10.Le jour où elle en a eu marre
Il était méconnaissable. Affalé sur le canapé, la tête entre les mains, trois tasses vides sur la table basse, dont le parfum délicat du café s'élevait encore, il était dans un bien triste état.
- Alors Drago ? On vit mal les lendemains de cuite, c'est ça ? le taquina-t-elle en époussetant les étagères remplies de livres.
Un grognement incompréhensible provenant de l'immense masse blonde recroquevillée sur elle-même se fit entendre, et la fit sourire. Elle avait toujours crûe que le Serpentard supportait bien l'alcool, l'imaginant siffler plusieurs verres de vodka sans en subir un quelconque effet indésirable. Mais finalement elle s'était trompée, plus elle le côtoyait et plus elle se rendait compte que Drago Malefoy n'était pas si différent des autres gens, des personnes comme elle, il était juste plus... paumé.
- Tu sais que tu m'as donné du fil à retordre hier ! continua-t-elle sur le même ton moqueur en prenant place à côté de lui. Au final j'ai presque dû te trainer dans ton lit tant tu ne tenais presque plus debout. C'est un miracle qu'on ait réussi à transplaner sans perdre un membre au passage !
- Arrête de parler..., marmonna-t-il, le visage caché dans ses grandes mains blêmes.
- Tu sais que tu es assez différent quand tu es ivre, tu es presque sympathique...
- Tais-toi..., la coupa-t-il dans un gémissement plaintif.
- Franchement, te voir plus aimable et surtout plus enclin à la discussion m'a presque effrayé...
- Mais tu vas la fermer oui ! explosa-t-il avant de gémir de douleur.
Encore une fois, elle ne put s'empêcher de sourire devant le spectacle qu'il lui offrait. Il y a encore quelques semaines, elle aurait eu beau le taquiner, il n'aurait même pas daigné la regarder alors que maintenant, il sortait presqu'à chaque fois de ses gonds. Pourtant, ce n'était pas dans son tempérament de se moquer d'autrui, on la prenait même pour quelqu'un de trop sérieux mais avec lui, c'était différent. A chaque fois qu'elle parvenait à le faire parler, le surprendre ou même le pousser à bout, elle ressentait comme un sentiment de satisfaction éclore en elle, et cela l'emplissait d'allégresse. Cet homme semblait si imperturbable, tellement indifférent à ce qui l'entourait qu'elle ne pouvait s'empêcher de se réjouir de constater qu'il n'était plus si indifférent avec elle, que peut-être, elle avait réussi l'exploit de gratter un tout petit peu la carapace qu'il s'évertuait à porter. Et qui sait, parviendrait-elle aussi à se défaire de sa propre carapace un jour ?
Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit pas tout de suite compte que le jeune homme l'observait du coin de l'œil, d'un air circonspect.
- Qu'est-ce qu'il y a ? fit-elle, surprise.
- Je m'attendais à autre chose.
- Comment ça ?
- Tu n'as pas pour habitude de te murer dans le silence quand je te crie dessus, répondit-il laconiquement, les sourcils froncés.
C'est vrai, il venait de lui hurler dessus mais cela l'importait peu. A présent, elle savait faire la différence entre un véritable accès de rage et une petite jérémiade sans gravité. Mais étrangement, elle était contente qu'il se soucie, ou plutôt qu'il remarque ce fait, cela prouvait bien qu'il faisait un peu attention à elle.
- Je suis trop épuisée ce matin pour me lancer dans une nouvelle joute verbale avec toi, glissa-t-elle en allumant la télévision.
- Et je t'en remercie, lança-t-il, sarcastique.
Elle l'observa à la dérobée s'adosser contre les coussins du canapé, les jambes écartées, la tête basculée en arrière et les yeux fermés que des épis blonds cachaient partiellement. Encore une fois il adoptait nonchalamment cette attitude sensuelle, cette posture, qui parce que totalement naturelle, laissait dévoiler son charisme et comme toujours, Hermione sentit son estomac se contracter à cette vue. C'était tellement ridicule de réagir ainsi, elle en avait bien conscience mais ne pouvait contrôler les réactions de son corps et cela l'agaçait plus que tout. Elle était Hermione Granger, et « contrôle » était son deuxième nom.
- Est-ce que tu comptes allumer cette télévision où préfères-tu m'admirer encore quelques minutes ? railla le grand homme sans pour autant ouvrir les yeux.
- Et comment peux-tu affirmer que je te regarde au juste ?
