Chapitre 9: Sortir.

Ma mère a compris quand je lui ai dit que je voulais arrêter l'école. J'ai bien vu qu'elle semblait déçue, mais j'imagine que c'est parce qu'elle croit que je fais ça uniquement à cause de mon agression. Pourtant ce n'est pas le cas. Si je cesse les études, c'est parce que cela ne m'intéresse plus. Depuis que j'ai invoqué mon père, quelque chose a changé en moi. Je me sens plus confiant au sujet de mon don, plus intrigué par les possibilités qui s'offrent à moi, par ce nouveau monde que je découvre. Cert, pas autant que Hansi, mais d'une façon différente.

Aujourd'hui, j'ai décidé de faire plaisir à Eren en l'apportant à une destination de son choix, soit dans un parc d'attractions. J'en ai choisi un qui se situe à quelques heures de chez moi afin que personne que je connais ne me voie parler seul. J'ai dit à ma mère que j'y allais avec Hansi, mais au fond, je n'avais pas envie d'inviter cette dingue. Depuis qu'elle connait l'existence de mon don, elle est devenue encore plus agaçante qu'avant. Même Eren éprouve de la difficulté à la supporter et pourtant, il semble être une personne avec une grande tolérance. Je déteste devoir mentir à ma mère, mais je ne peux pas lui dire la vérité pour l'instant.

-Merci de m'amener ici ! Mon frère n'avait jamais voulu quand j'étais vivant, il n'aimait pas les montagnes russes, tu vois ?

Nous venons d'arriver au parc d'attractions et le spectre saute joyeusement partout, la tête relevée vers les immenses manèges qui semblent l'impressionner, un large sourire sur ses lèvres. Agissant de cette façon, il ressemble à un enfant qui visite un lieu nouveau. Il est adorable. C'est dans ces moments que je suis heureux de pouvoir être le seul à le voir, car je n'aimerais pas que d'autres puissent l'admirer.

-Donc on commence par quoi ? S'enquiert-il, moi je dis qu'on commence directement par une montagne russe avant qu'il y ait trop de personnes et que la file soit trop longue !

-Si tu veux, je te suis.

Je vois quelques personnes autour de moi se retourner pour me jeter un regard interrogateur. Quoi, ils n'ont jamais vu de gars parler seul ? J'avoue que je dois sembler un peu étrange, mais je prends sur moi pour essayer de les ignorer.

Je suis Eren jusqu'à une immense montagne russe remplie de looping et de pentes à pic. Heureusement que je n'ai jamais eu peur de ce genre de chose. Contrairement aux gens qui hurlent à en perdre la voix, moi je reste continuellement stoïque là-dedans. J'ai curieusement confiance en la sécurité qu'offrent ces attractions. Le spectre s'excite quand c'est à mon tour d'entrer dans le wagon. Comme je suis seul, personne ne prend la place voisine, ce qui laisse l'occasion à Eren de s'assoir en lançant des plaisanteries au garçon qui s'occupe de s'assurer que tout est sécuritaire. Pourquoi ont-ils toujours l'air de détester leur travail ?

-Je stresse, sourit Eren, oh non, ça décolle... ça monte haut. POURQUOI JE SUIS MONTÉ LÀ DEDANS ?!

Je souris malgré moi à voir le fantôme se tortiller dans son banc. Qu'est-ce qui se passerait s'il perdait toute concentration et n'arriverait plus à se tenir ? Au moins, il ne risquerait pas de mourir davantage. J'aurais juste un peu de difficulté à le retrouver dans ce gros parc d'attractions. Eren se cramponne bien fort à la barre de sécurité. Je ne comprends vraiment pas de quoi il a peur. Son cœur ne peut même pas lever !

-Ça descend !

Quand le vide se pointe devant nous et que le train s'arrête quelques secondes tout au sommet, je vois le visage d'Eren se crisper, puis il hurle à tu tête dans la descente. Je suis l'un des seuls qui n'a qu'un faible sourire de plaisir, levant même les bras pour profiter de la vitesse. Je m'amuse.

Une fois le tour terminé, nous descendons du wagon et Eren rigole de mes cheveux décoiffés en passant une main dedans. Cette sensation est toujours étrange, comme si un courant d'air glacial me parcourait le corps en entier. Ce n'est pas si désagréable, comme quand il demande des câlins.

-Oh, regarde, ils ont pris une photo dans la descente !

