BONUS 5 - 1/? : « S'ils sont mal élevés on pourra s'en prendre qu'à nous-mêmes »

Début d'une petite série de bonus spéciale confinement qui traîne dans mes dossiers depuis quelques mois ! Je sais pas encore combien il y aura de parties, j'ai coupé celle-ci parce qu'elle était trop longue et j'ai encore pas mal d'inspi... 

J'espère que vous allez aimer, en tout cas ça fait bizarre de republier ici !

Bisous et bonne lecture ! ❤

PS : je sais pas si y'a des personnes qui gardent Jim Morrison au chaud dans leur bibliothèque au cas où pour pas louper de notif, mais en tout cas si ça vous encombre ou que ça vous fait chier, j'ai un compte Insta où j'annonce les sorties de chapitres (c'est dans ma bio). Voilà c'est tout, je pose ça là si jamais vous en avez besoin.

____________________________________________________

Si j'avais su ce que 2020 nous préparait, j'aurais pas fait de gosses. Je crois que je me serais même pas casé. Parce que putain, imaginez être cloîtré avec la chieuse qu'est Maëlle, nos deux tempéraments explosifs, un Jude de deux ans et trois mois qui demande qu'à courir partout et un Oscar venant tout juste de fêter ses un an mais qui suit son grand frère dans toutes ses conneries, et vous visualiserez l'enfer qu'a été mon confinement.

Franchement, je l'ai pas respecté tous les jours, c'était juste pas possible. Si j'étais pas sorti je crois que j'aurais fini par tuer Maëlle et foutre nos gosses à la porte.

Enfin, au final, c'était pas ce qui s'était passé, mais entre confinement, déconfinement, couvre-feu et reconfinement, le parcours avait été mouvementé, et notre couple en avait beaucoup pâti. 

Mais bon, en tout cas, ça nous avait permis d'assister à quelques pépites, et ça nous avait appris beaucoup de choses sur nous-mêmes et notre famille.

****

17 mars 2020

Atterré, j'étais tout doucement en train de réaliser ce qu'impliquait ce que venait d'annoncer notre très cher président de la République.

« Dès demain midi et pour quinze jours au moins ». 

Ok, donc ça voulait dire que j'allais devoir me coltiner ma meuf et mes deux petits absolument tous les jours sans pouvoir aller souffler auprès de mes zins. 

D'un côté, j'étais pas trop contre. Maëlle jouait déjà plus depuis un moment par rapport aux mesures prises plusieurs jours plus tôt, et j'étais content de pouvoir passer plus de temps avec ma mif. Mais je savais aussi très bien qu'on allait tous les deux finir par câbler très vite.

Après être restés silencieux pendant l'allocution de Macron et une fois son petit discours terminé, Maëlle m'adressa d'ailleurs un regard dans lequel je compris qu'elle et moi étions sur la même longueur d'onde : on allait se foutre sur la gueule, c'était pas possible.

Sur ses genoux, Jude rivaient des yeux bleus ciel curieux sur moi, m'interrogeant du regard en fronçant les sourcils du haut de ses deux ans et trois mois. Je répondis à sa question silencieuse après avoir lâché un soupir et changé la télé de chaîne :

– Ça veut dire qu'on va rester enfermés tous les quatre pendant deux semaines mon fils.

Après plusieurs secondes de réflexion, les yeux dans le vague, analysant probablement ce que je venais de lui dire, il se contorsionna pour interroger sa mère :

– Cèche ? demanda-t-il  d'un air inquiet.

– Y'aura pas de crèche jusqu'à ce que le Président dise qu'on peut y retourner Crevette, lui répondit Maëlle.

Le visage de notre aîné se ferma sous la surprise, puis il me lança un regard plein de détresse :

– Ely ? Peux voir Ely ?

Maëlle et moi on s'échangea un regard craintif, puis je crois qu'on conclut tous les deux qu'il valait mieux le faire chialer un bon coup maintenant plutôt que de le rassurer par des mensonges.

– Nan t'as pas le droit, lui annonçai-je d'un ton que je voulais doux.

« Mais les Bouhied habitent littéralement dans l'immeuble d'à côté et il est possible qu'on sorte malencontreusement par hasard en même temps pour aller faire nos courses », me retins-je d'ajouter.

