BONUS 5 - 5/6 : « Dans tous les cas j'serai toujours super fier de toi »
Bon... Alors à la base, je voulais vous sortir un bonus de Noël... Mais c'était vraiment de la merde donc j'ai coupé le chapitre en deux, et heureusement que j'ai rien publié parce qu'hier j'ai eu une vague d'inspi et j'ai plein de trucs pour le dernier bonus ! Excusez-moi quand même, je me doute que ça aurait été cool d'avoir un p'tit chapitre hier.
Il se passe rien de bien fou dedans, c'est juste une excuse pour vous donner une dose de Jude et Oscar petits, et aussi pour que je puisse souffler à côté des événements de Toujours Là.
Mais bref ! J'espère quand même que ce chapitre vous plaira. Je suis désolée, il est assez long, et j'ai écris des chapitres dont je suis bien plus fière, mais je savais pas quoi enlever pour le raccourcir et quoi rajouter pour l'embellir
Plein de bisous et Joyeux Noël en retard ! ❤️
PS : ah oui et chapitre particulier ! Il y a deux points de vues ! Je vous le dis pour pas que vous soyez perdues... J'espère que ça va pas faire trop bizarre et que ça va vous plaire, n'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de ce petit essai !
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3 novembre 2020
– J'en étais sûr que t'allais parler alimentation et recettes de grand-mère !
Alors que je regardais tranquillement un film Coréen sur la télé, Maëlle regardait mon interview avec Mehdi Maïzi sur son ordi, les écouteurs dans ses oreilles. Et comme d'habitude, elle pouvait pas s'empêcher de me chambrer.
– Ah bah faut bien qu'on inculque des techniques d'antan à ce peuple matrixé par les industries pharmaceutiques, répliquai-je.
– T'as bien raison ! Même si je suis déçue que t'aies pas cité Raph pour l'inspi'.
Se reconcentrant sur son interview et moi sur mon film, ce ne furent qu'une dizaine de minutes plus tard que ma meuf enleva définitivement ses écouteurs, ferma son ordinateur, et s'accouda au dossier de notre canapé pour me fixer du regard. Me sentant observé, je tournai la tête d'un air blasé pour savoir ce qu'elle voulait.
– Il était comment ? s'exclama-t-elle presque aussitôt avec des yeux éclatants d'enthousiaste comme une gamine de dix ans, faisant cligner ses yeux à plusieurs reprises, me faisant sourire d'amusement au passage. Mehdi j'veux dire.
– Comme la dernière fois que je l'ai rencontré. On a parlé de toi d'ailleurs.
– Nan ?? Jure !
J'acquiesçai, puis ne pus m'empêcher de rire en voyant son air ébahi : clairement, là comme ça on aurait pas dit qu'elle avait presque vingt-neuf ans et qu'elle était deux fois daronne.
– Putain mais c'est vraiment ton idole en fait ! lançai-je d'un ton stupéfait.
– Bah ouais tu crois quoi ? répliqua-t-elle agressivement. S'il avait été célibataire et si je t'avais pas rencontré crois-moi bien que je serais en couple avec lui !
Puis, se rendant compte de ce qu'elle venait de dire et de la portée que pourrait avoir une telle information dans mes mains, elle se figea et me lança un regard apeuré :
– Lui dis pas que j'ai dit ça s'te plaît.
J'éclatai de rire avant de me reconcentrer sur mon film. Mais ce ne fut qu'une question de minutes avant que Maëlle ne relance le sujet Mehdi, puisque j'avais senti son regard posé sur moi alors que je matais attentivement une scène d'action :
– Et vous avez dit quoi sur moi ? me demanda-t-elle.
Soupirant, je me résignai à mettre mon film en pause avant de tourner la tête vers ma meuf et son air enfantin :
– S'tu veux il m'a donné les off de quand on parlait juste entre nous, lui dis-je. D'habitude la prod coupe les caméras avant de se barrer mais là ils ont oublié et Mehdi m'a demandé si je voulais chopper les rushs avant qu'il les efface, expliquai-je ensuite. Si tu veux les voir ce sera plus simple que moi qui te raconte tout.
Les yeux de Maëlle s'écarquillèrent, puis elle me regarda avec son air de racaille en me tendant la main :
– Donne, me dit-elle sèchement.
Quelques minutes plus tard on était tous les deux installés devant moi-même discutant de tout et de rien avec Medhi Maïzi après mon interview. Ce moment était d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais été en retard à un rendez-vous avec Ivan ; ce mec était ultra intéressant, et on avait trouvé plein de sujets de conversations sur des trucs qu'on avait en commun.
