15.
Je connais désormais chaque recoin de son lit. Après le concert, Loïk m'a proposé de venir chez lui. Je n'ai pas pu refuser. Il n'a pas pris la peine de me faire visiter son appartement et nous sommes directement aller dans sa chambre. On s'est embrassé, caressé et on a vraiment apprécié. Je ne sais pas si, techniquement, on a fait l'amour. Mais on a au moins partagé quelque chose d'intime et de doux. Quelque chose que je n'avais jamais fait auparavant. Pas que je n'étais pas doux envers les filles avec qui j'avais des relations sérieuses, mais clairement, ça n'avait rien à voir avec ce que Loïk m'a fait ressentir.
Je tâtonne le lit à côté de moi, cherchant son corps et sa chaleur. Mais je ne trouve qu'une place vide et froide. Je me redresse en l'appelant, encore un peu endormi. Je balaie la pièce du regard et le retrouve accoudé à la fenêtre, une cigarette entre les doigts. Il est simplement habillé d'un short de sport, laissant le côté gauche de son torse bien dessiné à ma vue. Et la marque violette sur son cou. Mon œuvre. Je ne sais pas vraiment ce qu'il m'a pris. D'ordinaire, je ne suis pas adepte des suçons. Mais dans l'euphorie du moment, je voulais le marquer. Lui laisser un peu de moi sur son corps parfait. Et peut-être même pour montrer aux autres qu'il est déjà pris.
Il a dû m'entendre me lever, car il se tourne vers moi avec le sourire.
- T'as bien dormi ?
J'acquiesce et me frotte les cheveux, tentant de dompter ma crinière.
- Je savais pas que tu fumais.
- Je ne fume que quand j'ai sérieusement besoin.
Je quitte le lit et le rejoins, entourant sa taille d'un bras. De l'autre, je récupère sa cigarette pour fumer aussi.
- Tu fumes aussi ?
- Seulement quand tu n'étais pas là. Mais là, c'est trop tentant.
Le voir fumer me donne l'irrépressible besoin de faire la même chose. Je me presse un peu plus fort contre lui et pose ma joue contre sa poitrine. Sa main libre vient se caler contre ma hanche et il la caresse avec son pouce.
- Tu veux manger un truc ? me propose-t-il en récupérant le tube de nicotine.
- Ça compte si je dis toi ?
Il secoue la tête avec le sourire, dépité par mon comportement. Mais il vient tout de même m'embrasser. J'en veux plus à chaque fois. Je passe mes bras autour de sa nuque et le tiens encore plus près. S'il est possible de le faire.
Il se recule un peu pour reprendre son souffle.
- Si tu n'existais pas, il faudrait t'inventer.
- Et toi aussi...
- Pourquoi ?
- Ça fonctionne pas un Tristan sans Loïk, déclaré-je sérieusement.
Il rit, écrase le mégot dans un petit pot en céramique et me prend dans ses bras.
- Tu sais aussi ce qui ne fonctionne pas ? me demande-t-il sérieusement.
- Euh... Non.
- Ma retenue quand je te vois si peu couvert.
J'éclate de rire quand il me soulève du sol et passe mes jambes autour de sa taille, ses mains sous mes fesses.
- On va visiter quoi cette fois ? l'interrogé-je en caressant sa nuque.
- Je te propose ma douche et après la cuisine.
- Et bien ce programme me plaît. Je te suis.
Je ne sais pas sur quelle mesure on peut compter sa force, mais il n'a aucun mal à me porter jusqu'à sa salle de bain.
Après une douche utile, mais quelque peu blâmable, -honte à nous et à son corps trop désirable pour moi-, je me retrouve sur un tabouret de son bar de cuisine. Loïk, bien trop habillé à mon goût, s'active à préparer quelque chose de consistant pour nous. Il est déjà presque midi et le dernier repas que j'ai mangé remonte à hier soir. Sauf si l'on peut considérer que nous nous sommes dévorés cette nuit. Ce qui m'étonnerait franchement.
- Tu sais cuisiner en plus de ça ?
- Quelques trucs. Ce n'est pas non plus de la cuisine gastronomique, mais ça remplit le ventre.
Il dépose devant moi une assiette de pâtes au poulet avec une sauce au pesto. Je commence à manger sous son regard indiscret. Il veut savoir ce que j'en pense. Je lâche un drôle de bruit. C'est délicieux.
- Putain, dis moi qu'il y a quelque chose que tu ne sais pas faire. À part le café.
Il éclate de rire et semble sérieusement cherché quelque chose qui pourrait être un petit défaut.
- Je suis encore au stade bonhomme bâton en dessin.
- Et... Ça peut pas être juste ça ! C'est pas possible !
- Je crois que je suis mauvais joueur.
Je finis mon morceau de poulet, m’essuie la bouche et me penche vers lui au-dessus du bar.
- Tu crois ou tu es sûr ?
- Je crois que je suis sûr. J'aime pas perdre.
- Donc, tu sais pas faire le café, tu as un côté mauvais joueur, tu ne sais pas dessiner, tu fais de la guitare, du piano, de la boxe, de l'Urbex, de la moto, tu es propriétaire et tu as un job, énuméré-je.
- Tu viens de faire mon profil. Ça sert à quoi ? sourit-il en piquant un morceau de poulet.
- Je cherche des arguments à donner à mon père pour pouvoir venir te voir plus souvent.
Il se mord la lèvre, passe de l'autre côté du bar et attrape mes hanches.
- Il n'aura aucune raison de te laisser revenir si tu ne pars pas d'ici.
