Chapitre 4

La mère de Thomas, heureuse que son fils s'en soit sorti indemne grâce à l'aide d'un de ses camarades, entreprit de faire un Banana Bread - ce fameux pain aux bananes dont elle avait le secret - qu'elle demanda d'offrir à Mika en signe de gratitude. Thomas aurait voulu détruire ce gâteau et lui dire qu'il ne le méritait pas, mais il resta muet. Il serait vain de la raisonner. S'il devait s'y atteler, il serait obligé d'avouer son secret. Et cela lui était impossible. Il s'enterrerait avec. Cependant, il n'était pas contraint de respecter sa demande aussi prit-il sur sa pause du midi pour le déguster avec James. Il remit également les restes du Banana Bread à son ami parce qu'il aurait été étrange de revenir avec ledit gâteau. Ce jour-là, une merveilleuse surprise l'attendit. Elle égaya un peu sa journée, lui qui avait l'impression de passer par des montagnes russes de sensations.

Qui aurait cru que Thomas aurait un admirateur secret ? Effectivement, le lundi suivant, il se rendit à l'école pour trouver dans son casier, un ours en peluche. Aucun mot, aucune note. Juste un ours en peluche. Qui le lui avait offert ? James ? C'était la seule personne qui connaissait son code de cadenas. Pourtant, quand il demanda à son meilleur ami, celui-ci lui répondit qu'il ne ferait certainement pas cela, préférant faire mourir l'amour que Thomas avait pour lui.

Le lendemain, ce fut un petit gâteau décoré qui trônait sur sa pile de livres. Le surlendemain, une succulente dans un petit pot. Chaque jour, il avait un nouveau cadeau. Chaque jour, il souriait tous les matins en ouvrant son casier et découvrait la petite attention que son admirateur secret lui donnait. Un admirateur, car il serait ridicule de penser que les cadeaux venaient d'une femme. Dorénavant, tout le lycée savait qu'il était gay, aucune dame ne perdrait son temps à tenter de gagner son coeur ainsi.

Peut-être que les choses allaient s'améliorer ? Après tout, Mika n'avait plus essayé de lui parler, même si son regard était toujours braqué dans sa direction lorsqu'ils se croisaient. Il faisait encore de nombreux cauchemars, mais quand cela lui arrivait, il avait désormais un peu de réconfort. Il serrait l'ours en peluche contre lui dans l'optique de dissiper son mal-être. Il n'avait pas repris de poids, manger restant une épreuve difficile quand l'angoisse le saisissait de nulle part, mais ses crises de paniques s'espaçait lentement. Ce qui était un bon point. Tant qu'on ne l'enfermait pas dans les vestiaires avec Mika.

Au début de la semaine suivante, ce fut un billet de spectacle classique qui l'attendait sagement dans son casier. Aux yeux de Thomas, il ne faisait plus aucun doute que James se trouvait derrière tous ces cadeaux. Pourquoi lui avoir menti ? Cela, il n'en savait rien. Mais James était le seul au courant pour sa passion concernant la musique classique. Ce n'était pas très courant pour quelqu'un de son âge, aussi gardait-il le secret. Il était persuadé que seul sa mère et son meilleur ami le savait. Pourtant, sur l'heure du midi, James continua de nier toute implication dans ses présents. Mais alors, qui était au courant ? Et pourquoi lui offrir tout cela sans même lâcher un seul indice sur l'expéditeur ? Il n'était pas assez doué en énigme pour résoudre celle-ci, mais il aurait bien aimé avoir un nom. Pour le remercier de faire de ses jours quelques choses de positifs. Chaque matin, il ouvrait ce casier et recevait une bouffée d'amour gratuite.

