Je vais te sauver. Partie I

     Tu vois, moi aussi je suis capable de ça. Moi aussi je peux le faire. Tu me prenais pour une faible, une folle, une dingue. Mais c'est faux, tu le sais, j'ai toujours été lucide, réaliste et surtout forte. Je ne suis pas inférieure à toi, je vais te faire regretter ces mots, tu ramperas à mes pieds, me suppliant d'arrêter, priant que quelqu'un vienne te sauver. Mais personne ne viendra. Tu es seul. Et tu l'as toujours été.

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     Je frotte énergiquement mes mains sous le jet d'eau chaude, essayant de gommer l'éclat vermillon qu'elles avaient prit. J'ai eu bien raison de suivre tes conseils, les rares que tu m'aies donnée. M'attaquer à une proie facile d'abord, attendre patiemment qu'elle comprenne qu'elle est prise en chasse, et puis au dernier moment la faucher. Un sourire s'étale sur mon visage sans que je ne puisse le contrôler, puis mon regard s'attarde sur le demeuré au sol. A moins de 5 mètres de moi.


     Ma peau frissonne et je sens mes membres trembler. Je n'ai ni froid, ni peur. Juste l'excitation, de m'être enfin vengée. Les tremblements s'accentuent, et j'essaie vainement de me calmer. Je finis par tomber par terre, mes jambes ne supportant plus le poids de mon corps. J'ai l'impression d'avoir Parkinson, je n'arrive pas à stopper mes spasmes. J'ai entendu une fois que la musique pouvait calmer les gens atteint de cette maladie. Je décide donc de fredonner, avec ma mâchoire tremblotante, un faible air qui me vient à l'esprit. Mes doigts essaient de jouer le tempo sur le carrelage, et je sens petit à petit mes convulsions cesser.


     Je soupire de soulagement, et espère que ça ne reproduira plus. Je me relève difficilement, mes muscles sont raides, comme si je venais de faire 3h de sport, et contemple une dernière fois mon chef d'oeuvre.


     Ce policier complètement détraqué qui m'harcelait. Qui m'a détruite. Il n'a que ce qu'il mérite. Et puis j'ai été gentille en plus. Il n'a plus ni femme ni fille, et était en pleine dépression. Il était même sur le point d'être viré, je pense. Il faisait pas son boulot correctement. Je l'ai aidé, je l'ai sauvé.


     Je me décide à sortir de la cuisine quand j'aperçois une feuille A4 posée simplement sur la table à manger. Intriguée, je m'approche et lit les quelques lignes de l'attardé gisant au sol.


-Qu'est-ce que... Ah, il comptait se suicider. Haha, je me sens bête moi ! Rié-je toute seule.


     Ce connard comptait mettre fin à ses jours. Ça ne m'étonne pas qu'il m'ait obéit alors... Bon tant pis, je risque encore moins d'être suspectée, c'est une bonne chose ! Et c'est le sourire aux lèvres que je quitte la pièce, fredonnant un air nostalgique, laissant le policier au sol, les yeux grands ouverts, un trou dans la tête. Je pense à reprendre mes gants laissés sur l'évier et réfléchis vite si j'ai touché à un quelconque objet dans la maison. Rien, même pas la feuille de papier. Ah si ! J'ai dû laissé mes empreintes sur l'évier... J'enfile rapidement des gants de rechange qui se trouvaient dans ma poche, il faut toujours être prévoyante, et met les sales dans un sac en plastique que j'avais pensé à emmener juste avant de venir. Ensuite je sors la javel qui créchait dans un placard sous l'évier, et asperge tout. Enfin je laisse couler l'eau pour bien tout laver et pour qu'il ne reste plus aucune trace de mon passage. Je suis vraiment nulle pour ce qui est du ménage, mais je pense que je me suis bien débrouillée cette fois, je suis fière de moi !


     Après le nettoyage, je sors de la maison. Heureusement pour moi, ma proie habite dans une baraque dans la campagne, complètement isolée de tout. Les policiers vont mettre quelques jours avant de trouver le cadavre. C'est sur, je suis hors d'atteinte. Je souris une fois de plus, et enlève les gants. Je les met dans le sac plastique qui se trouve dans mon sac à dos, puis enfile un casque. J'enfourche ensuite ma moto, et je retourne chez moi, prenant la route dans la nuit noire.