Après avoir parlé peura pendant un bon quart d'heure, puis nous être tous les deux complimentés en disant qu'on était contents d'avoir pu parler de rap en profondeur avec quelqu'un qui captait tout comme nous, Mehdi me posait une question qui m'avait surpris, mais à laquelle je lui avais répondu avec honnêteté parce que ça sonnait pas déplacé ou intéressé dans sa bouche :
– Du coup, disait-il, éternel célibataire comme tu le dis dans tes sons ou c'est du mytho ? me demandait-il d'un air incrédule.
À ce moment-là j'avais pas trop su comment il avait réussi à capter que je disais pas toute la vérité dans mon album, mais je lui avais rien demandé et lui avais simplement répondu honnêtement :
– Ah nan, lançais-je dans un rire un peu gêné. J'ai deux gosses mec.
Dans la vidéo, Mehdi avait les yeux ronds comme des soucoupes, et sur le canapé Maëlle souriait niaisement.
– Sérieux ? s'exclamait Mehdi.
J'acquiesçais lentement avec un sourire fier, autant parce que j'avais réussi à tromper tout le monde jusque là que parce que j'avais l'honneur d'être le daron de Jude et d'Oscar.
– Ouais ouais, répondais-je. Deux p'tits mecs. Un de 2017 et un de 2019.
– Mais en 2017 on a fait des interviews toi et moi ! s'exclamait Mehdi d'un air faussement outré.
Un petit éclat de rire échappait au moi de la vidéo :
– Ouais mais à l'époque j'étais dans une optique dans laquelle je voulais que personne le sache. Maintenant... Bah c'est toujours pareil, mais je te fais confiance et de toute façon si tu le dis à quelqu'un t'es un homme mort, tous mes gars sont archis protecteurs envers leurs neveux.
Mehdi éclatait de rire après avoir tapé une fois dans ses mains, puis il me parlait ensuite de ses deux garçons à lui et de sa femme. À la fin, il me posait une question qui m'avait fait remarquer à quel point on avait des choses en commun lui et moi :
– La paternité ça te change complètement hein ? Moi je me souviens quand mon premier est né j'me suis dit que plus rien d'autre n'importait. C'est le jour où j'ai arrêté d'être égoïste.
Le moi du passé acquiesçait dans un sourire compréhensif, alors qu'à côté de moi Maëlle venait de m'adresser un sourire tendre.
– Hmm, faisait le Deen de l'interview. C'est à la naissance de Jude que j'ai commencé à faire gaffe à ma santé. Ce que je t'ai dis dans l'interview c'est vrai aussi, me corrigeais-je, la trentaine ça aide pas mal. Mais la paternité... C'est à ce moment-là que je me suis dit que j'avais pas le droit de chopper un cancer à cause de mes conneries quand mon gosse aura dix piges quoi. Je veux être en bonne santé pour lui courir après dans un parc, pour jouer au ballon avec lui, pour l'emmener faire des trucs d'aventuriers, fin'...
– Pour être un père présent quoi, complétait Mehdi.
– C'est ça.
Les deux mecs de la vidéo restaient silencieux pendant un certains temps, puis ce fut Mehdi qui enchaînait une nouvelle fois, un sourire tendre sur le visage, pensant visiblement à son fils aîné :
– Le premier et le deuxième c'est pas pareil hein ? me disait-il. On les aime tous les deux autant l'un que l'autre, mais le premier c'est quelque chose...
Je hochais la tête une nouvelle fois, et à l'instant présent je me souvins de ce que j'avais pensé face à sa question : c'était clairement pas pareil. J'aimais mes deux fils comme un fou, mais Jude... Rien que son prénom avait une énorme signification.
– C'est le premier qui fait de toi un père, continuais-je en souriant. C'est lui qui change ta vie, c'est le premier pour lequel tu te dis que tu pourrais tuer, c'est le premier qui te fait ressentir autant de peur chaque jour de sa vie, c'est le premier qui te fait te dire que si t'étais amené à le perdre un jour t'aurais envie de te flinguer...
Le Deen et le Mehdi de la vidéo restaient silencieux durant de longues secondes après s'être lancé un regard entendu dans un sourire : entre le peura et notre paternité, on se ressemblait beaucoup trop.
On parlait ensuite de nos femmes, Mehdi commençant par parler de la sienne avec des étoiles dans les yeux, visiblement complètement fou d'elle, puis venait mon tour de parler de Maëlle :
– On est pas mariés nous, commençait le Deen du passé. Et sinon elle est handballeuse pro, elle joue en équipe de France. Et...
Le moi d'avant réfléchissait quelques secondes, et je me souvint qu'à ce moment-là j'essayais de trouver le mot qui pouvait qualifier le mieux la personne merveilleuse qu'était Maëlle. Parce qu'à ce moment-là le Deen de l'interview pensait pas que le Deen du futur montrerait la vidéo à sa meuf et ferait gonfler son égo par la même occasion.