Ce soir-là, il s'habilla d'une belle chemise et d'un pantalon propre. Assis côté passager, il tenait son billet, excité. Sa mère n'avait pas accepté l'idée de prime abord parce qu'elle ne concevait pas que son fils sorte un soir de semaine pour participer à un concert. Cependant, c'était la première fois depuis quelques semaines que son fils semblait heureux. Et après toute la détresse que son garçon avait reflété durant les dernières semaines, impuissante, elle n'avait pu lui refuser ce cadeau.

''Avec qui y vas-tu ?''

Thomas se tourna vers sa mère, surpris par la question.

''Je n'ai qu'un billet, maman.''

''Je sais, mais celui qui te l'a offert à dû garder l'autre. Non ?''

Soudain, l'angoisse assaillit Thomas. Il n'avait pas prévu d'avoir un rencard. A dire vrai, cela ne lui avait même pas effleuré l'esprit. Il aurait mieux repassé sa chemise s'il avait su. Il aurait tenté de coiffer ses cheveux généralement ébouriffés. Il aurait pris du rince-bouche aussi ou penser à amener de la gomme. Il déglutit en tremblant et observa sa mère, apeuré, pendant qu'elle se stationnait devant la salle de spectacle.

''Amuse-toi bien, mon amour. Appelle-moi dès que le spectacle finit.''

Thomas hocha la tête et sortit de la voiture, tremblant. Il donna son billet au portier qui le laissa entrer à l'intérieur. Anxieux à l'idée de rencontrer son admirateur, il se tordit les doigts tout en cherchant sa place. Doutant de lui et de chaque partie de son physique qu'il jugeait indésirables, il se rendit à sa place. Les sièges autour de lui étaient vides et il s'assit en priant pour que son admirateur ne se présente jamais. Il ne saurait de quoi lui parler, hormis le remercier sincèrement pour tous ces présents. Et encore, il était certain de bégayer comme un primaire, de s'emmêler dans ses mots et de devenir aussi rouge qu'une tomate.

La salle commença à se remplir et la moyenne d'âge était très élevée. Un couple de sexagénaire s'installa à ses côtés, mais l'autre chaise resta inlassablement vide. Les lumières finirent par diminuer et Thomas commença à se dire que l'autre garçon ne viendrait jamais. Il ne sut déterminer avec exactitude ce qu'il ressentait : déception ? Soulagement ? Un peu des deux, sûrement. Il tenta de relaxer ses muscles et put finalement chasser tous ses doutes quand la première note du violon fut poussée. Il savoura la musique qui l'enveloppa et se pencha un peu plus afin d'admirer les musiciens sur scène.

L'entracte arriva trop vite à son goût, mais il ne put rien faire pour l'en empêcher, quand les lumières de la salle se rallumèrent. Inconsciemment, il tourna son regard vers la place vide à ses côtés et son coeur rata un battement quand il y vit Mika qui l'observait, la tête légèrement penchée.

''Tu avais l'air d'un idiot avec la bouche ouverte comme ça.''

Thomas bondit sur ses jambes et bouscula le couple à côté de lui pour tenter de fuir l'endroit. Malheur à lui, Mika le rattrapa en un rien de temps dans le hall et le tira vers lui, collant leurs deux corps.

''Tommy, qu'est-ce que tu fais ? Ne veux-tu pas voir la dernière partie ?''

Mika fixait son regard mort dans les yeux apeurés de Thomas qui retenait ses larmes.

''Tommy, je te parle. Tu ne réponds pas souvent à mes questions. C'est décevant.''

''Lâche-moi !''

''Si je te lâche, tu vas fuir. Pourtant, je suis gentil avec toi. Je me suis donné du mal pour avoir ses billets. Viens, on va écouter la deuxième partie.''

Mika le tira vers la salle de spectacle et Thomas n'eut même pas l'idée de tenter de fuir. Son poignet était prisonnier d'une poigne de fer qui lui faisait atrocement mal. Raisonner le grand garçon semblait vain et hurler en pleine salle de spectacle n'attirait que des regards curieux sur lui. Et que pouvait-il dire ? "Cet homme m'a violé, éloignez-le de moi" ? Non. Non, il ne pourrait pas en parler. Et il n'y avait aucune preuve.