De toute façon en vrai de vrai, on savait très bien Maëlle et moi que j'allais sortir quand même pour aller en stud' quelques fois. Fallait que je boucle mon album, et puis c'était clairement nécessaire à la survie de notre couple.

Réaction prévisible à ma révélation, Jude fondit en larme dans les bras de sa mère, et cette dernière tenta tant bien que mal de le réconforter à base de bisous et de câlins. Parfois je me disais que c'était une très mauvaise chose d'avoir élevé notre môme avec celui de Tarek ; Jude et Elyas étaient bien trop dépendants l'un de l'autre, et même si je kiffais la relation qu'entretenaient par exemple Raph et Maëlle, on avait déjà tous vu ce qu'une telle dépendance avait pu engendrer.

Quand Jude fut à peu près calmé, je me levai pour le prendre des bras de Maëlle tandis que cette dernière déposait un baiser sur sa tête en lui souhaitant une bonne nuit. Jude ne tarda pas à enrouler ses bras autour de mon cou et à s'accrocher à moi, enfouissant son visage dans mon cou, et je le tins contre moi dans une étreinte réconfortante :

– Allez au pieu, lui murmurai-je. T'es complètement cuit mon grand.

– Nan ! s'opposa-t-il aussitôt, regagnant bizarrement de l'énergie en se redressant dans mes bras, employant pour la centième fois de la journée son mot préféré.

– C'est moi le patron, commence pas à essayer de faire des coups d'état.

Souvent une réaction à mes phrases trop longues et mes mots trop compliqués, Jude ne dit rien et se laissa porter jusqu'à son lit. La chambre qu'il partageait avec son petit frère se trouvait pile au bout du couloir, et d'habitude je nous faisais traverser en trottinant pour prendre de l'élan avant de nous laisser glisser, mais vu qu'il commençait à s'endormir contre moi, j'évitai ce petit rituel.

Je bordai mon fils dans son petit lit en forme de cabane, lui mis son doudou en forme de pieuvre orange aux pauvres tentacules mâchouillées dans les mains, luttai contre ses tentatives de rébellion en étant d'abord diplomate puis en élevant ensuite la voix, et je parvins finalement à l'endormir avec quelques menaces, un câlin et une histoire.

– Allez, bonne nuit mon fils, je t'aime, dis-je finalement en déposant un baiser sur sa joue rebondie.

– T'aime... répondit-il d'une voix ensommeillée.

Comme bien souvent, je restai quelques secondes à le regarder s'endormir, me demandant comment j'avais pu produire un gamin aussi mignon, puis je me dirigeai vers Oscar pour l'embrasser à son tour.

Je maudissais ce virus de merde et ce putain de confinement tous les jours, mais bordel j'étais content que mes deux petits soient trop jeunes pour en avoir le moindre souvenir plus tard. Ils étaient pas trop conscients de ce qui se passait, et c'était très bien comme ça : avec Maëlle ça nous permettrait d'inventer une histoire pour leur faire passer ces semaines à venir sans aucun stress.

Retournant dans le salon, je m'avachis sur le canapé à côté de ma meuf, étalant mes jambes sur ses cuisses. On se regarda pendant quelques secondes dans le blanc des yeux sans rien dire, digérant tous les deux la nouvelle de la soirée chacun de notre côté.

– Va falloir les occuper... fit Maëlle au bout de quelques secondes.

Hmm, la crèche allait me manquer.

– On va se débrouiller, c'est pas ce qui me fait le plus peur, répondis-je.

– Je sais.

On resta une nouvelle fois quelques secondes en silence, les doigts de Maëlle faisant des allers et retours sur mes tibias.

On savait tous les deux que le plus dur à surmonter dans tout ça, ça allait être de vivre h24 l'un avec l'autre. Ça faisait quelques années qu'on vivait ensemble, mais on bougeait quand même pas mal et on était rarement cloîtrés seulement tous les quatre. Soit on passait tous les deux du temps avec nos gars et nos meufs sûres, soit elle était avec Tarek ou les filles et moi j'étais avec mes gars d'Auber ou du L, soit elle était au hand et j'étais en stud... Enfin on était rarement l'un sur l'autre en permanence, surtout que quand on sortait avec nos potes on restait pas collés. Et même si Jude courait partout, qu'Oscar avait appris à marcher bien trop tôt à notre goût et qu'il suivait son frère partout, et que les deux passaient leur temps à brailler comme les deux p'tits mecs relous qu'ils étaient, je savais qu'ils allaient pas être la plus grosse épreuve à surmonter de ce confinement.