Sans me laisser le temps, le spectre fonce vers le kiosque qui vend les photos à un prix exorbitant. Qui veut payer 15 dollars pour ça ? Dans l'écran derrière la petite madame on aperçoit la photo. J'ai les bras dans les airs et on m'a pris en flagrant délit de sourire. Près de moi, on peut uniquement apercevoir un brouillard laiteux qui vaut des regards interrogatifs de la part de plusieurs.

-C'est mignon de te voir sourire, affirme Eren, tu sembles moins constipé. Oh, j'ai bousillé la photo avec ma présence. Je ne crois pas qu'ils vont vraiment réussir à la vendre. On dirait presque ils ont eu un problème avec l'appareil. Des fanatiques pourraient prendre ça pour un mauvais présage, tu vois ?

Je me contente de hausser les épaules. Il y a un peu trop de gens agglutinés autour de moi pour que je puisse répondre. D'ailleurs, plusieurs personnes se plaignent de la qualité médiocre de la photo. S'ils savaient...

Eren ne tarde pas à me tirer vers d'autres montagnes russes, puis nous les faisons toutes, sans exception. Nous sommes chanceux, aujourd'hui il n'y a pas beaucoup de gens. J'imagine que la plupart sont à l'école où travaille ? Au moins, il fait beau. Quand nous prenons une pause après plusieurs heures, j'en profite pour m'acheter une pomme d'amour que je mange tranquillement en suivant mon ami qui me regarde avec envie.

-Tu sais que tu es cruel, finit-il par larguer.

-En quoi je suis cruel ?

-Tu manges une pomme d'amour devant moi alors que tu sais parfaitement que moi, je ne peux pas ! C'est de la torture te regarder ! Je sais maintenant ce que ressent Barbossa dans Pirates of the Caribbean quand il ne peut pas manger sa pomme... la nourriture me manque.

-Donc tu voudrais que je cesse de manger pour te faire plaisir ? Tu sais que j'ai besoin de manger pour survivre ? C'est toi qui es cruel dans le fond.

Eren rigole, puis je continue de manger ma pomme d'amour devant lui. Elle est délicieuse même si le sucre n'a jamais été ce que je préfère. Nous marchons dans le parc à la recherche de notre prochaine activité quand le fantôme pose sa main sur mon bras en jubilant.

-Il y a une maison de l'horreur ! Aller, on la fait !

-Parfois, je me demande si tu fais exprès de rire de toi où si tu oublies simplement ce que tu es.

-Avale ta pomme et suis-moi !

En marmonnant, je termine rapidement ma gâterie alors que Eren me tire par le poignet vers une grande bâtisse. Je doute que ce qu'il y a à l'intérieur arrive à me faire peur avec tout ce que je vis ces derniers temps. Nous sommes presque arrivés à la file d'attente quand je m'arrête brutalement de marcher, mon regard attiré vers deux garçons qui attendent pour rentrer, l'air très proche. Mes doutes sont justifiés quand le plus grand offre un baiser sans gêne à l'autre. J'ai l'impression qu'on vient de me frapper avec une pelle.

Eren doit s'apercevoir de mon soudain changement de comportement, car il s'arrête et vient se placer devant moi en mettant les mains sur mes épaules d'un geste rassurant.

-Je t'assure que tu n'as pas à avoir peur, sourit-il, ce genre d'attraction est beaucoup moins réel que ce que tu as vécu au cimetière et je serai près de toi.

-Je n'ai pas peur de ça, abruti ! Regarde par là... je crois qu'on est mieux de partir.

Le spectre fronce les sourcils, ne comprenant surement pas de quoi je parle. En ce moment, tout ce que je veux, c'est mettre le plus de distance entre moi et ce sale traitre. Eren se retourne dans la direction que je lui ai indiquée, puis son visage devient plus dur.

-Ce n'est pas ton mec avec ce gars ? Tu veux que j'aille lui flaquer la frousse de sa vie ? Je vais le faire si tu me le demandes. Il va faire dans son pantalon, je te le promets.

-Non, ce n'est pas nécessaire... Ça n'en vaut pas la peine. Tout ce que je veux, c'est partir loin et...

-Livai ?

Bordel. Il a dû se rendre compte que je regardais en sa direction puisque Eren est invisible à ses yeux et qu'il se trouvait entre nous. Comment la situation pourrait être pire ? J'ai seulement envie de fuir. De partir loin. Erwin chuchote quelque chose au grand blond qui l'accompagne, un mec bien musclé et viril avec sa petite barbe, avant de se diriger seul vers moi. Il ne le voit pas, mais Eren le tue carrément du regard.