– Bah elle est exceptionnelle, disais-je simplement. C'est une mère incroyable, une amante incroyable, une amie incroyable, et c'est clairement l'Être humain le plus bon et le plus pur que j'ai rencontré.
Alors que je tentais soigneusement d'ignorer la présence de Maëlle à mes côtés, je repensais au moment où j'avais dit tout ça à Mehdi : je m'étais senti en totale confiance, et la façon dont il avait parlé de sa femme m'avait donné envie de lui montrer qu'il s'était pas dégoté la meilleure puisque c'était moi qui l'avait. Pour ça que j'avais parlé d'une manière si poétique. Et puis même si ma meuf était un bourrin et qu'on se foutait sur la gueule la moitié du temps au lieu de se montrer qu'on s'aimait, bah c'était clairement ce que je pensais d'elle en disant qu'elle était exceptionnelle.
Je captai qu'à ce moment-là pourquoi Mehdi avait ensuite changé de sujet : j'avais eu l'air gêné. Et au final, heureusement qu'il avait embrayé sur autre chose :
– Je vais mater les prochains championnats de ta femme, disait-il au moi du passé.
Et sur ces mots, on avait enchaîné sur le sujet du handball, puis du peura, puis je lui avouais qu'Oscar était malentendant, il me demandait si c'était pas trop dur pour un mec qui faisait du son, et on continuait de discuter de nos enfants pendant une bonne demi-heure.
Une fois les rushs terminés, Maëlle se tourna timidement vers moi, comme si ça faisait pas sept piges qu'on se connaissait :
– J'adore ton sourire niais quand tu parles des petits, me dit-elle.
Je levai les yeux au ciel : je lui montrais tout ça et c'est tout ce qu'elle avait à me répondre ?
– Je rigole pas ! s'exclama-t-elle ensuite d'un air très sérieux. Quand je me rappelle d'à quel point on a flippé quand on a su que j'étais enceinte, je peux pas m'empêcher de sourire en te voyant aussi fan de tes fils. Et...
Elle marqua une légère pause, et je me doutais que ce qu'elle allait me sortir appartenait au registre « canard » tellement elle hésitait.
– T'es exceptionnel aussi, me dit-elle. J'aurais pas pu rêver mieux comme personne avec qui partager ma vie et comme père pour mes enfants. T'es le meilleur. Et je sais que suis éclatée au sol pour complimenter les gens et que ça en devient gênant donc bref, je t'aime, t'es le meilleur mec de l'histoire des mecs.
J'éclatai de rire, fermant les yeux de lassitude et d'amusement en voyant que ma meuf était toujours aussi nulle pour exprimer ses sentiments.
Et le pire, c'était qu'elle avait fait de progrès depuis 2013.
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17 novembre 2020
– Oh Mikael !
Alors que j'étais en train de donner le bain à mes fils – complètement trempé parce que je leur avais donné des jouets et qu'ils me faisaient un remake du naufrage du Titanic à base de bateau qui volait dans les airs et s'éclatait sur l'eau –, la voix de mon frère raisonna dans le couloir, et le bruit de ses pas m'indiquèrent qu'il courait.
Puisque Maëlle était partie au Danemark pour son championnat d'Europe à la fin du mois de Novembre, j'avais fait mes valises et celles de nos petits à la fin de la première semaine de Décembre pour rejoindre Maxime et sa copine dans une villa en Espagne : j'avais pu me le permettre parce que l'école maternelle de Jude et d'Elyas avait fermé à cause d'un cluster chez les enseignants. Max et Sophie s'y trouvaient depuis un petit moment déjà : la pauvre, en huitième année de médecine et ayant servi de chair à canon pendant la première vague de l'épidémie avait fait un gros burn-out quelques mois auparavant, et mon reuf avait décidé de tout lâcher pour lui faire changer d'air. Et vu qu'on pouvait plus faire grand chose sur Paname et que ma meuf s'y trouvait même pas, j'avais décidé de les rejoindre.
À genoux à côté de la baignoire, je me retournai d'un air désespéré en entendant mon petit frère arriver pour savoir ce qu'il avait à me dire. Ce dernier, un sourire moqueur aux lèvres et son téléphone dans les mains, me lança un regard enthousiaste :
– Macron il a le Covid, m'annonça-t-il avec un sourire de gamin.
– Hein ?
Ma question relevait plus de l'incrédulité que de l'interrogation. Faites qu'il mente, faites qu'il mente, faites qu'il mente.
– Ouais ouais, c'est écrit juste là, me répondit-il fièrement en baissant les yeux sur son écran : « L'Élysée annonce ce jeudi 17 décembre que le Président de la République, Emmanuel Macron, a été diagnostiqué positif au Covid 19. "Ce diagnostic a été établi suite à un test PCR réalisé dès l'apparition de premiers symptômes", ajoute la présidence" ». Tu veux que je continue ou c'est bon ?