- Tu comptes me kidnapper ?
- Te retenir dans mon lit, c'est déjà bien.
Il me porte cette fois comme une princesse et j'en profite pour l'embrasser.
- Est-ce que tu savais que ton canapé est juste à côté de nous ?
Il jongle entre moi et le sofa. Puis il m'allonge dessus et me rejoint. Nos vêtements volent à travers la pièce.
On n'a pas besoin d'aller très loin pour prendre du plaisir avec l'autre. Y compris dans les envies. Je crois que je peux le dire. Cette nuit et en ce moment même, je fais l'amour avec Loïk. Le canapé se retrouve vite trop étroit pour nous deux et il m'entraîne avec lui sur son tapis. Je ris en tombant sur lui et il vient rencontrer mes lèvres. Je ne sais pas combien de temps, on passe sur ce tapis, mais on se retrouve vite, mal à l'aise. Son lit est bien plus confortable. Des caresses, des gestes, des baisers, des gémissements... Je ne m'en lasse pas.
Loïk a gémi mon prénom, son sexe qu'il frotte contre le mien. J'écarte les jambes et je le laisse venir encore plus près. Je gémis aussi son nom, griffant son dos par la même occasion. Je ne veux pas que ça s'arrête. Mais mon corps en décide autrement. Et le sien aussi, apparemment.
On s'effondre sur son lit, dans un concert de soupirs.
- C'était... commencé-je, essoufflé.
- Ouais...
Il me prend dans ses bras et j'entends son cœur battre un peu plus doucement. Nous sommes tout collant et poisseux, mais ça ne semble pas le déranger. Il dort déjà.
Moi, je n'y arrive pas. Je repasse ce qu'il vient de se passer en boucle dans ma tête. On a fait l'amour. Peut-être sans le faire conventionnellement, mais l'amour quand même. J'ai fait l'amour avec un garçon. Un garçon m'a fait l'amour. Loïk et moi, on a fait l'amour. C'est quelque chose que je n'imaginais même pas m'arriver deux mois auparavant.
Sa main serre un peu plus fort ma taille et je le regarde. Ses yeux sont ouverts et brillants.
- Loïk ?
- Dis-moi que t'es là et qu'on chez moi. Dis-moi que je ne rêve pas.
- On est chez toi, dans ton lit.
Il pose sa tête sur mon torse et j'essuie une larme sur sa joue.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Pendant une seconde, j'ai cru que j'étais de nouveau dehors, soupire-t-il tristement contre moi.
Je le câline doucement et embrasse son crâne.
- Dehors, c'est... commencé-je.
- Horrible, reprend-t-il. Tu vis au jour le jour en espérant ne pas te réveiller le lendemain. La faim te dévore littéralement... Et les gens... Ceux qui t'ignorent. Ceux qui te regardent. Ceux qui croisent ton regard et qui font comme si tu n'étais pas là. Ceux qui ont la gentillesse de parler un peu avec toi. Ceux qui t'offrent un petit truc. Ceux qui veulent t'offrir quelque chose en échange de faveur. Tu sais... J'ai pensé plusieurs fois à me jeter d'un pont ou sur la voie ferrée. Juste pour que tout s'arrête.
Je le serre aussi fort que j'en suis capable, comme si j'avais peur qu'il glisse entre mes bras.
- Mais j'arrivai pas à me faire à l'idée que si je le faisais vraiment, je cesserais d'exister. Et que personne ne le saurait... Mes parents auraient peut-être été mis au courant un beau jour, mais personne ne m'aurait pleurer.
- Uriel, Pravin et les autres ?
- Ils ne l'auraient sûrement jamais su... Je remercierais jamais assez Uriel. Il m'a réellement sauvé la vie. Plusieurs fois.
En soit, je comprends un peu mieux le comportement d'Uriel à mon égard. Il cherche simplement à protéger Loïk.
Il prend ma main et la pose sur sa cuisse, à l'emplacement d'une profonde cicatrice. Invisible s'il porte quelque chose.
- J'étais chez Uriel. Il bossait et pas moi. Compliqué sans aucun diplôme. Je me sentais comme un fardeau pour lui. Il me payait tout. Alors j'ai profité qu'il ne soit pas là pour tenter d'en finir. Mais idiot, j'avais pris mon téléphone à côté de moi et j'ai répondu quand il m'a appelé. Le bar où travaillait Melkior cherchait un serveur.
Je n'ai pas besoin de répondre. Je le tiens simplement un peu plus. Maintenant, j'ai moi aussi des choses à lui dire.
- Ma mère a tenté de se suicider avec Noé dans ses bras, déclaré-je à mon tour. Elle ne voulait pas élever un fils avec un TSA.
C'est à son tour de me tenir un peu plus fort.
- Je l'ai vu. J'allais dans ma chambre pour faire mes devoirs et je l'ai vu. J'avais douze ans. Il y avait du sang partout dans la baignoire et sur le sol. C'était...
- J'ose pas imaginer...
Je prends son visage entre mes mains et le regarde avec sérieux.
- Si jamais tu ressens l'envie ou le besoin de refaire une chose pareille, je t'en supplie, je veux que tu m'en parles. Ou à Uriel. Ou à n'importe qui d'autre. Mais ne supporte pas ça tout seul. Parce que moi, je supporterai pas qu'il t'arrive quoi que ce soit.
Il hoche la tête et pose son nez dans mon cou. J'en profite pour le rapprocher de moi, passant mes deux bras dans son dos. Je ferme les yeux.
Je ne sais pas ce que je ferai sans lui.
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