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     Je souris chaleureusement à la jeune femme devant moi qui est complètement angoissée. Elle porte son jeune chien malade dans ses bras, qui ne bouge pas d'un pouce. Elle le pose doucement sur la table, comme si c'était un trésor fragile qui risquait de se casser n'importe quand. Le vétérinaire n'est pas là, mais je commence tout de même l'auscultation. J'ai acquis beaucoup de connaissances et d'expériences depuis que je suis là, et malgré mon jeune âge, j'ai déjà le niveau d'être un excellent vétérinaire, même peut-être plus. Mais je me contente d'être auxiliaire vétérinaire, autrement dit assistante. Je jette un regard à l'animal complètement affalé et remarque du premier coup d'oeil ce qu'il a.


-Madame, votre chien a un problème au niveau du foi, affirmé-je d'une voix douce, mais pleine d'assurance.


-Hein ? Et comment vous pouvez le savoir, hein ? Vous n'êtes même pas un vrai véto ! Contentez-vous d'assister monsieur le vétérinaire, je vous pris. Vous n'êtes pas assez mature et intelligente pour comprendre tout de suite, proteste la cliente, hautaine et haineuse.


     Je soupire silencieusement. C'est tout le temps comme ça, on me regarde de haut, et on m'insulte. J'ai 21 ans, mais j'en parais 17 tout juste, et tout le monde me critique. Pourtant tout ce que je fais est bon. Le vétérinaire arrive finalement, et après expertise de l'animal, annonce à la jeune femme :


-Votre chien souffre du foi, il a le blanc des yeux jaunes.


-Oh c'est vrai ? Quelle surprise ! Clame-t-elle bruyamment. C'est horrible, il est hors de danger, n'est-ce-pas ?


-Ne vous en faites pas, il est entre de bonnes mains, la rassure-t-il.


     Pfff, c'est ridicule. Cette grognasse me prenait de haut y a à peine quelques secondes, et là c'est limite si elle ne se met pas à genoux devant le véto, comme si elle le vénérait. Pourtant notre diagnostic a été le même ! Et son chien pourrait bien agoniser sur la table, elle s'en moquerait ! Je hais les gens comme elle. Elle ne prend même pas soin de son animal, son poil est sale et hirsute, et ses griffes sont longues et abîmées. Je méprise du regard cette connasse aux escarpins de 10 cm, et m'en vais à l'accueil.


     Du haut de mon petit mètre 60, je réceptionne les personnes qui viennent, toujours en leur souriant doucement et chaleureusement. Les plus cons me prennent de haut et m'ignorent, les plus matures me répondent et tapent la discute avec moi. Ce boulot est éreintant, mais je ne m'en lasse pas, et j'aimerais rester toute la journée ici. Je ne veux pas retourner chez moi.


__________


     Je m'approche d'un pas sûr de la vieille maisonnée, et entre dans le vestibule. Même pas besoin de forcer, c'est déjà ouvert. J'ai pensé à apporter un couteau de boucher. L'égorger, comme le porc qu'il est. C'est la seule pensée que j'arrive à saisir parmi toutes celles que j'ai. Ma proie est tranquillement assise au salon, regardant la TV paisiblement. Il n'entend pas le bruit de mes pas, donc j'en profite et passe derrière lui. Je me place juste dans son dos, et tousse volontairement. Il sursaute brutalement, et se retourne vivement. Je vois son regard clair s'agrandir de terreur, mais il ne bouge pas. Son regard s'attarde sur l'arme blanche que je tiens par le manche. Il n'ose pas bouger, malgré le fait qu'il porte une arme à feu à sa ceinture. Finalement, ses neurones se reconnectent et il comprend le danger. Par pur instinct de survie, il se recule et tombe du canapé. Il court dans la cuisine, en criant comme un détraqué. Je manque d'éclater de rire, et le suis en marchant. Je vais le tuer. Il s'est placé derrière la table. Son crâne dégarni est luisant de sueur, et ses yeux bleus enfoncés avec des larmes qui en tombent lui donnent un côté complètement pathétique pour un policier. En plus un bouton de sa chemise de service est défait au niveau de son ventre gras. Il est essoufflé, et se tient au dossier d'une chaise pour ne pas tomber. Ses jambes n'ont pas assez de forces pour supporter toute sa graisse. En le voyant dans un tel état de faiblesse, je ne retiens plus mon rire. Je jubile complètement. Je le revois encore au dessus de moi, qui m'a soumise, qui m'a forcée, qui m'a détruite. Je vais le tuer ! C'est la seule pensée que j'ai maintenant. Je ne veux plus que ça. Le tuer, le tuer, le tuer, le tuer !!! Je m'approche de lui, un grand sourire incontrôlé sur le visage, les yeux fous, et le bras levé, le couteau au bout. Il crie, puis s'effondre sur lui-même. Il hurle et se jette à mes pieds, me suppliant de l'épargner, demandant mon pardon. Ses larmes doublent de volumes, et je me sens comme folle. Je veux le voir souffrir, je veux voir son sang étalé sur le carrelage blanc ! Mon regard s'attarde sur son arme de service, et je souris.