– Putain fais chier.
– Aaaaaan ! fit la petite voix outrée de Jude derrière moi. Papa l'a dit « fait chier » !
Je me retournai pour lui caresser brièvement les cheveux, puis fixai de nouveau mon regard sur mon frère, atterré, alors que ce dernier riait de la réaction de son neveu.
– Bah calme frère, me fit-il une fois son hilarité passée. On dirait qu'on t'a annoncé la mort de Drake. C'est que le Président hein ! Et puis je suis sûr qu'il va s'en remettre ce connard, il va pas arrêter de nous casser les couilles aussi facilement.
– Nan mais c'est pas pour ça que je dis ça, m'expliquai-je d'un ton blasé en fermant les paupières. Maëlle elle va pouvoir cocher une case. Et elle va me casser les couilles.
– Aaaaah ! Votre jeu à la con là ?
« Jeu à la con » qu'il avait repris avec Sophie, mais bref. J'acquiesçai.
Mon frère pouffa de rire, puis :
– Cheh !
À peine une seconde plus tard il avait disparu.
Putain. J'avais tellement la flemme de reprendre mon téléphone pour voir ce que ma chieuse de meuf m'avait envoyé. Je détestais quand elle avait raison. Alors je restai dans le déni et continuai de faire prendre le bain à mes gosses, mettant de la mousse sur leurs petites têtes pour les faire rire.
Fatalement, puisque Jude ressemblait bien trop à sa mère, il s'empressa de s'appliquer à prendre de la mousse en mettant ses petites mains en coupe puis, alors que j'étais en train d'essayer de faire une crète à un Oscar hilare, je me retrouvai moi aussi avec un nuage blanc sur la tête.
Plissant exagérément les yeux en tournant lentement la tête vers mon aîné, je lui adressai un regard faussement menaçant. Jude, quant à lui, se tenait droit et immobile, la tête légèrement baissée, sa bouche formant ce qui ressemblait à une duckface tordue sur le côté d'un air innocent, ses yeux bleus amusés témoignant du fait qu'il se retenait de rire de sa connerie. Je dus bien rester dix secondes à le fixer avec les yeux plissés avant de me rendre compte que ça servait à rien puisque mon fils soutenait mon regard et, sans qu'il y soit préparé, je le choppai par la taille pour l'attaquer avec des chatouilles.
– Nan Paaaaa ! s'exclama-t-il en bougeant dans tous les sens pour essayer de m'échapper, riant aux éclats.
Dans la baignoire, une mer déchaînée. Les nombreux « ploc » qui raisonnaient en-dessous de ma taille et l'humidité qui se répandait sur mes genoux m'indiquèrent qu'il allait falloir que je passe la serpillère après avoir fini de laver mes petits. Mais tant pis, les rires de mes fils en valaient la peine.
Oscar, assis en face de son frère avec une pieuvre en plastique dans les mains, était complètement mort de rire : sa tête basculée en arrière, j'arrivais plus à savoir si ses joues étaient rouges à cause de la chaleur du bain ou à cause de son hilarité. Et ce fut une douleur à mes abdos qui me fit arrêter de chatouiller mon aîné, rigolant trop pour continuer à le torturer. Bordel j'avais jamais vu mon plus petit rire autant, j'aurais voulu que Maëlle soit là pour le voir comme ça. Et le pire c'est qu'il arrivait pas à s'arrêter ! Sauf que j'allais me pisser dessus s'il continuait, son rire était beaucoup trop communicatif.
– Ocar il pleure, fit remarquer Jude en riant au milieu de mes propres rires et de ceux de son frère.
Je pus même pas lui répondre, à bout de souffle, essuyant délicatement les larmes de mon deuxième en essayant de me calmer.
Puis finalement, sans trop savoir pourquoi, les rires d'Oscar s'arrêtèrent d'un coup, et il plongea simplement ses yeux noisettes dans les miens, un large sourire sur le visage. Je m'arrêtais de rigoler aussi, reprenant petit à petit mon souffle, ne lâchant pas le regard de mon fils : dans des moments où il avait pas ses appareils comme le moment du bain, tous ses autres sens prenaient le dessus, et je savais qu'on pouvait faire passer beaucoup plus d'émotions par le regard avec lui. Ce fut pour ça que, silencieusement, j'arrivais à lui demander si ça allait, et que je compris que la réponse était oui. Enfin ça, c'était avant que Jude éclate de nouveau de rire pour je ne sais quelle raison, qu'Oscar le remarque, et reparte aussitôt dans une hilarité incontrôlable.
Ce soir-là je mis une éternité à les sortir du bain. Mes fils voulaient pas s'arrêter de jouer et je dus m'énerver un peu pour réussir à les sortir de l'eau qui était plus froide que tiède.
