Chapitre 11

Je restai longtemps immobile, allongée près du feu. Le bois craquait dans la nuit, et un vent tiède me caressait agréablement le visage.

Petit à petit, sans résister, je me laissai glisser dans un état de douce somnolence. Bercée par le bruissement des feuilles au-dessus de ma tête, lovée dans l'herbe souple, je finis par fermer les yeux et m'abandonner aux ténèbres rassurantes du sommeil.

Cependant, un frisson me réveilla en sursaut quelques heures plus tard. Je me redressai vivement, les cheveux emmêlés, les yeux à moitié fermés. Affolée et désorientée, je mis un petit temps avant de comprendre où j'étais.
La fine toile de la tente avait remplacé les étoiles au-dessus de moi et n'étant plus réchauffée par le feu qui se résumait à quelques braises à l'extérieur, j'étais frigorifiée.

Je tournai machinalement la tête en entendant un soupir à côté de moi et fis aussitôt un bon sur le côté en me retenant de pousser un cri.
Loki dormait comme un bébé, emmitouflé dans les couvertures. Je l'avais complètement oublié!

L'esprit encore embrumé, je réalisai qu'il avait dû me porter à l'intérieur de la tente lorsque je m'étais endormie. Je me sentis rougir dans le noir à cette idée, et décidai de l'oublier bien vite.
D'un coup sec, je tirai sur une couverture coincée sous Loki. J'avais trop froid et c'était un dieu, il pouvait bien me céder ce petit détail pratique. Il grogna et bougea un peu, mais ne se réveilla pas.

Je me recouchai en m'enroulant dans la couverture volée, sentant le sommeil me gagner à nouveau. Juste avant de sombrer, à moitié dans les vapes, j'eus le temps de me faire la réflexion que la couverture était imprégnée d'une odeur particulière, chaude et rassurante, qui donnait juste l'envie d'y plonger le nez et de respirer à plein poumons. C'est ce que je fis, et le sourire aux lèvres, je me rendormis.

*

– Moi qui pensais que tu voulais repartir le plus vite possible... Ça fait des heures que je suis réveillé!

Ces paroles mélodieuses et amicales m'accueillirent lorsque je pointai le bout de mon nez en dehors de la tente, au petit matin, toujours assise sur les fesses.

– Oh ça va, le soleil se lève à peine et l'herbe est encore mouillée! répliquai-je joyeusement en me frottant les yeux.
Je m'étirai délicieusement sous les premiers rayons de l'astre du jour tandis que Loki me regardait en faisant la moue.

– Vous vous levez à quelle heure sur Asgard? ajoutai-je. T'es quand même vachement matinal, même pour un dieu je parie!
– Je ne pouvais plus dormir! On se demande pourquoi d'ailleurs, c'est pas comme si ma couverture avait atterri sur toi comme par magie! riposta-t-il avec un air de défi.
Je levai les yeux au ciel, assise en tailleur, tout sourire.
– J'avais froid... Et puis, tu les avais toutes prises, aussi... C'est pas de ma faute! Allez, ne me prends pas la tête dès le matin! La journée s'annonce magnifique et... Oh!

Au moment où j'avais voulu me lever, une douleur atroce éclata dans ma jambe, m'empêchant de m'appuyer sur mon pied.
– Merde merde merde... marmonnai-je d'une voix inaudible en faisant la grimace.

Foutue blessure! Puisque j'avais oublié le désinfectant, elle avait dû mal se refermer... Je n'osais pas enlever le bandage, de peur de ce que j'allais trouver dessous. Mais que pouvais-je faire? Il était hors de question que j'en parle à Loki, qui trouverait là un prétexte parfait pour faire demi-tour, ce qui n'était absolument pas envisageable.
Heureusement, le dieu s'affairait autour des sacs et ne me prêtait plus attention. Il n'avait donc rien remarqué.

Le souffle court, je posai précautionneusement mon pied au sol. La douleur était forte, mais pas insoutenable, j'avais connu bien pire. Je fis quelques pas prudents en serrant les dents. Cela devrait aller. De toute façon, je n'avais pas le choix...

Nous mangeâmes rapidement notre petit déjeuner, rassemblâmes nos affaires, et quittâmes la clairière en même temps que la rosée matinale.

Loki ne parlait pas beaucoup, mais ne semblait pas de mauvaise humeur, ce qui me poussa à oublier ma jambe défaillante et avancer avec entrain sur le sentier de Marla.

