Chapitre 101. « We're building it up to break it back down »
J'avais toujours pas capté de ce qu'il s'était passé la veille.
Ma meuf s'était pointée chez moi alors que j'allais me barrer pour taffer avec Eff, et j'avais été ultra content de la voir. Enfin ça, ça avait été avant de voir son visage et de comprendre qu'elle était dans un état fébrile. Je m'étais dirigé vers elle avec un grand sourire pour l'embrasser, un peu méfiant quand même, mais elle avait fait un pas en arrière. Elle avait son air de « ça va pas mais je vais rester forte », et j'avais tout de suite capté que ça puait.
Elle s'était même pas désapée, toujours habillée comme cette aprèm, en sweat et bas de jogging. Elle s'était contenté de rester plantée au milieu de mon salon, et moi j'avais été comme un con. Je comprenais pas ce qui lui arrivait, elle avait la patate quand je m'étais barré de chez elle plus tôt dans la journée, pendant le match de hand des bleus. Ça avait même eu l'air de la faire chier que je me taille. En tout cas, moi ça m'avait fait chier. Je me demandais ce qu'il s'était passé là-bas pour qu'elle me sorte ces conneries alors qu'on s'était pas vu depuis des semaines.
– Il faut qu'on arrête tout, m'avait-t-elle dit.
– Tout quoi ?
– Nous deux, ça va plus, j'en peux plus.
Ça va plus ? Pour moi tout allait très bien, je voyais pas ce qui lui prenait.
– Mel, qu'est-ce que tu me fait là ?
J'avais commencé à me vénère, elle cassait les couilles à me repousser tout le temps. Ça allait bien pendant plusieurs semaines et d'un coup, sans aucune raison, elle pétait les plombs.
– Ça marchera jamais entre nous Mika, avec ton taff et le mien on arrivera jamais à tout combiner. Tu passes tes nuits en studios, tes journées à dormir et moi j'ai mes entraînements, mes matchs, je suis souvent en déplacement et puis si ça se trouve je vais pas finir ma carrière à Paris... On n'y arrivera pas.
J'avais rien répondu. Parce que j'étais archi saoulé, vraiment. J'avais envie de la secouer pour lui faire comprendre que le seul problème dans l'histoire, c'était elle.
C'était toujours elle qui voulait mettre fin à notre relation. Toujours. Et sans aucune putain de raison.
Ok, on s'était vu seulement en coup de vent ces temps-ci à cause de mon squeud, mais ça avait pas eu l'air de la déranger, elle me l'aurait fait savoir sinon. C'était encore sa putain de peur de l'engagement ; mais bordel c'était pas comme si on s'était promis de s'aimer à vie non plus.
– Putain je te déteste, t'imagines même pas à quel point, avais-je finalement sortis.
Le pire c'est que je le pensais vraiment à ce moment-là. Franchement je savais pas ce qui m'avait retenu d'exploser, parce que j'avais eu envie de tout foutre en l'air.
– Mika... Je suis déso...
– Vas-y ferme ta gueule, si t'étais si désolée que ça, tu resterais. Mais franchement là je suis fatigué de me battre pour toi, j'en peux plus. C'était la dernière fois que tu me faisais un coup pareil Maëlle, maintenant casse-toi et pour de bon.
J'aurais pu avoir eu de la peine en voyant son visage si triste et fermé, elle qui rayonnait h24. Mais la rage avait pris le dessus sur toutes mes autres émotions, et j'avais plus vu la personne dont j'avais été amoureux, juste une go lambda que je détestais.
Elle avait hoché la tête, limite elle avait eu l'air soulagé et putain je m'étais retenu comme jamais pour pas lui en foutre une en voyant ça.
Quand elle avait refermé la porte, j'avais donné un giga coup de poing dans le mur, puis j'avais explosé une tasse contre le mur opposé.
– T'en penses quoi de celle-là du coup ?
Je revins subitement à la réalité, et tournai la tête vers En'Zoo. Putain ça faisait combien de temps que j'étais dans les vapes là ? J'avais même pas entendu la prod qu'il me faisait écouter, trop occuper à me dire que c'était vraiment fini avec Maëlle et que j'avais trop donné dans cette relation à quasi sens unique.