Puis, sans aucune motivation, je dus me résigner à appeler ma meuf en visio pour le coucher des garçons, comme on le faisait tous les soirs depuis un mois. Ma lassitude ayant un lien avec le fait que je savais qu'elle allait me chambrer de ouf.
– N'appelle Mommy, n'appelle Mommy, n'appelle Mommy, ne cessait de s'exclamer Jude derrière moi, alors que je portais son petit frère en direction de la chambre qu'ils occupaient ce mois-ci.
– Ouais, comme tous les soirs Crevette, me sentis-je obligé de lui répondre.
C'était d'ailleurs à cause de ça que je les faisais manger plus tôt, pour qu'il puisse prendre leur bain pas trop tard et raconter leur vie à Maëlle avant de dormir. Enfin, « raconter leur vie », c'était vite dit : Oscar répétait seulement après son grand frère quand il en avait envie et suivait à peine la traduction en signes que je faisais des paroles de sa mère ou qu'elle-même faisait, et Jude résumait souvent ses journées en cinq minutes ou se désintéressait totalement de l'écran du téléphone en très peu de temps, donc je finissais par raconter leur journée moi-même à leur mère après qu'on leur ai dit bonne nuit.
Déposant Oscar sur son lit, j'attendis que mes deux fils soient blottis contre chacun de mes flans pour taper sur la tronche de ma meuf. J'avais même pas ouvert ses messages écrits ni ses messages vocaux, sachant très bien ce que le « 16 nouveaux messages de Karaba » contenait.
Il ne fallut que deux secondes pour que mon écran affiche la tête de la mère de mes gosses : deux tresses collées sur la tête probablement faites par Estelle, sa partenaire de chambre, les larges cernes que lui avaient valu deux jours de match d'affilée quelques jours plus tôt avaient disparues. Elle avait pas l'air totalement reposée, mais son sourire à la fois enthousiaste et mutin témoignait du fait qu'elle vivait sa meilleure vie et qu'elle avait encore beaucoup d'énergie pour pourrir la mienne.
– Mommyyyyyy ! s'exclama aussitôt Jude en voyant le visage de sa mère apparaître à l'écran.
– Nugget ! How are you ?
– Gweat ! fit fièrement Jude, toujours ravi de sortir des mots en Anglais, et surtout vu qu'il avait moins l'occasion d'en dire depuis un mois.
– Coucou Oscar, fit ensuite doucement Maëlle en saluant notre deuxième avec sa main. Coucou, répéta-t-elle une deuxième fois.
Fixant attentivement Oscar avec un sourire aussi niais que bienveillant, je le vis commencer à sourire à sa mère, ses yeux brillants d'intelligence, puis lever sa main pour la saluer à son tour. La communication à travers un écran étant vraiment difficile pour lui, je pouvais pas m'empêcher d'être putain de fier de mon fils, et mon sourire ne fit que s'élargir avant que je dépose machinalement un baiser sur sa petite tête.
Puis, après avoir sourit tendrement en voyant notre fils lui répondre, Maëlle s'adressa enfin à moi :
– Bonsoir Mika ! s'exclama-t-elle. J'ai gagné une case, fit-elle en faisant exprès de baisser la tête pour parler dans sa barbe. Ça va mon amour ? s'exclama-t-elle de nouveau. T'en as zéro, marmonna-t-elle encore une fois.
– Gamine.
– Mauvais perdant.
– T'façon je m'en fous, techniquement il est terminé le deuxième confinement.
– T'avais pas fixé de règles, fit-elle comme si elle avait trouvé l'argument ultime.
– C'est vrai, mais je pensais pas que c'était nécessaire vu que le jeu s'appelait littéralement « bingo du confinement » ! répliquai-je fièrement.
– Je m'en fiches j'ai gagné quand même, dit-elle catégoriquement. 'Pis de toute façon c'est pas toi que j'appelle, c'est mes progénitures. Comment tu vas mon Juju ? s'exclama-t-elle d'une voix bien plus douce sans transition.
Je haussai un sourcil incrédule : la mauvaise foi de ma meuf n'avait vraiment pas d'égal.
Jude lui fit ensuite un très bref résumé de sa journée, parlant brièvement de notre balade dans les bois, disant que Max s'était tapé le doigt avec un marteau et qu'il était maintenant tout bleu, puis expliquant si mal le déroulé de son bain que Maëlle aurait pu croire qu'on était allé à la piscine. Donc forcément, après les simples « Good night, love you nugget » de Maëlle à chacun de ses fils alors que j'avais dû border ces deux fauves qui avaient absolument aucune envie de pioncer, je refis un résumé de notre journée à ma meuf. Puis elle me parla de la sienne, de ses entraînements et des séances douloureuses de massage pour sa cheville qu'elle avait un peu abimé contre la Russie, et on raccrocha aux alentours de 21h.
