse :

– Mel, tu veux bien faire un truc pour moi ? demandai-je doucement mais avec fermeté.

Elle hocha doucement la tête, l'air résignée :

– Oui, j'irai voir un psy, je veux plus que vous vous inquiétiez pour moi.

Putain enfin... Elle devait s'être rendue compte de l'enfer qu'elle faisait vivre à son jumeau. Le gars me parlait tous les jours de sa reus.

« Merci » fut tout ce que je trouvai à lui dire, vraiment soulagée de me dire qu'elle pourrait peut-être enfin avancer, aussi bien au niveau de l'acceptation de son accident et de ses séquelles qu'au niveau de sa peur de la mort. 

D'un coup, je me sentais beaucoup plus léger, et je retrouvai un peu d'espoir quant à l'avenir : j'étais persuadé que tout ne pourrait aller que mieux maintenant. Et bordel, elle méritait plus que personne d'aller mieux.

La handballeuse posa délicatement sa main sur ma joue, me faisant sortir de mes pensées :

– Je t'aime, Mika.

Moi aussi putain, tellement.

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