Ça faisait déjà deux jours qu'elle s'était pointé chez moi pour me tej', et bizarrement j'étais pas plus touché que ça. J'étais archi blasé en fait, comme si depuis le début je savais qu'elle allait me faire un coup pareil et que j'avais juste attendu le moment où ça allait m'exploser à la gueule.
On taffa une bonne partie de la soirée, puis je partis rejoindre Eff et Jazzy, leur expliquant la situation. Ils étaient limite plus déçus que moi, puis je décidai de plus en parler et on se bourra la gueule.
Le lendemain, sans aucun souvenir de la soirée de la veille, je comatai jusqu'à quatorze-quinze heures, puis je tentai de gratter un peu. Franchement je m'en sortis bien, j'avais pas mal d'inspi depuis quelques temps et je me disais que niveau lyrics j'allais pas galérer plus que ça.
Puis Raphaël débarqua en trombe, sans que je comprenne quoi que ce soit :
– Qu'est-ce qu'elle t'a dit cette connasse ? me demanda-t-il de but en blanc en se laissant tomber sur le canap' à côté de moi.
– Bonjour à toi aussi.
Raph fit même pas gaffe à ma pointe de sarcasme, et enleva simplement sa parka avant de faire comme chez lui. Soupirant, je me dépêchai d'éteindre mon spliff avant de me précipiter pour ouvrir les fenêtres, puis je m'affalai de nouveau dans le canap.
– Elle m'a dit qu'elle allait te voir, je pensais que c'était pour que tu la réconfortes, pas pour que la laisse te larguer et se barrer à Dijon !
– Kho, c'est pas contre toi, mais j'en peux plus de ta reus, vraiment. Là c'est terminé, on en parle plus, lançai-je en me reconcentrant sur mes lignes.
Il soupira avant de se lever en direction de la cuisine.
– Et fais comme chez toi hein !
– C'est ce que je fais, me répondit-il avant de revenir avec des bières.
Ce forceur qu'il était.
– Bon, maintenant tu vas m'expliquer comment t'as pu te laisser embobiner par cette chieuse ?
Je fronçai les sourcils ; qu'est-ce qu'il me racontait là ?
– T'es pas au courant ?
– Au courant de quoi ? Que ta sœur va sûrement finir vieille fille à force de pas savoir ce qu'elle veut ? Ça je suis au courant ouais.
Raph fit encore une fois pas gaffe à ce que je venais de dire et enchaîna en fulminant :
– J'étais sûr qu'elle avait fait la conne, depuis ce midi je me sens pas bien, elle doit être vraiment au bout de sa vie pour que je me sente aussi mal. Putain elle casse les couilles cette chieuse !
– Ouais, bah fais comme moi, laisse-la faire sa vie.
Il soupira, l'air toujours plus énervé par sa reus que par mes propos :
– Hier avant de venir chez toi on lui a annoncé que son ex était mort. Alexis, je sais pas si tu te souviens de lui.
– Ouais, et alors ? C'est triste pour elle hein, mais là je peux pas l'aider.
Je me demandais si quelqu'un pouvait vraiment l'aider tellement elle se renfermait. C'était pas faute d'avoir essayé de mon côté pourtant, je pensais même avoir réussi à la faire changer.
– T'as pas capté ?
– Capté quoi ? soufflai-je.
Je commençais à réellement perdre patience, j'avais pas forcément envie que mon zinc me parle d'elle là.
– Elle l'a fait exprès parce qu'elle flippe de te perdre à tous les coups. Je la connais par cœur, elle est peut-être un peu triste pour Alexis mais je pense qu'elle est surtout terrifiée à l'idée qu'il t'arrive la même chose, genre elle est maudite ou je n'sais quoi. Elle fait croire qu'elle a peur de rien, et dans le fond c'est vrai, c'est la meuf la plus téméraire que je connaisse. Mais pourtant y'a un truc qui la terrifie même si elle veut pas se l'avouer, et c'est la mort. Pas la sienne, mais des autres.
Putain, maintenant qu'il le disait...
– Ouais mais même kho, j'en ai marre de lui courir après, vraiment. J'ai donné.