Le lendemain, l'équipe de Maëlle joua sa demi-finale contre la Croatie, qu'elle écrasa avec un 30-19, donnant aux filles leur ticket pour la finale.
Ce fut donc plus stressés que jamais que mon reuf, sa meuf, mes fils et moi assistâmes à la finale contre la Norvège deux jours plus tard, assis devant une table basse envahie de gâteau apéritifs et petits trucs à bouffer en tout genre. Enfin, pour le moment, Jude était en plein combat de sabres laser avec Max, et Oscar jouait à me faire des bisous : il faisait un tour de canapé en courant comme il pouvait en riant, puis il grimpait à côté de moi, déposait un bisou sur ma joue, je faisais la même chose sur ses boucles châtaignes puis dans son cou, il haussait brusquement les épaules en frissonnant, puis il redescendait en riant et c'était reparti pour un tour. Je savais pas combien il en avait fait, mais il commençait à être à bout de souffle.
– Eh Oscar, fis-je alors qu'il grimpait une énième fois sur le canapé, l'attrapant sous les bras pour le caler sur me genoux face à moi. T'as pas besoin de t'échauffer pour le match, tu joues pas toi.
Mon fils me sourit simplement, ses yeux noisettes pétillants, s'avançant pour passer ses bras autour de mon cou et se blottir contre moi. Levant les yeux au ciel, je réunis mes bras autour de son tout petit corps. Ce gosse était si câlin, il en était parfois collant voire fatiguant.
Puis il se détacha de moi et repartit en courant, et cette fois-ci je dus monter le ton pour qu'il s'arrête : c'était rigolo cinq minutes, mais j'avais pas envie de l'emmener aux urgences en pleine épidémie mondiale pendant la finale de l'Euro de sa mère. Oscar me bouda donc, et partit s'installer sur les genoux de Sophie, comme pour me faire les pieds.
– Maxime ! appela d'ailleurs la jolie brune aux yeux gris alors qu'Oscar caressait ses joues en souriant.
– Attends... chuchota mon frère d'une voix étouffée. J'peux pas parler là.
Tournant la tête en même temps que sa meuf dans la direction de sa voix, je souris en voyant mon p'tit frère allongé sur le carrelage face contre le sol.
– Tonton il a perdu ! s'exclama Jude en me regardant avec ses yeux bleus ciel, tenant dans ses deux mains un sabre vert d'un air triomphant.
– C'est bien mon fils ! le félicitai-je. Je suis fier de toi, t'es le meilleur.
Mais derrière lui, Maxime se redressa brusquement :
– Mais peut-être qu'en fait je faisais semblant héhé ! s'exclama-t-il en donnant un coup de sabre laser rouge au ralenti dans le flan de son neveu.
Jude forma un -o surpris avec sa bouche, puis ses yeux se révulsèrent et il se laissa tomber par terre avant d'y rester immobile, les bras en croix. Un acteur studio mon fils.
Oscar éclata de rire, puis il eut beaucoup de peine à se calmer lorsque Maxime fit semblant de s'inquiéter pour Jude, lui donnant de tous petits coups de sabres lasers alors que mon aîné faisait le mort. Ce dernier pouffa finalement de rire lorsque son oncle commença à le chatouiller, puis il se retrouva dans les bras de Maxime, et les deux vinrent s'installer sur le canapé à temps pour la Marseillaise.
– Tu voulais me dire quoi ? demanda ensuite mon frère à sa copine, passant un bras autour de ses épaules, alors que Jude allait s'asseoir à côté d'Oscar.
– J'en veux un, répondit simplement Sophie.
– De ?
Je fronçai les sourcils aussi, puis manquai d'exploser de rire lorsque Maxime s'étouffa parce que sa meuf venait de lui désigner Oscar du regard. Mon frère daron, c'était pas pour demain.
Max eut d'ailleurs beaucoup de chance, puisque Jude capta notre attention à tous en bondissant du canapé, alors que le visage souriant de sa mère venait d'apparaître à l'écran :
– Mommy !
Bonus de cette année : vu qu'il y avait pas de public on entendait les filles chanter, et ça me faisait toujours un truc d'entendre ma meuf le faire.
– Mo-y, mo-y ! répéta Oscar en rejoignant Jude pour se coller lui aussi à l'écran de la télé.
– Dad, look ! m'intima Jude.
– Je fais que ça regarder, Crevette.
Puis quand la caméra bougea sur le visage d'une autre joueuse, les petits eurent l'air déçus, et ils revinrent s'installer vers nous.
– Faites pas ces têtes, leur dit Maxime. Y'a Tata Stine qui arrive.
