Chapitre 109. « J'ai pas peur de la mort, j'ai peur de l'agonie »

J'ai à peine eu le temps de me dire qu'il fallait que je vous remercie pour les 80 000 lectures qu'il y en a déjà 83 000. Merci beaucoup, vous êtes incroyables !

J'ai une petite annonce. Il est possible que j'ai réfléchis à écrire une suite de Jim Morrison. Je dis bien possible ! Nan, en vrai c'est presque sûr que je la fasse, mais j'ai pas encore trop d'idées.

Mais j'ai une autre annonce un peu plus concrète : je sais déjà que j'aurai énormément de mal à quitter mes personnages, alors je vais sûrement écrire un autre « livre » (appelez ça comme vous voulez), où je publierai des bonus. J'en ai déjà pas mal en tête. Genre beaucoup. Par exemple des événements vus par Alice ou alors quelques chapitres sur son histoire avec Ken. J'ai prévu de montrer quelques aventure des dijonnais quand ils étaient petits ou au collège. Et pas mal d'autres idées.

Mais je voudrais aussi que vous y participiez. Après c'est comme vous voulez, mais je voudrais vous faire plaisir en vous demandant quels bonus vous vouliez que j'écrive. Ça peut aussi bien être une fin alternative, ou un événement d'un point de vue d'un autre personnage, ou une scène que vous auriez bien aimé qui se passe... Et pour les plus motivés d'entre vous, je serais même prête à vous laisser écrire des bonus et me les envoyer pour que je les publie. Je sais pas du tout si ça vous paraît une bonne idée, en tout cas moi je trouvais ça sympa, parce que si Deen et Maëlle sont toujours là au bout de 109 chapitres, c'est grâce à vous.

Bref, merci à celles et ceux qui ont eu le courage de lire tout ça. Bisous ! ❤

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T'as pas mal, t'as pas mal, t'as pas mal, t'as pas mal.

Voilà la phrase que je me répétais nuit et jour comme un mantra alors que des décharges électriques se baladaient à travers tout mon corps.

Le pire, c'était mes côtes. Je ne pouvais ni rire, ni tousser, ni même éternuer sans que la douleur ne me coupe le souffle. Je comprenais enfin ce que Raph ressentait depuis sa naissance.

Mais il était hors de question que je me laisse abattre par la douleur, alors je tentai de me persuader qu'elle n'existait pas. Parfois ça marchait. Mais pas aujourd'hui.

Aujourd'hui, je n'avais presque pas dormi. Mes nerfs m'avaient brûlé toute la nuit, il m'avait été impossible de fermer l'œil plus de dix minutes. Non, j'étais catégorique : je n'avais pas du tout dormi.

J'avais l'impression qu'une centaine de rats me rongeaient les muscles et les os. Sauf que ceux-ci ne diminuaient jamais, et il y avait donc toujours de quoi nourrir les rats afin que la douleur ne s'arrête jamais.

Les séances de rééducation et d'entretien musculaire furent donc très difficiles. Mais je tenais bon : il était vraiment hors de question que mon corps ai le dessus. Et plus vite je me remettrai en forme, plus vite je pourrai reprendre le hand. Parce que quoi que Docteur Groscon ai pu dire, ma carrière était loin d'être terminée.

On m'apporta ensuite mon repas en chambre, puis on s'occupa de moi. Je détestais vraiment être aussi dépendante d'autrui. Ma seule consolation à cette perte de dignité était qu'au moins, je n'avais pas à être dépendante de mes proches et qu'ils pouvaient continuer à vivre leur vie tranquillement.

Ce fut après mon repas, alors que je regardais la télévision, que la douleur augmenta en intensité. Avec la fatigue, chaque parcelle de peau me faisait mal au toucher, le seul effleurement de mon sweat me piquait intensément. Je n'avais même pas eu aussi mal cette nuit, et je me retenais vraiment pour ne pas entamer le shit que Tarek m'avait ramené le matin même. 

Je m'étais résolue à ne fumer que le soir, après que les visites soient terminées : je ne voulais pas que mes proches comprennent que je souffrais, et encore moins qu'ils me voient défoncée, dans un état pathétique.

Il fallait que je m'occupe la tête pour essayer de ne pas penser à la douleur qui me déchirait de l'intérieur. 

Je décidai donc de me remettre à mes études, et tant bien que mal, j'essayai de d'attraper les cours qu'Alice m'avait apporté, et mon ordinateur sur lequel j'avais enregistré les nouveaux TD et CM que mes camarades m'avaient envoyé.

