Je veux rentrer à la maison...
Quelqu'un doit me détester avec une haine féroce pour que tant de malheurs m'arrivent. Ah ! L'univers entier doit me détester pour qu'une chose pareille m'arrive à moi, Améthyse Cath'Ztich, membre honorable du glorieux peuple des Ve'Helongs !
Les vagissements désespérés de la chose continuent à mes côtés tandis que les détonations éclatent autour de moi. Quelle chance.
Pourtant, à l'origine, je ne demandais pas une chose si compliquée que cela. La paix. Une paix que j'étais venue chercher sur Terre, ce soi-disant havre de paix. Tch ! Je n'y avais trouvé que la guerre ! Et si les choses continuaient ainsi, je finirais aussi par y trouver ma mort !
Vous me demanderez : ma situation est-elle aussi affreuse que je la présente ? Oh oui, mes pauvres petits imbéciles. Vous n'imaginez pas à quel point.
Tout a commencé lorsque je suis arrivée en orbite de la Terre, planète habitée par les Humains, des êtres peu aimables qui sont connus pour leur stupidité et tempérament aussi chaud que le soleil le plus brûlant. Cependant, leur planète est considéré comme l'un des coins les plus charmants de la galaxie, et même si les Terriens possèdent une réputation peu appréciable et recommandable, on leur concède également des qualités non négligeables, notamment la capacité d'éprouver une affection sans commune mesure envers un autre : l'amour.
Une émotion qui m'est inconnue à ce jour et qui le sera toujours.
Ceci étant dit, j'avais besoin de calme, de vacances si vous préférez, et on m'a conseillé la Terre comme lieu de séjour. Autant vous assurer que si j'arrive à me sortir de ce pétrin, l'incapable qui m'a conseillé rencontrera une fin brutale.
Ainsi, une fois en périphérie de ma destination, j'ai remarqué quelque chose d'inhabituel : il y avait des débris qui flottaient dans le vide spatial, autour de mon vaisseau. Mais j'ai préféré juger que ce n'était pas important. Si je pouvais rebrousser chemin dans le fil indomptable du temps, je me bafferais et quitterais la proximité de ce foutu caillou.
J'ai amorcé ma descente dans l'atmosphère de la planète bleue, en mettant en place mon camouflage. Les Humains n'étaient pas au courant de notre existence et j'entendais garder les choses de cette manière. Hélas, trop sûre de mon camouflage, je n'ai pas voulu enclencher mes barrières. Oubliez la baffe. Je m'étranglerais si je pouvais retourner en arrière. Car à une centaine de mètres du sol, j'ai été attaquée. Des missiles, il me semble. Et je me suis écrasée.
Je n'ai que peu de souvenirs de mon atterrissage forcé. Je me rappelle juste que ce fut violent et que j'ai été blessée. Suffisamment pour m'évanouir. Et lorsque j'ai repris conscience, je me suis rendue compte que j'étais enfermée dans une pièce exigüe et blanche, assise sur une chaise, mes pieds attachés à ces putains de pieds de cette même saloperie de chaise et mes mains liées derrière mon dos en une emprise douloureuse. J'étais prisonnière. Moi, une fille des Ve'helongs. Dire que j'étais furieuse aurait été un euphémisme. J'étais enragée.
Mais mes tortionnaires ne m'ont pas laissé longtemps mijoter dans ma rage. Un choix avisé. Une porte que je n'avais pas vue s'est ouverte, et une femme, une Humaine, est entrée, pour s'arrêter devant moi, en me regardant de ses yeux inquisiteurs.
Je l'aurais égorgée pour m'observer de cette façon là, comme si j'étais un petit animal que l'on pouvait étudier d'un air supérieur. Je n'étais pas un petit animal. J'étais dangereuse ; j'étais une guerrière.
« Parles-tu notre langue ? », m'a-t-elle questionné, les sourcils froncés.
Je n'ai pas pris la peine de répondre ; je me suis contentée de la fixer de mes yeux noirs comme le néant infini de l'espace, mes cheveux émeraudes me faisant légèrement barrage. L'Humaine a soupiré et s'est passé une main lasse sur son visage craquelé de fatigue. Pitoyable Terrienne.
