6. Eva

C'est ce que j'ai toujours préféré quand je dors chez lui. Le réveil. Sentir un corps chaud contre moi et pouvoir lui faire un câlin matinal... Rien de mieux pour être de bonne humeur.

Alors qu'il dort encore, je m'avance lentement vers lui et pose ma tête sur son torse. J'entends son coeur battre à travers le drap et je ferme les yeux, réenroulant mes jambes autour de la sienne. Je prends garde à ne pas lui écraser un bras tout en me réinstallant un peu mieux. Un grognement s'échappe de ses lèvres mi-closes et je pince les miennes.

Il ouvre un oeil, puis l'autre, et me fait un petit sourire.

- Salut la naine, lance-t-il, sa voix encore rauque.

Il lâche un long bâillement et je me joins à lui: il est très communicatif. Je m'assois et lève mes bras au-dessus de ma tête. Je m'étire tout en poussant un petit gémissement. Puis je me penche et embrasse Dylan sur la joue. Sans comprendre, deux bras m'attrapent et me plaque contre le torse de mon meilleur ami. Ses mains descendent jusqu'à mes côtes et ses doigts se mettent à me chatouiller. Au début, je me mords les joues pour éviter de rire. Mais très vite, je m'étouffe, je deviens écarlate et je lâche un espèce de hoquet tout en reprenant mon souffle. Il me bascule sous lui et s'assoit sur moi sans aucune gêne. Il reprend son horrible besogne qui m'arrache quelques rires hystériques.

Je bats des pieds comme une folle, tentant vainement de me libérer de l'étreinte de ses jambes.

-A... A... Arrête! Je t'en supplie! hurlé-je, hystérique.

- À une condition!

- Ce que tu veux! haleté-je.

À travers mes larmes, je le vois hausser les sourcils. Il cesse ses chatouilles, me permettant enfin de prendre de grandes goulets d'air. Il pose ses mains autour de ma tête, et se penche jusqu'à appuyer son front contre le mien.

- Aucune résistance? Je t'ai connu plus coriace Eva. Mais bon, voilà la condition: tu couches avec moi.

Je secoue la tête, le sourire aux lèvres.

- Bah oui, quand tu veux, dis-je. Maintenant bouge de là, tu m'écrases.

Il lève enfin ses fesses et j'arrive à m'éloigner de lui. Cette plaisanterie était toujours le signe qui fallait arrêter de torturer l'autre.

- Sale taré, je marmonne.

Je descends du lit et prends mon sac avant de me diriger vers la salle de bains. Dylan quant à lui commence à faire son lit et ouvre ses volets. Je ferme la porte de la pièce derrière moi et enlève mon pyjama de fortune. Je me glisse sous la douche et pendant cinq minutes, je fixe le mur tout en me lavant machinalement. Puis je m'enroule dans la serviette jaune que me prête mon meilleur ami dès que je viens ici. Je me sèche, lâche un bâillement puis m'habille. Je tire un peu sur mon polo d'équitation. Un sourire s'affiche sur mon visage et j'entreprends de me coiffer. Quelqu'un se met brusquement à tambouriner à la porte.

- Bouge toi! crie Dylan.

- Nan, j'ai pas fini! rétorqué-je.

Il frappe de plus belle la porte pendant que j'accroche son collier autour de mon cou. Je me raidis brusquement: la porte n'est pas fermée à clé. Et s'il s'en rend compte, je vais le payer de ma vie.

Sur la pointe des pieds, je m'approche du verrou quand je vois la poignée bouger. Puis entre un Dylan complètement surexcité.

- Vingt minutes! Vingt minutes que tu es dans cette salle de bains! lâche-t-il en s'avançant rapidement vers moi.

Je proteste aussitôt.

- C'est rien vingt minutes! J'allais sortir en plus!

- Oui mais moi, j'ai faim. Et vu qu'il faut carrément venir te chercher...