– Il faut qu'on fasse un programme Mika, déclara-t-elle finalement au bout de quelques secondes d'un air déterminé. Toi et moi on sait très bien que ça va pas durer deux semaines toute cette merde, moi je table sur du deux mois.

Dans un premier temps, je soupirai pour seule réponse ; putain elle avait raison. Ça allait être dur de tenir.

– Tous les jours une séance de sport, dis-je finalement. Voire même deux par jours pour toi, complétai-je très sérieusement. Parce que je te connais quand tu t'es pas assez dépensée, t'es une connasse irritable.

Maëlle acquiesça sans se braquer ; elle en avait parfaitement conscience.

– Va falloir qu'on s'occupe de l'orthophonie tous seuls, dit-elle ensuite. Et qu'on fasse nos cours de LSF tous seuls sur Internet. On peut pas laisser Oscar stagner dans son développement.

J'acquiesçai à mon tour en me frottant les yeux avec mon pouce et mon index, fatigué en avance par tout ce que ça impliquait ; remarque en deux mois voire plus on avait grave le temps d'apprendre la langue des signes Française. Maëlle aurait peut-être même le temps d'apprendre la langue des signes Américaine.

– J'irai acheter des jeux d'éveil pour Jude demain, annonçai-je. Il va se faire chier sinon, il commence à connaître ceux qu'il a déjà par cœur.

Et ça me faisait flipper, parce que j'avais aucune envie que notre fils soit trop intelligent. Ça avait jamais réellement aidé Maëlle de tout comprendre ce qui l'entourait.

– Et surtout, surtout, appuya Maëlle d'un air dramatique. Il faut jamais que j'oublie ma pilule. Jamais !

Je me tapai une barre face à son visage on ne peut plus sérieux, puis lui tendis ma main pour qu'elle la serre ; j'y avais pas pensé, mais c'est vrai que maintenant qu'on avait autant de temps à passer ensemble, on allait surement beaucoup trop ken. Et il était hors de question qu'on ait un troisième gosse, ce serait un cauchemar.

– T'as appelé Raph ? lui demandai-je une fois notre hilarité à tous les deux passés, tandis que je lançai Netflix.

– Nan, je l'appellerai demain je pense. De toute façon ça change rien à sa vie pour le coup.

C'était vrai. Même si la suite allait être longue, Raph s'était auto-confiné depuis déjà un mois sous les conseils de son médecin. Vu ce qu'un simple rhume pouvait avoir comme conséquence sur lui, il pouvait pas prendre le risque de chopper le Covid, il y survivrait probablement pas. Du coup Inès, leur petite et lui avaient fait leurs valises pour aller s'installer chez les arrières-grands-parents des jumeaux, à l'air frais, loin de toute source de contamination et avec un grand jardin pour pouvoir laisser Kaïs faire ses premiers pas. Inès gérait la situation comme une reine alors qu'elle était enceinte de leur deuxième miracle, désinfectant chaque course qui rentrait dans la maison et n'allant jamais au contact de son mari tant qu'elle s'était pas entièrement douchée après ses sorties. Malgré eux ils obligeaient aussi Henri et Yvette à rester chez eux, ce qui arrangeait cette dernière qui n'avait pas à supporter les vadrouilles de son mari depuis un mois. Toute cette situation allait avoir un énorme coup pour le couple, puisque le traitement de Raph était cher et qu'aucun des deux toucherait de thunes avant un bon moment, et ils avaient accepté que Maëlle et moi on les aide financièrement. En tout cas, l'isolation des Duprés-Clarkson nous rassurait tous énormément, et notre seule crainte était maintenant que le confinement se prolonge et que Raph puisse pas assister à la naissance de son fils.

Putain à la réflexion y'avait ça aussi qui me faisait flipper : l'éloignement de Maëlle avec son frère. Elle pourrait être invivable à cause de ça, je le savais.