Je parvins finalement à rester concentrée une bonne heure, mes réflexions ponctuées ça et là par des coups de poignards à différents endroits de mon corps. J'étais vraiment épuisée.

– Les Clarkson vous avez un sérieux problème de communication !

Alors que j'essayais tant bien que mal de travailler les cours que Simon m'avait envoyé, je relevai doucement la tête en entendant mon copain râler en entrant dans ma chambre, sans oublier d'esquisser le sourire le plus sincère possible.

J'aimais beaucoup mes proches, mais dans ces moments-là je ne voulais vraiment pas les voir et j'avais souvent hâte qu'ils s'en aillent afin de pouvoir arrêter de faire semblant d'aller bien. Car je savais que maintenant que Deen était là, j'allais devoir puiser dans le peu de force qui me restait pour avoir l'air aimable et joyeuse. J'allais même compter les heures avant qu'il s'en aille.

Le rappeur n'avait pas vraiment l'air remonté, juste grognon. Deen quoi. Je me demandais s'il avait fait une story pour le potentiel coup de gueule qui allait suivre ou s'il débutait d'abord par moi.

– Ça c'est un secret pour personne, déclarai-je. Mais pourquoi tu le relèves que maintenant ?

Deen vint me checker, puis m'embrassa rapidement le front avant de se lancer dans des explications agitées :

– J'étais avec Soso hier. Je vais le chercher à l'école, tout ça, d'ailleurs la remplaçante a pas voulu me le confier au début parce qu'elle voyait bien que c'était pas mon môme, mais ton reuf a dit que j'étais son grand frère, ça m'a grave fait plaisir mais bref ! C'est pas le sujet. Je vais chercher Zo', on rentre à ieps, comme d'hab', Sohel me raconte sa vie et je l'écoute à moitié, comme d'hab', et puis à partir du bout de votre rue je prends Zoé dans mes bras et on fait la course, comme d'hab'. Sauf qu'avant d'arriver, il se ramasse la gueule par terre, et même s'il dit rien parce que c'est un putain de Clarkson qui se plaint pas, bah son fute est troué et il est bien égratigné. Mais putain ça pissait le sang, je croyais qu'il allait se vider le gosse, vraiment ! Je l'ai porté jusqu'à la maison du coup, forcément j'étais seul-tout et moi j'suis pas un daron hein, je sais pas ce qu'il faut faire dans ces cas-là. Je lui enlève son fute et là genre, vraiment les chutes du Niagara de sang, ça s'arrêtait ap, j'étais à deux doigts de l'emmener aux urgences sérieux. Il me répétait que c'était normal et tout, que ça allait passer, mais j'avais déjà utilisé une dizaine de compresses tellement ça saignait ! Pendant ce temps ta reus elle chialait comme pas possible, un putain d'enfer le bordel. Donc au bout d'un moment je dis à Soso de tenir la truc appuyée contre son genoux pendant que je vais chercher mon téléphone parce que bon, pas de vago, donc tout ce que je pouvais faire c'était appeler les pompiers quoi. Au final Fanny rentre plus tôt, elle s'inquiète un tout petit peu de voir son fils comme ça, je lui explique que ça s'arrête pas de couler, et là j'apprends quoi ? QUE C'EST NORMAL PARCE QU'IL EST HÉMOPHILE ET QU'IL FAUT JUSTE ATTENDRE QUE ÇA PASSE ! ET ME LE DIRE PLUS TÔT C'ÉTAIT EN OPTION ?

J'avais essayé de me retenir de rire pendant tout son récit, mais le voir aussi investit dans cette histoire, tel un père paniqué, mais surtout aussi énervé par ma famille, c'était beaucoup trop comique.

Alors j'explosai de rire. Ça faisait extrêmement mal au physique, mais ça faisait aussi beaucoup de bien au mental.

Deen me lança un regard noir, auquel je répondis par un nouvel éclat de rire :

– Ça te fait rire ? crache-t-il. J'ai flippé comme un malade en me disant que j'allais être responsable de la mort de ton p'tit reuf, et toi ça te fait marrer ?

Oui ?

– J'suis désolée Mika, parvins-je à articuler.  

– Putain sérieux, vous avez un gros problème dans votre mif. En ce moment c'est moi qui m'occupe le plus des deux trolls et personne a jugé bon de me dire que Sohel pouvait potentiellement se vider de son sang s'il se faisait grave mal ! C'est quoi la suite, Zoé elle a la maladie de la lune et faut pas la mettre au soleil ? 

– Nan, normalement y'a pas grand chose de plus à savoir. C'est vrai qu'ils ont été con pour le coup, dis-je plus sérieusement. C'était pas cool de rien te dire.