Il plonge ses yeux dans les miens et je soutiens avec toute la force que je possède son regard. Puis il se penche vers moi et m'attrape. Il me soulève.

- Wow, t'es lourde toi!

Il peine un peu à avancer et je vois ses bras trembler.

- Allez du nerf feignant! je lance en lui tapant l'épaule. Tu as voulu me porter, maintenant avance!

Il me fait son regard le plus noir mais ne dit rien. Je me mords la lèvre. J'ai peur de l'avoir vexé. "Tant pis!"

Arrivés devant la cuisine, il me repose au sol et je lui fais un bisou sur la joue.

- Merci, fais-je en lui adressant mon  sourire le plus innocent.

Il souffle avant de s'asseoir sur une chaise et de verser du lait sur ses céréales. Je me prépare mon propre petit-déjeuner avant de m'installer face à lui. Il est enfermé dans son mutisme et fixe sa cuillère comme si c'était le plus bel objet du monde. C'est vrai qu'il n'est pas vraiment du matin. Il a dû dépasser son quota de gentillesse ces trente dernière minutes après notre chahutage. Je mastique ma tartine de pain puis me vient une idée saugrenue. Je me lève et cours chercher mon téléphone.

Quand je reviens, Dylan n'a pas bougé. Je lance aussitôt la musique et il se tourne vers moi.

- Sérieusement Eva? dit-il avant de bailler à s'en décrocher la mâchoire.

Je suis surprise qu'il soit encore fatigué. Quel fainéant!

- Oui! répondé-je avant de me mettre à débiter un flux de paroles rapides.

Décidément, FAUVE n'a plus aucun secret pour moi.

De son côté, mon meilleur ami continue de manger. Puis le moment arrive. Il pose alors sa cuillère sur la table et je fais de même avec mon téléphone. Il se place devant moi et en coeur nous attaquons le dernier refrain qui est chanté.

"Sur la musique, on va on vient,
On s'éloigne et on revient
Puis tu t'élances et je te tiens,
Je te retiens du bout des doigts
Pour te ramener contre moi.

Sur la musique on va on vient,
Corps contre corps, main dans la main
Plus rien n'existe,
Plus rien de rien
Quand je tiens du bout des doigts
Pour te ramener contre moi."

Nous reproduisons les gestes chantés par le slameur entre deux éclats de rire. À la fin du morceau je me retrouve, souriante de toutes mes dents, contre lui, à le regarder. Il m'imite et je lâche un brusque soupir. Mes épaules retombent et je me détache de lui.

- Va falloir que j'y aille maintenant.

Son sourire s'affaisse légèrement mais il ne dit rien de plus. Après avoir débarrassée mon petit-déjeuner je retourne dans la salle de bains et attrape mon sac. Je range mon pyjama dedans, vérifie que je n'ai rien oublié et quitte la pièce.

- Allez, salut Dy!

Pour seule réponse, j'entends les jets d'eau de la douche s'écraser sur le sol. Je fouille dans mon sac, en retire le double des clés de l'appartement. Je déverrouille la porte et la referme derrière moi. Allez, faut se motiver: Aaron ne va pas m'attendre indéfiniment.

                              ***

Sa robe baie luit sous la lumière du soleil. Aaron racle le sol d'impatience de son large sabot.

- Oui mon beau, attends un peu, j'arrive.

Je cours dans l'écurie chercher son filet. Loanne m'interpelle.

- Hey Eva!

Je m'arrête et fais la bise à mon amie. Elle monte ici depuis des années et à force, les liens se sont créés. Ses cheveux noirs sont attachés en une longue tresse dans son dos et ses yeux verts sont soulignés par des cernes.

- Coucou Loanne! T'as l'air crevé là!

Elle hoche la tête avant de lâcher un bâillement.

- Les concours de dressage vont bientôt débuter, et tu peux même pas imaginer combien ça me stresse.