Il allait falloir que je sois fort. Parce que putain, pour supporter une Maëlle Duprés-Clarkson en temps normal il fallait du courage mais alors là... Je voulais qu'on me donne une médaille lorsque toute cette histoire serait derrière nous.

****

2 avril 2020

– Mikael Castelle putain de bordel de merde !

Fermant les yeux face aux cris de ma meuf dans le salon, je me doutai déjà de ce qu'elle avait à me dire ; elle venait à peine d'allumer l'aspirateur qu'elle l'avait aussitôt arrêté, et ce, pour jurer en utilisant mon nom.

Je restai silencieux, continuant simplement de jouer avec mes fils dans leur chambre, faisant rouler des petites voitures sur un circuit aménagé avec des Kaplas, attendant qu'elle débarque et qu'elle s'explique. Ce que Maëlle ne tarda pas à faire, arrivant d'un pas déterminé dans la chambre , l'air vénère bien comme il faut. Je relevai donc la tête vers elle et l'interrogeai d'un regard blasé :

– Qu'est-ce qu'il y a mon amour ? demandai-je en sachant pertinemment qu'avec mes paroles j'arrangeais pas mon cas.

Maëlle pinça brièvement sa lèvre inférieure entre ses dents, puis elle m'assassina du regard :

– Tu sais qu'il y a un bouton marche et arrêt sur l'aspirateur ? me demanda-t-elle comme si elle parlait à un gosse. Et ben tu vois il faut l'utiliser de temps en temps, et pas juste débrancher le fil putain !

Je fermai les paupières de lassitude : voilà pour quoi on allait s'embrouiller : une histoire d'aspirateur mal éteint.

– Et en quoi ça te dérange ? soupirai-je. C'est pas comme si je l'avais pas éteint du tout.

Ma meuf répéta après moi comme une gosse d'un air mesquin, puis elle continua de m'embrouiller, les poings posés sur ses hanches, me toisant du haut de son mètre soixante-dix en profitant du fait que j'étais assis par terre :

– Parce que ça casse les couilles ! J'allume un truc qui fait un bruit monstre, j'aimerais bien pouvoir prévoir quand ça va commencer à me péter à la gueule au lieu de me prendre quatre-vingt décibels dans la tronche par surprise !

– Arrête de jurer devant les gosses, commençai-je à m'emporter tout en me levant pour me diriger vers elle. Ils vont parler comme des charretiers à force de t'entendre là.

– Alors celle-là c'est la meilleure, lança-t-elle dans un rire jaune. C'est vrai que vous êtes bien placés pour dire ça toi et tes « mon kho » que Jude a repris même pas trois mois après avoir appris à parler.

Je retins un petit sourire fier : j'étais pas mécontent de moi sur ce coup.

– Tu préfères qu'il utilise de l'argot ou qu'il ponctue toutes ses phrases par des « merde » et des « putain » ? enchéris-je.

– Joue pas à ce jeu-là Mika, t'es aussi vulgaire que moi.

– Mais moi je me contrôle à côté des p'tits.

D'ailleurs en parlant d'eux, ils avaient tellement l'habitude qu'on s'engueule en ce moment qu'ils faisaient même plus attention à nous, continuant simplement de jouer dans leur coin en rigolant et en s'inventant des histoires avec leurs voitures de course. 

– Ah donc s'ils ont une éducation de merde c'est de ma faute Monsieur Je-cède-à-tous-leurs-caprices-parce-qu'ils-sont-mignons ?

Putain mais qu'est-ce qu'elle pouvait me vénère des fois. Par exemple là, je comprenais même pas ce que je foutais avec elle tellement elle me foutait les nerfs.

– T'es aussi faible que moi face à eux, tempérai-je.

– Mais quoi ? s'emporta-t-elle. Putain mais c'est quand même à cause de toi que Jude passe son temps à faire des caprices pour qu'on le porte quand on est en balade !

– Il a deux ans, je vais pas le faire marcher trente kilomètres non plus !

– Le tour du quartier Mika, juste le tour du quartier. À deux ans il est bien plus que capable de faire ça tout seul vu le nombre de pas qu'il est capable de faire toute la journée dans l'appart quand on sort pas.

– Ouais bah ce sera ta faute s'il déteste marcher après. Ça va être drôle quand tu pourras pas en faire un parfait petit handballeur.

