24.

Je regarde l'heure sur mon téléphone. Il est tôt. Trop tôt pour que je me lève maintenant. Loïk dépose un baiser sur ma joue. Lui non plus ne dort pas.

- Ça va ? me demande-t-il doucement.

- Ça pourrait aller mieux.

Il resserre la prise qu'il a autour de ma taille.

- T'as eu le sommeil agité.

- Désolé... Je t'ai empêché de dormir.

- C'est pas grave. J'ai jamais réussi à faire des nuits complètes de toute manière.

Sûrement dû à son habitude de ne jamais baisser sa garde dans la rue. Davantage la nuit.
Je me tourne vers lui et passe mes doigts sur sa joue. Sa barbe commence à pousser.

- Loïk ? Est-ce que c'est normal que j'aime t'imaginer avec une barbe ?

Il rit dans mon cou et embrasse ma peau. Il pique juste un peu. Juste de quoi me faire frissonner.

- À toi de me le dire.

Je l'embrasse pleinement, mes deux mains encadrant son visage.

- En fait, j'adorerais te voir avec.

Son sourire fait fondre mon cœur et mes mains se posent dans sa nuque pour le pousser à m'embrasser encore une fois. Il jette la couette à nos pieds et revient vers moi, du désir plein les yeux. L'une de ses mains caresse mon ventre et joue avec l'élastique de mon boxer. Sa langue rencontre la mienne et je l'invite à venir entre mes jambes.

- J'ai envie de toi, soupire-t-il dans mon cou qu'il embrasse.

Un long frisson remonte ma colonne. Je sens tout le désir qu'il a pour moi entre mes cuisses. Moi aussi, j'ai envie de lui. Moi aussi, je voudrais réellement continuer et me laisser aller. Mais quelque chose me tracasse. À chaque fois que l'on passe un moment intime, un événement vient chambouler notre extase. L'appel de son frère, notre éloignement, le message de mon père... À croire que quelqu'un s'acharne sur nous. Je l'éloigne un peu alors qu'il commence à vouloir embrasser mon ventre.

- Attends. Loïk, attends.

- J'ai fait un truc qui fallait pas ?

- Non, pas du tout. C'est moi. Je... On est chez moi. Imagine mon père débarque !

Il se lève du lit et récupère ses affaires pour les mettre rapidement.

- Dans ce cas, je préfère qu'il ne me voie pas dans cette tenue, ni dans ton lit.

On entend des pas dans les escaliers. Je regarde Loïk. Loïk me regarde. Puis je me lève pour lui ouvrir la fenêtre.

- Pars avant qu'il te voie !

- La prochaine fois, tu ne me laisseras pas dans cet état, je te préviens ! plaisante-il sur un ton qui se veut strict.

Je sais de quoi il parle. Je suis aussi frustré que lui. On s'embrasse prestement et je l'observe quitter le jardin. Il m'envoie un signe depuis la rue auquel je réponds, j'enfile de quoi me couvrir et quitte ma chambre. Je tombe nez à nez avec Noé, qui me sourit. Il sait.

- Si tu dis rien à Papa pour le verre, je dirai rien sur le fait que Loïk a passé la nuit ici.

- Comment tu sais pour-

- La moto. Elle était dans la rue, complète-t-il.

- Vendu. T'as nettoyé au moins ?

- Tu me prends pour un idiot ?

Je fais non de la tête avec un sourire.

- De nous deux, c'est toi le plus malin.

- Oui. Ça ne fait aucun doute. Je n'aurais jamais eu l'idée d'emmener mon copain ici sans avoir demandé à Papa avant.

- Tu as un petit-ami ? demandé-je peu subtilement.

- De nous deux, c'est décidément toi le plus bête.

Je vois son sourire quand il va dans la salle de bain pour nettoyer ses mains. Dois-je comprendre que mon frère aime quelqu'un ? Si c'est ça, je suis vraiment content pour lui. Il mérite d'être heureux. Il est même plus légitime que moi de l'avoir ce foutu bonheur.

Je descends les escaliers et vois mon père, endormi dans le canapé, la télévision diffusant les informations en fond sonore. Je vais pour l'éteindre, mais il se réveille subitement, me faisant sursauter.

- Tristan ? Il... Il est quelle heure ?

- Six heures et demi.

- Et merde.

Il s'assoit et se frotte le visage, exténué. Je remarque une bouteille de vodka à moitié vide sur la table basse. Sans verre. Mon regard accusateur croise le sien, coupable.

- Papa...

- Ton frère est où ?

- Salle de bain. J'imagine que c'est lui qui a retiré le verre de tes mains.

Il hausse des épaules et se lève du canapé, faisant craquer ses genoux. Remords et alcool ne font vraiment pas bon ménage. Surtout chez mon père.

- Maman te manque ? demandé-je brusquement.

Il m'observe un instant et baisse la tête. Il n'ose même pas m'affronter.

- J'ai perdu mon ex-femme. Donc oui. Un peu.

Je ferme les yeux et les poings.

- T'as honte de ressentir quelque chose ?

- Non. J'ai honte de ne rien ressentir du tout.

C'est trop. Trop pour moi. Il ne ressent rien. Moi, je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie.

- J'ai perdu ma mère !

- Je sais, Tristan ! Mais elle est morte et ça ne changera rien !

- Je l'aimais ! Elle faisait partie de ma vie, quoi que tu en dises !

- La femme qui a essayé de tuer ton propre frère ?!

- Elle n'était pas que ça ! Mais toi, tu ne l'as jamais aidé alors que tu savais qu'elle ne voulait pas de lui ! Pas après Roxanne !

Le bois des escaliers craque. On cesse notre dispute pour lever les yeux vers Noé, qui s'accroche à la rambarde. Il a tout entendu. Ses yeux embués le prouvent.

- Noé...

- Je vous déteste...

- Noé, je vais t'expliquer, commence notre géniteur.

- Je vous déteste ! Tous les deux !

Il lui faut une seconde pour descendre le reste des marches et quitter la maison. Il m'en faut une supplémentaire pour le suivre dehors. En pyjama et chaussettes. Il s'est volatilisé dans la rue. Je jure et rentre dans la maison, courant à l'étage pour me changer. J'enfile les premiers vêtements qui me tombent sous la main et redescends tout aussi vite les marches.

- Tristan...

- Toi, tu restes là au cas où il reviendrait.

Il ne répond rien de plus et me laisse partir. Il me laisse partir chercher son fils sans même m'aider. Je me demande parfois, pourquoi il a voulu avoir des enfants. Pourquoi il a tenu à nous garder.

Je marche une bonne dizaine de minute, dans les ruelles, les endroits où il aime aller. Mais Noé est introuvable. J'en viens à imaginer les pires des scénarios. Il est un peu moins de sept heures du matin, il fait nuit, froid et n'importe quoi pourrait lui arriver. Il n'a même pas pris son téléphone portable. Il pourrait croiser n'importe qui.

Mon cœur rate un battement quand mon téléphone se met à sonner dans ma poche. Il faut que ce soit lui.

- Noé !

- Ah, raté ! Mais ton frère est au café avec moi. On t'attend.

Loïk est mon sauveur. À tous les niveaux.

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