1. Le début de notre cauchemar

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Point De Vue Keefe:

Ils nous étaient tombés dessus, sans prévenir - ce qui est plutôt logique pour un guet-apens en y repensant -.

Les Invisibles.

Ils étaient arrivés en masse, sans que personne ne les voit venir, malgré le soleil encore haut dans le ciel.

Nous étions tous fatigués - terrassés serait même plus juste - car nous sortions d'une émeute qui avait dégénérée et nous avions tout donné, persuadés qu'après nous rentrerions nous reposer bien au chaud chez nous.

Cruelle erreur.

Quand nous comprîmes enfin que quelque chose clochait en voyant l'horizon, obscurci par leurs capes noires au symbole blanc, il était déjà trop tard.

Le Conseiller Emery essaya immédiatement de donner des directives au milieu de la panique mais, quand il réussit enfin à calmer le petit cercle qui l'entourait, dont je faisais partie, une massue de nos ennemis lui tomba sur la tête et il mourut sur le coup.

Autour du cadavre sanglant qu'était devenu le Conseiller, l'effroi redoubla. Oralie s'éventait, blême. La jambe encore présente du Conseiller Terik faiblissait, et il se retrouva vite à terre, écrasé par ses propres citoyens.

Affolé, je cherchais mes amis dans la foule apeurée.

Par pitié, pourvu qu'aucun d'eux ne soit blessé... Que rien de malheureux ne soit arrivé....

Je vis enfin Foster et Bronte derrière moi, qui s'efforçaient de calmer la panique - oui, Bronte je vous assure - mais leurs efforts étaient vains. La rumeur de la mort du Conseiller s'était propagée dans tous nos rangs et personne ne les écoutait, peureux d'être les prochains à tomber.

Ils ne comprenaient pas que s'ils voulaient s'en sortir, il fallait justement les suivre !

Quand Foster réalisa qu'ils ne l'écouteraient jamais, une ride de contrariété se dessina entre ses deux sourcils. Elle ferma les yeux et, paniqué, je me plaçai devant elle pour la protéger. Quand j'entendis sa voix dans ma tête, je compris qu'elle transmettait ses consignes et celles de Bronte par télépathie. On ne pouvait pas dire qu'elle manquait de ressources !

Calmez-vous. Ici Sophie Foster, avec le Conseiller Bronte. Nous avons des instructions importantes à vous faire parvenir. Ecoutez-nous et vous serez sauvés.

Elle attendit qu'il n'y ait plus aucun bruit dans nos rangs avant de poursuivre d'une voix calme.

Tous ceux qui disposent d'un cristal de saut vont sauter avec les personnes autour d'eux qui n'en possèdent pas. Ne soyez pas égoïstes et aidez vos voisins. En attendant que tous les sauts s'effectuent, ceux qui disposent d'un pouvoir utile dans cette situation et qui souhaitent s'en servir pour nous aider, venez nous rejoindre en première ligne. Faites des rangs ordonnés pour que les passages soient facilités. Merci de votre attention et bonne chance!

Elle répéta ses directives encore trois fois puis coupa la communication. Je vis des groupes de deux, de cinq, de sept, sauter.

Ils ne restaient désormais qu'une trentaine d'elfes, au lieu des cinquante du départ, qui se dépêchaient de partir.

S'ils continuaient comme ça, les anciens manifestants retrouveraient tous vite leur famille !

Malgré mon pouvoir totalement inefficace au combat, je décidai de rester avec Foster, bien qu'un peu jaloux de voir des invocateurs invoquer des tables sur nos ennemis, et même des flasheurs éblouir les Invisibles en face. Quant à mon amie, elle avait attaché ses beaux cheveux blonds et ressemblait à une guerrière à cet instant avec son visage dur.

J'aurais voulu lui dire de partir, que j'avais un cristal de saut, mais je me tus et préférai le donner à un petit groupe qui n'en possédait pas.

Je n'aurais pas aimé qu'on me dise de rentrer alors que je voulais me battre, je n'allais pas lui dire ça à elle.

Je revins à ses côtés et faillis lui tenir la main en signe d'encouragement, mais mon bras se stoppa au milieu de sa course et je le laissai retomber mollement le long de mon corps.

Elle aimait Fitz.