Il hocha doucement la tête, l'air compréhensif :
– Je sais... Mais je pense que vous vous rendez pas tous compte d'à quel point elle et moi on a souffert. Comme elle est forte et qu'elle donne cette image de meuf que rien n'atteint, on a tendance à oublier qu'elle est traumatisée au fond. Parce que même si on le montre pas, ouais, on peut parler de trauma quand même. Perdre des gens que t'aime aussi jeune ça te bousille, et on s'est mis des barrières immenses avec ma sœur pour se protéger. Mais t'imagines pas à quel point elle a souffert et à quel point elle souffre encore. Je peux te parler en connaissance de cause parce que c'est la même pour moi. La mort d'Alexis ça a dû tout faire ressortir. Et la force avec laquelle elle te rejette c'est proportionnel à ce qu'elle ressent pour toi.
Maëlle, ravagée depuis ses six ans. Peut-être même avant, avec la mort de son oncle. Ça me faisait mal au bide de savoir qu'elle souffrait autant, et je me sentais con de pas avoir capté d'où venait sa peur de l'engagement.
Mais j'étais pas sûr de vouloir continuer pour autant.
Je l'aimais, c'était certain, mais putain elle était beaucoup trop imprévisible, et je crois que j'avais plus envie de me prendre la tête avec elle.
Pourtant au quotidien c'était la meuf la moins prise de tête que j'avais connu. Elle était vraiment super facile à vivre. On habitait pas ensemble, mais on avait quand même vécu pas mal de trucs du quotidien en mode couple, et franchement j'avais pas eu à me plaindre. Le peu de défauts qu'elle avait, le peu d'habitudes chiantes, j'avais même commencé à les apprécier.
Mais émotionnellement parlant, c'était vraiment pas la même histoire. J'étais conscient d'être égoïste dans la souffrance, laissant rarement les gens entrevoir ce que je ressentais. Mais Maëlle, putain c'était un autre level ; elle laissait qu'un cercle restreint voir ses faiblesses, et même ce cercle - qui d'ailleurs était peut-être juste composé de son jumeau et moi - elle le rejetait un max.
Je pouvais pas être là pour elle si elle voulait pas de moi, j'avais plus que ça à foutre. J'avais plein de projets, fallait que je me concentre sur mon album et le label, j'avais pas de temps à perdre avec une go.
– S'il te plait, la laisse pas te repousser, reprit Raph en voyant que je ne répondais rien. Je sais qu'elle est chiante, que c'est une connasse parfois et qu'en couple c'est vraiment une catastrophe. Mais elle mérite qu'on se batte pour elle, vraiment. Moi j'en peux plus de la voir souffrir, elle mérite d'être heureuse plus que n'importe qui sur cette putain de planète.
Il marqua une courte pause et je cru même qu'il allait lâcher un larme ; c'était ouf à quel point il aimait sa sœur, j'avais jamais vu ça.
– J'ai repoussé Ines pendant des années, reprit-il, on a rompu au moins trois fois à cause de moi, parce que j'avais peur qu'on me la prenne. Mais au final elle m'a guéri. Maëlle elle mérite que quelqu'un la guérisse. Et parce que je l'ai jamais vu aimer quelqu'un comme elle t'aime, elle mérite que tu la guérisse.
J'étais franchement pas prêt pour son petit discours. Je savais plus du tout quoi dire, j'étais pire que paumé. Putain qu'est-ce que j'étais censé faire de ces informations moi ? Et il était bien marrant, mais comment tu voulais guérir une personne qui voulait pas qu'on la guérisse ?
– Viens on bouge, déclara finalement Raph, me voyant probablement perdu dans mes pensées. On va te changer les idées.
On décala finalement chez lui pour chopper des affaires de sport, puis on bougea à la salle pour essayer de muscler ses bras de crevettes. Et putain on se tapa des barres toute la fin d'aprem, le voir galérer c'était excellent. Je me disais que si je perdais Maëlle, il me restait au moins Raph, et ça c'était putain de bien.
Le gars était aussi épais que la barre de traction et c'était le premier à en rire :
– Wesh je sais même pas si c'est moi qui force pour monter ou si c'est la barre qui me tire, se marra-t-il.