Maëlle eut un petit mouvement de recul face à mes mots, comme s'ils l'avaient heurtée de plein fouet :

– Commence pas à me faire passer pour la mère horrible qui force ses enfants à faire un sport qu'ils aiment pas et à leur foutre une pression monstre pour qu'ils réussissent. 

– Parce que c'est pas le cas ? Tu l'as laissé choisir le baby-basket par exemple ? 

J'étais vraiment un connard de lui reprocher ça, et je le savais. Mais je supportais pas d'avoir tort face à Maëlle, et encore moins de lui laisser gagner une bataille qu'elle avait commencé injustement et qui n'avait aucun sens.

– J'arrive pas à croire que tu me remettes ça dans la gueule ! s'exclama-t-elle. T'as été le premier à dire que t'avais hâte qu'il devienne champion du monde ! Et puis c'est pas comme si je prenais les décisions seule quand il s'agit de nos fils !

– Vas-y tu sais quoi je me casse ! déclarai-je finalement en passant à côté d'elle sans oublier de percuter son épaule.

Derrière moi et alors que je prenais ma sacoche, un rire moqueur sortit de la bouche de ma meuf, ce qui m'énerva encore plus. Putain avant elle je pensais pas que c'était si dur de se retenir de frapper une femme.

– Tu te barres parce que tu sais que j'ai raison et que t'as tort ! lança-t-elle.

Prends sur toi Mikael, prends sur toi. Réponds pas et sors de là, c'est tout.

– Ferme ta gueule, lançai-je quand même pour la forme.

Et sur ces mots, je fermai la porte derrière moi avant de descendre les marches de notre immeuble d'un pas enragé. Puis je m'arrêtai au deuxième palier avant de les remonter aussi sec, rouvrant la porte d'entrée à la volée :

– Je t'aime, lançai-je froidement d'un ton sec, les mâchoires serrées.

– Moi aussi, répondit-elle avec tout autant de virulence en m'assassinant du regard.

Puis je tournai les talons, toujours aussi en colère, avant de sortir une bonne fois pour toute. Putain de merde, ce confinement de mes deux était vraiment la pire chose qui pouvait nous arriver. 

Marchant sans réel but dans la rue, j'avais pas grand chose à foutre de l'amande que je pouvais me prendre s'il venait à l'esprit d'un ou deux flics de venir me contrôler. À ce stade c'était une question de survie pour mon couple que je prenne l'air, et puis c'était clairement mieux pour les garçons : ils avaient vraiment pas besoin de nous entendre continuer à nous engueuler en se reprochant mutuellement des choses sans queue ni tête. 

Le pire, c'est que je savais que Maëlle avait raison à chaque putain d'argument. Mais ce qui me faisait particulièrement chier, c'était la façon dont elle était venue m'engueuler et dont elle avait commencé l'embrouille : elle était sur les nerfs à force de rester enfermée sans pouvoir se dépenser, et c'était sur moi qu'elle se lâchait. Sauf que moi j'avais bien trop de fierté pour la laisser gagner, et je pouvais jamais m'empêcher de lui rentrer dedans à mon tour. Alors que la solution la plus simple serait de l'ignorer comme quand elle faisait la gamine et qu'elle me provoquait gentiment. 

Putain mais quelle chieuse. 

J'aurais aimé dire que j'avais pas été prévenu de ce qu'était la vie auprès d'elle, mais c'était pas comme si on avait emménagé ensemble au bout d'une semaine de relation. Je savais que c'était la pire emmerdeuse que la Terre avait jamais porté, et pourtant j'avais foncé droit dans le mur. Remarque j'avais pas non plus prévu que Jude arrive et scelle nos destins encore un peu plus. 

Me posant dans un coin à l'abris des regards (en vérité j'avais dû croiser trois pélos depuis que j'étais sorti mais on savait jamais), je m'allumai un spliff pour m'aider à redescendre un peu. Et pas que : depuis que les petits étaient là il était beaucoup plus rare que je fume et ça me manquait pas mal. J'avais pas arrêté ma consommation, bien au contraire, je continuais à fumer en stud ou quand j'étais avec mes gars, mais la beuh et le shit étaient complètement proscris chez nous. Enfin, en tout cas, quand les garçons étaient là.

