Lettre à un endroit qui nous apportait la paix pendant notre enfance
Splendide chêne
Solidement ancré dans le sol par tes racines imposantes, tu offrais généreusement ton ombre. Je me rappelle le petit singe agile que j'étais et comment je m'agrippais de mes petits bras à ton tronc pour t'enserrer et te câliner ou plutôt recevoir un câlin de toi. Je n'avais pas l'âge, du haut de mes cinq ans, pour réussir à faire le tour complet de ta large ossature.
Je me souviens de ta texture rugueuse que je ne me lassais pas de caresser. Quand j'étais lovée contre toi, j'avais l'impression d'entendre ton cœur battre et palpiter plus rapidement lorsque je te couvrais de baisers.
J'aimais ton odeur parfumée qui me rappelait un peu celle du bois que mes grands-parents faisaient brûler dans la cheminée de leur petite maison.
Tu étais mon géant, mon héros, mon roi.
Ô combien je t'admirais et te trouvais majestueux dans la manière dont tu t'élevais dans le ciel.
Tes branches étaient nombreuses et la douce mélodie des feuilles qui s'agitaient dans le vent léger m'émerveillait et comblait mon ouïe.
J'étais toute petite mais j'aime à croire que tu avais laissé pousser des branches basses pour que je puisse grimper et atteindre l'étage où se situait une niche, ma cabane d'adoption. Il m'arrivait d'y trouver la place occupée par un nid mais j'étais tellement menue que nous pouvions cohabiter. J'étais capable de rester là assise complètement immobile pendant plusieurs heures en essayant de communiquer avec toi.
Mon corps fusionnait avec ton tronc. J'avais l'impression que nous ne formions plus qu'une seule entité. La symbiose était parfaite.
Je te racontais ma triste vie. J'inondais, j'espère que tu ne m'en voulais pas, tes branches de mes larmes salées. Je les regardais s'écouler dans les sillons creusés sur ton ossature. Quelquefois, j'avais envie de rire en pensant que si quelqu'un s'abritait sous tes branches, il viendrait à penser qu'un oiseau lui avait fait pipi dessus, en recevant mes larmes sur la tête.
Je te trouvais magique et mystérieux, mon magnifique chêne. Je rêvais que tu te déracines et que tu m'emmènes vers des contrées paradisiaques où le ciel serait toujours bleu et le soleil aurait un joli sourire.
Un jour, cependant, un drame est venu troubler ce bonheur. Ma mémé Charlotte que j'adorais est morte car son cœur était devenu trop fragile, m'avait expliqué ma maman. Mes parents m'ont emmenée dans la maison où toute la famille était réunie. Dans une pièce où il n'y avait personne, j'ai vu une grande boîte noire recouverte en partie d'un drap. Intriguée, j'ai soulevé le drap et j'ai palpé la boîte. Elle était rugueuse comme toi. J'ai approché mon nez et j'ai reconnu ton odeur. Je me suis mise à pleurer en poussant des cris. Je pleurais parce que ma mémé se trouvait dans cette grande boîte mais aussi parce que je pensais qu'on t'avait fait du mal en te coupant pour fabriquer cette maudite caisse.
J'ai hurlé que je voulais rentrer à la maison. Mes parents n'ont pas compris pourquoi. Aussitôt arrivée, je me suis enfuie de l'appartement et j'ai couru jusqu'au parc pour voir si tu étais toujours là. En te voyant, j'ai encore pleuré, mais c'étaient des larmes de joie et tu m'as offert un doux câlin, mon ami.
Cela fait des années que je ne suis pas retournée te voir. J'ai grandi et déménagé puis je suis devenue adulte. Je pense souvent à toi et à tout le bonheur que tu m'as apporté.
J'espère de tout cœur que tu te portes bien. Je serais tellement malheureuse d'apprendre qu'on t'a abattu pour refaire le parc. Les humains sont tellement stupides.
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