Deen écarquilla les yeux et me fixa avec incrédulité :

– Depuis quand t'es aussi facilement d'accord avec moi toi ?

– Déconne pas non plus, de temps en temps tu dis des trucs sensés.

Nous nous battîmes pendant quelques minutes, puis notre bataille partit finalement en câlin sur le lit. 

J'avais terriblement envie de lui, mais je savais que Deen était terrifié à l'idée de me faire mal. Et à vrai dire aujourd'hui, j'avais aussi un peu peur que quoi que ce soit n'accentue la douleur.

Mon rappeur me posa des questions quant à ma rééducation et à ma journée, et je savais que la même question que tous les jours n'allait pas tarder à arriver.

3... 2... 1... :

– Et la douleur, c'est comment aujourd'hui ?

On y était. Le moment où j'allais devoir mettre le plus de crédibilité dans ma voix et mes paroles :

– Franchement ça va, ça s'améliore grave. J'ai juste eu un tout petit peu mal après la séance de ce matin mais sinon tout va bien.

J'étais plutôt fière de moi pour le coup, et en analysant les expressions de Deen j'avais l'impression qu'il me croyait plus que les fois précédentes :

– Niquel. Tu vois que ça peut aller qu'en s'arrangeant !

Si tu savais...

– Bon allez, viens on bouge faire un tour au lac ou j'sais pas où ! s'exclama Deen.

Je fus surprise par sa proposition, lui qui m'avait refusé cette petite sortie quelques jours plus tôt, mais j'acquiesçai quand même et une heure plus tard, nous marchions autour du lac. Enfin, Deen marchait. Moi je roulais.

– T'as beaucoup gratté aujourd'hui ? demandai-je.

Je savais qu'il avait déjà écrit une vingtaine de textes, mais il voulait en finaliser au moins cinq autres avant de faire le tri.

– J'ai tout fini hier. Maintenant reste plus qu'à écouter encore des prods, et puis bah après faudra que j'aille enregistrer tout ça.

J'avais vraiment hâte qu'il commence à enregistrer cet album. Les séances en studios avec lui ou mes amis me manquaient.

Alors que nous croisions un couple de cinquantenaire, la femme fit voyager ses yeux entre Deen et ses mains dans les poches et ma pauvre dégaine en train de faire rouler mes roues, et me regarda avec pitié. Bordel qu'est-ce que je détestais ça :

– Vous avez un problème ? Si vous voulez le même faut le dire, j'vous le donne !

La femme détourna le regard avec honte et d'un air désolé tandis que nous continuions notre route.

Deen éclata de rire quelques mètres plus loin :

– T'es vraiment une sauvage ma parole ! Elle t'avait rien fait cette pauvre dame !

Nous nous dirigeâmes vers un coin d'herbe tandis que je fulminais encore :

– T'as vu comme elle m'a regardé ? Genre « oh pauvre chérie ! Et puis cet homme qui ne l'aide pas du tout ». C'est le même genre de go qui me regarde mal quand je traîne avec des Bouhied et Moingeon en survet', du genre « Mais qu'est-ce qu'une fille comme elle traîne avec de la racaille comme eux ? ». Et encore, y'en a qui l'ont déjà exprimé à voix haute ce genre de connerie.

Je me levai difficilement de mon fauteuil en tentant de ne pas grimacer pour éviter d'alarmer Deen, puis me dirigeai à cloche-pieds vers lui pour poser ma tête sur ses jambes allongées.

Au soleil il ne faisait pas si froid que ça pour un mois de février.

Deen continua à rire tout en écartant mes cheveux de devant mes yeux :

– C'est plutôt Tarek et Hugo qu'ils devraient plaindre de traîner avec une racaille comme toi.

Je ricanai : ce n'était pas totalement faux.

– Bon et sinon pour revenir au rap, reprit Deen. Je pense que je vais rentrer ce soir, j'ai pas mal de trucs à faire sur Paname.

– Ça marche !

– Ça te dérange pas ? me demanda-t-il d'un air inquiet.

C'était horrible à dire, mais j'en étais presque soulagée. D'une part parce qu'il pouvait avancer et retrouver sa petite vie à Paris sans devoir se soucier de moi, mais d'autre part pour des raisons tout à fait égoïstes : cela voulait dire moins de visite, et donc moins d'heures à devoir prétendre que la douleur avait disparu. 

– Mika, faut bien que tu reprennes ta vie au bout d'un moment. Je vais mieux, t'as pas vraiment de raison de devoir rester toute la semaine à Dijon. Et puis dans quelques semaines je serai de retour à Paris aussi. Profite des ces moments de calme, quand je serai de retour tu les regretteras.