-Tu veux vraiment que je te pardonne ? Que ton crime soit expiée ? Lui demandé-je d'une voix involontairement grave.


-Oui, oui oui, OUIIIIII !!! PARDONNEZ-MOI !!!! PITIÉ !!! Je vous en supplie.... S'étrangle-t-il avec ses larmes.


-Alors tue-toi. Prend ton arme et tire sur ta tête.


     Il me regarde, effaré. Avec sa main grasse tremblante il sort son P38 assez ancien. Il arme, puis ne bouge plus. Sa main tremble de plus en plus, et il attend mon ordre. Je lui souris sadiquement, puis lui prend sa main et presse l'embout contre sa tempe.


-Adieu, sale porc.


     Et j'appuie sur la détente. Le bruit me vrille les tympans, et le recul me fait sursauter. Devant moi, à quelques centimètres de moi, ma proie. Ses yeux sont grands ouverts, les larmes sur ses joues grasses sont toujours là, et un trou béant est apparu. Il saigne énormément. Il n'est pas encore mort. Il est couché sur le sol, et je le vois agoniser. Il ne bouge pas, mais je l'observe chercher de l'air. Au bout de quelques secondes, son regard se voile. Je l'ai tué.


     Je me réveille en sursaut, le coeur battant à tout rompre, ressentant encore l'excitation que j'avais éprouvé. Je me lève du lit et vais dans la cuisine chercher à boire. Je souris en pénétrant dans la pièce, repensant à la scène de la veille. Déjà un jour que je me suis salie les mains, et je ne regrette rien. Peut-être suis-je folle, finalement ? Je me serre un verre d'eau, et le dépose ensuite dans l'évier. Quel bonheur de s'hydrater, j'en avais sérieusement besoin. Je me dirige vers la salle de bains, et ai un sursaut d'horreur. Mon reflet me fait peur... Le miroir en face de moi reflète une psychopathe. J'ai les cheveux noirs mi-longs, avec quelques mèches lisses sur le visage, le teint blafard, mes yeux mauves sont cernés, enfoncés, et rouges. Et j'ai un putain de sourire de fou !! Je n'arrive pas à l'enlever, c'est plus fort que moi. Je me suis vengée, je me suis débarrassée de ma peur, de celui qui m'a tuée ! Je le revois en larmes à mes pieds et éclate de rire.


      En me recouchant, je repense à celui qui m'avait donné ces conseils. Il cherchait lui aussi vengeance, et il m'a convertie. Je ne connais pas son nom, mais je me rappelle de son physique, et je ne pourrai jamais l'oublier. Un beau gosse comme lui, ça ne s'oublie pas. Il a des cheveux bruns, un peu long, avec deux mèches lui encadrant son visage. L'arrière de son crâne est pourvu de mèches ébènes en forme de pics. J'aimerais bien avoir la marque de son gel... Parce que ça marche du tonnerre sur lui ! Et puis ses yeux... Ils sont aussi sombre que la nuit, et ont un reflet grenat... Ils sont difficilement descriptibles, il faut les voir ! Il est très mystérieux, et ténébreux. Je n'ai jamais été attiré par ce genre de mecs avant, pourtant...


      Mon cerveau a un bug. Le temps que je réalise ce que je viens de penser, mes joues se teintent en rouge. Je ne suis PAS attiré par ce mec. Je ne le connais pas, je ne sais absolument RIEN de lui ! Faut sérieusement que je me calme, moi ! C'est surement le contrecoup des nuits blanches que j'ai accumulé, je deviens barge. Je vais demander une journée de repos demain, et je me reposerai tranquille.