- Je sens ton regard sur moi comme s'il me brulait.
Incapable de savoir comment réagir – se moquait-il d'elle ou était-il sérieux ? – Hermione préféra se concentrer sur la télécommande qu'elle tenait fermement depuis un long moment entre ses mains sans s'en être rendu compte, et zappa de chaine en chaine sans prêter réellement attention à ce qui défilait sous ses yeux. Dieu, il avait dit ça avec une telle nonchalance ! Ne réalisait-il donc pas qu'on ne pouvait dire ce genre de choses à une jeune femme sans qu'elle n'en soit troublée ? Drago Malefoy était tellement compliqué à suivre, un jour il est tactile et vous prend dans ses bras en dansant et un autre il est austère et se façonne un mur qui le sépare de toute interaction avec autrui. C'était tout simplement impossible de deviner ses pensées ou d'anticiper ses actions, et encore une fois elle se sentait à la fois perdue et excitée de se retrouver dans cette incertitude constante. Décidée à ignorer cette présence masculine tout près d'elle, la Gryffondor choisit un film au hasard et s'affala plus confortablement dans le canapé, secrètement ravie que le Serpentard reste en sa compagnie.
Le film était assez insipide au final, une banale histoire de tueur fou qui décime des familles entières, tout ce qu'Hermione détestait. Bien qu'elle ait affronté bien des horreurs durant sa courte vie, les films d'épouvante restaient sa bête noire, Ron s'était souvent moquer d'elle à ce sujet. Fort heureusement il était midi passé seulement et un magnifique soleil venait éclairer le salon. Jamais elle ne se serait risquée à regarder un film d'épouvante la nuit, quoiqu'elle n'était pas seule... Elle glissa lentement son regard vers le Serpentard endormit près d'elle et se mit à nouveau à sourire. Ce serait assez amusant de regarder un film d'horreur avec lui à ses côtés, sa présence serait à la fois réconfortante mais aussi horripilante, car lui aussi n'hésiterait pas à la railler sans relâche. Réalisant qu'encore une fois elle était en train d'épier son mari, elle se donna un coup de poing mental et se força à se concentrer sur le film qu'elle était censée regarder.
Le tueur qui entre dans la maison, tout le monde qui hurle, beaucoup de sang, une musique d'angoisse, la fille adolescente aux énormes nibards qui s'enferme dans le grenier, le gamin futé qui file dans la cave chercher une arme, ah tiens le premier mort est un oncle pas très intéressant et voilà le père qui supplie qu'on le laisse en vie car il a une famille. Bref, un film très moyen remplit de clichés.
- Pourquoi ?
Hermione sursauta quand elle entendit la voix rauque de son époux retentir dans le petit salon. Depuis quand était-il réveillé ? Est-ce qu'il regardait le film depuis le début ?
- De quoi ? demanda-t-elle, interloquée.
- Pourquoi sa vie aurait-elle plus d'importance que celle d'un autre ?
Elle ne comprenait pas, elle avait beau le scruter intensément, aucune émotion ne filtrait sur son visage. Il semblait épuisé mais c'était tout, encore une fois il avait revêtu son foutu masque d'impassibilité.
- Je ne saisis pas, dit-elle doucement pour ne pas le brusquer. De qui parles-tu ?
Il ne la regardait pas, se contentant de fixer la télévision d'un air désabusé. Qu'est-ce qui pouvait bien se tramer dans cette petite tête blonde ?
- De ce mec-là, qui affirme qu'il doit être sauvé parce qu'il est père de famille, répondit-il sèchement en passant une main crispée dans ses cheveux.
- Je ne...
- Pourquoi est-ce qu'un père de famille mérite plus de vivre qu'un autre homme ? C'est quoi cette logique de merde ? Alors quoi ? Moi je mérite de crever parce que je n'ai personne, c'est ça ?
Interdite face à cette virulence inattendue, la jeune femme brune s'approcha lentement vers lui et posa délicatement sa main sur sa jambe, cherchant ainsi à établir une connexion entre eux, car de toute évidence, c'était à lui-même qu'il parlait et non à elle. Et ce petit geste eu l'effet escompté. Le jeune homme baissa les yeux vers cette main posée sur lui et remonta son regard pour rencontrer celui de la lionne, qui incapable de trouver les mots pour le calmer ou le tranquilliser, préférait lui montrer qu'elle l'entendait même si elle ne disait rien. Il paraissait complètement égaré, comme s'il venait de sortir de sa transe, c'était déstabilisant mais ce n'était pas la première fois et désormais elle savait qu'il ne fallait pas essayer de lui tirer les vers du nez pour essayer de mieux le comprendre. Non, le mieux était de montrer qu'elle était là et le soutenait. Les yeux aciers de son acolyte étaient plongé dans ses iris marron, aucun sentiment ne transparaissait mais il continuait de la fixer sans se détourner, quand d'un bond il se releva et lui tourna le dos.