Et ce n'est pas parce que ses émotions étaient moins fortes qu'avant qu'elle m'aimait, moi.

Elle surprit mon regard contemplatif et me sourit. Une émotion agréable vint me réchauffer le cœur puis un vide se fit quand elle se détourna, une étoile gobeline dans la main. Son regard était devenu plus acéré lorsqu'elle lança. On entendit ensuite une exclamation, étouffée par le bruit des lames mais tout de même assez forte pour nous parvenir.

C'était le coup de Foster qui avait fait mouche.

Elle se rembrunit mais ne tiqua pas. A mon tour, je sortis une dague de ma poche de cheville et me mis près d'elle, dos contre dos.

Je veillais à ne pas la toucher tout de même, je risquais sinon de faire un infarctus de bonheur.

Tout en observant la masse grouillante des ennemis devant nous, je me promis de la protéger à la place de Sandor, qui était resté avec Grady ce matin pour renforcer les défenses d'Havenfield. Oh bien sûr, il avait tout de même grommelé en disant que personne ne le laissait protéger Sophie comme il le voulait. C'est vrai que, quand personne ne faisait attention, telle une jeune elfe qui cherche les bêtises pour que ses parents la voient, telle moi, elle se dépêchait de s'attirer des ennuis de tout genre. La preuve, moins d'une heure après la désertation non-voulue de ses gardes du corps, elle s'était retrouvée au cœur d'une violente émeute puis dans une bataille contre les Invisibles dans le rôle d'une générale.

Et ce alors qu'elle avait déjà dépassé depuis longtemps ses limites. Tout allait parfaitement bien...

Je pense que je préférais quand le gobelin restait collé aux basques de Foster.

Un Invisible, qui avait réussi à déjouer nos défenses et voulait tuer ma camarade de dos à l'aide d'un pieu, me sortit de mes pensées ironiques.

Foster ne l'avait pas vu, trop occupée à surveiller l'arrière de nos troupes qui s'engageaient dans les rayons lumineux de leurs éclaireurs.

Je parai difficilement l'énorme morceau de bois acéré en pivotant, ce qui laissa mon dos à découvert pendant les quelques secondes où Foster réalisait mon changement de position.

Dex nous rejoint rapidement, balançant ses grenades aveuglantes dans le groupe ennemi. A sa suite, Biana s'éclipsait pour réapparaître derrière un Invisible, une dague pressée contre sa gorge, alors même qu'elle portait des talons qui devaient bien faire quinze centimètres de haut.

Mortellement et élégamment efficace cette elfe.

Du coin de l'œil, j'observai Foster qui appelait des renforts par télépathie, qui lançait des étoiles gobelines, qui instillait et motivait les troupes. Elle était tout simplement éblouissante. Ses yeux mordorés brillaient d'une rage de vaincre que tous sentaient, même à dix mètres d'elle, même à cent mètres d'elle.

Elle avait dû esquiver de justesse un truc coupant car son oreille gauche saignait et tâchait ses cheveux clairs. Elle ne s'en rendait même pas compte et laissait le sang couler le long de son cou.

J'aurai voulu prendre un mouchoir et lui éponger ce sang pendant qu'elle combattait mais, d'une je n'avais pas de mouchoir, de deux elle n'apprécierait pas, de trois il y avait mes deux amis à côté qui risquaient de se douter de quelque chose en me voyant agir comme ça, et enfin, je ne pensais pas que c'était forcément le bon moment pour faire ça.

Je soupirai et continuai à me battre. C'était de plus en plus dur car mes muscles brûlaient sous les assauts répétés que je devais contrer, sous peine de blessures graves, et de plus en plus de gens partaient, ce qui était une bonne nouvelle en soi, mais du coup ils ne restaient plus que nous face à l'immense marée d'ennemis venus pour nous tuer.

Tam, Linh et Fitz étaient devant, sur la droite. Ils étaient facilement repérables car un grand vide les entouraient, nos opposants ayant préféré s'attaquer à des proies plus faibles, et je les comprenais. Si je me trouvais face à un trio composé d'une personne qui engloutissait ses adversaires dans une nuée sombre, d'une autre qui les noyait, et d'un dernier qui... avait trouvé une épée et essayait de blesser tous ceux qui s'approchaient d'eux... Je les éviterais aussi.

Mais comme quoi, à certains moments, le petit génie était aussi utile que moi.