__________


      J'ouvre les yeux difficilement, et m'étire en silence. Je regarde l'heure qu'affiche mon portable : 15h04.


-Oh. Faudrait peut-être que je me prépare un truc à manger ! Me dis-je à moi-même. Quoique, j'ai été malade la dernière fois...


      La seule fois où j'ai tenté de cuisiner, j'ai eu une indigestion alimentaire, mieux vaut opter pour une bonne pizza commandée ! C'est bon les pizzas en plus. Je souris, puis commande ce que je vais manger avec mon portable. Ensuite je me décide à m'habiller. Je vais sortir pour voir si les policiers l'ont retrouvé. Ça m'étonnerai mais on ne sait jamais.


     Je sors de chez moi vêtue simplement d'un pull et d'un jean accompagné d'une paire de converses. Plus simple que ça tu meurs. J'ai quand même essayé de faire quelque chose pour ma tronche, mais rien à faire, j'ai vraiment une gueule de déterrée. Mais je peux toujours mettre ça sur le compte du surmenage au boulot, tout le monde me croira.


-Hey Miwa ! Interpelle une voix féminine dans mon dos.


     Je me retourne et fais face à mon amie d'enfance, Aimi. Aïe... Si il y a bien une personne sur cette terre qui puisse me percer à jour, c'est bien elle. Elle est capable de savoir instantanément ce qu'il se passe dans ma tête, ou ce qui ne va pas.


     A la vue de ma tête, mon amie recule d'un pas. Puis ses yeux émeraude détaillent chaque trait de mon visage, chaque détail. Je me sens mal à l'aise face à son regard scrutateur, mais fais mine de rien. Au bout d'une minute de silence qui m'a bien paru un siècle, elle se décide à parler.


-Tu as un problème ? Me demande-t-elle seulement.


     J'hésite à lui répondre un mensonge, mais elle le verrait immédiatement. Je choisis donc de la rassurer.


-Tout va bien, ne t'en fais pas, c'est juste la fatigue, je ressemble à un zombi, lui affirmé-je.


-Tu es sûre Miwa ? C'est à cause du boulot c'est ça ? Tu manges bien au moins, tu es toute pâle... Oh et puis tu dors, hein ? Fais attention à ta santé, aussi, me sort-elle d'une traite.


     Je savais qu'elle allait s'inquiéter. C'est toujours comme ça, elle n'a pas changé. Depuis que je la connais elle est surprotectrice avec ses amis. Mais la voir autant angoissée pour moi me fait culpabiliser. Je n'aime pas lui mentir. Je lui souris finalement, d'un sourire forcée qui devait se remarquer, mais c'est le mieux que je puisse faire, et elle paraît un peu plus rassurée. Ses épaules se détendent.


-Tu me raconteras tout ça une autre fois, d'accord ? J'ai un rendez-vous, je vais bientôt être en retard. Je compte sur toi, annonce-t-elle.


      Je rougis, puis la serre dans mes bras. Je ne sais pas si je lui dirai ce que j'ai fais. Je la vois partir en courant, se rendant compte qu'elle était déjà à la bourre.


      J'entre dans le bureau de tabac le plus proche, plissant le nez sous les effluves de nicotine, et vais voir les journaux quotidiens. En feuilletant rapidement les pages, je ne distingue aucun signe de l'enculé que j'ai tué. Aucun suicide n'est mentionné, ni aucun meurtre suspecté ou corps trouvé. Rassurée, je m'apprête à sortir de cet endroit sordide quand mon regard capte deux yeux noirs aux reflets carmins. Sous le coup, mon corps refuse de bouger, et je continue de le fixer bêtement. C'est lui. Je le sais, je le reconnais. Ses cheveux ébène qui encadrent doucement son visage avec les piques derrière. Ça ne peut-être que lui. Apparemment il se souvient de moi aussi, puisqu'il me fait signe d'approcher. J'avance donc, avec la ferme intention d'en savoir plus sur lui. Après tout, lui aussi veut tuer quelqu'un. Si ce n'est pas déjà fait...


-Ça te dirait de parler dans un autre endroit ? Me propose-t-il en sentant le regard des autres clients sur nous.