- Je vais chez ma mère.
Et voilà, il n'était plus là, il était parti. Elle était à présent seule dans cette grande pièce aux murs immaculés. C'était peut-être mieux ainsi, dans ces moments là seule sa mère devait lui être réellement utile, et cette constatation la peina quelque peu. Que pouvait-elle faire de plus pour l'aider ? Rien du tout, elle n'était qu'Hermione Granger, sa fausse femme, elle n'était même pas une amie, juste une comparse de galère. Pourquoi une scène stupide dans un film nullissime avait déclenché ça ? Est-ce qu'il pensait qu'il ne méritait pas de vivre, ou plutôt que la société lui faisait ressentir cela parce qu'il n'avait pas de famille ? Parce qu'il était un ancien Mangemort ?
- Merde ! s'exclama-t-elle en éteignant rageusement la télévision.
Elle aurait peut-être dû dire quelque chose finalement... Mais que répondre à ça ?
- Arrête Hermione ! Arrête de t'inquiéter à ce point pour cet homme !
Elle désirait sincèrement aider son ancien camarade de classe, mais comment y parvenir alors que lui-même refusait de se laisser véritablement approcher ? Non, elle ne pouvait décidemment pas faire comme si de rien n'était, comme si le mal qui le rongeait n'existait pas. Elle l'avait épousé et même si ce mariage n'était qu'une farce, elle restait une Gryffondor et jamais elle ignorerait volontairement une personne qui souffre juste à côté d'elle. Et bien sûr, cela n'avait absolument rien à voir avec le fait qu'elle le trouvait saisissant et captivant, non, elle valait mieux que ça tout de même.
- Bonne soirée Hermione !
- A demain Alfred.
Epuisée, elle était complètement épuisée. Cette journée n'avait été qu'une succession d'ennuis et de mauvaises surprises. Une entreprise qui se retire du marché, des clients mécontents et le Ministère qui se plaint, encore et toujours. Cette fois-ci la cause principale de la plainte était justement son couple. Pourquoi ? Parce que Drago et elle-même ne se montraient pas assez souvent ensemble en société alors que le but de leur union était justement de donner l'exemple, celui d'un couple, parfaitement heureux, et cela l'excédait plus que tout. Mais le pire n'était pas le boulot mais justement son époux, qu'elle n'avait pas revu depuis leur conversation de la veille. Avait-il dormi chez sa mère ? Chez Blaise ? Chez... Astoria ? La jeune femme aurait aimé faire preuve de distance face à cette situation mais elle avait maintenant dépassé ce stade. Oui, quand il n'était pas là, elle ressentait son absence, elle ressentait le manque.
- Hey Hermione !
Surprise d'entendre une voix reconnaissable en toutes la héler bruyamment dans la rue, la Gryffondor se retourna et se retrouva nez à nez avec son ami et surtout, son premier et unique amour à ce jour.
- Ron ! Mais que fais-tu là ?
- Je voulais te parler mais je ne t'ai pas vu sortir, haleta-t-il encore essoufflé d'avoir couru après elle si longtemps.
Cette grande silhouette bien bâtie, ses cheveux roux qui dansent dans le vent, ses yeux rieurs et ses mimiques légèrement enfantines. Bien qu'il soit aujourd'hui un homme, Hermione continuait à voir en lui le gamin enjoué, légèrement borné et capricieux qu'elle avait connu enfant. Ça avait été le souci principal de leur relation, l'incapacité de voir l'autre tel qu'il est à présent et persister à vouloir vivre dans le passé.
- Oui je suis désolée, je me dépêchais pour transplaner un peu plus loin, s'excusa la lionne.
- Heureusement que je ne t'ai pas loupé !
- Tu sais que tu es le bienvenu chez moi Ron, lui souffla-t-elle doucement.
- Hors de question de le croiser, répliqua-t-il sèchement.
