Chapitre 12

Mon corps était paralysé.
Ma tête me hurlait de le repousser et de m'enfuir en courant.
Mon cœur s'emballait, martelant ma poitrine si fort que je n'entendais plus rien d'autre.
Et ses lèvres contre les miennes.

Je ne savais pas pourquoi. Mes membres ont cessé de m'obéir. Je ne réfléchissais plus.
Mais je répondis au baiser de Loki en l'embrassant de plus belle. Ses bras se resserrèrent autour de moi. Sa peau avait la froideur de la glace.

Qu'étais-je en train de faire?

Je ne savais pas.

Et pourtant, pour rien au monde je n'aurais été ailleurs en cet instant.

Loki finit par me lâcher, le souffle court. Il desserra son emprise autour de moi et je vacillai sur mes jambes. Ma tête tournait.

Je devais dire quelque chose. Ne pas laisser le silence s'installer. Mais c'était le bordel dans ma tête. Et le regard intense de Loki n'arrangeait rien. Tout ce que je réussis à lâcher, ce fus:

– J'ai faim.

Je me mordis la lèvre. Mais quelle imbécile. Mon dieu. Quelle imbécile. Comme pour en rajouter une couche, mon ventre gargouilla bruyamment.

Le point positif, c'est que Loki ne paraissait plus en colère. Il avait même l'air aussi perdu que moi, déconcerté par ce qu'il venait de faire.
Devant son visage troublé, je me rendis compte d'une chose. Même si je l'avais souhaité de toutes mes forces, j'aurais été incapable de le repousser. Simplement.

Une bulle de chaleur gonflait dans mon ventre. Oh et puis merde! J'en avais marre de peser le pour et le contre à chacun de mes faits et gestes.

Je lui souris et laissant libre cours à mon impulsivité habituelle, me rapprochai de lui pour l'embrasser à nouveau. Mes yeux pétillaient. Je vis Loki hésiter, mais finalement, une douce lueur s'alluma au fond de ses prunelles vertes. Les commissures de sa bouche frémirent. Il haussa les sourcils.

– Déjà accro? Tu n'aurais pas résisté longtemps... lâcha-t-il en prenant mon menton entre ses doigts.
– Te la joues pas, c'est toi qui as craqué en premier, répliquai-je avec un clin d'œil. Bon, j'ai toujours faim...

Loki leva les yeux au ciel.
– Si même un baiser divin ne peut pas te rassasier... soupira le dieu.
Je ris et m'écartai de lui pour aller fouiller les sacs à la recherche de biscuits secs pour couper ma faim.

Je me sentais euphorique, bouillonnante de joie, aussi légère qu'une plume, tous mes soucis envolés. La vie était belle, que demander de plus?

– Bon, on se remet en route quand? Au fait, il est quelle heure? J'ai dormi combien de temps? Tu sais où on est au moins? Combien de temps il nous reste à marcher, tu sais quand on arrivera? demandai-je à toute vitesse, la bouche pleine.

Loki grimaça.
– Calme-toi! Il doit être dix heures du matin. Tu as dormi plus ou moins vingt-quatre heures. Et oui, je sais où on est, je ne suis pas stupide au point de nous perdre et non, je ne sais pas quand est-ce qu'on arrive! Ça va, tu es satisfaite? ironisa-t-il.

– C'est parfait, let's go alors! m'exclamai-je en repliant la tente avec difficulté.
– Ça va pas?! protesta soudain Loki, l'air agacé. Tu viens à peine de te réveiller et tu es encore blessée...
– Pas besoin de devenir sur-protecteur, je sais m'occuper de moi-même, rétorquai-je.
– Ah oui, j'ai pu le constater les nombreuses fois où j'ai du te sauver la vie!!
– Les nombreuses fois?! C'est une blague j'espère!!
– Tu m'as déjà vu faire une blague?
– Oh toi et ta mauvaise foi!!
– Non mais je rêve...

Je soupirai sans pour autant me départir de mon sourire. Nos échanges demeuraient toujours aussi agréables, amicaux et emplis d'un excès de bonne humeur...

Je finis d'empaqueter toutes nos affaires tandis que Loki ne cessait de répéter qu'il allait me forcer si je refusais de me reposer encore un peu. Je l'ignorais royalement et cela le mettait en rogne.
– Et puis après tout, vas-y, tue-toi, mais ne viens pas me demander de t'aider la prochaine fois... grommela le dieu en m'emboitant tout de même le pas alors que je rejoignais le sentier de Marla.