En vrai, sa carrure avait rien de drôle, j'oubliais pas que c'était à cause de la maladie. Mais il fallait dédramatiser de ouf, et c'était Raphaël Clarkson, pas une petite victime.
Il se foutait de sa propre gueule alors qu'il avait sûrement plus de force dans les bras que moi grâce à la grimpe. On aurait vraiment dit que c'était facile pour lui d'enchaîner cinquante tractions d'affilé, il était même pas essoufflé.
Ce qui était sûr, c'était que même en ayant pas taffé les abdos, on les avait musclé quand même à force de se marrer pour de la merde. J'aurai du mal à oublier l'image de Raphaël faisant des squats au milieu d'une séance de fitness où une vingtaine de femme de la cinquantaine s'affairaient. Ce con avait même réussi à chopper un numéro.
En sortant de la salle, il avait pas trop l'air dans son assiette et j'eus un peu peur qu'il ai trop donné sur les exos :
– T'es sûr que ça va ?
– Ouais ouais, je crois que ça vient pas de moi, c'est Mel... Je vais l'appeler, elle casse les couilles à déprimer, je prends tout aussi moi !
Je me marrai, bien content de pas avoir de jumeau.
Quelques secondes plus tard, Raph tombait directement sur sa messagerie.
– Elle a dû l'éteindre pour pas qu'on la fasse chier, marmonna-t-il.
J'acquiesçai ; ouais, c'était ce qu'elle faisait généralement, pas besoin de vriller comme deux ans en arrière, on se souvenait encore de son pétage de câble.
Je regardai mon propre bigo et décidai donc du programme de la soirée :
– Grec, stud ?
Raphaël acquiesça, et quelques heures plus tard, on écoutait des prod avec mon reuf, Jazzy et le Cheff.
– Vas-y c'est bizarre là, elle me rappelle pas, lança Raph.
Sa jambe tremblait nerveusement.
Putain ce qu'elle était chiante, même pas elle donnait des nouvelles à son reuf.
– Je vais appeler mon dar...
Il se stoppa net :
– Ah bah tiens c'est lui, râla-t-il. À tous les coups elle a pété son tel. Allô ?
Ouais mais même si elle avait pété son phone, je savais qu'elle connaissait tous les numéros de tout le monde par cœur avec son cerveau d'extraterrestre, donc c'était pas une excuse.
Mon reuf me montra une feuille sur laquelle il avait gratté quelques lignes pour un ceau-mor qu'on voulait faire ensemble.
– Quoi ? Attentends ! Comment ça ?
On se tourna tous d'un air dubitatif vers Raph dont le ton avait l'air paniqué.
– Ça fait combien de temps ? Putain et tu m'appelles que maintenant ? Comment ça, ça fait pas assez longtemps pour qu'ils lancent un avis de recherche ?
Un énorme nœud commença à se dans ma poitrine : c'était quoi ce bordel ?
– Putain mais merde, aussi bien elle est partie cette aprèm que ce matin ! Vous l'avez remarqué quand ? Putain... Oui... Je... Mais comment tu veux que je sois calme ?
J'avais encore jamais entendu Raph gueuler, et ça me plaisait pas du tout, je commençais un peu à paniquer. Le fait qu'il soit arrivé à truc à quelqu'un de sa mif, ça me stressait autant que si ça avait été la mienne.
– Ok, j'arrive, ça sert à rien de parler par téléphone. Nan ! Mais je vais pas rester ici alors qu'on sait même pas où est ma putain de jumelle !
Bon ok, je paniquais totalement là. C'était quoi ce bordel ? Comment ça ils savaient pas où était Maëlle ?
Il raccrocha, les mains tremblantes et le souffle court.
– Raph, c'est quoi le problème ? demandai-je, la voix un peu rauque.
Notre kho sembla sortir de sa torpeur et commença à marcher partout pour rassembler ses affaires :
– Mel, elle... Elle a disparut.
Je savais pas quel effet ça faisait de faire une attaque, mais je me disais que ça devait pas être très différent de ce que je ressentais sur le moment.
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