-Je ne pensais pas te croiser ici, avoue-t-il, tu es seul ou Hansi est là ?

-Je suis venu avec un ami. Toi aussi, à ce que je vois. Dis-moi, depuis quand c'est fini, nous deux ? J'ai l'impression que tu as oublié de me le dire.

-Je croyais pourtant que c'était ce que tu voulais. Livai, ça fait des semaines qu'on ne se parle plus. Tous les deux, ça ne marchait plus... tu as changé et pas dans le bon sens selon moi.

-Ah, bah désolé d'avoir été traumatisé par mon agression. Si tu n'es pas capable de me supporter quand je suis au plus bas, j'imagine que tu ne me mérites pas quand je vais bien.

Je le vois grimacer. Étrangement, cette situation ne me fait pas si mal. Je suis insulté qu'il m'ait remplacé aussi rapidement sans me le dire, mais le laisser ne me fait pas grand-chose. Il n'a pas été là pour moi quand j'en avais besoin, on s'est éloignée naturellement. Notre relation n'a pas eu le temps d'atteindre le stade du « je t'aime ». Ça n'aurait pas fonctionné de toute façon. Quand Farlan m'a laissé il y a quelques années, je me souviens que j'étais détruit, anéanti, même si je savais que c'était la seule solution avec son déménagement. C'était mon premier amour, mais là, je ne ressens pas grand-chose.

-J'aurais vraiment voulu que ça se termine autrement, affirme-t-il.

-Ouais, moi aussi. Je te souhaite d'aimer plus ce blond.

-Et toi, d'aller mieux.

Sans rien ajouter, Erwin tourne les talons pour retrouver son nouveau copain alors que Eren lui fait un doigt d'honneur invisible qui me fait sourire. Il sait qu'il ne peut pas le voir ?

-Sale con, grogne-t-il, il n'a pas honte de te faire ça et de tout mettre sur ta faute ? Ce connard ne te mérite pas !

-En fait, il a raison. C'est mieux comme ça, même s'il n'a pas choisi la meilleure façon de le faire.

-Peu importe, je suis en colère après lui ! Il n'a pas à te faire mal !

Je regarde Eren s'agiter tout seul en insultant celui qui est désormais mon ex. Il est drôle à regarder, pourrait presque me faire rire. Quand je vois qu'il commence à se calmer, j'en profite pour le serrer dans mes bras. Il ne tarde pas à me rendre l'étreinte, même si j'imagine à quel point je dois avoir l'air bizarre aux yeux des autres.

-Merci d'être toujours là, soufflai-je.

-Mais c'est normal. C'est plutôt toi qui es doué pour me supporter. Moi, je n'y arriverais pas.

Je le serre encore plus fort, me sentant apaisé dans cette position.

***

Le soir, nous arrivons plutôt tard chez moi. Ma mère est déjà là, préparant le souper en écouter les nouvelles à la télévision comme elle le fait toujours. J'ai passé une bonne journée avec Eren malgré la désagréable rencontre avec Erwin.

Je m'approche de ma génitrice pour voir ce qu'elle prépare quand mon regard est attiré par la télévision. Je fronce les sourcils en montant le volume, mon cœur tambourinant dans ma poitrine. Non...

-Le dangereux fugitif, aussi surnommé Kenny l'égorgeur, a été retrouvé sans vie dans une ruelle de Québec. Les autorités refusent d'en dire davantage pour l'instant, mais il semblerait qu'une infection à la suite d'une blessure à l'œil non soignée soit la cause de son décès. Rappelons que l'homme de 43 ans était la cible de plusieurs accusations graves et...

Je n'écoute plus ce que dit la dame, concentré uniquement sur le visage de cet homme qui est affiché à l'écran. C'est lui... et maintenant, il est mort à la suite de la blessure que je lui ai infligée. Mes membres sont mous sous la peur et Eren et ma mère s'en aperçoivent. Ils s'approchent de moi avec inquiétude.

-Qu'est-ce qui se passe mon trésor ? S'inquiète ma mère, on dirait que tu as vu un fantôme.

-Cet homme... c'est mon agresseur.

Je suis vraiment touchée de voir que cette histoire semble plaire! C'est ce qui me motive à écrire, donc n'hésitez pas à donner vos théorie sur la suite!

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