Bien sûr, il y avait ce problème aussi. Depuis qu'elle lui avait annoncé son intention d'épouser Drago, leur relation s'était quelque peu détériorée, mais c'était assez habituel entre eux. Déjà à Poudlard ils n'avaient cessé de se disputer, se bouder pour finalement se rabibocher, c'était ainsi. Et toutes ces expériences passées lui avaient appris une chose : il fallait le laisser ruminer seul dans son coin et attendre qu'il revienne vers elle. C'était la clé de la réussite.
- C'est justement pour ça que je voulais te voir, est-ce que tu aurais un moment à m'accorder ? demanda-t-il, gêné et le regard baissé.
- Mais bien évidemment Ron, allons-nous poser quelque part.
A la fois soulagée et anxieuse, Hermione entraina son ami dans un bar qu'elle affectionnait particulièrement et lui fit face, tout sourire. Il était temps de l'affronter, elle était désormais prête.
- Je suis contente de voir que pour une fois tu es celui qui fait le premier pas, commença-t-elle doucement en sirotant une tasse de chocolat bien chaud.
- Tu ouvres de suite les hostilités à ce que je vois, ricana-t-il une chope de bière entre les mains.
- Pourquoi dis-tu cela ? s'exclama la belle brune, surprise.
- Tu sous-entends que tu as toujours été la seule à faire des efforts et c'est faux !
Et merde... Elle avait encore une fois gaffé sans s'en rendre compte. Cette problématique s'était déjà maintes fois produites par le passé. Par moment, et sans même s'en rendre compte, elle pouvait se montrer incisive et indélicate, vexant et blessant son ancien compagnon au passage. Et ça, elle ne l'avait plus supporté, cette angoisse de provoquer une dispute à chaque mot qu'elle dirait.
- Je suis désolée, soupira la lionne en se passant une main dans les cheveux. Ce n'est pas du tout ce que j'insinuais, je suis simplement heureuse de pouvoir parler avec toi ce soir.
- J'en suis tout aussi heureux Hermione, fit-il dans un demi-sourire.
Ron, Ron, Ron... Qu'est-ce qu'elle l'avait aimé, qu'est-ce qu'elle l'avait détesté... Détesté de n'être pas l'amour de sa vie, alors que le pauvre n'y était pour rien, c'était ainsi. Mais cette rupture avait tout cassé, même si elle s'était déroulée sans véritables heurts, ça avait tout remis en question. Sa vie de femme, sa vie future, sa perception du monde. Comment imaginer l'avenir autrement que main dans la main avec Ronald Weasley ? Ça avait été dur de l'imaginer, ça avait pris du temps et aujourd'hui encore elle n'était pas complètement certaine d'y être parvenue.
- Tu sais Hermione, si j'ai aussi mal réagi à ton mariage avec l'autre tâche, ce n'était même pas parce que tu épousais ce minable, mais parce que tu te mariais tout simplement, admit-il en détournant le regard.
Dieu qu'elle le connaissait si bien, chacune de ses mimiques, de ses tics nerveux, de ses gestes incertains. Est-ce qu'un jour elle parviendrait à être aussi proche d'un autre homme ? A l'aimer autant ?
- Tu étais conscient que cette union n'était qu'une mascarade pourtant.
- Je le savais oui, mais merde, tu avais refusé ma demande en mariage Hermione, la mienne ! s'emporta le grand roux. Comment voulais-tu que je réagisse en te voyant au bras de cet avorton ?
- J'aurais aimé que tu me soutiennes Ron ! s'écria-t-elle à son tour. J'aurais aimé que tu sois là pour moi, comme l'a fait Harry, comme le ferait un frère.
- Mais je ne suis pas Harry ! Bordel Hermione, je-ne-suis-pas-Harry, je ne suis pas comme ton frère ! Nous avons vécu ensemble, nous nous sommes aimés, nous avons fait l'amour alors non, je ne suis pas ton putain de frère.
Elle le voyait prêt à exploser mais contre toute attente, il but une gorgée de sa bière et respira lentement, les yeux fermés. C'était bien la première fois qu'elle le voyait à ce point prendre sur lui.
- Je ne t'aurais pas forcé à habiter en pleine campagne ni à me faire six marmots tu sais, murmura-t-il en la regardant cette fois-ci droit dans les yeux.
- Je sais..., souffla la Gryffondor en baissant les yeux.
- Alors pourquoi as-tu fait en sorte que notre couple se casse la gueule ?
- Je pensais que tu étais venu ici pour parler de mon mariage avec...
