Chapitre 2: Adaptation.
Seul dans cette chambre d'hôpital, je viens tout juste de me réveiller de la petite opération pour recoudre mon épaule. Le docteur m'a dit que je suis chanceux qu'elle n'est pas restée dans mon bras, car l'onde de choc aurait été plus dure, l'opération plus lourde et le danger de mort plus élevé. Chanceux n'est pas le mot que j'utiliserais pour décrire ce qui m'est arrivé...
Je me sens toujours faible, mais déjà mieux qu'avant. Peut-être qu'on m'a donné des antidouleurs? Une chose est certaine, je hais les hôpitaux. L'odeur, l'ambiance... tout me répugne dans ce lieu. Je suis impatient de le quitter et retrouver ma mère. Quand va-t-elle arriver pour venir me voir? Je veux qu'elle sache que je vais bien, que je suis vivant. J'espère que les médecins l'on prévenu.
-Cette jaquette d'hôpital te va à ravir. Comment tu te sens?
Cette voix me fait sursauter. Je n'avais jusqu'à maintenant pas fait attention à cette présence. Eren est là, dans un coin et me regarde attentivement. Pourquoi m'a-t-il suivi?
-Qu'est-ce que tu fais là, m'enquis-je avec stupeur, tu n'es pas resté sur le bateau?
Il s'approche de mon lit en souriant.
-Tu es la première VRAIE personne avec qui je peux parler depuis 14 ans. Tu crois vraiment que je t'aurais laissé partir sans moi? De plus, je veux vraiment t'aider à retrouver ce fou furieux qui t'a fait ça, tu vois?
Je ne suis pas tout à fait heureux qu'il m'ait suivi. Il est pour moi une preuve éminente de folie, une preuve que j'aurais souhaité laisser sur ce bateau. Je comprends que je suis le seul à le voir, mais je ne veux pas être étiqueté comme bizarre aux yeux des gens qui me verront parler seul. J'ai moi-même toujours considéré les paranos du surnaturel comme des cinglés, traité les voyantes comme des arnaqueuses et ris des gens disant avoir vécu une expérience paranormale. Pourquoi est-ce que je serais différent? Moi, je sais qu'en parlant avec Eren je dis la vérité, mais les autres ne sont pas dans ma tête, ne peuvent pas savoir si je dis vrai ou faux, car ils ne sont pas moi. J'ai de la difficulté à y croire et pourtant je vois Eren comme n'importe quel humain.
J'essaie de l'ignorer afin qu'aucune infirmière ne pense que je délire et décide de m'envoyer dans un asile pour fous. L'une d'elles, une petite rousse dont les cheveux lui arrivent aux épaules, rentre dans la pièce en me souriant.
-Livai, tu as de la visite, déclare-t-elle.
J'ai à peine le temps d'assimiler l'information que ma mère rentre dans la pièce, les larmes aux yeux. Un peu plus loin derrière elle se trouve ma meilleure amie qui semble autant bouleversée. Erwin n'est pas avec elles? Ma génitrice passe sa main dans mes cheveux.
-Mon ange, on va retrouver le fumier qui t'a fait ça, je te le promets, souffle-t-elle, j'ai déjà avisé la police.
Rarement je n'ai vu une telle haine dans son regard, ce que je comprends. J'espère aussi retrouver ce salopard... un homme avec l'œil crevé, ça ne doit pas être si difficile à repérer? Il devra surement aller à l'hôpital un jour où l'autre, donc ils pourront l'attraper.
Pendant que ma mère caresse toujours mes cheveux, mon regard se dirige vers Hansi, figée sur le bord de la porte. Elle semble tellement dépassée alors qu'elle est habituellement si énergique. Je dois lui remonter le moral, donc je me force à lui sourire :
-Eh, la binoclarde, pourquoi tu fais une tête d'enterrement?
-Lili, je me sens tellement responsable! Déclare-t-elle avant de fondre en larme, j'aurais dû insister pour venir te reconduire, ne pas te laisser seul!
-J'ai toujours trouvé bizarre la manière dont les gens s'accusent eux-mêmes lors des drames, se mêle Eren dans son coin, il faut que tout le monde soit responsable. Je trouve ça ridicule.
Eren doit être habitué à faire des commentaires que personne n'entend, mais cette fois, moi je l'entends et je dois faire mon possible pour ne pas lui porter attention! Il a cependant raison. Hansi n'est en rien responsable avec mon agression.