« Mon nom est Alicia Sharparrow. Je suis à la tête d'une communauté. A la tête de ce qui reste des Etats-Unis. »
Etats-Unis ? J'ai incliné la tête sur le côté, et cette Alicia a dû voir ma confusion, car elle a de nouveau soupiré, pour ensuite répondre à ma question silencieuse.
« Les Etats-Unis sont un Etat. Enfin, étaient un Etat... Un Etat qui était puissant avant la guerre, mais qui n'est désormais que ruine. »
Guerre. Le mot, sur le moment, m'a figé. Si j'avais quitté mon monde, mon peuple, ma maison, c'était pour la fuir. J'étais une guerrière. J'étais une soldate. Et la guerre faisait partie de mon quotidien, de ma vie. Elle m'avait quittée quelques temps, après un conflit avec les Werlocks, les ennemis de mon peuple, et je disposais d'années avant qu'elle ne revienne. Encore une fois. J'avais donc ressenti le besoin de m'éloigner. Le besoin de faire une pause. Le besoin de changer d'air, d'environnement.
Il fallait croire que mon entreprise n'avait pas autant marché que je le pensais.
La Terrienne a remarqué ma réaction. Elle a compris que je saisissais ses paroles. Et elle en a souri. Ce sourire m'a fait la haïr davantage.
« La guerre a commencé il y a trois ans et s'est terminée un an après. Elle fut courte. Mais les dégâts qu'elle a provoqué...−Elle a pris une brusque inspiration.− furent incommensurables. Des millions, non, des milliards de gens ont perdu la vie. Les pays ont été ravagés. Les sociétés réduites en poussière. Les villes ont été condamnées à devenir nos cimetières, où le chaos est le mot d'ordre. Tout fut détruit. »
Etrangement, je l'ai écoutée. Ces mots m'étaient bien trop familiers. C'étaient les cadeaux si tragiques de la guerre. Des stigmates peut-être pas irréparables, mais inoubliables.
« Qu'est-ce qui a tout déclenché ? », m'étais-je surprise à demander.
De nouveau, ce petit sourire sur ces lèvres. Un sourire manipulateur, intéressé. J'en ai sifflé d'indignation. Je me rappelle avoir pensé que ma curiosité finirait par me perdre un jour...
« Etrange créature... », a-t-elle soufflé. Mais elle s'est vite reprise. « Comme toutes les guerres, je suppose : des différences d'opinion. Ici, ça a été un traité commercial, concernant une vente d'armes massives entre la Chine et la Russie, deux grands pays, qui a mis le feu à la poudrière. L'ONU et l'Europe se sont scandalisées. C'étaient deux grandes...organisations. En tout cas, ça n'a pas empêché la Chine de signer l'accord avec la Russie. Une alliance. Il faut savoir que par le passé, la Russie était à la tête d'un vaste territoire... et elle souhaitait le retrouver. D'où ce nouvel allié. Les autres pays, évidemment, se sont interposès. Et la guerre a commencé. Il y a eu d'abords des combats, des batailles. Car, vois-tu, nous possédons, nous, hommes, une arme. Une arme si terrible que personne n'a osé l'utiliser pendant les premiers mois du conflit. Un pays, les Etats-Unis, mon pays, –Elle a baissé les yeux au sol à cet instant, sa posture trahissant sa honte.− a brisé cet interdit. L'arme atomique a été utilisée sur Shanghai.Et c'est à partir de ce moment là, je pense, que le monde a compris qu'il courrait à une fin inéluctable. Car tout s'est enchainé très vite après ça. La Chine, elle aussi dotée de la bombe atomique, a répliqué. Il y eut une guerre nucléaire. La terre, à beaucoup trop d'endroits, est encore, et restera longtemps, empoissonnée, nous empêchant d'y vivre. »
J'ai senti mon ventre se tordre et une migraine pointer dans mon crâne. Oui. Ces événements étaient bien trop familiers. Mais l'Humaine n'avait pas terminé.
« Après six mois de conflits, les pays arrêtèrent les bombes. Mais la guerre continuait. Et le peuple n'était pas satisfait. D'une guerre d'États, on eut droit à une guerre civile. Ce fut le déclin de la civilisation. L'ordre disparut. Ne resta plus que l'anarchie. Et aujourd'hui... Deux ans après... Nous tentons de nous rétablir. En vain. Dès qu'un semblant d'ordre réapparait, comme dans ma communauté, il est éliminé par un individu, ou plutôt, un groupe : les Anarchistes. Ils empêchent la paix de se rétablir et sont pour un monde déstabilisé où la loi du plus fort règne. Pour le moment, moi et ma communauté, nous résistons. Mais pour encore combien de temps ? »
J'ai compris qu'elle avait fini de parler et j'ai à mon tour baissé la tête. La guerre avait toujours des causes stupides, lorsque l'on y réfléchissait... Tellement stupides, lorsqu'on les comparait à tout ce qu'elles coûtaient.
