3. Eva

- Merci Béa'!

- De rien Eva, c'est un plaisir! À demain!

Je salue ma voisine retraitée qui a eu la gentillesse de me récupérer en ville. Je rentre à la maison, exténuée. Le bavardage incessant de mon nouveau professeur principal m'a fatigué plus qu'autre chose. J'ai une petite pensée pour Dylan qui, à cette heure-ci, doit se morfondre sous ses draps.

Je lui envoie un simple petit coeur pour lui faire comprendre que je pense à lui. Mon téléphone vibre et j'ai espoir que ce soit mon meilleur ami qui me réponde. Mais ce n'est que Lucas. Il me demande s'il peut m'appeler. J'accepte et à peine quelques secondes plus tard, je vois s'afficher un appel entrant sur mon portable. Je décroche.

- Hey Lucas, qu'est ce qu'il y a?

J'ai beau ne pas le connaître autant que Dylan, je sais qu'il préfère les SMS aux appels. Il doit y avoir une urgence ou alors, il a quelque chose sur le coeur.

- Je me sens pas très bien par rapport à Dylan.

Dingo.

- Je comprends, répondé-je, en ouvrant le frigidaire. Mais ce n'est pas ta faute si Marion en pince pour toi.

Il y a un petit silence.

- Ouais tu as raison, finit-il par dire. N'empêche, si elle me drague ouvertement devant lui, je saurai pas comment réagir: si j'envoie la petite bouler, Sieur-Dylan-Preux-Chevalier va me sauter à la gorge pour ce manque de respect mais si je la laisse venir, il va souffrir.

" T'es entre le marteau et l'enclume vieux" lui aurait dit Dylan.

- Tu as le cul entre deux chaises quoi, je lance, en sortant une briquette de multifruits.

- Yep, exact.

Je sirote ma boisson en m'accoudant à la table. Une question me vient à l'esprit et je ne peux m'empêcher de la poser.

- Tu ressens quelque chose pour Marion?

Il ne répond pas immédiatement. Pendant ce temps, je cherche dans un placard un paquet de biscuits.

- C'est pas que j'ai des sentiments pour elle, commence-t-il, prudemment. Mais faut se l'avouer: elle a tout pour elle. Et y aurait pas eu Dylan...

-... Tu ne te serais pas posé autant de questions, je finis par compléter, grignotant un cookie.

- C'est ça, mais va pas lui dire surtout hein? Je veux pas que notre amitié soit compromise à cause d'une nana...

Je le comprends et hoche la tête, même s'il ne peut pas me voir.

- Bon ben merci Eva, bisous à demain matin!

- C'est ça, à demain!

Lorsqu'il raccroche, je ne peux m'empêcher de sourire. Oui, je l'aime bien ce bouclé. Je regarde l'heure. Bien. Tina arrive dans une demi-heure avec mon père. Je grimpe à l'étage et m'enferme dans ma chambre. Je saute sur mon lit et laisse mon visage appuyé contre mon cousin. Je repense à cette journée. Je m'étais installée à côté d'une nouvelle qui avait l'air un peu perdue. Je crois qu'elle s'appelle Lise ou un truc du genre. Quoi qu'il en soit, j'espère m'en faire une bonne copine. Je préfère continuer sur la même lancée que depuis le collège: être l'amie de tout le monde et l'ennemie de personne. Ce qui semble fonctionner. Mon côté franc et jovial semble plaire aux gens.

Puis, je repense inévitablement au garçon assis derrière moi: un grand brun aux yeux bleus. Il ressemble assez à mon "homme idéal" à l'exception qu'il a des sourcils plus fins et un regard plus candide. Nicolas. Je crois qu'il s'appelle comme ça. En tout cas, il m'a tapé dans l'oeil. Reste à savoir si c'est un parfait abruti, un bon ami ou un futur petit copain.

J'agrippe le coussin de toutes mes forces. J'ai bien envie de vivre une histoire d'amour cette année. Je me lève d'un bond, ouvre ma fenêtre et me penche en avant. Je crie:

- Cette année, j'aurais un petit ami!

Voyant que seuls les pépiements des oiseaux me répondent je referme brusquement ma fenêtre et glisse contre le mur. Pour mon entrée au lycée, j'ai vraiment envie d'avoir une histoire différente des autres. Bien sûr, je ne suis pas à plaindre: j'ai déjà plusieurs petits copains, mais tout ça n'était que des amourettes de deux, trois semaines tout au plus.

Là, je veux quelque chose de fort, d'épanouissant. Une belle histoire d'amour de quelques mois, voire pourquoi pas, quelques années. Tant que le garçon ne projette pas notre avenir ensemble, notre mariage, nos enfants et notre divorce, ça me va! Rien de plus déprimant que d'imaginer vivre une vie entière avec une personne rencontrée si tôt dans sa vie. Du moins, à mon goût.

L'envie me prend d'appeler Dylan. J'espère qu'il tient le coup. Mais je me retiens: il déteste qu'on le plaigne. Je soupire et retourne sur mon lit. Je m'allonge dessus et serre mon coussin dans mes bras. J'ai très envie d'un câlin.

Je m'endors sur cette pensée.

                               ***

- Debout.

Je sens quelqu'un me secouer l'épaule. J'ouvre un oeil, puis l'autre. Tina se tiens devant moi, toute souriante.

- C'était trop bien! Je suis avec...

- Ti' plus tard.

Elle fait une moue boudeuse et quitte ma chambre. Ma tête me tourne et j'ai la bouche toute pâteuse. Pas envie d'écouter le bavardage incessant de ma petite soeur maintenant. Je me redresse comme je le peux et m'appuie au mur. Je devrais mieux dormir la nuit: après, je me me sens pas très bien.