-Tu n'es pas responsable, répliquai-je un peu agacé, ce n'est pas tous les jours que ce genre de chose arrive...
-Je me sens tout de même tellement mal.
Hansi fonce sur moi pour me serrer dans ses bras, me faisant grimacer. C'est moi qui me suis fait agresser et je dois la consoler.
À peine deux heures plus tard, un policier vient m'interroger, puis j'ai mon congé d'hôpital. Les points de suture me font toujours mal, mais je m'efforce pour ne pas le montrer. Hansi est partie travailler plus tôt, donc je suis seul avec ma mère et Eren qui me suis les mains dans ses poches. Nous traversons les longs couloirs qui me mèneront vers la sortie de cet enfer dans un lourd silence. Ma mère ne semble pas savoir quoi me dire.
-Tu vas avoir une jolie cicatrice, commence Eren, dans peu de temps, tu vas raconter l'histoire en exagérant chaque détail. Ton bourreau pourrait devenir un géant mono-jambiste, avec un crochet en guise de main et qui crache du feu, tu vois? Qu'est-ce que tu en penses?
Ne pouvant pas répondre à un être invisible, je me contente de lui lancer un regard. La tête tournée, je cesse de marche en tombant face à une scène horrible. Dans l'une des chambres où la porte est ouverte, je vois un jeune homme, debout près d'un lit dans lequel un homme est enroulé de bandages, branché à une machine indiquant un rythme cardiaque inexistant. Le jeune homme fixe le nouveau cadavre avec peur, ne semblant rien comprendre.
-Qu'est-ce qui se passe, souffle-t-il.
Il tourne ses yeux bruns vers moi. Son teint est poudreux et pâle, trop pâle. Son âge ne devant pas dépasser le début vingtaine, il s'agit d'un grand brun mince au visage long. Est-ce un membre de sa famille dans le lit? Une curieuse lumière blanche l'éclaire, mais il se contente de l'éviter pour se diriger vers nous.
-C'est dur, pas vrai? Demande Eren.
Sur le coup, je crois qu'il s'adresse à moi, mais je sursaute en entendant le garçon lui répondre :
-C'est impossible. Ça ne se peut pas... Je vais me marier dans deux semaines, j'allais juste à l'épicerie. Il doit y avoir une erreur...
-J'ai eu la même réaction. C'est dur à accepter au début, mais on s'y habitue après un certain temps.
-Non... je ne veux pas faire souffrir Reiner... il ne le sait pas.
J'aimerais en écouter davantage, mais une main m'agrippe l'épaule, faisant détourner le regard alors que des infirmières en panique arrivent pour découvrir leur patient mort.
- Ne regarde pas, couine ma mère en me serrant contre elle.
J'en ai déjà assez vu de toute façon. Le jeune homme me rend triste, mais après ce que j'ai vécu ces dernières 24 heures, je dois avouer que je n'éprouve aucun choc de voir un cadavre. Pour moi, le garçon est toujours là, discutant avec Eren.
Ma mère me force à sortir rapidement de l'hôpital. Elle semble mal, probablement à cause du mort qu'elle vient de voir. Eren parvient à monter dans notre voiture juste avant qu'elle ne démarre.
-Je trouve toujours triste de rencontrer un nouveau mort, soupire Eren, ils sont toujours si perdus, tu vois?
Je hoche la tête sans que ma génitrice me remarque.
On arrive chez moi peu de temps après. Après près de 24 heures après avoir quitté le restaurant, je suis enfin arrivée de ce trajet qui aurait dû me prendre qu'une dizaine de minutes. Qui aurait pu croire qu'il aurait été si long?
J'ai quelques messages de mon petit ami que je m'empresse d'appeler pour lui donner des nouvelles. Comme ce dernier travail, il ne peut pas venir me voir maintenant, mais il me promet de venir bientôt me voir. Je crois que j'en ai grandement besoin...
Après avoir mangé, je fonce dans ma chambre pour me coucher. Je suis tellement fatigué que j'ai besoin de dormir pour m'aider à assimiler tous ces évènements qui viennent de se passer. Dès que je me couche, je m'endors aussitôt malgré la douleur de mon épaule.
Le lendemain, je ne me réveille qu'en après-midi. J'ai espoir qu'en ouvrant les yeux, ma vie reprendra son cours normal et que mon sixième sens se soit évaporé.