Je l'assassinai du regard lorsque les deux repartirent se coller à la télé, puis ils revinrent lorsque le visage de leur tante fut passé, et au moment où Jude se blottit contre moi je reçu un message d'Hakim :
« Que la meilleure gagne », disait-il.
Tu disais pas ça l'année dernière quand elle était encore en Hongrie et que t'essayais de l'oublier comme tu pouvais enfoiré, songeai-je.
Mais je lui dis pas ça et je souris d'amusement en lui renvoyant un « tu sais très bien que c'est Maëlle la meilleure », et lorsqu'il répondit « en attendant elle a jamais été nommée meilleure joueuse du monde », je sus que j'avais déclenché un débat qui s'arrêterait que lorsque la fin du match aurait été sifflé.
Les Françaises commencèrent en attaque, et leur premier but fut marqué au bout de deux minutes seulement. Lorsqu'un deuxième but fut marqué au bout de trois minutes, je me dis qu'on partait bien. Jude et Oscar s'exclamaient en même temps que nous, Jude hurla un « Mommy ! » plein de fierté quand Maëlle marqua un magnifique but à l'aile à la sixième minute, changeant le score en 3 à 2 pour la France, puis disant, je cite : « ma Maman c'est la meilleure ». Sophie tentait de rester calme, Oscar suçant son pouce dans ses bras en regardant la télé sans réellement la voir. De notre côté, Max et moi on était clairement mauvais : râlant à chaque faute des Norvégiennes, critiquant sans cesse les décisions des arbitres, on se faisait souvent réprimander par Sophie. Mais ça nous calma pas du tout, puisqu'à la quinzième minute, alors qu'une Norvégienne venait de rentrer dans le lard de Maëlle et que ma meuf était allongée sur le dos, on se leva tous les deux en gueulant :
– Bah wesh bouge de là toi ! s'exclama Max.
– Oh tu fais quoi ? m'emportai-je exactement au même moment, un peu inquiet parce que je flippais que la tête de ma meuf ait heurté le sol.
Mais la joueuse adverse se précipita aux côtés de Maëlle, et lui tendit sa main en lui demandant si elle allait bien, ce à quoi ma meuf lui répondit avec un large sourire gratifiant. Ce moment plus que fairplay nous fit nous sentir ultra cons, et Max et moi on se calma pour la fin du match.
J'aimais ma meuf, et j'aimais l'Équipe de France, mais les filles jouaient comme des merdes. Elles avaient battu toutes leurs adversaires jusqu'à aujourd'hui, elles avaient fait un Euro monstrueux, et là elles jouaient comme si elles se connaissaient pas. Ce fut donc la boule au ventre et sur un 14 à 10 pour la Norvège que je partis coucher mes fils pendant la mi-temps, Oscar dormant déjà à moitié dans les bras de Sophie malgré le bruit, espérant que les filles allaient se ressaisir pour la deuxième partie de leur match.
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20 décembre 2020
Nous avions fait une première mi-temps désastreuse. Mauvaises passes, pertes de balles, et buts non cadrés s'étaient enchaînés, et les filles et moi ne reconnaissions pas du tout notre équipe. Il allait falloir que nous nous remettions dans notre match et que nous gagnions cette putain de médaille d'or.
En face de nous, les Norvégiennes étaient au taquet, et Stine jouait magnifiquement bien. Mais je n'avais pas le temps pour être fière de ma meilleure amie, trop occupée à remonter le moral des troupes aux côté d'Alexandra et d'Olivier dans les vestiaires.
Ce fut donc gonflées à bloc que nous retournâmes sur le terrain, plus que prêtes à éclater nos adversaires.
La trente-sixième minutes marqua un tournant dans notre match : 11-16, 12-16, 13-16, 14-16, 15-16, nous ne laissâmes pas nos adversaires marquer pendant neuf minutes, enchaînant les buts de notre côté avec cinq joueuses différentes : Océane ouvrit les hostilités, Siraba et Pauletta suivirent, j'en marquai un à mon tour, et Alexandra conclut. Nous étions de retour dans notre match, la rage de vaincre au creux du ventre et notre réussite face aux buts nous donnant envie d'enchaîner les attaques et de ne rien laisser passer en défense.
Les minutes qui suivirent furent insoutenables : les Norvégiennes marquèrent leur dix-septième but, j'en marquai un seizième, Laura en marqua un dix-septième, et nous nous retrouvâmes à égalité à la cinquantième minute.
Jusqu'à la cinquante-septième minutes nous ne fîmes qu'égaliser, et à trois minutes de la fin du match nous étions à 20-20, grâce au but d'Estelle. Puis nous manquâmes notre vingt-et-unième but, et tout dérapa : les Norvégienne marquèrent un but supplémentaire, nous faisant perdre nos moyens, et leur laissant l'occasion d'en marquer à vingt-deuxième.