– Arrête de râler! Je vais bien, c'est grâce à toi, merci beaucoup, fin de l'histoire! déclarai-je pour le calmer.
Loki se tut mais je pouvais presque l'entendre penser ses propos virulents...

Et je ne mentais pas. Je me sentais réellement en pleine forme! J'avais l'impression de pouvoir marcher pendant des heures sans problèmes, courir à la vitesse de l'éclair... Je débordais littéralement d'énergie.

– Je ne sais pas quel pouvoir tu as utilisé pour me soigner, mais c'est vraiment efficace! dis-je en me tournant vers lui alors que nous marchions côte à côte.
Loki évita mon regard.
– À vrai dire je ne sais pas non plus...
– Comment ça?
Je fronçai les sourcils.
– Tu crois que j'ai déjà eu l'occasion ou même l'envie de soigner quelqu'un par le passé? me demanda-t-il finalement, le visage grave.
Je ne trouvai rien à répondre à cela.

– Au fait, tu as quel âge?
Sa question fusa soudain dans l'air, sans préambule.
Interloquée, je pris quelques secondes avant de comprendre et de pouvoir lui répondre.
– Euh... Vingt-trois ans pourquoi?
– Mmh... Pour rien.
Et il replongea dans ses pensées.
Malgré l'envie grandissante de lui retourner la question, je me retins car quelque chose me disait qu'au fond je ne voulais pas savoir.

La randonnée de Marla fut ardue. Elle finissait au Col des Bœufs, là où nous avions démarré, mais il fallait pour cela remonter le cirque de Mafate. Le terrain était inégal, parsemé de traîtres racines à moitié enfouies sous la terre. Je m'accrochais aux branches et aux troncs pour faciliter la montée qui se transformait parfois en escalade.

Loki manqua de tomber en pestant contre sa manche qui s'était prise dans une branche couverte d'épines. Je le rattrapai par le bras avec un gentil sourire et le dieu marmonna un remerciement avant de reprendre sa marche.

– RAAAH!! ENFIN!!! m'exclamai-je en haletant lorsque j'aperçus enfin le panneau de bois indiquant le Col des Boeufs.

Telle une rescapée, je surgis de la forêt et courus au milieu du parking terreux en riant de joie. Le soleil me baignait le visage d'une agréable chaleur, beaucoup plus supportable que la veille. Ivre de bonheur, j'improvisai une petite danse de la joie en apercevant ma chère voiture qui m'attendait sagement non loin.
– Oh, tu m'as manqué toi! m'esclaffai-je.

– Je pensais que tu adorais partir en randonnée? demanda Loki d'un air moqueur.
– Ah mais je ne dis pas le contraire!! protestai-je en souriant. C'était génial, excepté le petit incident de parcours...
– Pff... Petit incident...
– Chut. Nan, c'est juste que je suis fatiguée, j'ai faim, et j'ai hâte de retrouver mon lit et de prendre une bonne douche! Je me sens sale... soupirai-je en ouvrant le coffre pour y jeter négligemment nos sacs à dos.
– Ah, c'était ça l'odeur! lança Loki.
– Ne me cherche pas ou je te laisse ici... le prévins-je en essayant de lui jeter un regard menaçant.

Je démarrai le moteur de ma vieille camionnette avec bonheur et ouvris les fenêtres, laissant le vent s'y engouffrer à grands coups.
– Allez, on rentre à la maison... murmurai-je pour moi même.
Une carte usée apparut soudain devant mon nez.
– Qu'est-ce que...
– Avant, vas rendre ça à son propriétaire. Je resterai dans la voiture.
– D'a... D'accord.

J'étais surprise mais heureuse. C'était donc avec un entrain tout particulier que je me mis en route vers le "DodoBar".

À peine quelques minutes plus tard, nous étions arrivés. Au moment où je voulus sortir de la voiture, Loki me retint par le bras. Alors que je me tournais vers lui avec incompréhension, il m'embrassa soudain avec fougue et me relâcha presque aussitôt après.

J'eus à peine le temps de reprendre mon souffle qu'il lâcha en me poussant hors du véhicule:
– Oublie pas de dire au rouquin que t'es pas libre.

– Mais c'est qu'il est jaloux... murmurai-je pour moi-même en me dirigeant vers le bar, attendrie. Je sentais encore ses lèvres sur les miennes.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'en entrant, je vis le couple que nous avions croisé sur le sentier de La Nouvelle!
Les deux jeunes gens étaient attablés au soleil et semblaient être des habitués du coin, car ils discutaient joyeusement avec Eliott, accoudé à leur table.