- J'en ai rien à foutre de cet abruti, je veux parler de nous et comprendre pourquoi ça s'est terminé comme ça, l'interrompit son ancien amour. A l'époque tu n'avais fait qu'éviter cette conversation et je veux l'avoir maintenant. Hermione, j'ai besoin de savoir pour passer à autre chose et tourner définitivement la page.
C'était horrible, être assise devant lui, sentir son regard sur elle, se recroqueviller sur sa chaise sans pouvoir aligner deux mots concrets. Elle était une trouillarde, une trouillarde et une lâche. Elle ne le méritait pas, elle ne l'avait jamais mérité, en fait elle ne méritait pas toute l'affection que son entourage lui donnait. Hermione Granger la Gryffondor honnête et brave... Peuh ! Quel mensonge ! Mais pas cette fois, pas ce soir. Cette fois-ci elle allait se libérer de ce poids, ne plus fuir, ne plus le fuir, car Ron, lui, méritait bien mieux que toutes les fadaises qu'elle avait pu lui sortir par le passé.
- Tu étais tellement heureux..., chuchota-t-elle en entortillant ses mains autour de la tasse.
- Je ne comprends pas bien...
- Tu étais si heureux, si plein de vie ! Quand la guerre s'est achevée et que nous avons commencé à vivre ensemble, tu ne cessais de planifier notre avenir, tellement enjoué et sûr de notre futur à tous les deux.
Sa voix tremblait, elle pouvait l'entendre chanceler à chaque mot qui s'extirpait de ses lèvres.
- Je suis désolée Ron, vraiment désolée...
- Je ne te demande pas d'excuses, juste des explications, trancha-t-il d'une voix ferme.
Il continuait de la fixer sans ciller, c'est vrai, par moment, il pouvait faire preuve de sérieux.
- Tu étais trop heureux pour moi, lâcha-t-elle subitement. Je ne... Merde, après la guerre tout est allé trop vite et j'ai perdu pied. Depuis mes onze ans, pas une seule année ne s'était écoulée sans que je ne combatte les forces du mal, sans que je ne doive faire preuve de courage, sans que je puise dans mes dernières ressources pour survivre. Mais après ça, plus rien, j'étais simplement redevenue Hermione Granger, une femme normale qui doit travailler, se marier et faire des enfants. Ça m'a angoissé à un point que tu ne peux imaginer.
La bombe avait explosé, son débit de parole ne faisait que d'accélérer. Maintenant qu'elle avait commencé, elle dirait tout ce qu'elle avait sur le cœur et allègerait son sentiment de culpabilité qu'elle se trainait depuis tant d'années.
- Je me sentais si... inutile, continua-t-elle sur le même ton. Plus personne n'avait besoin de moi, même pas toi. Et plus je te voyais épanoui, plus je dépérissais. Je sais, c'est horrible de penser ainsi mais je ne pouvais pas m'en empêcher.
- Hermione...
- Non ! Tu voulais connaitre la vérité, c'est fait ! Je suis une femme égoïste, je me complais dans le malheur des autres pour me sentir valorisée dès que je leur apporte mon aide. Tu vois Ron ? Tu l'as échappé belle en ne m'épousant pas, je suis atroce, je suis un monstre, je suis...
Mais cette fois-ci les larmes eurent raison d'elle et coulèrent abondamment sur ses joues. Depuis combien de temps gardait-elle ce ressentiment au fond d'elle-même ? Ron méritait tellement mieux qu'elle, lui était bon et généreux sans arrière-pensées, il était tout son contraire, il était un véritable héros.
Des bras vigoureux s'enroulèrent autour de ses épaules et un torse robuste vint se coller contre son visage. Et surtout il n'était pas rancunier, la consolant alors que c'était elle qui lui avait fait le plus de mal.
- Tu es tout sauf un monstre Hermione, murmura-t-il dans ses cheveux. Tu es casse-pied, pointilleuse, une véritable miss-je-sais-tout mais tu es bien loin d'être un monstre.
- J'ai été si cruelle avec toi...
- Je n'étais pas un cadeau non plus, admit-il. J'aurais pu, j'aurais dû voir que tu n'allais pas bien mais j'étais bien trop occupé à jouer au petit couple de héros parfait. J'ai tout autant merdé que toi mais je suis juste content de connaitre enfin la vérité sur tes sentiments.
Ron s'écarta doucement d'elle, un tendre sourire aux lèvres, et essuya les quelques larmes qui continuaient de couler.