Je continuai à me battre, utilisant à profit l'entraînement intense que m'avait prodigué les Invisibles - au moins une chose de bonne à retenir de mon séjour là-bas...-.

Bientôt, tous les ennemis qui se trouvaient devant moi reculèrent sous mes assauts, récurrents et aléatoires, de coups de dagues, d'étoiles gobelines ou de télékinésie.

Mais ce que je faisais n'était, bien sûr, en rien comparable à mes alliés.

Bronte décimait par dizaines les elfes aux capes avec le symbole glauque grâce à son instillation. Oralie, que je n'aurais jamais cru aussi courageuse, était restée, contrairement à plus de la moitié des autres Conseillers qui avaient tout simplement fui...Bon, elle ne faisait pas grand-chose, armée seulement d'une épingle à tête rose bonbon, mais c'était l'intention qui comptait. Derrière elle se trouvait le corps depuis longtemps refroidi du Conseiller Emery, ainsi que le Conseiller Terik qui grimaçait de douleur et ne pouvait bouger à cause de sa jambe. Elle défendait les deux comme une mère, montrant sa babiole pour cheveux dès qu'un ennemi s'approchait trop selon elle. Bien sûr, elle n'était pas seule, la Conseillère Zarina était à ses côtés et protégeait bien plus efficacement, force était de le dire, ses collègues grâce à de nombreux éclairs. Un elfe, qui faisait sûrement parti de l'émeute vu que sa tête ne me revenait pas, était rafaleur et mobilisait le plus possible son pouvoir en lançant de grandes tornades de vent dans les rangs ennemis, qui ne semblaient malgré tout jamais diminuer.

Le dernier petit groupe de manifestants qui ne souhaitaient pas rester disparaissait au loin. Nous ne devions être plus qu'une quinzaine à faire face aux Invisibles.

Dans mon compte des personnes restantes, j'étais devenu distrait et ne vis qu'au dernier moment le sabre en face de moi, tenu par une main puissante qui ne permettait pas la moindre parade.

Il était trop tard pour reculer, Foster se trouvait derrière moi et elle risquait de se faire toucher si je bougeais.

Je restai donc stoïque, attendant la mort, les yeux clos. Je ne sentis rien.

Enfin pas la lame froide sur mon cou, mais deux mains chaudes qui entouraient ma taille.

J'ouvris les yeux.

C'était les mains de Foster.

Qui avait pris mon coup.

Je ne savais pas comment elle avait fait pour se déplacer aussi vite mais ce n'était pas le plus important.

Ce n'était tout simplement pas possible. Foster ne pouvait pas être morte. Elle était forcément vivante, en train de nous attendre à Havenfield parce que Grady l'avait obligée à revenir.

Ce n'était pas elle la personne sur moi, au corps qui refroidissait de secondes en secondes.

C'était tout simplement impossible...

Une hallucination ! Ma mère avait dû trouver un télépathe surpuissant qui pouvait créer des mirages.

Foster ne pouvait pas être morte.

...Mais alors, pourquoi l'elfe dans mes bras avait les yeux aussi chaleureux que les siens, une odeur de fleurs inimitable ? Et surtout, pourquoi tout le monde se réunissait autour de ce corps, pourquoi Oralie avait rangé son épingle pour sortir un éclaireur de sa poche?

Pourquoi ?

De mes yeux coulaient désormais de grosses larmes. C'était de ma faute si Sophie était morte.

De ma faute.

J'aurais dû contrer le coup, quitte à me briser le bras. J'aurais dû être plus attentif, moins préoccupé par les Conseillers que par ma Foster.

J'avais échoué.

Une douleur vive à ma joue me ramena soudainement au présent.

Face à moi se tenait Fitz, les sourcils froncés et les lèvres tremblantes. Le corps tendu à l'extrême, il cria à s'en casser la voix:

- C'est bon Keefe, arrête ! Sophie n'est pas encore morte! On peut l'amener à Elwin, on peut la sauver ! Alors arrête... C'est juste comme d'habitude... Elle va encore se réveiller et nous sourire. On rigolera comme avant... Elle n'est pas encore morte... Ce n'est pas possible... C'est impossible...

Durant tout le long de sa tirade, les larmes avaient dévalé ses joues et il les essuya rageusement. Ses yeux étaient rougis mais sa voix ne tremblait presque plus lorsqu'il déclara:

- On va la sauver.