       Je hoche simplement la tête, et sort du bureau de tabac, suivi de près du brun. Nos pas nous dirigent à l'endroit où je l'ai croisé pour la première fois. Une petite cafet' sans grand intérêt un peu délabrée car mal entretenue, et qui n'attire pas grand monde. Cependant leurs cafés sont les meilleurs au monde. Le brun en face de moi commande deux café au serveur, comme la dernière fois. Même commande, même serveur.


      Je n'ose pas lui adresser la parole, il arbore une aura intimidante, et comme je suis d'un naturel timide, j'essaie de me faire toute petite. Encore plus que je ne le suis déjà. J'attends que ce soit lui qui engage la conversation. Après avoir bu une gorgée du café que le serveur venait de nous apporter, l'inconnu pas si inconnu que ça se décide à causer.


-Tu sembles encore plus mal en point que la dernière fois, constate-t-il simplement après avoir observé ma tête.


-Pourtant je vais mieux. J'ai accompli ma vengeance, répondis-je, un sourire en coin.


-Quoi, déjà ?! Demande-t-il, clairement surpris.


-Depuis déjà deux jours, assuré-je doucement.


     Il me fixe d'un regard mystérieux, je n'ai strictement aucune idée de ce qu'il peut bien avoir en tête. Je soupire distraitement, on ne s'est rencontré qu'une seule fois et il pense déjà tout connaître de moi. Quel crâneur, clairement pas mon type. On s'est rencontré il y a une semaine au même endroit, et son discours de vengeance m'a intéressée. Il m'a complètement endoctrinée et j'en suis parfaitement consciente. Mais ça ne me fait rien, c'est surement ça le pire.


      Il y a 7 jours, j'étais assise à cette même table, seule. Il est venu me rejoindre, le café était vide et il avait besoin de parler à une inconnue. Il parait que l'on peut mieux se confier à quelqu'un qu'on ne connait pas, ça devait être le cas pour lui. Je venais de quitter la maison du vieux fou, et il venait d'abuser de moi. J'étais comme morte à l'intérieur, et j'avais mal. Très mal. Et je n'aurai pas su dire où exactement. Quand j'ai vu ce brun s'asseoir en face de moi, je ne savais pas quoi dire. Ma raison me dictait de le virer, je n'avais pas besoin de souffrir encore plus. Cependant il m'a juste parlé de sa quête de vengeance, je n'ai pas trop compris pourquoi. Mais en l'entendant avouer de vouloir ainsi donner la mort à quelqu'un qui l'a fait souffrir a rallumé une flamme en moi. La flamme de la vengeance. Et j'ai voulu riposter. Il m'a raconté comment il observait cette personne, toutes ses habitudes, ses sorties, et donc comment il pourrait la tuer. J'ai eu envie de faire la même chose. Et même pas 5 jours plus tard j'ai obtenu ce que je voulais : la mort de celui qui m'avait détruite.


     Je sors de mes souvenirs et observe l'inconnu en face. Ses sourcils sont froncés. Il ne doit pas avoir apprécié que j'ai réussi à le surpasser aussi rapidement. Mes lèvres s'étirent en un sourire qui le nargue. Je suis plus forte que lui. Je suis supérieure à celui qui m'a aidée à me relever.


-Je ne te crois pas, lâche-t-il au bout d'un moment.


-Et pourquoi ça ? Rétorqué-je brutalement.


-Il n'y a rien sur les journaux. Et 5 jours, c'est pas assez suffisant, explique-t-il.


-Il voulait se suicider. Je serai arrivé un jour plus tard, ma vengeance serait tombé à l'eau. Le timing était parfait, annoncé-je plus doucement.


-Et comment tu expliques le fait que personne ne l'ait retrouvé ? Tu as jeté son cadavre peut-être ? Me nargue-t-il.


-Il vit seul et éloigné de tout, dans quelques jours les policiers l'auront trouvé, répondais-je.


     Il soupire puis boit son café. Je mime ses gestes, et en profite pour me réchauffer les mains avec le gobelet. J'ai toujours été d'une nature frileuse.


-Dis, tu peux m'en dire plus sur lui ? M'interroge-t-il.


-Non. Je ne sais rien sur toi donc je ne vois pas pourquoi tu devrais tout savoir sur moi, répondais-je du tac au tac.


-Je sais déjà tout sur toi, annonce-t-il.