- Je ne vais pas te mentir et te disant que notre rupture a été facile à encaisser, mais je vais bien à présent, je t'assure.
- Tu ne dis pas ça juste pour me rassurer ? demanda-t-elle en reniflant.
- Hermione, je ne savais pas comment te le dire mais je pense que c'est le bon moment, je fréquente quelqu'un depuis quelque temps et c'est assez sérieux.
Ron qui continue de sourire et elle qui reste figée, une toute petite seconde, une éternité.
- Pardon ? Tu... Tu es en couple ? bégaya-t-elle, les mains tremblantes. Depuis quand ?
- Pour être franc, depuis plus de six mois et...
- Tu étais déjà avec elle pendant mon mariage ? le coupa-t-elle, subitement irritée.
- N'appelle pas ça un mariage veux-tu, c'était davantage une farce qu'une véritable union.
L'irritation qui grimpe et se transforme en colère.
- Là n'est pas la question Ronald Weasley ! tempêta la lionne. Pourquoi m'en vouloir à ce point si tu étais déjà passé à autre chose ?
- Pourquoi ? répéta-t-il incrédule. Tu te poses vraiment la question Hermione ?
- Oui ! Je me demande à quoi rimaient tout ce cirque et ces longues semaines de guerre froide !
- Quand bien même je sois en couple, quand bien même je sois à nouveau tombé amoureux, tu restes celle que j'ai aimée en premier et tu restes ma famille !
« Quand bien même je sois à nouveau tombé amoureux... », elle ne devait pas se sentir si meurtrie à l'annonce de cet amour naissant, elle ne devait pas avoir envie de disparaitre, non, elle était plus forte que ça et il avait attendu assez longtemps avant de côtoyer une nouvelle femme. Il avait respecté leur rupture et surtout il l'avait respecté elle. Il venait de l'écouter lui balancer toutes ces horreurs et l'avait tout de même pris dans ses bras. Elle ne devait pas réagir comme ça... Alors pourquoi se sentait-elle à ce point effondrée ? Qu'est ce qui ne tournait pas rond chez elle ?
- Sans oublier que tu n'épousais pas n'importe qui, merde, Drago Malefoy quoi ! continua son premier et seul amour, inconscient de la douleur qu'il venait de lui provoquer.
- Nous en avons déjà parlé Ron, je ne souhaite plus revenir sur ce sujet..., soupira-t-elle en luttant de toutes ses forces pour retenir ses larmes qui menaçaient de couler à nouveau.
Hors de question de sangloter à nouveau sinon l'humiliation aurait été totale.
- Je suis heureuse pour toi Ron, vraiment, je te souhaite tout le bonheur du monde dans ta nouvelle relation amoureuse.
Est-ce que c'était un mensonge ? La vérité ? Elle n'en avait pas la moindre foutue petite idée. Il fallait qu'elle s'éloigne de lui, qu'elle prenne du recul, qu'elle réfléchisse. La réflexion avait toujours été sa principale qualité, même si cette dernière lui avait souvent fait défaut quand il était question de Ron. Mais pas ce soir, ils n'étaient plus ensemble et elle ne l'aimait plus alors elle se devait de comprendre pourquoi elle se sentait si triste.
- Moi aussi Hermione, murmura-t-il en lui prenant les mains. J'espère vraiment que tu auras la vie que tu mérites et pas celle que tu es en train de vivre avec ce connard de Malefoy.
La colère, la tristesse, l'agacement et l'abattement. Ces sentiments qu'elle ressentait en cet instant représentaient bien la relation chaotique qu'ils avaient vécu tous les deux, surtout vers la fin. Mais l'entendre insulter Drago et constater qu'il était à ce point obnubilé par ce mariage achevèrent de l'accabler. A la fois gênée et épuisée émotionnellement, Hermione retira prestement ses mains de la poigne du grand roux et se releva doucement, désirant mettre un terme à cette conversation, de plus en plus pénible.
- Je suis contente qu'on ait pu parler se parler franchement et j'espère retrouver en toi mon meilleur ami, car tu m'as beaucoup manqué ces dernières semaines.
- Je te le promets ! J'aimerais aussi beaucoup que tu la rencontre, je lui ai tellement parlé de toi qu'elle est maintenant impatiente de faire ta connaissance ! s'exclama-t-il à nouveau de bonne humeur, comme le Ron qu'elle avait toujours connu, jovial et insouciant malgré les épreuves qu'il avait aussi affronté dont le deuil de son frère.