Je me mordis la lèvre. Flûte. Comment allait-il réagir? La dernière fois, j'étais partie en coup de vent alors qu'un dieu en colère venait de lui faire la peur de sa vie...

La fille aux courts cheveux blonds m'aperçut en première. Elle me fit un grand sourire, auquel je répondis un peu maladroitement. La chaleur et la bienveillance des gens sur cette île était tellement différente du continent... C'était une autre vie.

Eliott parut remarquer que l'attention de la fille avait dévié dans son dos car il se retourna. Quand il m'aperçut enfin, le jeune homme se figea.
– Euh... Salut... essayai-je, mal à l'aise. Je suis venue te rendre ta carte et... Hum, te remercier.

Comme Eliott ne répondait pas, le compagnon de la fille lança d'un air goguenard:
– Et ben alors El', tu ne nous présentes pas?
– Euh, si... Les gars, voici Ella, Ella, voici les gars, euh... bredouilla le garçon qui ne savait plus où se mettre.

Il passa nerveusement sa main dans ses cheveux roux, ses yeux semblant guetter quelque chose derrière moi.
– Ah bah ça je suis sûre que ça va l'aider, merci! s'esclaffa la fille. Salut Ella! On peut faire quelque chose pour toi?

– Merci c'est gentil, je suis juste passée rendre cette carte à Eliott... Il n'est pas là, je suis seule, ajoutai-je plus doucement à l'intention du garçon.
Son regard se fixa sur moi, et je pus lire un immense soulagement passer dans ses yeux bleus.

– Encore désolée pour l'autre fois... Disons que mon... "Ami" a un peu du mal avec les relations sociales. Il n'est pas particulièrement patient ni... Enfin, il est parfois un peu con sur les bords... Non, ce n'est pas ce que je veux dire! Il est juste euh... Chiant... Mais il est sympa quand on le connaît, seulement il... Hum...

Je m'emmêlait dans mes explications, et me tordait les mains en regardant le sol.
– Enfin bref, je suis désolée, finis-je par souffler en levant les yeux.

Mais Eliott souriait, et semblait avoir retrouvé toute sa bonne humeur.
– T'inquiète! dit-il avec un vague mouvement du bras. C'était pas ta faute! J'étais juste... Surpris, avoua-t-il avec un petit rire nerveux. Alors, ta rando? C'était bien?

– Super! répondis-je avec entrain, reconnaissante envers lui d'avoir brisé la glace en basculant sur un autre sujet.
– Attends, tu as fait La Nouvelle? Comment ça se fait qu'on ne t'ai pas vue? intervint soudain le jeune homme au teint basané en souriant.

Je sentis le rouge me monter aux joues. Peut-être parce que je venais de pousser Loki du haut de sa branche et que j'étais affalée sur lui au moment où vous passiez...

– On a dû se louper, mentis-je en plaquant un sourire normal sur mon visage. Enfin bref, merci beaucoup pour ton aide, on- euh, j'ai vraiment passé un super moment! enchaînai-je, sentant qu'il était temps pour moi de partir avant que la discussion ne tourne dangereusement vers la randonnée, si j'étais seule, si j'avais fait Marla, pourquoi j'avais pris autant de temps...
Il valait mieux filer.

– Bref, à bientôt j'espère! m'exclamai-je en tendant la carte à Eliott, qui la prit d'un air déçu. Merci encore! Bye tout le monde! Ravie de vous avoir rencontrés!

Les deux randonneurs et le rouquin me saluèrent alors que je quittais l'établissement, soulagée d'un grand poids.

– Alors? me questionna Loki quand je m'installai au volant avec un grand sourire.
– Alors quoi?
– Alors explique-moi! Il t'a dit quoi?

Je levai un sourcil. Le regardant droit dans les yeux, je débitai d'une traite:
– Il m'a demandé pour sortir avec lui, j'ai dit oui, là je suis enceinte, on se marie dans trois mois, et je projette secrètement de mettre du poison dans ton prochain repas pour me débarrasser de toi, espèce de gêneur. Sinon, rien d'intéressant. Tu veux être le parrain du gosse?

Je me mordis violemment l'intérieur des joues pour m'empêcher d'exploser de rire devant la tête de Loki.

Cependant, je fis moins la maligne devant le regard assassin qu'il me lança lorsqu'il comprit que je me payais sa tête. Je jugeai soudain bon de me faire toute petite jusqu'à la maison.

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