« Et qu'est-ce que je viens faire dans ce foutoir ? »
Une fois encore, j'ai élevé la voix. Je n'avais mis aucune intonation, aucune émotion, aucune opinion. Je ne me sentais pas concernée. Je ne voulais pas me sentir concernée. J'avais connu la guerre trop de fois. Je n'étais pas prête à replonger dedans aussi tôt.
Alicia Sharparrow a redressé la tête et m'a examiné de nouveau de ce regard que je détestais tant. Comme si elle pesait ma valeur.
« Tu es... une extraterrestre. Tes cheveux verts comme le feuillage d'un arbre en plein été, tes yeux noirs comme la nuit, ton sang argenté, ton teint de porcelaine... Ton physique à lui seule prouve tes origines. Mes hommes t'ont ramenée après avoir tiré sur ton vaisseau. Ils ont cru que c'était les Anarchistes, qu'ils avaient mis au point, trouvé, une nouvelle arme. Et ils t'ont trouvée dans l'épave. T'ont amenée à moi.
Je me suis énervée.
« Cela ne répond pas à ma question, Humaine, ai-je craché. Qu'attends-tu de moi ? J'ai bien vu comment tu me regardais. Et dans tes yeux, je vois ce que j'ai vu dans ceux de mes supérieurs, avant qu'ils ne m'envoient au combat. Alors, parle ! », ai-je hurlé, mon corps se contorsionnant en avant dans ma colère, les menottes s'enfonçant dans ma chair abimée.
La Terrienne n'a pas paru effrayée par ma crise de nerf. Elle aurait dû. Elle a gardé le silence un moment, puis a parlé. Ses mots m'ont glacé le sang.
« Ton vaisseau est détruit. Définitivement. J'y ai veillé. Tu es bloquée ici. Alors, autant nous aider. »
Cette pauvre imbécile... J'ai grogné dans ma gorge.
« Combat pour nous. –Son expression s'est faite implorante.− S'il-te-plait.»
C'en fut trop. Dans un mouvement brusque et rapide, j'ai écarté mes bras et mes jambes, les liens me tenant prisonnière volant dans la pièce tandis que je me suis mise debout. En un clin d'œil, je fus devant la Terrienne, mes mains autour de son cou, la faisant suffoquer.
« Jamais je ne combattrai pour une cause qui n'est pas celle des Ve'Helongs. », ai-je sifflé en laissant retomber son cadavre au sol.
Je hais bien trop la guerre pour cela.
Le reste de mon échappée reste comme un souvenir flou, mêlée de cris, de sang et de mort. Et je ne préfère pas me rappeler de ma fuite.
Et me voilà donc, deux mois après, toujours sur cette foutue planète, autrefois connue pour ses beautés, qui ne sont à présent que laideurs. Je me tiens dans une ville assiégée, une capuche rabattue sur ma tête. La mort et les combats sont partout dans les ruines. Et a côté de moi, la chose hurle toujours.
Je suis plantée devant elle depuis un long moment maintenant. Et bizarrement, je ne trouve pas la force de la dépasser.
Elle crie. Elle pleure.
La chose. Un petit humain. Un bébé.
« Par le gardien suprême... »
Je fais volte face. A quoi bon la regarder ? Ce nourrisson va mourir. Ils vont tous mourir. Même moi.
Un vagissement assourdissant, plus déchirant que les autres, me stoppe. Je serre les dents, mes poings serrés fort, jusqu'à faire couler le sang.
C'est une mauvaise idée. Une très mauvaise idée.
Je me retourne et m'avance vers le nouveau-né.
Mais si je le laisse, là, seul, je ne vaudrais pas mieux qu'un Werlock.
Je m'agenouille devant l'Humain et le prends dans mes bras.
Je déteste cette planète. Je déteste ce bébé. Je me déteste.
Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour mais...
« ...je veux rentrer à la maison... »
1999 mots.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top