Je restai posé pendant une bonne heure, me demandant comment Maëlle était en train d'évacuer sa frustration. Il était possible qu'elle joue avec nos fils, ils avaient tendance à l'apaiser. Enfin, quand c'était pas eux la source de sa colère surtout.

J'eus un ricanement quand, au bout de mon premier pète, je reçus un message de Raph, me disant simplement « force à toi frérot ». Maëlle avait dû se plaindre auprès de lui, et soit elle lui avait avoué qu'elle avait un peu forcé, soit il l'avait deviné tout seul, lui qui connaissait sa sœur comme personne.

Je rentrai finalement doucement après m'être fumé un deuxième stick un peu plus petit et moins chargé, le cœur beaucoup plus léger et l'envie de retrouver mes fils bien présente. Et aussi ma meuf, mais juste un peu.

J'ouvris lentement la porte, avec hésitation, me demandant dans quel état j'allais retrouver la mère de mes gosses. J'eus pas à faire beaucoup de pas pour la trouver dans l'appart vu qu'elle était allongée dans le canapé devant un film. D'après le silence qui régnait dans l'appartement et l'heure qu'il était, je devinai aussi que Jude et Oscar devaient être en train de faire la sieste. 

– Tu dors ? demandai-je par-dessus le dossier, ne pouvant apercevoir le visage de ma meuf caché par la capuche de son sweat.

– Ouais.

Je lâchai un soupir, voyant qu'elle faisait toujours aucun effort, et déposai ma sacoche, mes pompes et mon bomber dans l'entrée avant de me diriger vers la chambre de nos fils pour éviter un deuxième épisode dans la série « Mel et Mika se foutent sur la gueule, ça tourne mal ». Sauf qu'une fois que j'eus vérifié que les deux petits dormaient bien, il fallait bien que je brise la glace avec leur mère. Mais Maëlle me devança :

– J'ai pas passé l'aspi du coup, dit-elle simplement.

Je soupirai : le fait qu'elle essaye de continuer la dispute qu'on avait eu plus tôt aurait pu me vénère si j'avais pas fumé et si Jude et Oscar dormaient pas.

– Je le passerai demain, répondis-je en allant m'asseoir là où Maëlle me laissait de la place.

– Ok.

S'ensuivit un long silence, durant lequel on se contenta tous les deux de mater le film à l'écran, puis je partageai enfin mes pensées post-engueulade :

– Ça me casse les couilles que tu m'agresses comme ça, dis-je doucement. Viens me parler sans m'embrouiller nan ?

Sous la masse informe que formait son sweat trop large, je pus voir ses épaules se hausser :

– J'étais vénère, désolée.

– Ouais bah ça justifie pas tout.

– Je sais.

Elle avait maintenant l'air d'une enfant prise au piège, sachant très bien qu'elle était en tort sur toute la ligne : de la façon dont elle m'avait parlé jusqu'aux vieilles remarques sur l'éducation des gosses, elle avait très mal joué.

Et moi aussi :

– Bon et puis désolé pour tout ce que j'ai dit sur ton éducation des petits, dis-je finalement. Soit on est des parents claqués à deux, soit on est des bons parents à deux, mais y'en n'a pas un qui merde plus que l'autre.

Ce fut à ce moment que Maëlle se redressa, sa tête toujours dissimulée sous sa capuche, ses lunettes rondes sur le nez, se mettant en tailleur face à moi et prenant l'une de mes mains dans ses paumes pour jouer avec mes doigts. Putain et elle détestait que je dise qu'elle était mignonne.

– Je suis d'accord, je suis désolée aussi. T'as raison, on est aussi faibles l'un que l'autre face à leurs deux bouilles. Et s'ils sont mal élevés on pourra s'en prendre qu'à nous-mêmes.

– Merci bien.

Ma meuf esquissa un petit sourire suite à mon soupir, puis elle vint se blottir contre moi comme une gosse, me rappelant que même si c'était la pire galère que j'ai jamais rencontré, j'imaginais pas ma vie avec une meuf plus posée et plus calme.

Le lendemain, alors que, comme promis, j'allais passer l'aspirateur, le moteur de ce dernier vrombit alors que je venais juste de brancher le fil à la prise, me faisant sursauter et jurer.

Ok, c'était chiant.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top