Sa voix déjà basse d'habitude est presque inaudible. Elle tort ses mains et j'aperçois des ongles dévastés. Effectivement, elle stresse. Je pose ma main sur son épaule et lui sourit.

- T'inquiètes, tout va bien se passer! Tu as bien vu l'année dernière? Tu es allée jusqu'aux concours régionaux! Et puis Pipo ne te fera pas défaut.

Elle lâche un petit sourire. Ça me ramène presque sept ans auparavant. Je montais déjà depuis un an et elle venait d'arriver au club. Pipo lui, était en plein débourrage. Quand elle l'avait vu, elle m'avait dit que plus tard, elle le montrait et qu'avec lui, elle serait championne du monde de dressage.

Ce moment m'avait marqué car par la suite, elle venait le voir chaque semaine et le régalait de pain sec et de pommes. Et dès qu'il fut prêt à être monté, mon père avait laissé l'honneur à Loanne de le monter. Depuis, il ne se fut pas un samedi où elle ne faisait une reprise avec.

- Faudrait peut-être qu'on finisse de préparer les chevaux non?

J'hoche la tête et me dirige vers la sellerie prendre le filet d'Aaron. Nous traversons l'écurie. L'endroit a un haut plafond et quelques toiles d'araignées y pendent. Le bâtiment en bois et béton est flanché de deux rangées de boxes sur les côtés où piaffent certains chevaux. Au fond, une porte sur la droite mène au "salon", vaste pièce où les cavaliers peuvent grignoter un sandwich, siroter une limonade ou encore se reposer quelques instants sur un des trois canapés. C'est là aussi qu'on passe les épreuve de théorie lors de nos Galops. Et à gauche, une autre porte cache la sellerie.

Nous y pénétrons avec Loanne. Le centre équestre met à disposition des bombes, des filets de protection et des cravaches pour les plus tête-en-l'air. Sur les deux murs, les selles, les tapis et filets sont placés côte à côte avec une étiquette où figurent le nom de leur commun propriétaire. Je prends ce dont j'ai besoin avant de faire demi-tour et de repartir à l'extérieur où m'attend Aaron.

Vient le moment délicat. Je glisse un doigt entre la commissure des lèvres de mon cheval. Il ouvre alors la bouche et rapidement j'y place le mors. Je finis de mettre le filet puis reserre la sangle, règle les étriers et vérifie que la selle n'écrase pas son garrot.

Je me prépare puis retire la longe qui tenait Aaron. Je pose mes mains sur la selle, compte jusqu'à trois avant de me hisser d'un bond sur le dos de ma monture. Je le flatte à l'encolure et le dirige jusqu'à la carrière d'obstacles. Bientôt, d'autres cavaliers se joignent à moi et nous entrons dans le grand carré de sable où se dressent fièrement des oxers, des murs, des spas et autres obstacles bariolés.

Nous débutons l'échauffement. Je fais des diagonales, des changements de pied au petit trot. Je m'élève un maximum afin d'éviter de tomber lourdement sur le dos de l'hongre.

Valentin entre dans la carrière. Il crie:

- Passez au galop maintenant! Main droite et main gauche!

D'un claquement de langue, je fais comprendre à Aaron qu'on change d'allure. Ni une, ni deux, il s'élance à travers la carrière. Je me penche un peu plus et il accélère la cadence. Le vent siffle dans mes oreilles et l'adrénaline monte. Je calme un peu le jeu et deserre un peu les jambes. Aaron ralentit doucement et je l'accompagne avec mes bras jusqu'à ce qu'il s'immobilise. Je le gratte à l'oreille et me dirige vers le centre de la carrière où nous attend Valentin.

Je m'humecte les lèvres.

Je vais sauter des obstacles avec mon cheval.

Je suis libre et ça, personne ne me l'enlevera.

Bonjour!
Excusez moi du retard mais j'ai énormément de boulot, beaucoup d'options et je rentre assez tard!

Je vous promets un prochain chapitre très intéressant!
Allez, ciao!

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