La fin du match fut sifflée. Les Norvégiennes avaient déjà commencé à fêter leur victoire dès le début de la cinquante-neuvième minute. Cléopâtre fondit en larmes. Laura aussi. Ma gorge se serra en voyant leur peine, et je m'empressai d'aller prendre notre gardienne qui avait fait une si belle compétition dans mes bras, sans rien dire. Parce qu'il n'y avait rien à dire : d'accord, nous avions une médaille d'argent, mais nous avions fait un sans faute du début à la fin de notre compétition, et nous avions cru en notre médaille d'or jusqu'au bout. Alors la déception était immense.
J'essayais de ne pas penser au ballon atterrissant sur le pied de Stine à la cinquante-septième minutes. Je ne voulais pas ressentir de l'amertume envers ma meilleure amie à cause d'une erreur d'arbitrage. Erreur qui nous avait probablement été fatale malgré notre très mauvaise première mi-temps.
La Norvégienne s'empressa d'ailleurs de venir me voir après les célébrations de son équipe et malgré les nombreuses caméras qui voulaient avoir son ressenti sur son match. Une mine désolée à laquelle je répondis par un sourire terne, Stine m'ouvrit ses bras, et je m'empressai d'aller l'entourer des miens.
– Vous avez très bien joué, me dit-elle en Anglais. Je suis désolée.
– Tais-toi, lui répondis-je. Vous le méritez, vous avez fait un bien meilleur match que nous.
Nous nous serrâmes dans les bras pendant encore de longues secondes, puis elle retourna vers son équipe et je retournai vers la mienne.
Le lendemain, toujours déçue par ma défaite, et après avoir pris un deuxième avion depuis Paris pour rejoindre ma petite famille en Espagne, un sourire incontrôlable prit place sur mon visage lorsque je repérai mon rappeur préféré dans le hall de l'aéroport : sa doudoune Gucci sur le dos alors qu'il devait faire dix degrés me fit me retenir de lever les yeux au ciel, et je m'empressai de parcourir la distance qui nous séparait avec un sourire fatigué sur le visage. Deen ôta son masque, dévoilant une moue peinée malgré un sourire empathique, et il m'ouvrit ses bras pour m'inviter à m'y glisser, ce que je fis sans me faire prier. Mes paupières se fermèrent en même temps que ses bras autour de mon corps, et je lâchai un soupir de soulagement alors qu'il embrassait mon cou : bordel qu'est-ce que j'étais contente de le retrouver !
– Ce sera pour une prochaine fois, me murmura-t-il de la voix grave qui m'avait tant manqué malgré les appels téléphoniques.
J'acquiesçai sans trop de conviction dans ses bras, la défaite étant encore dure à digérer.
– Vous avez fait un championnat de malade, continua-t-il de me consoler. Et vous avez une médaille d'argent. Vous pouvez pas être premières tout le temps. Et puis dans tous les cas j'serai toujours super fier de toi.
Me redressant lentement pour que seuls nos bassins soient collés et qu'il puisse voir mon visage, je mis les mains dans les poches de sa doudoune en lui souriant, Deen me tenant par la taille :
– T'as raison, ce sera pour une prochaine fois. Le principal c'est qu'on soit qualifiées aux JO et que je vous ai retrouvé.
Deen m'adressa un sourire satisfait, il m'embrassa avant de marmonner un « fragile » moqueur, je lui assénai une tape sur le bras, puis il prit mon sac de voyage dans une main, entoura mes épaules de son bras libre, et nous dirigea vers une voiture de location.
À la villa que son frère avait loué, mon cœur se gonfla immédiatement d'amour en entendant un mini-Raphaël hurler un long « Mooooom ! » au beau milieu du salon, courant dans ma direction aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient.
Je m'empressai de m'accroupir pour prendre mon petit garçon dans mes bras et le couvrir de bisous.
– Hmmm, lâchai-je sous le contentement en serrant mon fils contre moi, les yeux fermés. Tu m'as manqué mon Juju.
C'était si vrai. Je me contentais de peu avant la naissance de mes garçons, mes seules réelles attaches étant mon frère et mon père. Mais depuis que j'étais mère, j'avais beaucoup de mal à rester seule et loin de ma famille plus de deux jours.
– Moi aussi Mom, me confia timidement Jude en souriant de toutes ses dents, posant ses deux petites mains sur mes joues.
J'embrassai encore quelques fois sa petite bouille, puis le reposai sur le sol pour prendre Oscar des bras de Maxime, le serrant contre moi et l'attaquant avec des bisous alors que ce dernier rigolait.
À ce moment-là j'avais tout oublié de ma défaite : le plus important était que j'avais retrouvé mes trois hommes. Les Norvégiennes pouvaient profiter de leur médaille d'or.
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