J'inspirai.

Il avait raison, la poitrine de Foster se soulevait encore faiblement.

Elle était encore en vie.

Je la pris et enveloppais ma concentration autour de son corps, devenu frêle devant la mort, tout en épongeant le sang de sa blessure à la nuque avec la manche de ma chemise.

Tous observaient le corps dans mes bras, le regard mouillé.

Foster, notre Foster, avait du mal à garder les yeux ouverts et, quand elle y arrivait, ceux-ci roulaient dans leurs orbites. Elle ouvrit la bouche et essaya de me parler, mais du sang, qui coulait dans sa gorge, l'étouffa. Elle cracha et décida finalement de me parler par télépathie.

Tu n'y es pour rien Keefe, c'est moi qui ai décidé de prendre ce coup. Ce n'est pas toi qui a bougé, c'est moi. Je voulais te sauver. Dis leur que je les aime... Des lettres sont dans mon bureau à Havenfield, mes adieux, il y en a une pour chacun. Je les avais faites au cas où, à cause de tous mes rendez-vous manqués avec la mort. Je ne pensais pas qu'elles serviraient vraiment un jour...

Elle commença à sangloter, prenant conscience de la vie qui lui était arrachée. Mes larmes se mêlèrent aux siennes, tombant sur ses joues trop pâles.

Je répétai presque mot pour mot ce que m'avait dit Fitz tout à l'heure après ma crise de nerfs:

- Ne dis pas ça, tu vas survivre. On est à Havenfield, Grady et Edaline courent vers nous avec Sandor et Ro. Biana a déjà appelé Elwin, il arrive d'une seconde à l'autre. Tout ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir, murmurai-je en tentant de me convaincre moi-même.

Elle ferma les yeux brièvement à la mention de ses parents et ses larmes redoublèrent. Je m'en voulus aussitôt, mais elle m'empêcha de me morfondre plus longtemps en répondant à mon discours d'encouragement, plus que morose.

Arrête Keefe, tu sais aussi bien que moi que ça ne se passera pas comme ça. Après si je survis ça ne me dérangerait pas, mais j'ai un gros dou...

Elle toussa et cracha encore du sang.

Mon cœur s'affola et je demandai à Biana où était Elwin. Il était censé être arrivé à cette heure-ci, non !?

Elle me fixa pendant quelques secondes sans répondre, et j'eus l'impression qu'elle ne m'entendait pas, qu'elle était partie dans un coin secret où n'existaient ni morts ni blessés, seulement des nuages pailletés et des bébés alicornes. Quand elle ouvrit enfin la bouche et balbutia qu'elle n'en savait rien, avant de se remettre à pleurer, ce qui étala d'autant plus son maquillage sur ses joues alors qu'il ne ressemblait déjà plus à rien, je sentis un vide se faire dans ma cage thoracique, là où se trouvait auparavant mon coeur.

Tam avait tout entendu et fixait sombrement Sophie. J'aurais pu croire qu'il ne ressentait rien à cause de son visage neutre, mais les larmes intarissables qui coulaient le long de celui-ci me contredisaient.

Dex tapotait maladroitement le dos de Biana, qui était repartie dans son monde imaginaire, loin de tous ces problèmes.

Elle était en train de se préparer à la mort de sa meilleure amie.

Foster allait mourir et personne ne pourrait l'en empêcher.

La mort la prendra et ne laissera qu'un arbre frêle derrière elle.

Un deuxième.

Si cela devait arriver, si Elwin n'arrivait pas, il fallait que je lui dise quelque chose.

Je la secouai doucement, autant pour avoir son attention que pour vérifier qu'elle était toujours avec nous. Pendant un moment qui me sembla interminable, elle ne fit rien. Puis elle cligna des yeux et je me lançai.

- Foster, je...

Non, l'heure n'était pas à la distance.

- Sophie, repris-je, je t'aime.

Elle écarquilla les yeux.

Elwin arriva enfin et se précipita vers elle, me la prenant et la posant délicatement sur le canapé. Pendant un instant, je sentis sa présence familière dans mon esprit.

Mais elle ne put jamais me donner sa réponse car son corps se relâcha et elle mourut, un mince sourire sur le visage.

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