Je descends au salon. Mon père est déjà reparti au ranch. Je songe avec désarroi qu'à partir de demain, je devrais prendre le bus pour me rendre au lycée. J'entends Tina manger et je la vois attablée à la table de la cuisine. Je m'asseois à ses côtés.

- Alors? demandé-je. Cette journée?

Évidemment, elle ne me répond pas. Elle me boude. Mais la connaissant bien, elle ne va pas résister longtemps et elle va vite se mettre à me raconter toute sa vie, plus ou moins passionnante. Elle ouvre la bouche:

- Je suis dans la classe de Carla.

C'est un début. Je lui lance mon fameux regard "Continue, tu m'intéresse". Même si c'est absolument faux.

- Et tu es assise à côté d'elle?

Elle craque.

- Non! Parce que notre professeur principal, cet abruti, a voulu que...

Pendant un quart d'heure, je fais semblant de m'intéresser à ce qu'elle raconte. J'hoche de temps à autre la tête, m'indigne avec elle sur des parties du règlement que je connais par coeur. Je me répète inlassablement que c'était bien pire quand elle était rentrée en sixième. Là, elle m'avait décrit chaque endroit de l'établissement qu'elle avait visité, oubliant que j'étais dans cette aile du bâtiment depuis déjà trois ans. Mais comme à cet instant précis, j'avais pris sur moi. Son bavardage inutile m'agace mais en bonne grande soeur, je ne dis rien. Puis, prétextant l'envie de me doucher, je fuis la cuisine. Je monte jusqu'à la salle de bains et m'y enferme à double tour. Enfin seule. Je me déshabille et rentre dans la douche. La journée a été particulièrement chaude et je suis collante de sueur. Je me lave cheveux et corps, sous des jets d'eau frais. Je soupire d'aise, relaxée, au calme.

Je repense une seconde fois à cette journée. Et à Marion. Lorsqu'elle sortait avec Dylan, nous nous étions liées d'amitié. Nous avions discuté un peu cet été. Et je peux l'affirmer: elle n'est pas du genre à faire du mal gratuitement. Donc soit Lucas lui a vraiment tapée dans l'oeil, soit elle a raconté un crack pour se rapprocher de Dylan. Mais alors, pourquoi ne m'a-t-elle pas fait comprendre qu'elle souhaitait renouer avec mon meilleur ami? Avait-elle peur que je cafte?

Autant se l'avouer, cette situation est totalement incompréhensible.

Lorsque je sors de la douche, j'entends du bruit en bas. Je marche jusqu'à ma chambre, enfile mon pyjama et descends rapidement. Là, je vois ma soeur se débattre avec Jim.

- Allez, sors de là!

Elle le pousse comme elle peut. Je craque mes doigts et l'attrape par le collier. Je l'entraîne avec moi, ouvre la petite porte fenêtre de la salle à manger et le mets dehors.

- On a dit que tu ne rentrais pas à l'heure des repas! Va jouer dans le terrain vague!

Le saint-bernard répond par un puissant aboiement et cours vers le terrain derrière la maison. Je referme la porte derrière moi. Je fronce le nez.

- Ça sent bizarre, tu prépares quoi?

- Du riz, répond d'une petite voix Tina, mais je...

Je lâche un petit cri en voyant la casserole déborder. Je m'élance vers la plaque de cuisson, l'éteinds et prends la casserole par son manche en plastique noir. Je jette tout dans l'évier. Bien sûr, le riz est trop cuit. Immangeable. Je repose l'instrument bouillant et me tourne vers ma petite soeur, les poings sur les hanches.

- Je veux des explications, dis-je d'une voix sèche et autoritaire.

Tina rentre sa tête dans ses épaules.

- Je faisais cuire le riz. Je l'avais déjà fait une fois avec maman et j'avais réussi. Alors j'ai réessayé mais Jim est venu gratter à la porte. Je lui ai ouvert, parce que je pensais qu'il voulait quelques caresses. Mais il m'a poussé et il est rentré. J'essayais de le faire sortir mais tu le connais, il est super lourd. Puis tu es arrivée. Je me suis laissée distraire et le riz bah... Il a trop cuit.

Elle frotte son talon contre sa cheville, les yeux baissés au sol.

Je secoue la tête. Elle est tellement maladroite!

- Bon c'est pas grave. Mets la table, je vais couper des tomates et des concombres.

Elle s'exécute, trop contente que je ne lui ai pas passée un savon. De mon côté, je nettoie ses bêtises avant de préparer la salade. Dix minutes après, j'en ai terminé avec les légumes. J'ouvre le frigo à la recherche de mozzarella que je trouve finalement derrière les compotes. Je ne cherche même pas à comprendre et m'applique à couper le fromage en fines tranches. Je dépose le tout dans un saladier que je mets au frigo. Enfin terminé!

Je sors de la pièce en étirant mes bras, le dos cambré, sur la pointe de pieds. Je rejette ma tête en arrière et ferme les yeux. Ça me fait un bien fou! Pour la troisième fois, je monte à l'étage, bien décidée cette fois a ne pas être dérangée. Lorsque je pénètre dans ma chambre, quelque chose m'interpelle. Je ressors de ma pochette mon dessin du matin. Quelque chose me dérange.

J'attrape gomme et crayon et efface une partie de la bouche. Je fais sourire mon personnage, en lui ajoutant des fossettes. C'est déjà mieux.

Bonjour à tous et à toutes! J'espère que vous avez bien profitez de vos vacances, la rentrée approche à grands pas...

Prochain chapitre, vous comprendrez le délire "Fossettes" d'Eva.

Puis Marion entre dans le game! (euh non, ça c'est pour le rap... Brefouille je pense que vous avez capté l'idée).

Allez, je m'y mets! Bye! :)

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