Eliott, le jeune homme du bar qui m'avait donné la carte, ne s'était pas trompé. Cette randonnée en valait vraiment la peine. Nous traversions des forêts de végétation luxuriante, aux fleurs exotiques et aux sous-bois foisonnants, de temps à autre nous devions marcher en équilibre précaire sur des rochers surplombant des rivières cristallines...

Le seul inconvénient était le soleil de plomb et la chaleur de plus en plus forte. Loki n'en paraissait pas incommodé et marchait à une allure égale, mais je sentis bientôt la transpiration perler sur mon front et mon t-shirt moite coller à mon dos. De plus, la douleur de ma jambe ne faisait qu'empirer et chaque pas devenant un véritable supplice.

Petit à petit, la randonnée devint pour moi un véritable calvaire silencieux. J'avais des bouffées de chaleur, et même si je m'arrêtais régulièrement pour boire, mon état ne s'améliorait pas. J'avais senti le regard de Loki sur moi plusieurs fois, mais il ne disait rien et je n'avais pas l'intention de lui dire que je me sentais mal.

Nous ne devions pas faire demi-tour.

Bientôt, je fus prise de vertige et je trébuchai sur une racine, me rattrapant de justesse à une branche. Je clignai plusieurs fois des yeux. Je voyais flou, ma tête me cognait... Mes pensées n'étaient plus claires. Mais il fallait continuer... Avancer... Ne pas revenir en arrière... J'entendis vaguement Loki m'appeler, comme à travers un mur d'eau.
– Ella? Tu vas bien?

Sa voix avait l'air inquiète... Non, je devais halluciner. Je ne répondis pas.
Je voulus continuer d'avancer mais à cet instant, un élancement particulièrement douloureux me traversa la jambe et je laissai échapper un gémissement. Je voulus me redresser mais ma jambe céda soudain sous mon poids et incapable de me retenir, je basculai vers l'avant en me sentant sombrer vers l'inconscience.

Je sentis des bras puissants me rattraper au moment où je heurtais le sol. Il y eut un choc sourd, une explosion de douleur dans mon crâne, et je perdis connaissance.

*

– Ma tête... J'ai mal à la tête...

J'articulai ces mots difficilement, la bouche pâteuse. Je n'avais pas encore assez de force pour ouvrir les yeux mais j'étais réveillée et j'avais l'impression que l'on frappait si fort sur ma tête qu'elle allait exploser.

– Tu t'es cognée en tombant.

– Merci j'avais cru remarquer... grimaçai-je.
Au prix d'un effort surhumain, je clignai plusieurs fois des yeux, n'ayant aucune idée de l'endroit où j'étais. Lorsque je fus habituée à la luminosité, je reconnus la toile grise de la tente au dessus de ma tête. Je ne comprenais rien. Que c'était-il passé? Je me rappelais avoir trébuché et perdu connaissance mais après...

Je me redressai lentement sur mes coudes et me tournai vers Loki. Le dieu était accroupi à l'extérieur de la tente, devant l'entrée. Il me fixait. Et à ma plus grande surprise, ses yeux brillaient de rage.

Un peu effrayée, et complètement perdue, j'ouvris la bouche pour parler mais à cet instant, il se leva brusquement et disparut à l'extérieur, hors de mon champ de vision. Je poussai un grognement et me débarrassai des couvertures qui m'entouraient pour le suivre.
Qu'est-ce qui lui prenait?!

En sortant de la tente, je remarquai avec surprise que malgré les douloureux élancements de ma tête, je savais me redresser sans mal et m'appuyer sur ma jambe sans rien sentir. Étonnée, je me baissai et constatai avec stupéfaction que mon bandage de fortune avait été enlevé, et que la plaie était propre, nette et avait déjà commencé à cicatriser. Ce qui aurait dû durer plusieurs jours...
J'eus soudain peur.
Que s'était-il passé après ma chute?

Je levai les yeux. Le soleil était bas dans le ciel, mais je ne parvenais pas à déterminer si nous étions le matin ou bien fin d'après-midi. Je ne savais pas où nous étions et j'étais incapable de me repérer...
Où Loki m'avait-t-il amené?

En regardant autour de moi, je vis que la tente était plantée dans une bande d'herbe en bas de la chute d'une petite cascade d'eau, suivie d'une rivière agitée où affleuraient de gros rochers.
L'endroit était magnifique. Et au loin, derrière les arbres, je pouvais deviner le sentier de Marla qui s'enfonçait plus loin dans la nature. Je fus soulagée. Nous étions toujours sur le bon chemin.