– Putain ouais, ça va être chaud de te retrouver, je me serai habitué à plus voir ta gueule, peut-être que je déciderai que je veux plus de toi.

Je lui donnai un léger coup sur le bras en rigolant.

– Nan en vrai t'as beaucoup de taff, c'est la meilleure solution. Et puis j'ai pas besoin de toi, je suis une femme indépendante, pas besoin de mec pour vivre.

– Ouais, jusqu'à ce que t'ai envie de poulet teriyaki quoi...

– Tu sais je peux m'en passer de ton poulet de merde, en plus c'est même pas le meilleur que j'ai goûté...

Mytho, mytho, mytho... Je lui avais déjà dit que j'en raffolais en plus, il le cuisinait beaucoup trop bien.

Deen émit un « pff » incrédule avant de coller sa grosse paluche sur mes yeux. Je tentai de la retirer avec ma main valide mais ne parvins pas à la décoller. 

Il ne me restait donc qu'une seule solution. Je fis glisser mon visage sous sa main puis mordit sa paume.

– Aïe putain ! s'exclama-t-il en secouant sa main. T'es vraiment une putain de sauvage, ton daron il a raté un truc avec toi, je m'explique pas comment Raph peut être aussi civilisé sinon.

Je ne lui répondis pas, trop occupée à rire de son malheur.

Mais je me calmai d'un coup, mon sourire s'affaissa et j'écarquillai les yeux avec horreur :

– Mika, lâchai-je d'un ton alarmé.

Deen, auparavant un air amusé sur le visage, se figea en voyant mon expression :

– Quoi qu'est-ce qu'il y a ? T'as mal ? 

Je ne répondis rien, me contentant de garder la même posture.

– Mel, dis-moi putain, s'excita-t-il, passant fébrilement sa main sur ma joue.

– Mika... T'as un cheveu blanc.

Deen ferma les yeux puis bascula sa tête en arrière d'un air blasé tout en jurant.

– T'es vraiment pas drôle, on te l'a déjà dit ça ?

– Vous m'appréciez pas à ma juste valeur, c'est tout.

Comme bien souvent, nous commençâmes à nous battre verbalement comme des adolescents, et passâmes l'après-midi morts de rire.

Deen partit sur les coups de dix-sept heure, un air quelque peu inquiet sur le visage. Il fallait dire qu'en fin d'après-midi j'avais eu beaucoup plus de mal à cacher ma douleur. Et j'étais bien contente qu'il parte.

Je n'attendis même pas qu'il ai quitté l'étage pour dégainer feuilles, filtres, cons' et briquet.

Une fois mon Graal préparé, je fermai la porte de ma chambre et m'avachis sur mon lit avant de prendre une grande bouffée de THC.

Bordel, qu'est-ce que ça faisait du bien ! Plus je tirai, et plus la douleur s'en allait.

Au revoir les maux de têtes, au revoir les muscles lancinants, au revoir les os grignotés.

Je pus enfin sourire sincèrement pour la première fois de la journée, le soulagement étant presque jouissif. 

Aussitôt mon premier pers' consommé, j'attrapai le second que j'avais préparé préalablement.

C'est ainsi que je m'endormis, avec l'impression d'être étendue sur du coton, sans qu'aucun poignard ne vienne me réveiller.

Mais cette sensation ne fut que de courte durée, puisque peu de temps après m'être assoupie, une voix me réveilla doucement. 

Défoncée, je peinais à ouvrir les yeux et il n'allait surtout pas falloir compter sur moi pour me redresser, j'étais beaucoup trop bien.

– Mel, ma belle, t'as fumé ?

Je reconnus la voix douce de Kamel. Il m'avait mal parlé durant toute ma vie, mais depuis mon accident il me parlait avec une tendresse que je ne lui aurais jamais imaginé.

– Hmm.

– Tu avais mal ?

– Hmm.

Tout était si brumeux autour de moi, je ne sentais que la paume de mon parrain sur ma joue.

– Il faut que tu rentres chez toi ma belle, tu seras mieux chez toi plutôt qu'à pourrir ici toute seule. Ton père il préférerait t'avoir près de lui... On serait tous plus rassurés de savoir que tu gères pas la douleur toute seule.

– Hmm...

Après tout, pourquoi pas.

– J't'aime Kamel, parvins-je à articuler en tendant ma main pour attraper la sienne.

– Moi aussi ma belle... WAllah je te laisserai pas. Jamais. Tu m'entends ? Je te lâcherai pas.




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