-Quand tu dors, on dirait un petit chien, affirme sérieusement Eren, tu as la bouche ouverte, tu vois?
Avec un soupire de déception, je tourne mon regard vers lui. Eren est assis contre le mur, rongeant ses ongles sous l'ennui. En croisant mes yeux, le garçon me sourit de toutes ses dents. Il semble si réel... si vivant.
Eren se lève du sol et vient s'assoir près de moi sur mon lit. Un spectre est près de moi. Un spectre me parle. Je dois certainement être fou.
-Ta mère est déjà partie, déclare Eren, tu ne pourras pas faire beaucoup de choses pour un bon moment, donc j'ai fait un petit planning pour rendre tes journées moins ennuyantes. Journée ciné, ça te dit demain?
-Quel genre de film? Je n'en ai pas vraiment ici.
-On va au club vidéo! Je crois que c'est à deux minutes de marche maximum. On a passé devant en venant ici. J'avais pensé à du Tim Burton. Son univers me fascine et toi?
- Je n'écoute pas vraiment de film et je ne le connais pas celui-là.
Ses yeux s'ouvrent très grand à cette affirmation, comme si je venais de dire la plus grande injure en ce monde. Maintenant que je le vois de plus près, je remarque à quel point ses yeux sont spéciaux. Un curieux mélange de bleu et de vert.
-Tim Burton est simplement le plus grand réalisateur de films depuis l'invention de la télévision, s'indigne Eren, tu dois avoir écouté Edward aux mains d'argents ou encore l'étrange Noël de monsieur Jack?
Désolé Eren, mais non je ne connais pas ça. Je n'ai jamais été un grand amateur de cinéma. En fait, ce n'est pas que je n'aime pas les films, mais je n'ai pas le temps de m'assoir devant la télévision. Je suis très débordé entre l'université qui recommence bientôt, ma meilleure amie et mon nouveau copain.
-Non, désolé, répondis-je.
-Es-tu au courant que je suis mort et plus éduqué que toi, sal vivant? Me réprimande-t-il, tu dois absolument renoncer à ton ignorance.
Je ne vois pas l'importance d'avoir écouté un film ou pas. Honnêtement, tout ça m'est parfaitement égal.
-Donc, tu veux qu'on aille louer des films ce soir? Grognai-je.
-Non, demain quand ta mère va être absente. Jamais elle ne voudrait que tu ailles au club vidéo tout seul après ce qui s'est passé, tu vois?
Les souvenirs de mon agression me remontent à la tête. Cet homme à l'haleine pestilentielle, me tenant fermement. Son œil crevé giclant de sang...
Je chasse ces images horribles de ma tête en un frisson. Eren parait le remarquer et comme s'il avait lu dans mes pensées, dépose sa main sur mon épaule non blessée. Comment se fait-il qu'il puisse me toucher?
-La police va le retrouver, m'assure-t-il avec conviction, un mec qui à l'œil crevé, ça ne passe pas inaperçu. Surtout qu'il a l'air vraiment moche. De la façon dont tu le décris, on dirait un ogre.
Je laisse échapper ce qui ressemble le plus chez moi à un sourire. Eren est doué pour remonter le moral. Les larmes recommencent à bruler mes yeux, mais je parviens à les retenir. Je ne suis pas faible. Pleurer est une marque de faiblesse que je tiens à éviter, surtout devant un type que je ne connais pas. Personne ne m'a jamais vu pleurer excepté ce psychopathe et Farlan... ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer.
-Je n'ai pas envie de marcher jusque là-bas, soufflai-je.
-Tu sais ce que je me dis, commence Eren songeur, ce n'est pas parce que quelque chose arrive une fois que ce sera toujours le cas. Par exemple, si un jour tu tombes d'une chaise et te brises un bras, vas-tu bannir les chaises de ta vie à cause de ça? Vas-tu demander au gouvernement d'instaurer une loi contre les chaises à cause de cet accident stupide?
Je n'arrive pas être rassuré. C'est la première fois qu'une telle peur m'habite. Et si cet homme ne se faisait pas appréhender et qu'il souhaitait se venger? Qui serait là pour me protéger? Eren avec ses talents spectraux? J'en doute...
Une idée m'effleure l'esprit.
-Je vais appeler un taxi.
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