Loki était au bord de l'eau, et me tournait le dos. Ses poings étaient serrés, ses épaules crispées. Je ne comprenais pas ce qui avait bien pu déclencher une telle colère... D'accord, j'avais fait une grosse erreur. Il m'avait sûrement épargné le pire. Mais une réaction de cette ampleur me rendait perplexe.

Je m'approchai prudemment de lui. Arrivée à quelques mètres, je risquai d'une petite voix:
– Loki? Merci de m'avoir soignée... Et je suis désolée. Mais...
Je serrai brièvement les paupières.
– On ne pouvait pas faire demi-tour... soufflai-je en tremblant légèrement.

Je savais que Loki avait entendu. Mais il ne se retourna pas.
– Explique-moi ce qui ne va pas... murmurai-je.
– Tu es désolée...
Sa voix gronda comme le tonnerre.

Lorsqu'il se tourna finalement vers moi, ses yeux étaient si noirs, tellement remplis de colère que je reculai inconsciemment d'un pas, alarmée.

– Tu crois qu'être désolée va changer quelque chose?! explosa enfin le dieu, brûlant de rage. Tu crois que ça va changer le fait que t'es retrouvée sous mes yeux, sans connaissance avec une grave insolation, une blessure infectée à la jambe et un coup à la tête? Tu crois qu'être désolée va t'empêcher d'être une stupide et têtue fillette qui refuse d'admettre qu'elle va mal?! Tu crois peut-être que tu es restée inconsciente pendant plus de vingt-quatre heures à délirer sans cesse, pâle comme la mort et que je vais te dire que ce n'est rien puisque tu es désolée?! Réfléchis un peu!!

J'étais pétrifiée. Incapable de bouger lorsque Loki s'avança vivement vers moi, jusqu'à se retrouver à quelques centimètres de mon visage. Je pouvais sentir son souffle court contre ma peau, paralysée par ses yeux verts qui me lançaient des éclairs.

– À aucun instant tu n'as pensé à ce que je pouvais ressentir, Ella Sharpe? chuchota-t-il d'une voix tremblante de fureur. Tu n'as donc jamais pensé à la panique qui m'a étreint lorsque je t'ai vu tomber à terre comme une poupée de chiffon, sans un mot, juste devant moi? Lorsque je t'ai vue sur le sol, immobile, comme si ton cœur avait cessé de battre? Ne penses-tu donc qu'à toi-même?! As-tu songé à ma réaction en voyant ta jambe infectée, en comprenant que tu avais marché toute la journée dans cet état, trop fière que tu es pour admettre ta faiblesse? Par Odin Ella! À quoi ça me sert, tout ça?!

Il s'écarta d'un coup, les bras repliés contre sa poitrine, et sans me quitter des yeux, les tendit brusquement sur les côtés en faisant apparaître dans chacune de ses mains une explosion crépitante de flammes aux reflets verts pâles.

– Je suis un dieu! s'exclama-t-il violemment. Je pouvais te soigner, comme je l'ai fait avec ta jambe et ta tête, pendant que tu murmurais des phrases sans aucun sens, pendant que je pensais que tu t'enfonçais dans la folie! J'ai cru que tu allais mourir bon sang! Et tout ce que tu trouves à me dire... C'est "désolée"?!

Les flammes s'éteignirent dans ses mains, et ses bras retombèrent le long de son corps. Son regard ne cessait de me transpercer avec cette même rage dévorante.

– Mais... Loki... Pourquoi? soufflai-je au bout de longues secondes, prise de vertiges. Tu me détestes... Pourquoi... Je ne comprends pas...

Le dieu laissai échapper un rire bref et amer, sans joie. Un rire effrayant.
– C'est tellement difficile à comprendre? lâcha-t-il. Que je t'en veuille d'avoir une telle emprise sur moi? Il y a encore beaucoup de chose que tu ne sais pas, que tu ne comprends pas, que...
Il s'interrompit et ferma brièvement les yeux, frémissant.

Quand il les rouvrit, il semblait plus calme, à nouveau maître de ses émotions. La colère dans ses yeux avait laissé place à une profonde lassitude mêlée de douleur.
Une multitude de pensées contradictoires virevoltaient dans mon esprit, je ne savais pas quoi faire.
– Je... Loki...

Mais une fois encore, il ne me laissa finir. Avant d'avoir eu le temps de réagir, je le vis faire un grand pas vers moi, sentis son bras s'enrouler autour de ma taille, et ses lèvres se presser avec force sur les miennes.

*

ENFIIIINNNNN BORDEL DE PLONK

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top