- Oui, pourquoi pas..., chuchota-t-elle en évitant son regard.
Le baiser sur la joue qu'il lui fit en guise d'au revoir la conforta dans ses sentiments, non, elle n'était plus amoureuse de Ron. Alors pourquoi une telle réaction ?
- Réfléchis Hermione, réfléchis..., laissant ses pas la guider dans les méandres de la ville.
De toute façon, ça avait toujours été dans ça qu'elle excellait, la réflexion. Alors pourquoi ne parvenait-elle pas à comprendre sa réaction ? Pourquoi agissait-elle comme une enfant ?
« Quand bien même je sois à nouveau tombé amoureux... ».
Hermione stoppa net sa marche effrénée et pris le temps de respirer. Il était amoureux, Ron aimait une femme et ce n'était plus elle. Est-ce qu'elle désirait vraiment vivre dans un monde où Ron ne serait plus amoureux d'elle ? De toute façon à présent elle n'avait plus le choix, il était en couple, il était heureux, il avait définitivement tourné la page. Elle aussi croyait l'avoir fait, après tout c'est elle qui avait poussé cette relation à se détruire alors elle n'avait pas le droit de se sentir à ce point abattue. Et pourtant c'était bien le cas. Mais quel était le pire ? Que Ron ne l'aime plus ou qu'aucun homme ne l'aime à l'avenir ? Elle qui se targuait d'être une femme fière et indépendante, comment pouvait-elle être transie d'angoisse à l'idée qu'aucun autre homme ne puisse tomber amoureux d'elle ? Après tout c'était une femme épanouie et heureuse et...
- Oh ferme-là ! grogna la Gryffondor contre elle-même.
Il fallait se rendre à l'évidence, elle était tellement satisfaite de sa vie qu'elle avait accepté un mariage arrangé avec un garçon qui avait passé des années à la persécuter et pire, elle se sentait seule quand il n'était pas là. Mais il fallait qu'elle réagisse ! Ce n'était pas parce que sa vie en ce moment n'était pas au top qu'elle devait jalouser le bonheur des autres, et surtout pas celui de son meilleur ami, elle valait mieux que ça. Ron, Malefoy, Alfred, ses collègues... Elle n'avait pas besoin d'homme pour être heureuse !
Par contre elle s'en voulait à présent de ne pas l'avoir davantage questionné sur sa relation amoureuse, alors que lui l'avait écouté et avait essayé de soulager sa conscience, elle n'avait même pas pensé à lui rendre la pareille en s'intéressant à son bonheur. Par moment, elle se détestait d'être à ce point égoïste, l'avait-elle toujours été ou est-ce que le fait d'habiter avec Drago Malefoy la rendait moins sensible aux autres ? Bref, la prochaine qu'elle verrait Ron, elle se promit de lui parler de sa compagne, même si elle ne se sentait pas encore prête pour la rencontrer et les voir heureux ensemble.
Arrivée à la maison – c'était étrange d'appeler cet appartement ainsi – la jeune femme alluma la lumière du salon et déposa ses affaires sur le canapé. Cette journée avait été longue et épuisante, comme bien trop souvent. En plus elle n'avait plus vu le Serpentard depuis la veille, alors qu'il avait brusquement transplané chez sa mère. Fatiguée physiquement et moralement, la petite brune se posa contre le dossier du canapé, debout, les yeux fermés, les jambes et les bras croisés, laissant échapper un profond soupir de ses lèvres.
- Qu'elle est dure la vie de la petite princesse Gryffondor...
Surprise d'entendre une voix grave résonnée dans la pièce, Hermione se redressa et se retrouva nez à nez avec son mari, qui comme toujours, affichait son éternel air renfrogné.
- D'où tu sors ? demanda-t-elle interloquée.
- De ma chambre, mais c'est moi qui devrait te poser la question, non ? répliqua-t-il sèchement en se dirigeant vers la salle de bain.
Est-ce qu'il l'avait attendu ou est-ce qu'il était seulement de mauvais poil, sans raison précise ?
- Si tu veux tout savoir, je...
- Je m'en contrefiche, tes petites sorties nocturnes, je m'en balance carrément !
Franchement, elle ne comprenait rien à ce qui se passait là. Que son époux soit ronchon, ça elle avait l'habitude, mais qu'il s'en prenne gratuitement à elle sans qu'elle ne le taquine au préalable, ça c'était nouveau. Quand il était de mauvaise humeur, il avait plus tendance à s'enfermer dans un mutisme d'une durée indéterminée plutôt que de la houspiller sans raison.