-Ah oui, tu as fait des recherches peut-être ? Tu m'espionnes ou quoi, monsieur je-sais-tout ? Répliqué-je, sarcastique.


     Il ne me réponds pas, et je commence à avoir des sueurs froides.


-Attends une minute, tu ne m'épies pas, hein ? Rassure-moi là, m'enquis-je.


-Non non, ne t'en fais pas, mais je te croise souvent dans la rue, affirme-t-il.


-Ah bon ? Je ne t'ai jamais vu...


-Tu es assistante vétérinaire. Et tu t'appelles Uchizuka Miwa.


-C'est flippant, laissé-je échapper.


     Il rit de bon coeur, et je souris. C'est la première fois que je le vois rire. Enfin en même temps c'est juste la deuxième fois qu'on se voit. Et dire qu'on parle de mises à mort, quelle discussion morbide !


-Qui est la personne que tu as tué ? Se renseigne-t-il après son court fou rire.


-Un policier, l'informé-je.


-Quoi...?! Tu as descendu un policier ? T'es pas sérieuse, ça craint ! Murmure-t-il assez bas pour ne pas se faire entendre.


-Ce type est mal famé. Il était à deux doigts de se faire virer. Tout jouait contre lui, argumenté-je.


-Si tu te fais choper, t'es foutue, m'avertie-t-il.


-Impossible, j'ai nettoyé tout ce que j'ai pu toucher, et j'ai en plus mis des gants, contré-je.


-Tu l'as tué comment ?


-Son arme de service. Un trou dans la tête. J'ai presque pas touché l'arme, j'ai juste appuyé sur la détente et puis j'ai nettoyé après et fais exprès de laisser ses empreintes dessus, annoncé-je doucement.


-Mouais, je pense que ça peut passer, sort-il au bout d'une minute.


     Je soupire de soulagement. Il commençait à me faire stresser, le con !


-Et toi, qui cherches-tu à tuer ? Demandé-je de but en blanc.


     Il réfléchit 30 secondes. Il hésite peut-être à me faire confiance. Mais comme je lui ai avoué qui j'avais tué, il finit par me le dire. Et puis, vu où on en est, il sait très bien que je ne dirai rien.


-Mon frère, souffle-t-il tout bas.


      Hein ? J'ai peur d'avoir mal entendu, mais son regard en dit long sur ses pensées. Je me rend compte à peine maintenant que j'ai en face de moi un psychopathe. Je sens mes jambes tremblaient ainsi que mes bras. J'ai peur. Ce mec est très bien capable de me tuer après son frère.


-Est-ce que tu comptes me faire disparaître ? Lâché-je dans un souffle.


-Quoi ? Mais quelle question ! Bien sur que non Miwa ! Balance-t-il.


       Je souffle de soulagement et je sens mes muscles se détendre instantanément. J'ai vraiment eu peur pendant un instant. Je déteste le sentiment d'être une proie. Je l'ai déjà vécue avec l'autre bouffon, et il est hors de question que ce mec me fasse subir la même chose ! Tiens à propos, je ne sais toujours pas son nom...


-C'est quoi ton nom ? Demandé-je d'une petite voix, ma timidité refaisant surface.


-Je ne te le dirai pas, assène-t-il.


-Tu connais bien mon nom, je te signale, objecté-je, comment veux-tu que je t'appelle sinon ? J'ai plusieurs idées de surnoms, mais je suis persuadée qu'aucun ne te plaira.


-C'est vrai. Bon je m'appelle Sasuke, ça te va ? Soupire-t-il.


      Je souris de toutes mes dents à l'entente de son prénom. Il peut très bien me mentir, mais une part de moi lui fait entièrement confiance, bizarrement. Je n'ai jamais fait autant confiance à quelqu'un. Peut-être est-ce parce qu'on connait chacun un secret de l'autre. Ça nous rapproche.


-Sasuke, répété-je doucement, comme pour bien mémoriser.


-C'est ça.


      Il me sourit doucement puis se lève. On est bien resté une petite demie heure à parler !


-Je dois filer, je dois observer mon frère, m'annonce-t-il. C'était un plaisir de bavarder un peu avec toi, Miwa.


-Pour moi aussi, Sasuke, lui répondais-je. Quand est-ce qu'on se reverra ? Osé-je ajouter.