Mika le ramena à son siège et lui ordonna de s'asseoir. Thomas obéit docilement, se disant qu'il était impossible que l'autre garçon l'agresse en pleine salle de spectacle. Il attendrait que les lumières diminuent pour partir sans se faire voir. Cette possibilité serait uniquement possible si Mika acceptait de lui lâcher le bras. A serrer ainsi, il allait commencer à lui couper la circulation.

Les gens commencèrent à revenir, le couple regagna la position aux côtés de Thomas et les lumières se firent discrètes. Le châtain, lui, ne semblait pas apprécier l'ambiance et sortit son téléphone pour jouer dessus. La musique commença à emplir la pièce et les gens les entourant se retournèrent vers Mika qui ne se préoccupait pas le moins du monde des autres, son smartphone illuminant leurs sièges un peu trop vivement.

Un placier vint le trouver pour lui demander d'éteindre son appareil. Au refus de Mika, il lui demanda de le suivre. De nouveau, le garçon s'insurgea, ne comprenant pas pourquoi il ne pouvait pas être sur son téléphone durant le concert. Il se fit monter le ton et un vigile vint prêter main forte au placier afin de faire sortir le garçon de l'endroit.

Thomas pouvait enfin respirer. Mika n'était plus là. Les gens l'avaient fait sortir. Il était seul. Il pouvait s'éclipser et disparaître avant son retour ou rester et profiter de la dernière partie en toute sécurité. Il décida de rester en espérant que la durée de la seconde partie force Mika à rentrer chez lui, trouvant l'attente longue.

À la fin du concert, il quitta les lieux en même temps qu'un groupe de personnes âgé et sortit son téléphone de sa poche pour appeler sa mère. Il tomba sur le répondeur et recommença en espérant qu'elle entende la deuxième sonnerie. Toujours rien. Il voulut la texter de passer le prendre, quand un bras vint se placer sur son épaule.

''Alors Tommy ? C'était une belle soirée. Je n'en reviens pas qu'on m'ait mis dehors, alors que j'avais payé.''

Mika tourna sa tête vers Thomas dont tout son corps s'était mis en état d'alerte à son contact. Il était crispé et serrait les dents, affolé.

''Viens Tommy. On va aller chez moi. On va s'amuser tous les deux.''

La respiration du petit garçon devient saccadée. Il avait envie de vomir et sa température corporelle avait tellement augmenté qu'elle faisait naître de grosses perles de sueur sur son corps.

''Je ne veux pas.''

''Tommy, si je n'ai pas été assez clair, sache que nous allons baiser, alors viens.''

Thomas enleva le bras autour de son épaule et recula, apeuré, avant de lui hurler après :

''NON ! Ne t'approche pas de moi, sinon...''

Sinon, quoi ? Qu'est-ce qu'il pourrait faire ? Mika faisait deux fois sa carrure, il n'était qu'un gringalet face à un mastodonte. Aurait-il le courage de le dénoncer ? Non. Il ne se sentait pas capable de survivre au jugement des autres. Il cherchait une fin de phrase qui déclencherait un choc chez son interlocuteur, quelque chose capable de lui faire comprendre que ses actes étaient mauvais, mais il ne trouva rien. Et Mika amincit la distance entre eux, lui saisissant le bras.

''Sinon, quoi ? Tommy, te rends-tu seulement compte à quel point tu es ridicule ? On dirait un chaton fâché. Aucune crédibilité.''

Lorsqu'il parla, le visage de Mika se trouva très près du sien. Mal à l'aise, Thomas baissa le regard au sol, tentant de retenir son désir de vomir tout en sentant le souffle du garçon sur sa joue. Voyant que Thomas ne répondit pas, Mika le tira à sa suite dans les rues. 

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