La petite lionne décida alors de le suivre et s'arrêta dans l'embrasure de la porte, les sourcils froncés et l'observa en train de se rincer le visage.
- Quel est le problème ce soir ?
La grand homme blond attrapa la serviette et s'essuya le visage avant de la regarder dans le reflet du miroir.
- Il n'y en a aucun, dit-il platement.
- Très bien, répondit-elle sur le même ton.
Décidée à ignorer le jeune homme jusqu'au petit matin, Hermione tourna les talons pour gagner la cuisine quand elle l'entendit marmonner assez distinctement pour qu'elle l'entende.
- Elle a bon dos la fausse petite prude...
Sous le choc après cette remarque qu'elle jugea plus pitoyable que tout ce qu'il avait pu lui sortir par le passé, Hermione revint férocement sur ses pas et força son mari à lui faire face en l'agrippant par le bras.
- Qu'est-ce que tu viens de dire au juste ? siffla-t-elle, les yeux lançant des éclairs.
- Je dis seulement que tu es venue râler après moi il y a quelques semaines parce que soi-disant je flirtais avec l'autre dinde de mon service alors que toi tu passes ton temps à aguicher tous les hommes qui passent ! s'emporta à son tour le Serpentard en se dégageant férocement de sa poigne.
- Pardon ? s'exclama-t-elle complètement stupéfaite. D'où sors-tu cette idée complètement insensée ?
Cet homme était sidérant. Il disparaissait pendant une journée entière et reparaissait uniquement dans le but de l'insulter.
- Tu sais quoi Granger ? J'en ai royalement rien à foutre que tu rentres tard tous les soirs, que les jupes que tu portes soient toujours plus courtes les unes que les autres ou que tous les mecs du Ministère ne font que parler de toi et je cite, de « ton joli petit cul », mais je te serai gré de ne pas bousiller ce mariage, surtout pas avec tous les efforts que je fais pour que ça fonctionne !
De toute évidence fier de sa petite tirade, Drago la contourna et se dirigea tranquillement vers sa chambre quand elle s'élança vers son interlocuteur et le poussa de toutes ses forces.
- Mais tu es complètement folle ? s'écria-t-il surpris du par le choc et manquant de tomber à la renverse.
- Franchement, je ne sais pas qu'elle était la chose la plus aberrante dans tout ce que tu as dit ! Le fait que tu insinues que je m'amuse tous les soirs alors que je me tue à la tâche pour faire au mieux mon boulot, que tu te permettes de juger ma façon de me vêtir alors que je dois être celle qui s'habille le plus décemment dans toute cette foutue ville ou que tu oses te targuer de faire des efforts alors que je la seule, tu entends, la SEULE, qui fait en sorte que cette union marche !
Elle était hors d'elle, il avait vraiment réussi à la pousser à bout. Mais pas de pleurs cette fois-ci, oh non, elle avait bien assez pleuré devant Ron, lui il ne subirait que ses cris.
- Non mais pour qui tu te prends de me traiter de folle alors que de nous deux, c'est bien toi le plus timbré !
Enragée, voilà dans quel état il avait réussi à la mettre et au lieu d'afficher un sourire victorieux pour l'avoir plongé dans une telle rage, il se contentait de l'observer, la mine fermée, le regard fuyant, mal à l'aise. Il ne bougeait pas mais ne disait rien non plus, comme s'il se contentait uniquement d'essuyer ses cris sans chercher à répliquer. C'était incompréhensible.
- J'en ai vraiment trop marre, va au diable..., soupira-t-elle, la main dans les cheveux.
La soirée avec Ron avait été tellement éprouvante qu'elle aurait aimé se chamailler gentiment avec le grand blond, devant un film, tranquillement, agréablement. Et à la place, elle avait eu droit à un accueil détestable et agressif. Arrivée devant la porte de sa chambre, lasse et éreintée par cette violente dispute, la jeune femme brune posa son front contre la porte, ferma les yeux et murmura :
- La prochaine fois, au lieu de disparaitre pendant vingt-quatre heures, disparais pour de bon, ça me fera des vacances...
Sur ses mots, elle pénétra dans sa chambre et referma doucement la porte derrière elle, sans chercher à savoir qu'elle expression pouvait bien afficher le jeune homme.
FIC DÉFINITIVEMENT ABANDONNÉE (désolée...)
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