      Il réfléchit 5 secondes, puis sort un morceau de papier de sa poche de jean. Il écrit rapidement une suite de chiffres, se relit, puis me le tend.


-N'hésite pas, déclare-t-il.


     J'attrape le papier et rougit. Son numéro de portable... J'ai son numéro de portable... Je le vois sortir de la cafet' et s'éloigner, tandis que je reste debout, le rouge aux joues.


__________


     Je me tourne vers le vétérinaire, prête à faire mon travail. Je m'excuse platement pour le jour de trou au passage, puis vais à l'accueil. Il ne m'a rien dit. Je pense que ma tête doit vraiment pas être terrible, malgré l'anti-cernes utilisé. Ma collègue se tourne vers moi quand elle me voit arriver, et commence à me questionner.


-Qu'est-ce que tu avais hier ? S'enquit-t-elle, à l'affût du moindre ragot.


-Surmenage, répondais-je seulement.


-Ah bon ? S'étonne-t-elle. Pourtant ça passe ici, je trouve...


-Je fais des boulots à côté pour arrondir mes fins de mois, expliqué-je sans donner plus de détails.


     Elle me pose d'autres questions, mais je lui fous un vent et ne réponds pas. Je vis toute seule, et le salaire que j'ai est assez juste pour tout payer. Alors j'ai demandé un petit boulot comme femme de ménage le soir après le taf, même si c'est bien la dernière chose que je sais faire. Passer un balais c'est pas bien compliqué après tout. Enfin bon, j'ai atterri au mauvais endroit. Ce salopard m'a plutôt prise pour une prostituée.


      Je soupire en repensant à ces mauvais souvenirs. Il n'y a pas de clients c'est assez vide aujourd'hui, du coup mes pensées s'enchaînent et je rêvasse des événements qui me sont tombés dessus depuis une semaine. Finalement je me met à songer à Sasuke. Et je me rappelle que j'ai son numéro dans ma poche ! Mes joues prennent involontairement un teint écarlate pile quand le véto arrive pour me parler.


-Miwa, ça ne va pas ? Tu as de la fièvre ? S'inquiète-t-il.


-Non non c'est bon, le rassuré-je à la hâte, rougissant encore plus.


-Ah j'ai compris, c'est un garçon hein ? Interprète-t-il en me faisant un clin d'oeil.


-N-Non ! Répliqué-je beaucoup trop vite.


-Haha, il faut profiter de la vie Miwa, tu es encore jeune tu sais, affirme-t-il doucement.


-Vous voulez me parler de quelque chose, sinon ? Sortis-je pour détourner les conversation.


-Oui, je m'inquiète pour toi, m'apprend-il.


     Il se quoi pour moi ? Depuis quand j'inquiète les gens à part Aimi ? J'ouvre grand mes yeux de surprise, et n'ose pas lui répondre. Je ne sais pas ce qu'il attend de moi en ce moment.


-Depuis une semaine tu as mauvaise mine. Tu as surement des problèmes personnels, et ça ne me regarde aucunement, mais n'hésite pas à m'en parler si tu en a envie. Je suis aussi ton ami, déclare-t-il d'une voix douce et ferme.


-D-D'accord... Merci beaucoup, mais ça ira... Balbutié-je.


     Il me sourit puis repart faire je ne sais quoi, tandis que la rougeur à mes joues ne veut pas s'en aller. Ce vétérinaire a le même âge que moi, mais lui contrairement à moi, fait plus que seulement 21 ans. C'est le meilleur ami de ma meilleure amie, en bref le meilleur pote d'Aimi. Ce gars, Inuzuka Kiba, possède un grand labrador blanc du nom de Akamaru. J'ai une fois eu le loisir de m'amuser avec son chien, il est très sage et obéissant, et son poil est tellement doux ; on voit du premier coup d'oeil à quel point il est bien entretenu et que son maître est aimant avec lui. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai accepté de travailler pour lui. D'habitude je préfère ne pas mélanger vie privée et professionnelle, mais j'ai décidé de faire une exception pour cette fois. Car oui, pour moi Kiba est un très bon ami, mais seulement en dehors du boulot. Ici je le considère seulement comme mon patron, et ça me met mal à l'aise qu'il ne fasse pas de distinction entre le privé et le professionnel. Enfin, il ne se gêne pas pour s'adresser à moi comme si il avait la soixantaine et que je n'étais qu'une gamine à peine majeur. C'est assez amusant, mais seulement en privé, quand les autres nous regarde c'est plus gênant qu'autre chose, et ça ne semble même pas le perturber le pire. Kiba est vraiment enfantin pour un vétérinaire, mais il sait se montrer très sérieux une fois mis au travail.


-Hey Miwa, héla une collègue. Le véto a raison alors ?


-De quoi ? Demandai-je nonchalamment, essayant de mettre un nom sur son visage.


-Bah, que tu aies un petit-ami, pardi ! S'exclame-t-elle, attirant l'attention des autres.


-N'importe quoi ! Arrête ton délire tout de suite, ce genre de choses ne m'intéressent pas ! M'énervai-je soudainement.


       Elle parait surprise de ma colère inattendue, mais je n'ai pas pu me retenir, moi qui me vantais d'avoir un sang-froid à toute épreuve, je me trompais ! Qu'est-ce qu'ils ont tous avec ça ? La première fois qu'on s'est parlé avec Sasuke, après qu'il m'ait parlée de sa vengeance qu'il devait accomplir, il m'a considérée comme une moins que rien. Jamais je ne pourrai aimer celui qui m'a autant rabaisser ! Enfin pas autant, mais il m'a blessée dans mon amour propre, et ça je ne pourrai jamais l'oublier. Il m'a dit clairement avec un regard froid et hautain que je n'étais qu'une folle bonne à rien, que je ne pourrai rien achever dans la vie, mais le pire a été cette phrase : "Tu es et restera insignifiante à moi, peu importe ce que tu essaieras de faire et ce que tu tenteras d'accomplir, ta vie est tellement misérable que même une simple vengeance comme la tienne ne servira à rien, si toutefois tu parviens à la réaliser." Je tremble de rage rien qu'en y repensant. Son sourire sadique et supérieur, je vais le lui faire bouffer, il va voir ! On ne se moque pas d'Uchizuka Miwa sans y passer, il va la sentir passer, cette vengeance !


     Tu es le prochain, Sasuke.


     Un doux sourire de fou s'installe sur mon visage tandis que mes pensées ne se tournent que vers lui. Comment m'y prendre ? Il est beaucoup plus expérimenté que moi. Je veux le détruire de l'intérieur, lui faire regretter ses paroles. L'affaiblir, l'écraser, l'anéantir, le briser, le pulvériser ! Il ne sera que de la merde en face de moi, à mes pieds, en me suppliant comme l'autre salaud l'a fait ! Tu comprendras où se trouve vraiment ta place, Sasuke ! Un mec comme toi n'a pas le droit de vivre, il se doit de crever de la pire façon qu'il soit !


     Un bref instant, son rire franc et ses yeux rieurs reviennent tel un flash dans ma mémoire et mes envies de meurtre s'estompent instantanément. Mes joues rosissent légèrement tandis que je me rappelle son visage doux et riant de la veille. Il ne m'a pas rabaissée, on a juste parlé comme si on se connaissait depuis des lustres. J'ai l'impression de tomber dans l'hésitation. Ce mec, Sasuke, je veux le tuer. Je vais le tuer. Mais je ne m'en sens pas capable. Et puis il est tellement bizarre ! C'est à se demander si il est humain ce gars-là ! En tout cas c'est un psychopathe en puissance ! Et moi je suis pas loin de l'être... Ou du moins c'est l'impression que j'ai.


-Oye, Miwa, rassure-moi tout va bien ? Désolé de t'avoir énervée, mais c'était juste une simple plaisanterie tu sais, hein... Balbutie ma collègue de travail d'une voix hésitante, me sortant de mes pensées.


-Ne t'en fais pas, c'est de ma faute de toute façon ! Je ne t'en veux pas, lui souris-je doucement.


      Elle me regarde du coin de l'oeil, puis part doucement en arrière, comme si elle craignait de rester près de moi. Cette sensation de faire peur aux autres, de supériorité est tellement grisante ! Un sourire de psychopathe doit s'afficher sur mon visage vu comment mes autres collègues me reluquent. Vaut mieux que je me calme, je risque de me faire repérer pour de bon sinon. Il faut que je sois sereine, zen. J'inspire une grande bouffée d'air, et continue mon boulot comme si rien ne s'était passé. Je pense que je dois vraiment faire peur à voir...

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